M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. … qui a eu à cœur de regarder de près le fonctionnement de l’économie maritime en vue d’apporter des solutions très pragmatiques.
Enfin, j’évoquerai la gestion de nos grandes infrastructures, qui passe par un nécessaire et véritable dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Plusieurs amendements ont été déposés par Charles Revet et le président Retailleau sur la gouvernance des ports. Il faudra les examiner avec beaucoup d’intérêt et d’attention. Dans le contexte actuel de mise en place des nouvelles régions, il est évident que l’État et les régions doivent travailler ensemble pour que nos infrastructures nationales soient un atout en matière de compétitivité dans le commerce maritime européen et mondial.
Avant de céder la parole aux orateurs des groupes, je dirai pour conclure que, même si cette proposition de loi n’est pas, comme je l’ai souligné, la grande loi que nous espérons, que nous attendons et qui ne nous sera sans doute pas proposée avant la fin de ce quinquennat, elle constitue néanmoins un premier pas bienvenu. Il s’agit là d’une étape nécessaire. Car la bataille de la compétitivité n’est jamais gagnée et doit être menée de manière permanente. Il faut tout mettre en œuvre pour que notre pays cesse d’être constamment distancé par ses concurrents européens sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la semaine dernière, le dossier spécial d’un grand quotidien régional et de revues spécialisées titrait : La mer, un moteur pour l’emploi. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à le lire, mes chers collègues, car il est au cœur de la problématique qui se pose aujourd'hui à nous : l’économie bleue nous offrira-t-elle de nombreux et nouveaux débouchés ? Saurons-nous aussi préserver et développer les activités traditionnelles ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui apporte une partie de la réponse. Présentée à l'Assemblée nationale par notre collègue député Arnaud Leroy, elle fait suite au rapport intitulé Osons la mer, qu’il a rendu en novembre 2013, rapport unanimement salué par tous ceux qui se sentent concernés par l’avenir du secteur maritime français.
Depuis, le Président de la République, dans son discours du 6 octobre 2015, et le CIMER du 22 octobre ont rappelé l’impérieuse nécessité de défendre notre économie maritime dans toute sa diversité pour que la France puisse prendre toute la place qui devrait être la sienne au vu de la superficie de ses espaces maritimes et de sa position géographique.
Cependant, entre la vision parfois pessimiste d’Arnaud Leroy quand il parle de l’« impuissance maritime » de la France et celle peut-être trop optimiste du skipper François Gabart, qui assure au contraire que notre pays a « de toute évidence une vraie culture maritime », il y a, à nos yeux, une réelle nécessité et une urgence certaine d’adapter au mieux, par nos débats, le droit du secteur maritime français pour faire face à l’intensification de la concurrence internationale et à la réduction du nombre d’emplois liés à ce secteur.
Or la présente proposition de loi, même si elle présente inévitablement certaines insuffisances, traduit clairement l’engagement présidentiel de protéger notre économie maritime. Certes, elle ne marque qu’une étape dans le processus de maritimisation de notre modèle de développement, une étape qui vient, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé, après la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires et la loi du 8 décembre 2015 tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes ; mais cette étape est absolument essentielle.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison : rien ne serait pire que des déclarations d’intention qui ne seraient suivies d’aucune réalisation ! C’est malheureusement ce à quoi nous avions été habitués pendant un certain nombre d’années…
Il faut rappeler que le secteur maritime, qui réalise près de 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et fournit 300 000 emplois directs hors métiers du tourisme, fait mieux que les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique. Comme le souligne à juste titre M. le rapporteur, « la quasi-totalité des marchés de l’économie maritime sont en croissance ». Au-delà de l’économie bleue, c’est donc bien la croissance bleue que nous devons prendre pour objectif et soutenir, afin de transformer les avantages comparatifs de notre géographie en leviers solides de richesses durables.
