M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. L’amendement n° 12 vise à rétablir ou à reconnaître la qualité d’autorité administrative indépendante à cinq entités : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, la Commission consultative du secret de la défense nationale, la Commission nationale du débat public, la Commission des participations et des transferts et la Commission des sondages. Ces entités ont en effet été reconnues comme telles par le législateur ou par des analyses, notamment celle du Conseil d’État en 2001.
Par ailleurs, leur organisation, leur fonctionnement, leurs pouvoirs, les garanties d’indépendance dont elles doivent bénéficier militent en ce sens, comme cela vient d’être rappelé.
Néanmoins, en raison de la position générale qu’il a exprimée sur cette proposition de loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
En revanche, il n’est pas favorable au sous-amendement n° 27, qui vise à supprimer le terme « consultative » de l’intitulé de la Commission consultative du secret de la défense nationale.
Cette commission, qui joue un rôle très important dans la mise en œuvre des lois sur le secret-défense, s’est toujours appelée ainsi, depuis sa création en 1998. Elle a également toujours bénéficié de la qualité d’AAI. Il ne semble pas exister de raison de modifier son intitulé.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, vice-président de la commission des lois.
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Compte tenu de sa rédaction énumérative, ainsi que des avis et observations du rapporteur, la commission demande un vote par division de l’amendement n° 12, monsieur le président.
Je rappelle que la commission n’a émis un avis favorable que sur le deuxième paragraphe de cet amendement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
M. le président. Je vous en donne acte, monsieur Pillet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 27.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais intervenir sur l’une des entités citées dans l’amendement présenté par Alain Richard, à savoir la Commission des sondages. Je tiens à remercier M. Richard d’avoir bien voulu la retenir dans la liste des AAI.
Les sondages sont aujourd’hui régis par une loi de 1977 complètement archaïque eu égard aux évolutions de ces dernières décennies. Chacun sait la place qu’ils tiennent dans le débat public. Il y a des sondages tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour à l’approche de certaines élections importantes. Bien souvent, le débat public devient un débat sur les sondages.
Or les conditions dans lesquelles sont réalisés ces derniers sont loin d’être toujours satisfaisantes. Et par « conditions », je pourrais entendre leur financement, le rapport entre ceux qui les financent, ceux qui sollicitent leur élaboration et ceux qui les publient. Je pourrais aussi parler des marges d’erreur, des redressements et de beaucoup d’autres sujets qui aboutissent, dans nombre de cas, à l’absence de la transparence et de la fiabilité nécessaires.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a adopté, à l’unanimité, voilà cinq ans, une proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral, dont Hugues Portelli était l’auteur et dont j’étais le rapporteur, au nom de la commission des lois.
Cette proposition de loi octroie davantage de prérogatives et de pouvoirs à la Commission des sondages et revoit profondément sa composition.
En effet, cette commission est présidée et animée par deux brillants conseillers d’État, que nous avons reçus. Néanmoins, il est sans doute souhaitable que d’autres compétences viennent s’adjoindre aux leurs.
Nous avons fait de nombreuses propositions concernant cette commission, qui prend de lourdes décisions. Elle peut en effet décider la publication d’un certain nombre de rectifications, d’avis, de considérations et de sanctions. Il nous semble donc très important de prendre son rôle en considération. Nous avons par conséquent envisagé qu’elle devienne une autorité administrative indépendante. Même si cela n’est pas le cas, j’aurai au moins eu l’occasion de vous sensibiliser, monsieur le rapporteur, à cette importante question.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Nous soutenons l’amendement n° 12, qui nous semble équilibré, juste et logique. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit sur les sondages. Je vous rappelle simplement, mes chers collègues, que, dans un texte relatif au Conseil supérieur de l’audiovisuel que nous examinerons prochainement et qui traite des règles applicables aux élections pour la période transitoire, il est fait allusion aux rôles des sondages, qui sont considérés comme un critère. Il est donc évidemment important d’avancer en la matière.
Je souhaite également signaler tout l’intérêt, dans un pays comme le nôtre, qui a du mal à mener un certain nombre de débats de façon posée, de consolider la Commission nationale du débat public.
