Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien malin qui pourrait, à ce stade de nos travaux, dégager une logique d’ensemble du présent projet de loi !
Cette logique pourrait être, à nos yeux, celle d’un État garant et stratège : garant de la liberté de création, de la sauvegarde du patrimoine et de la qualité du bâti ; stratège en étant apte à articuler la politique de la création autour d’axes forts, et ce afin de fixer un cadre préservant le plus de marges de manœuvre aux collectivités et aux acteurs privés.
Cette conception serait finalement celle d’un État qui trouve sa juste place entre le désengagement et l’ingérence culturelle, ou du moins une approche administrative de la culture, deux écueils que n’évitait pas, hélas, la première mouture du texte.
Non, chers collègues, l’État ne jouerait plus son rôle de garant en décentralisant le régime des secteurs protégés, de même qu’en ne garantissant pas la qualité du bâti, en particulier sur la question des lotissements, quelle qu’en soit la taille.
À l’opposé, l’État se rendrait coupable d’ingérence en recentralisant le dispositif de l’archéologie préventive, largement évoqué par mes prédécesseurs.
En deuxième lecture, où en sommes-nous ?
Le texte a indéniablement évolué dans le bon sens. Il a, en particulier, été amélioré au Sénat, sous la houlette de nos rapporteurs, Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat, dont je salue, une fois encore, l’implication et la rigueur du travail, sous l’égide bienveillante de Mme la présidente Catherine Morin-Desailly. La navette s’est effectuée dans un esprit constructif puisque, sur de nombreux points d’importance, l’Assemblée nationale a conservé les équilibres déterminés par notre Haute Assemblée.
Le progrès le plus net pour notre groupe concerne, bien sûr, le volet patrimoine, pour lequel nous avons inscrit les dispositions de protection dans un règlement annexé au plan local d’urbanisme, le PLU, et non dans le PLU lui-même, une modification clé puisqu’elle sanctuarise ces dispositions, qui auraient pu être plus sensibles à des modifications des plans locaux d’urbanisme.
De même, nous ne pouvons que saluer les convergences de vues en matière architecturale.
En revanche, il est regrettable que demeure une opposition en ce qui concerne les lotissements.
Nous soutenons, bien sûr, la rédaction issue des travaux de notre commission, qui supprime tel ou tel recours obligatoire pour se concentrer sur le projet architectural, paysager et environnemental du lotissement.
L’article est ainsi mieux équilibré. Il permet l’intervention de professionnels variés, en fonction de la situation de chaque lotissement, tout en nous aidant à nous assurer de la qualité du bâti de tous les lotissements. Vous le savez, chers collègues, par vos expériences publiques : l’urbanisme est toujours transversal.
J’en viens maintenant au point qui demeure le plus problématique, l’archéologie préventive, sur lequel, malgré toutes les bonnes volontés, la commission mixte paritaire aura probablement le plus de difficulté à aboutir. Ici encore, nous ne pouvons que soutenir la position de notre commission.
De même qu’il ne fallait pas décentraliser à l’excès le régime de protection des secteurs sauvegardés, symétriquement, il ne faut pas vouloir étatiser l’archéologie préventive.
Le bilan de la réforme de 2003 a été plutôt positif. Nous en débattrons lors de l’examen des articles. Je formule simplement le souhait qu’une position de compromis puisse être trouvée.
Pour aborder en quelques mots le volet création du texte, j’ai, dès le départ, regretté notre incapacité à assigner à la politique de la création un petit nombre d’objectifs très clairs. À vouloir tout faire, on ne fait plus rien, car, si tout objectif est défini dans la loi comme prioritaire, il n’en est, en réalité, aucun.
Nous avons, à mon sens, vous l’avez compris, manqué à notre devoir de faire de l’État un stratège en la matière.
J’admets cependant bien volontiers que la navette aura été constructive, que des positions de consensus ont pu se dégager sur des sujets aussi importants que la production audiovisuelle, le droit de suite en faveur des musées ou le médiateur de la musique.
En conclusion, le texte qui nous est soumis peine à présenter une ligne directrice. Très administratif dans son approche, généreux en contraintes supplémentaires, il cantonne la liberté et la création à son titre. C’est davantage un service public de la culture, pour reprendre une expression qui fut largement employée, qui nous est proposé.
Chers collègues, la vitalité de la culture contemporaine mérite, à mon sens, plus de liberté, plus de confiance dans ses valeurs comme dans ses acteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la culture a besoin d’un soutien politique affirmé. Aux incertitudes économiques et systémiques pesant de plus en plus sur le dialogue et le partenariat entre les collectivités territoriales, les acteurs culturels et parfois l’État, aux inquiétudes liées au désengagement croissant de certains financeurs, à la remise en cause des principes mêmes de la création artistique, doit répondre une volonté politique sans failles.