Je souhaite, à cet instant, saluer le travail de notre rapporteur et le remercier d’avoir su ouvrir les auditions auxquelles il a procédé. Même si nous ne partageons pas toutes ses analyses, nous avons voté plusieurs des amendements qu’il a déposés en commission et nous avons apprécié l’esprit constructif dans lequel il a travaillé. C’est du reste pourquoi j’ai été un peu étonnée du ton qu’il a employé il y a quelques instants, un ton plus polémique, pour ne pas dire politique…
MM. Serge Larcher et Claude Bérit-Débat. Très politique !
M. Jean Desessard. Et très polémique !
Mme Odette Herviaux. Pour en revenir aux dispositions du texte adopté par l’Assemblée nationale puis amendé par les commissions de l’aménagement du territoire et du développement durable et des affaires économiques, je concentrerai mon propos sur le titre Ier, tandis que mon collègue Serge Larcher s’attachera aux dispositions relatives aux pêches maritimes et aux cultures marines, ainsi, bien sûr, qu’aux outre-mer.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la compétitivité des exploitations maritimes et des ports de commerce est pour moi un sujet de préoccupation ancien. Dans différents rapports, je n’ai pas cessé d’appeler de mes vœux la mise en œuvre de solutions efficaces et concertées – certains disent simplement : de bon sens –, réclamées depuis trop longtemps par les professionnels du secteur.
Même si de nombreux angles morts de l’économie bleue restent à traiter, cette proposition de loi donne de l’oxygène à notre politique maritime, en vue de renforcer la place de notre pays en Europe, sans rien sacrifier des standards écologiques et sociaux.
Promouvoir le « Pavillon France » et renforcer son attractivité : tel est l’objectif premier de la proposition de loi. Le dispositif du net wage visé à l’article 8 contribuera, me semble-t-il, à la compétitivité de l’armement français, en cohérence avec l’approche défendue par le Gouvernement dans bien d’autres secteurs de notre économie.
Dans le même esprit, l’élargissement du mécanisme d’autoliquidation de la TVA, prévu à l’article 3 quater, permettra de lutter plus efficacement contre les distorsions de concurrence qui pénalisent aujourd’hui les ports français,…
MM. René Vandierendonck et Charles Revet. Très bien !
Mme Odette Herviaux. … étant entendu, bien sûr, qu’il faudra lutter contre d’éventuelles fraudes.
De ce point de vue, la création d’une commission des investissements au sein du conseil de développement de chaque grand port maritime favorisera le dialogue entre acteurs publics et privés dans le cadre d’une procédure classique de consultation.
En ce qui concerne les gens de mer, de nombreuses dispositions de la proposition de loi représentent des progrès significatifs. Ainsi, le renforcement des contrôles portant sur le respect des normes du pays d’accueil et de l’Organisation internationale du travail, ainsi que les échanges d’informations entre les affaires maritimes et l’inspection du travail, prévus aux articles 7 et 9, devraient garantir l’application effective de notre droit social maritime. Par ailleurs, les dispositions socles en matière d’aptitudes médicales et de formation des marins continuent à relever de décrets en Conseil d’État, et la protection des délégués de bord contre le licenciement est élargie.
En tant que représentante du Sénat au sein du Conseil supérieur des gens de mer, je considère que l’établissement d’un rapport sur l’avenir de l’Établissement national des invalides de la marine, prévu à l’article 9 bis, est également une sage décision.
Il faut louer aussi la volonté de simplifier, sur laquelle M. le secrétaire d’État a déjà insisté. Qu’il s’agisse de la création d’un document unique pour la francisation et l’immatriculation, de l’instauration d’un permis d’armement fusionnant le rôle d’équipage et le permis de circulation, de la suppression du journal de mer, de la simplification du régime applicable aux jeux de hasard sur les navires à passagers en dehors des eaux territoriales, de la prise en charge des navires abandonnés ou bien encore du renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, les objectifs sont clairs et largement partagés : adapter le droit au monde d’aujourd’hui, pour que seul prévale l’essentiel, c’est-à-dire le respect des droits sociaux et écologiques, grâce à la réduction du temps nécessaire à l’accomplissement des démarches administratives.