Nous soutenons donc les propositions d’inscrire sur la liste des AAI les entités visées, notamment celle qui concerne la Commission nationale du débat public. Le rapport pose de bonnes questions. Pour autant, s’il s’agit de conserver la situation actuelle sans introduire une certaine souplesse, ce qui semble malheureusement être la position du Gouvernement, on n’avancera pas !
Pour notre part, nous sommes prêts à souligner les avancées du texte, dans la mesure où les questions environnementales et écologiques sont prises en considération.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Ériger l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, en AAI ne serait pas une bonne chose. Elle est, en pratique et en théorie, adossée à la Banque de France. Elle exerce les responsabilités de surveillance du système bancaire des établissements de crédit pour la Banque de France et elle est chargée, ce qui est nouveau, de conduire la résolution, c'est-à-dire la faillite éventuelle, d’un établissement de crédit.
Si cette autorité devenait une AAI, on aurait, d’un côté, son président et, de l’autre, le gouverneur de la Banque de France. On peut imaginer le mauvais fonctionnement qu’entraînerait la constitution d’un tel tandem, sans mentionner le fait que l’Autorité serait obligée de se tourner vers la Banque de France chaque fois qu’elle devrait prendre une décision.
Ne pas faire figurer cette instance dans la liste des AAI me semble donc une solution de sagesse. J’ajoute que, dans le cas contraire, il y aurait incompatibilité, singulièrement avec l’AMF, l’Autorité des marchés financiers. Or l’existence de participations croisées est très importante entre les différents collèges, qui traitent de questions très proches, notamment disciplinaires.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je souhaite appuyer la position de M. le rapporteur.
Je viens de relire le compte rendu de l’audition de M. Christian Noyer, président et gouverneur de la Banque de France, qui a été très clair. Il a évoqué la gêne considérable de devoir suivre, d’une part, les règles d’une AAI et, d’autre part, celles d’une institution publique sui generis. Selon lui, la seule justification logique à une telle décision serait le suivi éventuel d’une recette prélevée sur les établissements.
Il a également affirmé que le terme « autorité » crée de la confusion, ajoutant qu’il était étrange de considérer que l’ACPR pouvait constituer une autorité différente de celle de la Banque de France.
Pour toutes ces raisons, je partage l’avis de M. le rapporteur sur le I de l’amendement n° 12.
S’agissant de la CNDP, la seule justification donnée par son président, M. Christian Leyrit, pour convertir cette commission en AAI est la suivante : en cas de demandes d’opposants réclamant une expertise complémentaire, une AAI serait préférable à un service administratif sous autorité ministérielle. Au demeurant, il est très rare que, le cas échéant, les demandeurs n’obtiennent pas satisfaction.
Permettez-moi de me référer également à ce qui se fait dans les autres pays, notamment au Québec, où des structures de cette nature relèvent du ministère du développement durable. Le statut juridique d’une AAI n’est absolument pas nécessaire pour garantir l’indépendance d’esprit dans l’exercice de la mission confiée à la CNDP.
S’agissant de la Commission des participations et des transferts, Bertrand Schneiter – j’ai relu également le compte rendu de son audition – invoque comme seul argument à la reconnaissance de la qualité d’AAI à cette instance la nécessaire rapidité des décisions. Pour ma part, je ne suis pas persuadée que seule une AAI puisse satisfaire une telle exigence.
Quant à la Commission des sondages, sa présidente, Marie-Ève Aubin, ne nous a pas convaincus – excusez-moi de le dire un peu abruptement –, lors de son audition, de l’indépendance de l’instance à l’égard du Conseil d’État. Elle a reconnu que le statut de la Commission, entre 1977 et 2001, « de pur fait », n’avait pas posé de problème, bien qu’il ne fût pas, selon elle, « juridique ».
Je souhaitais éclairer le Sénat sur ces points, en citant des auditions menées par la commission d’enquête. Il est important de le rappeler, car les deux textes que nous examinons ce soir en sont issus.
M. le président. À la demande de la commission des lois, nous allons procéder au vote par division de l’amendement n° 12.
Je mets aux voix le I de l’amendement n° 12.