À l’aune de l’examen en deuxième lecture du présent projet de loi, il en est de notre responsabilité collective. D’ailleurs, cette volonté s’exprime tout particulièrement dans les premiers articles du texte, qui posent des jalons essentiels en proclamant solennellement que la création et la diffusion artistiques sont libres.
À ce sujet, le groupe socialiste proposera de conférer une portée plus normative à ces dispositions fondamentales, en prévoyant une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création ou à la liberté de diffusion artistiques, sur le même modèle que ce qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
Alors que le Festival de Cannes vient de se terminer, n’oublions pas que très récemment plusieurs films, pourtant internationalement reconnus par la critique, ont vu leur visa d’exploitation être annulé en France, à la suite de la plainte d’associations aux visées clairement rétrogrades. Et que dire des arts visuels, voire des arts vivants, régulièrement ciblés ?
La volonté politique que j’évoquais précédemment aboutit à combattre cette idéologie qui voudrait retirer de la création tout ce qui serait contraire à une pensée dominante ou moralisatrice.
Le mérite de la création artistique, mes chers collègues, n’est pas de plaire ; il est d’exister et d’être accessible. Vouloir interdire la diffusion d’une œuvre qui n’est aucunement condamnable au regard de la loi, c’est s’attaquer à l’ensemble et au principe même de la liberté de la création.
Dans ce contexte, je me réjouis donc que le Gouvernement ait confirmé son attachement aux principes fondateurs de la création artistique, en les réaffirmant dès l’incipit du projet de loi.
Cependant, la création ne s’arrête pas aux arts vivants. Comme le rappelle l’intitulé du projet de loi, elle concerne aussi l’architecture. En la matière, l’engagement politique est tout aussi primordial, et les collectivités territoriales doivent s’emparer davantage des instruments à leur disposition afin d’endiguer un phénomène qu’un hebdomadaire qualifiait, il y a quelques années, de « France moche ». Cette question des formes urbaines et architecturales participe aussi de notre manière de vivre ensemble et est donc plus que jamais d’actualité.
Parmi ces instruments figure le « 1 % », malheureusement de moins en moins utilisé par les collectivités. L’article 26 bis du projet de loi vise à améliorer le fonctionnement de ce dispositif. C’est essentiel artistiquement et économiquement pour les arts visuels, les plasticiens. Je regrette que cet article ait été supprimé en commission par la majorité sénatoriale. Le signal envoyé n’est pas favorable à la stimulation et à la défense de la création. C’est pourquoi le groupe socialiste du Sénat soutiendra avec vigueur son rétablissement.
Dans la perspective d’une meilleure qualité architecturale, outre l’article 26 portant sur la labellisation des immeubles présentant un intérêt architectural, je tiens à saluer l’avancée que constitue le « permis de faire » à l’article 26 undecies. Devant l’uniformisation du cadre bâti, le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats pour la réalisation d’équipements publics ouvre un champ des possibles que les professionnels de l’aménagement et du cadre de vie attendaient depuis longtemps.
Pouvoir déroger à certaines normes applicables à la construction est une innovation majeure qui aura un impact visible et évident sur l’environnement urbain ainsi que sur la physionomie de nos édifices publics. À terme, cette expérimentation sera également de nature à simplifier les normes, en éliminant celles qui paraîtront superflues.
Par-delà ce projet de loi, je crois que le recours à l’expérimentation et la validation par l’expérience sont des démarches très intéressantes pour innover et assurer aux acteurs, qu’ils soient publics ou privés, une certaine liberté pour atteindre l’objectif fixé. Le développement de l’expérimentation devrait selon moi s’intégrer au renouveau de nos politiques publiques.
Enfin, j’espère que cette responsabilité collective et cet engagement politique en faveur des arts et de la culture, que j’appelle de mes vœux, se manifesteront au cours de nos débats. En première lecture, nous étions souvent parvenus à un point d’accord, à un compromis, à une position équilibrée, ce qui a favorisé l’émergence d’avancées notables, à l’image de l’article 26 quater sur le recours aux professionnels de l’aménagement et du cadre de vie pour les demandes de permis d’aménagement des lotissements. Je tiens, à ce moment de mon propos, à remercier les deux rapporteurs et la présidente de la commission, qui y ont contribué.