Pour ce qui est de la sécurité, la proposition de loi comporte des avancées importantes. La constitution d’une flotte stratégique pour garantir l’approvisionnement de notre pays, notamment en matière d’énergie, est un signe fort de notre souveraineté déterminée face aux menaces.
L’extension au transport maritime jusqu’au 31 décembre 2017 du dispositif dit « PNR », c’est-à-dire du registre des noms de passagers, prévue à l’article 12 sexies, ainsi que le renforcement des contrôles menés par les officiers de police judiciaire et par les agents des douanes, prévu à l’article 12 decies, sans oublier la lutte contre le dumping sécuritaire prévue à l’article 12 bis A, témoignent de la fermeté de l’État pour assurer la sécurité des individus et des biens.
Enfin, en ce qui concerne la gouvernance portuaire, plusieurs dispositions de la proposition de loi reprennent des propositions que j’ai formulées dans mes précédents rapports ; je ne puis donc que les approuver. Je pense en particulier au renforcement de la place des régions et des autres collectivités territoriales au sein des grands ports maritimes, à la représentation des ports décentralisés au sein des conseils maritimes de façade et à celle des associations de protection de l’environnement au sein des conseils portuaires des ports décentralisés, ainsi qu’à la création de conseils de coordination interportuaire, qui permettront de démultiplier les synergies.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer les décisions que notre commission a finalement prises sur un certain nombre de sujets qui ont fait débat entre nous, en particulier le maintien du rapport consacré à la préfiguration d’un code de la mer, la confirmation de l’intitulé de la proposition de loi et la non-remise en cause de l’écocontribution des navires, pour ne pas affaiblir les mesures adoptées dans le cadre de loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Au travers de ces choix, nous avons démontré notre attachement aux enjeux maritimes et notre volonté constante de promouvoir une croissance bleue créatrice d’emplois durables, dans la continuité du travail déjà réalisé par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, à la suite de votre prédécesseur.
Au-delà de ces bonnes décisions, le défi maritime français reste plus que jamais d’actualité et nécessitera une ambition maritime toujours très forte et continue, avec des moyens adaptés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer cette proposition de loi, fruit d’un long travail parlementaire ayant associé une grande diversité d’acteurs. De fait, nous avions besoin d’un texte qui aborde la politique maritime de la France de façon transversale, au-delà de la seule question du transport, en incluant la pêche, l’aquaculture et le tourisme, entre autres questions.
Le domaine maritime de la France, le deuxième au monde, est un atout économique remarquable, cela a été dit, et nous disposons de filières de formation des marins reconnues dans le monde entier. Pourtant, des centaines d’emplois sont détruits chaque année dans le secteur maritime, et le nombre de navires de commerce a nettement baissé. Or des enjeux importants se posent en matière de compétitivité économique, de gouvernance et d’emploi, notamment pour le transport maritime, une activité que les écologistes soutiennent pour son bilan carbone relativement faible. Il était donc urgent d’aborder ce chantier.
De nombreuses dispositions de la proposition de loi marquent de réelles avancées, en sorte que le groupe écologiste votera le texte. Reste que, en dépit de cette appréciation globale, nous avons plusieurs inquiétudes. (Exclamations amusées.)
C’est normal, chers collègues, nous sommes vigilants !
M. Claude Bérit-Débat. Nous allons vous rassurer !
M. Jean Desessard. Par ailleurs, nous déplorons d’importantes insuffisances.
L’une des ambitions ayant présidé à l’élaboration de cette proposition de loi consistait à placer le développement durable au cœur de la réflexion sur l’activité maritime. Or il nous semble que la préoccupation environnementale n’est pas assez prise en compte, alors que l’exigence de protection des milieux marins – océans, littoraux et espèces marines – devrait être au cœur de notre réflexion sur la politique maritime et halieutique de la France.
Comment en effet parlerons-nous de compétitivité économique quand les océans seront si pollués qu’ils n’abriteront plus aucun poisson ? Dans un rapport de 2014, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation estimait que près de 90 % des stocks de poissons sauvages étaient pleinement exploités ou surexploités dans le monde. En Europe, en moyenne 40 % des stocks sont surexploités, et cette proportion monte à 90 % en Méditerranée ! Autre chiffre très inquiétant, fourni par le Conseil international pour l’exploration de la mer : on considère que moins de 10 % des stocks de poissons européens sont en relative bonne santé.