(Le I de l'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le II de l’amendement n° 12.
(Le II de l'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le III de l’amendement n° 12.
(Le III de l'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le IV de l’amendement n° 12.
(Le IV de l'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le V de l’amendement n° 12.
(Le V de l'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Annexe, après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Autorité de régulation de la distribution de la presse
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. J’ai défendu cet amendement lors de mon intervention initiale. J’en rappellerai donc simplement les motivations.
Il s’agit de réintégrer l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, dans la liste des AAI. En effet, ce statut lui a été donné voilà peu de temps par la loi du 17 avril 2015, dont je rappelle qu’elle a été adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Je le répète, pour assurer la régulation des conflits en matière de distribution de presse écrite, il faut effectivement une autorité indépendante. Ce disant, je me réfère aux décisions de la cour d’appel de Paris et à l’arrêt du 7 janvier 2016 du Conseil constitutionnel, qui qualifie d’AAI l’ARDP.
J’indique aux groupes CRC, socialiste et républicain, et écologiste que le rôle de l’ARDP a été fixé par la loi Bichet, en 1947, laquelle instaure une solidarité entre les différentes formes de distribution. Je prendrai deux exemples.
Premièrement, aujourd'hui, au sein de la presse écrite, il existe de sérieuses tensions, les enjeux liés à la distribution des magazines, de la presse quotidienne et de la presse professionnelle sur abonnement étant bien différents. C’est l’ARDP qui régule la situation.
Deuxièmement, la presse quotidienne nationale s’est intéressée au portage développé par la presse régionale, laquelle a signé des conventions d’exclusivité avec Presstalis en cette matière. Qui a « cassé » ces conventions ? L’ARDP ! Vous lui en avez en effet donné le pouvoir.
Pour terminer, en m’adressant au groupe Les Républicains, je rappelle que l’évolution du statut de l’ARDP trouve son origine dans le discours de clôture des états généraux de la presse du 23 janvier 2009, au cours duquel Nicolas Sarkozy avait demandé la création d’une instance réellement indépendante, « chargée de concilier une distribution efficace de la presse »…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Mes collègues du groupe Les Républicains ont compris le sens de mon propos. J’espère donc qu’ils soutiendront cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Le dernier argument de notre excellent collègue est absolument terrible ! Je ne m’y attendais pas ! Je constate d’ailleurs que M. le rapporteur pour avis s’est adressé à tous les groupes, sauf un, ce qui est fâcheux…
Cela étant, les conclusions de la commission d’enquête et la position de la commission de la culture reflètent une appréciation différente de la situation.
Au demeurant, nous devons être capables de nous écouter les uns les autres. Le dernier des propos de M. Bonnecarrère était peut-être superfétatoire…
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Je le retire !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je ne vous en demande pas tant, monsieur le rapporteur pour avis ! Toutefois, la commission y est sensible et émet un avis de sagesse positive sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Tous les arguments avancés étaient excellents.
Cet amendement, qui concerne l’ARDP, vise à confirmer que cette instance voit maintenue sa qualité d’AAI, laquelle lui a été très récemment reconnue, cela a été rappelé, par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, même si cela répondait à un objectif fixé antérieurement.
Un tel statut répond également à des objectifs de développement des compétences de cette autorité. Je pense notamment à l’homologation des barèmes de messagerie.
Sur cet amendement, le Gouvernement souscrit totalement, comme la commission, à la reconnaissance, pour l’ARDP, de la qualité d’AAI et s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Vaugrenard et Rome, Mme Lienemann, M. Cabanel et Mmes Espagnac et Bataille, est ainsi libellé :
Annexe, après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Médiateur national de l’énergie
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à intégrer le médiateur national de l’énergie dans la liste des autorités administratives indépendantes figurant en annexe du présent texte. Cela nous paraît essentiel, compte tenu des missions et du rôle du médiateur dans le secteur spécifique de l’énergie, service de première nécessité dans un marché fortement capitalistique et concurrentiel.
Je rappelle que le législateur a souhaité doter le médiateur d’un statut public et d’un financement dédié via la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, lui garantissant ainsi une totale autonomie pour remplir ses missions, à savoir informer les consommateurs sur leurs droits et les aider à résoudre leurs litiges avec les fournisseurs et gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz naturel.