En deuxième lecture, je souhaite que nous continuions dans cette voie et que nous nous retrouvions le plus souvent possible autour des valeurs et de l’intérêt général. La culture, que nous invoquons si souvent face aux tribulations de notre monde, doit occuper une place majeure dans notre société. Elle a besoin de celles et ceux qui y croient, qui défendent les libertés et notre vivre-ensemble, et ce plus que jamais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons donc pour la deuxième lecture de la loi qui marquera le quinquennat dans le domaine de la culture.
D’abord, ce texte poursuit l’objectif politique de l’émancipation de tous par la culture et le décline dans ses différents volets : création, architecture et patrimoine.
Ensuite, le travail parlementaire que nous avons réalisé sur ce texte a permis de l’améliorer, de le préciser et de rapprocher les points de vue sur la très grande majorité des sujets. Le doublement du nombre d’articles au cours de la navette est le reflet de ce travail, dont nous pouvons être collectivement fiers. C’est aussi cette recherche de compromis qui conduit aux grandes lois !
Pour ce qui concerne le patrimoine, il s’agissait de redonner un élan à la conservation, la mise en valeur et la protection du patrimoine auquel nos concitoyens sont très attachés.
Le défi était de parvenir à simplifier les procédures et à rendre plus lisibles les dispositifs, tout en conservant un haut niveau de protection.
Nous pouvons dire que nous avons relevé ce défi. Depuis la première lecture, nous avons avancé sur de nombreux points, notamment parce que l’Assemblée nationale a validé les dispositions que nous avions adoptées au Sénat.
En particulier, l’extension des compétences et le renforcement des facultés de proposition confortent le poids de la Commission nationale et des commissions locales du patrimoine et de l’architecture.
Un périmètre intelligent pourra être déterminé pour les abords des monuments historiques.
Les sites patrimoniaux remarquables – sites ou espaces, nous en débattrons ultérieurement – pourront bénéficier d’un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine, ou PVAP, au lieu du simple PLU à volet patrimonial initialement prévu.
Les collectivités territoriales seront associées plus étroitement à l’État dans l’élaboration des documents d’urbanisme, mais aussi dans le plan de gestion et dans la délimitation de la zone tampon pour le patrimoine mondial.
La place des communes sera valorisée dans la définition et la mise en valeur de leur patrimoine.
Plus largement, via l’architecte des Bâtiments de France, l’ABF, la participation, le contrôle et l’accompagnement de l’État seront renforcés au sein des sites patrimoniaux remarquables.
Reste, bien sûr, le point épineux de l’archéologie préventive, sur lequel nous avons, madame la rapporteur, chers collègues de la majorité sénatoriale, quelques difficultés à nous entendre.
Je crois tout de même utile de rappeler que la politique publique de l’archéologie préventive en France a d’abord été une archéologie de sauvetage, née de la prise de conscience des destructions irrémédiables causées par les grands travaux de la reconstruction d’après-guerre.
L’INRAP et l’archéologie préventive systématique sont l’aboutissement de la nécessité avérée de concilier les exigences de la recherche et de la conservation du patrimoine avec les besoins du développement économique et social.
Nul ne peut nier que cette politique a été efficace, tant du point de vue de l’organisation du secteur que de celui des résultats scientifiques remarquables qui ont été obtenus. On sait combien l’archéologie favorise l’accès à un savoir individuel et collectif fondé scientifiquement au lieu de l’histoire fantasmée qui nourrit les tensions, les peurs et les manipulations.
Pour autant, sous le poids des critiques concernant généralement les délais et les coûts d’intervention, bien souvent imputables au côté scientifique des opérations, la loi de 2003 a ouvert le domaine des fouilles au secteur privé et accordé la maîtrise d’ouvrage aux aménageurs, sans mesurer les conséquences en termes de concurrence.
C’est pourquoi, dans le seul but de maintenir une politique publique efficace de l’archéologie, nous devons rétablir un équilibre, pacifier des relations tendues et gommer les dysfonctionnements provoqués par cette loi et mis en évidence, notre collègue Mireille Jouve l’a rappelé, dans le livre blanc de l’archéologie préventive de mars 2013 et dans le rapport de la députée Martine Faure de mai 2015.
Pour cela, il n’est pas question, comme nous l’entendons trop souvent, de privilégier les uns au détriment des autres, mais, au contraire, de rassembler tous les acteurs de l’archéologie en permettant à l’État de contrôler la qualité scientifique et d’éviter tout dumping.
Vous l’avez dit à plusieurs reprises, madame la rapporteur, vous êtes disposée au compromis. Le groupe socialiste et républicain sera attentif à ce que vous proposerez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous remercier pour la tonalité de cette discussion générale, dans laquelle chacun a fait preuve d’écoute, de volonté de compromis, de celle d’avancer dans le cadre de la séance publique, voire, à défaut, de la commission mixte paritaire.