C’est pourquoi nous défendrons plusieurs amendements visant à rétablir un équilibre entre la protection de l’environnement marin et les autres ambitions affichées dans cette proposition de loi. Mes chers collègues, vous aurez ainsi l’occasion de nous aider pleinement à promouvoir la préoccupation environnementale !
Nous soulèverons notamment la question des subventions allouées au secteur de la pêche. Il ne s’agit pas de contester le bien-fondé d’une politique de subventionnement public, tant qu’elle permet de préserver la santé de l’environnement marin et les stocks halieutiques dont les activités de pêche dépendent. Simplement, nous constatons aujourd’hui un déficit de transparence et nous demandons au Gouvernement de rendre publiques ces données, ce qui permettrait de rationaliser les dépenses publiques. De fait, il ne serait pas imaginable que l’argent public favorise la surpêche et d’autres comportements portant atteinte aux milieux marins !
Par ailleurs, nous soutiendrons des amendements portant sur l’aquaculture et la conchyliculture, ces activités donnant parfois lieu à des fuites d’antibiotiques ou de pesticides qui mettent en danger les écosystèmes proches. Nous proposerons de mettre en place un contrôle des rejets des fermes aquacoles et d’instaurer des sanctions en cas de pollution. Nous défendrons également deux amendements se rapportant au suivi sanitaire des bassins ostréicoles : l’un concernera l’étiquetage des huîtres nées en mer ou en écloserie et visera à améliorer la transparence, l’autre portera spécifiquement sur le suivi sanitaire des bassins, qui est aujourd’hui insuffisant.
Nous proposerons aussi d’interdire toute nouvelle activité d’extraction minière en mer au sein d’un site Natura 2000. En effet, il nous semble qu’autoriser l’extraction minière dans un site qui a pour objectif de préserver la faune et la flore ne fait pas grand sens, en plus d’être tout à fait incohérent par rapport aux engagements pris par la France lors de la COP 21.
Enfin, nous soulèverons la question de l’interdiction du chalutage en eaux profondes. Des données rendues publiques en 2014 par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, confirment les ravages de cette technique de pêche sur la biodiversité. Ainsi, dans l’Atlantique du Nord-Est, les chalutiers européens capturent entre 20 % et 50 % de prises accessoires, appartenant à une centaine d’espèces non ciblées, pour la plupart menacées d’extinction. Sur le plan économique, nous savons aussi, grâce à ces mêmes données de l’IFREMER, que la pêche profonde ne concerne qu’une dizaine de chalutiers français, dont aucun ne pratique cette méthode de pêche à plein temps. Leur reconversion ne serait donc pas si difficile et une interdiction de ce type de pêche ne détruirait aucun emploi.
Mes chers collègues, pour une dizaine seulement de bateaux français concernés, pourquoi continuons-nous à autoriser une technique de pêche aussi destructrice ? J’ajoute que la mobilisation citoyenne sur la question du chalutage en eaux profondes est de plus en plus forte. En 2013 déjà, une pétition de l’ONG Bloom, soutenue par trois cents chercheurs du monde entier, avait recueilli 900 000 signatures. C’est le rôle du débat parlementaire que d’apporter de l’ambition, d’alerter et de relayer les préoccupations des citoyens. L’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue nous donne l’opportunité d’aller dans ce sens ! (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que deuxième puissance maritime mondiale, la France mérite une politique maritime plus ambitieuse, ainsi qu’une stratégie de développement claire, orientée vers un juste équilibre entre espoirs écologiques et débouchés économiques réels.
On ne peut envisager le texte qui nous est soumis aujourd’hui, et dont je salue l’initiative, que comme le point de départ d’une réflexion beaucoup plus vaste sur l’avenir de l’attractivité maritime française.