Ce faisant, le législateur a souhaité distinguer le médiateur national de l’énergie de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, dotée de pouvoirs de contrôle, de sanction et d’édiction de décisions applicables aux fournisseurs et aux gestionnaires de réseaux.
Selon nous, cette distinction opérée en 2006 se justifie encore pleinement, à l’heure où les pouvoirs de décision réglementaire et d’approbation du régulateur ont une forte incidence sur le consommateur. Je songe en particulier à la fixation des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz naturel, aux tarifs d’acheminement, ou encore aux barèmes de prix des prestations des gestionnaires de réseaux de distribution facturées aux consommateurs.
En effet, le médiateur national de l’énergie peut être appelé à prendre des positions susceptibles de remettre en cause les pratiques d’un opérateur, comme une préconisation ou une décision du régulateur, lorsque l’intérêt des consommateurs le justifie.
Ainsi, à l’instar du Défenseur des droits, ce médiateur exerce un pouvoir d’influence qui constitue son autorité – ce sont les termes de l’avis public rendu en 2001 par le Conseil d’État au sujet des autorités administratives indépendantes. Or, à nos yeux, ce pouvoir d’influence n’est pas compatible avec le devoir de réserve incombant aux membres des collèges de la CRE.
Aussi cet amendement tend-il à garantir le maintien de l’indépendance totale du médiateur national de l’énergie : il faut maintenir son statut d’autorité administrative indépendante pour qu’il puisse conforter son rôle dans le secteur de l’énergie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je le dis à titre général, car des cas similaires pourraient se présenter : un pouvoir d’influence ne saurait suffire pour qu’une instance puisse prétendre au statut d’autorité administrative indépendante. Sinon, il faudrait reconnaître une quantité considérable d’institutions de cette nature sur le territoire national !
En l’occurrence, le médiateur national de l’énergie n’a pas de pouvoir normatif ou de sanction. De surcroît, ce n’est pas le seul médiateur qui existe en France. Si nous ouvrons cette brèche, je crains que nous ne puissions la refermer.
Mes chers collègues, vous le savez, en matière d’impôts, on a coutume de dire : il y a beaucoup de niches fiscales, et dans chaque niche, il y a…
M. Gérard Longuet. Un chien qui aboie !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Tout à fait !
J’ai beaucoup de respect pour le médiateur national de l’énergie, comme pour les présidents d’organismes divers. Toutefois, je signale que, en l’espèce, nous sommes face à un cas de figure parallèle.
Il ne s’agit aucunement de porter atteinte à l’indépendance de ce médiateur, mais, je le répète, il serait tout à fait néfaste d’ouvrir une brèche en le classant au rang des autorités administratives indépendantes.
Aussi l’avis de la commission est-il tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur Courteau, le médiateur national de l’énergie n’est pas qualifié d’autorité administrative indépendante par l’article L. 122-1 du code de l’énergie. Je le rappelle à mon tour : le fait qu’il soit uniquement à même d’émettre des recommandations, dont la portée est difficile à apprécier, ne plaide pas pour qu’il soit retenu au nombre de ces instances.
En conséquence, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Je le répète, pour notre part, nous approuvons l’idée selon laquelle diverses autorités indépendantes méritent d’être supprimées. Mais, parallèlement, nous estimons que de nouvelles instances devraient pouvoir acquérir ce statut, eu égard à leur rôle ou aux fonctions qu’elles assument. Le débat doit être ouvert.
En l’occurrence, compte tenu du vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le médiateur national de l’énergie, qui joue un rôle positif, va sans doute voir ses missions renforcées. Quoique sans grandes illusions, nous soutiendrons donc cet amendement.