Je reviendrai ensuite sur quelques-uns des points sectoriels qui ont été évoqués, sans prétendre à l’exhaustivité tant la discussion a été riche.
En ce qui concerne la conception générale de la politique publique en matière culturelle, je ne pense pas, partageant en cela l’opinion du sénateur David Assouline, qu’il faille opposer l’intervention des pouvoirs publics et la vitalité ou la créativité du secteur culturel. Je crois au contraire que l’encadrement par la loi, la réglementation et parfois la régulation qui existent en France ont largement fait leurs preuves au vu de la situation de notre pays et de celle des autres pays européens, pour rester dans des domaines comparables.
Les accords que j’ai signalés dans mon propos liminaire me semblent illustrer parfaitement la complémentarité et la dynamique entre l’intervention du législateur, parfois du pouvoir réglementaire, des autorités de régulation, et les forces « spontanées » du marché. Toutefois, nous savons bien que ces forces du marché, si on les laisse fonctionner seules, sans cet accompagnement, ne produisent pas de diversité. Or la diversité est la richesse même de notre création.
Sur la copie privée et le stockage dans le nuage, je me réjouis de la volonté qui a été exprimée de trouver un compromis. Nous pourrons, je crois, y parvenir, car nous partageons la même préoccupation, qui est de permettre des avancées dans le cadre de l’évolution des technologies, tout en étant suffisamment prudents pour ne pas déstabiliser les forces qui sont à l’origine du financement de la création.
Sans doute des compromis doivent-ils également être réalisés de notre côté en matière de transparence, vos demandes me semblant tout à fait légitimes.
Pour ce qui est des quotas de diffusion des chansons francophones à la radio, je récuse l’argument selon lequel notre dispositif serait moins protecteur de la francophonie que celui de votre commission. Le texte issu de la commission reprend une partie du dispositif en limitant la rotation des mêmes titres pour satisfaire aux quotas, mais ouvre des possibilités de modulation de cet objectif bien plus fortes. Nous proposons que les quotas soient effectifs et que la modulation ne puisse s’obtenir que dans le cadre d’engagements pris en faveur de la diversité de façon quantifiée, mesurée et transparente.
S’agissant du patrimoine, sujet qui va nous occuper largement, je souhaite préciser que le texte de l’Assemblée nationale ouvre des perspectives de compromis. Je me réjouis notamment que vous ayez déjà trouvé des positions communes sur la propriété publique des vestiges. Pour autant, je ne crois pas que l’on puisse qualifier le bilan de la loi de 2003 d’aussi positif que le fait dans son rapport, qui vient d’être cité, Mme Martine Faure.
En matière d’archéologie, je tiens à souligner que le projet de loi permet, sur l’initiative du Gouvernement, une avancée majeure en transformant l’agrément commun aux collectivités territoriales et aux opérateurs privés valable uniquement pendant cinq ans en une habilitation spécifique. C’est une mesure de simplification pour les collectivités territoriales.
S’agissant du crédit d’impôt recherche, la position du Gouvernement a toujours été sans ambiguïté : nous avons demandé à disposer d’éléments de contrôle et d’informations sur la mise en place du CIR, pour lesquels mes collègues en charge des finances et de la recherche se mobilisent actuellement.
Au sujet de l’architecture, je me réjouis des propos qui ont été prononcés sur le rôle des architectes dans notre société.
À propos du regret qui a été exprimé concernant la disparition de la disposition relative au délai en cas de recours à l’architecte, je souhaite vous indiquer qu’un appel à manifestation d’intérêt auprès des collectivités locales vient d’être publié pour expérimenter une proposition en ce sens avec une collectivité volontaire.
En ce qui concerne la pratique amateur, il me faut réaffirmer devant vous l’objectif qui est le nôtre : il s’agit de sécuriser la possibilité de développer des pratiques amateurs qui sont forces de diversité et de démocratisation de la culture, mais sans ouvrir la brèche à une dissimulation de travail illégal. Des inquiétudes se sont fait jour sur certains termes de la rédaction que nous avions proposée. Aussi vous présenterai-je un amendement visant à lever toute ambiguïté en conservant l’équilibre général du dispositif initial.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous indiquer à titre principal.
Un dernier mot : le plan relatif aux scènes de musiques actuelles, mis en œuvre depuis 2012, vient d’être abondé de 2 millions d’euros pour 2016, afin de développer plus encore ces scènes, sans oublier le crédit d’impôt à venir, qui va également favoriser l’émergence de nouveaux talents.