Tout comme M. le rapporteur, nous regrettons la brièveté du délai qui nous a été imparti sur un sujet d’une telle importance : en effet, nous n’avons disposé que de trois semaines de réflexion, alors que nos collègues députés auront bénéficié de huit mois. Cela nous paraît bien insuffisant et peu respectueux du travail de notre Haute Assemblée.
Il nous semble également dommage que le Gouvernement ne s’en soit remis qu’à cette louable initiative parlementaire, et ce en dépit des promesses de campagne du candidat à l’élection présidentielle François Hollande. S’il en avait été autrement, nous aurions eu une étude d’impact, celle-ci étant plus que nécessaire sur un sujet aussi sensible.
Mes chers collègues, en tant qu’ultramarin, je vous confirme que les attentes en ce domaine sont incommensurables ! En effet, 97 % des surfaces maritimes françaises sont situées dans les outre-mer. C’est dire l’importance de ces territoires pour le rayonnement à la fois géostratégique, économique et scientifique de la France dans le monde. Dès lors, nous ne pouvons que déplorer que la place des outre-mer ne soit pas davantage mise en valeur dans le texte.
À Saint-Martin, territoire que j’ai l’honneur de représenter, l’environnement maritime est remarquable. Malgré cela, nous attendons toujours la création d’un comité territorial des pêches maritimes et de l’aquaculture, qui serait rattaché au comité national, comme cela est prévu pour tous les départements ou régions français.
Étant donné les enjeux stratégiques que ce secteur représente pour notre économie, que ce soit en termes d’emplois ou d’approvisionnements, la création d’un secrétariat d’État à la mer aurait favorisé la mise en place d’une politique maritime mieux organisée, qui tienne compte de la diversité des territoires et de leurs besoins respectifs. Son absence est préjudiciable, alors que nos ports maritimes souffrent d’un manque considérable de compétitivité face aux autres puissances maritimes mondiales et que le pavillon français, pourtant sûr et respectueux de l’environnement, connaît une baisse d’attractivité.
Par conséquent, la simplification administrative et les efforts de clarification visés par la présente proposition de loi sont bienvenus et très attendus par les différents acteurs de ce secteur économique.
Par ailleurs, la création annoncée d’un code de la mer constituera une occasion à saisir pour réformer et moderniser notre politique maritime. Elle contribuera à ce qu’une part importante de cette politique soit consacrée aux outre-mer. Évitons ainsi de renouveler l’erreur commise par les trois missions parlementaires, qui ont éludé la dimension ultramarine.
Je salue au passage l’attribution officielle, le 1er mars dernier, à l’eurodéputée allemande Ulrike Rodust, d’un rapport d’initiative sur la gestion des flottes de pêche dans les régions ultrapériphériques. En effet, alors même que l’Europe reconnaît l’importance des ressources halieutiques de nos territoires depuis plus de dix ans maintenant, elle interdit les aides à la construction de navires dans les régions ultrapériphériques françaises. C’est pourtant dans ce secteur que les besoins sont les plus importants ! Nous serons donc très vigilants s’agissant des préconisations issues de ces travaux.
L’économie bleue recouvre également le secteur des énergies renouvelables. Le texte aurait pu aller plus loin dans ce domaine, car la mer, source d’énergies renouvelables non polluantes, devra jouer à l’avenir un rôle fondamental en matière de lutte contre le changement et le réchauffement climatiques.
Afin de faciliter l’implantation de ces énergies, nous avons, à l’instar d’autres groupes, déposé un amendement visant à instaurer une procédure unique d’autorisation, que ce soit dans le domaine public maritime ou en zone économique exclusive.
De la même manière, la simplification normative est nécessaire. En effet, c’est bien la complexité des normes qui pénalise la France et retarde de manière importante la réalisation de ses projets et des objectifs fixés dans le cadre de la transition énergétique, comme on le constate également pour l’éolien terrestre.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà les quelques points que je souhaitais aborder, sans toutefois avoir fait preuve d’exhaustivité sur un sujet aussi vaste.
En tout état de cause, l’heureuse initiative que constitue ce texte démontre que la problématique est désormais bien posée. Au nom du groupe du RDSE, j’appelle de mes vœux à aller encore plus loin dans nos travaux, afin que la France et ses outre-mer bénéficient d’une politique maritime ambitieuse, à la hauteur des enjeux de la mondialisation croissante des échanges !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Guillaume Arnell. Le groupe du RDSE se prononcera donc en fonction de l’évolution du texte et des amendements qui seront adoptés au cours de la discussion. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par rappeler que la mondialisation est l’une des caractéristiques majeures de l’évolution de l’économie du monde au cours de ces vingt dernières années, et qu’elle a eu pour corollaire le développement vertigineux des échanges maritimes.
À l’évidence, la France occupe une place historique et géographique de choix du fait de sa position à la pointe de l’Europe, en lien avec la Méditerranée, l’océan Atlantique, la Manche et la mer du Nord, ainsi que, bien entendu, de l’espace maritime de ses outre-mer. Pourtant, cette place de choix ne la positionne pas en leader, loin de là !
Après avoir confié à René Vandierendonck et moi-même une mission dont l’existence a été rappelée par M. le secrétaire d’État tout à l’heure, le Premier ministre, M. Manuel Valls, m’écrivait récemment que « rien ne peut expliquer que la France, première façade maritime d’Europe, soit durablement un acteur de seconde zone dans le domaine du transport maritime de marchandises ».
Ces mots font écho à la préface écrite par Érik Orsenna dans un document publié par le Centre d’études supérieures de la Marine en novembre 2013, intitulé La Terre est bleue : « Comme chacun sait, les évidences sont les vérités les plus difficiles à voir : elles aveuglent trop.
« On connaît la nouvelle d’Edgar Poe, La lettre volée. On cherche partout un document capital. Et personne ne le trouve. Et pourtant il est là, sur le bureau, visible de tous et personne ne songe à lui, justement parce qu’il est là ».
Mes chers collègues, la mer est là ! Elle représente 70 % de la surface du globe. Elle baigne nos littoraux métropolitains et ultramarins. Pourtant, alors qu’elle est très probablement l’avenir de notre planète et une chance, une formidable opportunité pour la France, elle est oubliée !
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres, qui ne sont pas ceux qu’il est d’usage de citer. Tout d’abord, la mer, c’est 90 % de fonds marins inexplorés.
Ensuite, un porte-conteneurs – l’un de ces gros bateaux que l’on voit sur nos océans – équivaut à 6 000 semi-remorques, à 1 000 Airbus A 380 version cargo et à un train de 300 kilomètres de long.
J’ajoute que 80 % de la circulation mondiale des marchandises se fait par transport maritime et que plus de 90 % des produits et marchandises consommés ou transformés en Europe sont acheminés par la mer.
Enfin, tenez-vous bien, mes chers collègues : 9 milliards de tonnes de marchandises sont transportées par voie maritime chaque année !
Le constat dressé par M. le Premier Ministre, dont je rappelais la teneur à l’instant, doit donc tous nous mobiliser. En effet, il est inquiétant, alors que nous avons largement entamé la quatrième année du quinquennat.
Existe-t-il des perspectives positives ?
Permettez-moi de signaler une avancée intéressante, saluée par notre collègue Charles Revet dans son dernier avis budgétaire : pour la première fois, un document de politique transversale donnant une vision consolidée des crédits, vision indispensable à l’heure où notre pays fait profession de s’engager dans la croissance bleue, et intitulé Politique maritime de la France, a été présenté au Parlement.
Le troisième axe de cette politique transversale s’inscrit bien dans la perspective de développer les activités économiques et l’emploi. En effet, trois objectifs y concourent : tout d’abord, la volonté de réaliser les projets de dessertes au meilleur coût, de planifier et de moderniser efficacement les infrastructures portuaires ; ensuite, l’objectif de développer la part des modes alternatifs à la route en accroissant celle des grands ports maritimes ; et, enfin, celui de promouvoir la flotte de commerce et l’emploi maritime.