Sur tous ces sujets, je me réjouis des mots d’équilibre et de compromis qui ont été prononcés. Ils nous permettront très certainement d’avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la liberté de création artistique
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Article 1er bis
La diffusion de la création artistique est libre. Elle s’exerce dans le respect des principes encadrant la liberté d’expression et conformément à la première partie du code de la propriété intellectuelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, sur l’article.
Mme Françoise Laborde. Il est important de reconnaître et de réaffirmer la liberté de diffusion de la création artistique, car c’est à l’occasion de la diffusion des œuvres auprès du public, et non lors de leur création dans l’ombre des ateliers, qu’elles sont attaquées. Cette disposition vise à rappeler aux élus locaux, qui se trouvent souvent assez dépourvus devant des demandes d’annulation d’exposition ou de spectacle, que les collectivités publiques doivent veiller à la diffusion de la création artistique. Il nous faut certes proclamer la liberté de diffusion, mais, en parallèle, il convient d’engager des actions concrètes de politique culturelle sur les plans national et local pour diffuser ces œuvres au public le plus large possible.
Jean Vilar a montré qu’une réflexion sur ce qui se situe autour de l’offre théâtrale proprement dite, qu’il s’agisse des espaces d’accueil, de l’information ou des services, permet de cibler les publics peu coutumiers de ce type de pratiques culturelles. Il faut encourager les nombreuses initiatives locales qui s’en inspirent.
À l’échelon des territoires, il nous faut soutenir les acteurs intermédiaires – éducation populaire, associations, amateurs – et les partenariats avec les institutions qui assurent un meilleur maillage culturel dans les espaces ruraux. À ce titre, je salue le nouveau cadre législatif de la politique de labellisation, qui permet de soutenir des réseaux, comme les centres culturels de rencontre, qui œuvrent dans les milieux ruraux pour organiser des événements culturels ou accueillir en résidence des artistes.
Je soutiens également les dispositions qui encouragent les pratiques amateurs, lesquelles constituent un axe de travail concret pour élargir les publics des institutions culturelles. À nous, législateur, de veiller toutefois à ce que la sécurisation des pratiques amateurs n’engendre pas de concurrence avec les pratiques artistiques professionnelles.
Je suis donc convaincue que les dispositions portées par le volet création du projet de loi favoriseront la création artistique, leur diffusion, mais aussi l’accès à la culture dans les territoires, et contribueront ainsi à élargir les publics.
Je me réjouis donc de cette deuxième lecture.
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mmes Blondin et Monier, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 431-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d’entraver la liberté de création artistique ou la liberté de la diffusion de la création artistique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « aux alinéas précédents ».
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. « Le domaine de la création artistique, parce qu’il est le fruit de l’imaginaire du créateur, est soumis à un régime de liberté renforcé afin de ne pas investir le juge d’un pouvoir de censure qui s’exercerait au nom d’une morale nécessairement subjective de nature à interdire des modes d’expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d’une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie. »
En une seule phrase, les juges de la cour d’appel de Versailles ont apporté, dans leur arrêt du 18 février dernier, une réponse claire, nette et sans ambiguïté au débat qui nous anime cet après-midi.
De ces quelques lignes, il ressort que la création artistique doit être protégée des velléités de censure, de plus en plus nombreuses, d’acteurs ou de collectifs divers.
Quand ils parviennent à leurs fins, comme ce fut encore le cas récemment, cette infime minorité prive alors une large majorité d’avoir accès à une œuvre, en s’attaquant aux fondements mêmes de la création et de la diffusion artistiques. Nous ne pouvons céder sur ce point, à moins de concéder implicitement qu’il existerait un art moralement acceptable et un art moralement répréhensible. Les juges de vertu sont d’un autre temps, et le seul art condamnable est celui qui ne respecte pas la loi.
Ainsi, dès lors que la spécificité de la liberté de la création est établie, et s’il est nécessaire d’y adjoindre un « régime de liberté renforcé », comme le font observer les magistrats de la cour d’appel de Versailles, il faut que celui-ci passe non seulement par la reconnaissance de la singularité de la liberté de création et de diffusion artistiques, mais aussi par la normativité de ces principes essentiels à l’existence, au développement et au rayonnement des arts et de la culture dans notre pays.
C’est pourquoi, pour conférer une normativité à ces principes, nous proposons de créer une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création et de diffusion artistiques, analogue à celle qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
J’ajouterai que, par syllogisme, il serait incohérent de convenir du caractère particulier et même unique de la liberté de création et de diffusion, comme nous venons de le faire, et de vouloir les assimiler, pénalement, à la liberté d’expression. Ces libertés sont bien distinctes et méritent donc une caractérisation pénale en cas d’entrave.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?