M. Charles Revet. Oui, il faut le faire !
M. Jérôme Bignon. Toutefois, comme vous l’exprimiez un peu tristement dans votre rapport, mon cher collègue Charles Revet, le montant des crédits inscrits ne représente même pas 0,1 % du PIB. Vous concluiez à juste titre que, en l’absence de moyens, il n’y a pas de véritable politique maritime.
Avant d’en venir au texte de la proposition de loi, je note également, parmi les perspectives positives, que vous avez vous-même, monsieur le secrétaire d’État, mis en place la conférence logistique en vue de définir une stratégie nationale logistique, évidemment primordiale pour l’avenir de nos ports. La massification et la convergence des transports fluviaux, ferroviaires et maritimes imposent de mettre en œuvre une telle stratégie nationale.
Comme cela a été rappelé, j’indique enfin que quatre missions ont été confiées à huit parlementaires par le Premier ministre. Celles –ci sont organisées selon des binômes composés de parlementaires de couleur politique différente. Elles ont été placées sous votre responsabilité, monsieur le secrétaire d’État, pour fédérer le point de vue des acteurs politiques et économiques des façades maritimes, en lien avec leur hinterland, autour d’une vision stratégique de leur développement pour les cinq ans à venir. Quel dommage que vous ne l’ayez fait il y a cinq ans ! En tout cas, les travaux sont en cours et devraient aboutir à la remise d’un rapport à l’été 2016.
Sans attendre, et en faisant preuve de beaucoup de détermination, notre collègue député Arnaud Leroy a déposé une proposition de loi au titre ambitieux, qui traite de « l’économie bleue ». Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale et est aujourd’hui examiné par notre assemblée. À ce stade, permettez-moi de saluer le travail sérieux et approfondi réalisé par M. le rapporteur, Didier Mandelli, et par M. le rapporteur pour avis, notre collègue Michel Le Scouarnec.
Globalement, la proposition de loi, enrichie des apports précieux du Sénat, va dans le bon sens. Le titre était-il pour autant mérité ? Je pense que l’heure n’est pas à la polémique : il y a urgence, et il ne faut pas minimiser la portée de mesures parfois modestes, mais utiles et attendues, notamment par les entreprises. En ces temps difficiles, j’ai tendance à voir le verre à moitié plein, car c’est meilleur pour le moral de nos entreprises et pour l’emploi de nos compatriotes !
Certes, on aurait espéré plus et mieux. Toutefois, il est ressorti des nombreuses auditions menées par Didier Mandelli, auxquelles il a bien voulu associer ses collègues de la commission du développement durable, que l’ensemble des professionnels concernés étaient impatients de voir se concrétiser quelques mesures simples et de bon sens, qui tendent à renforcer le secteur de l’armement maritime et des ports de commerce.
Faute de temps, je ne détaillerai pas ces mesures, d’autant qu’elles ont déjà été évoquées par les orateurs précédents et qu’elles le seront encore davantage par ceux qui me succéderont à cette tribune ainsi qu’au cours des débats. La proposition de loi a d’ailleurs été qualifiée de catalogue à la Prévert, ce qui explique qu’il soit impossible d’énumérer toutes les dispositions qu’elle contient. Nos débats y pourvoiront. Ce qui importe, c’est que ce catalogue, s’il est adopté avec les amendements et les améliorations proposés par le Sénat, est utile et urgent, je le répète.
Je terminerai mon intervention en affirmant l’intérêt que porte plus spécialement le groupe auquel j’appartiens à deux des mesures du texte. Il s’agit tout d’abord de la disposition figurant à l’article 3 quater, qui vise à élargir ce que l’on appelle l’autoliquidation de la TVA. Je n’y reviens pas dans le détail, mais nous sommes assez déterminés à trouver une solution à ce problème.
Je citerai ensuite la mesure prévue à l’article 8 et nommée net wage, qui correspond à une exonération totale des charges patronales. Là encore, je n’entrerai pas dans le détail du dispositif, mais il faut tout de même rappeler que le coût d’un marin français, à salaire égal, est supérieur de 20 % à celui d’un marin britannique et de 40 % à celui d’un marin italien.
Il est temps de conclure…