Plus largement, notre position est la suivante : oui à des suppressions d’autorités administratives indépendantes, oui à une déontologie renouvelée et, le cas échéant, oui à des évolutions. Faute de quoi, on se cantonnerait dans un périmètre constant, figé, à rebours du programme réformateur affiché par le rapport de la commission d’enquête.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, permettez-moi ce simple rappel : Carole Delga, lorsqu’elle était secrétaire d’État, a annoncé la généralisation de la médiation dans tous les secteurs de la consommation. Cette déclaration peut être mise en regard de la mission d’information des consommateurs, dont il est question via cet amendement. Je souscris donc à l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens les propos de Mme Bouchoux. La commission d’enquête qu’a présidée Mme Des Esgaulx et dont M. Mézard était le rapporteur nous invite à une logique évolutive : à ce titre, la création de nouvelles autorités administratives indépendantes serait cohérente.
Madame Des Esgaulx, j’ai évoqué auparavant la Commission des sondages. Vous avez pleinement raison de souligner que, aujourd’hui, cette instance ne fonctionne pas dans des conditions normales : elle n’a aucune indépendance financière, elle est tout simplement abritée par le Conseil d’État, ce qui n’est pas satisfaisant. J’admets donc tout à fait que, dans sa configuration actuelle, cette commission ne peut être qualifiée d’autorité administrative indépendante au sens strict du terme.
Toutefois, avec la conception que l’on pourrait en avoir, et qui l’emportera peut-être un jour si les dispositions législatives nécessaires sont votées, la situation serait peut-être différente.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Annexe, après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, le présent amendement tend à rétablir le statut d’autorité administrative indépendante de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. Je l’ai défendu il y a quelques instants, par anticipation.
Que les choses soient bien claires : le présent texte a pour objet non pas de supprimer telle ou telle institution, mais bien de clarifier et d’encadrer le statut d’autorité administrative indépendante.
En conséquence, la question aujourd’hui n’est pas : pour ou contre la HADOPI ? Je sais que ce débat passionne nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais l’interrogation est bien la suivante : telle qu’elle existe, la HADOPI est-elle ou non une autorité administrative indépendante ? Selon la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la réponse est clairement oui.
Je ne me permettrai pas d’instrumentaliser à ce propos les groupes politiques de la Haute Assemblée. J’apporte simplement cette précision : la HADOPI joue un rôle, sinon contentieux, du moins précontentieux. D’une part, elle traite de la protection des données personnelles. De l’autre, par un mécanisme de graduation des sanctions, à savoir les mesures techniques de protection, ou MTP, elle sanctionne, dans le cadre d’une procédure contradictoire, les internautes qui font un usage irrégulier d’une œuvre.
Ces attributions sont donc, a minima, de nature précontentieuse. Elles sont partant du ressort des autorités administratives indépendantes. J’ajoute que les logiques d’impartialité qu’elles impliquent sont caractéristiques de ces instances.
Aussi, quelles que soient vos positions personnelles quant à la HADOPI en tant que telle, nous vous demandons de conserver à cette instance son statut d’autorité administrative indépendante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. M. Bonnecarrère l’a rappelé avec raison : ces deux propositions de loi n’ont pas pour but de supprimer tel ou tel organisme, qu’il soit ou non reconnu comme autorité administrative indépendante. Elles ne tendent pas davantage à juger le fonctionnement de telle ou telle instance,…
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Jacques Mézard, rapporteur. … point qui, je l’espère, fera l’objet d’autres débats.
En effet, nous avons auditionné les représentants de diverses autorités, indépendantes ou non, dont le fonctionnement soulève à l’évidence un certain nombre de problèmes, ou dont les procédures, que le législateur leur a lui-même imposées, peuvent susciter des difficultés considérables. Je pense par exemple aux graves problèmes qu’ont posés, dans le domaine des médias, diverses décisions du CSA.
Toujours est-il que ces deux textes n’ont pas vocation à modifier les objectifs de telle ou telle autorité. Au sujet de la HADOPI, diverses conceptions s’opposent. On peut être très dubitatif quant au bilan de cet organisme. Mais, M. le rapporteur pour avis semble lui aussi le suggérer, ce sujet sera discuté ultérieurement.
La commission émet donc, sur cet amendement, comme sur l’amendement n° 1, un avis de sagesse positive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Si le présent texte était adopté en l’état, la HADOPI perdrait son statut d’autorité publique indépendante : elle serait tout simplement transformée en établissement administratif.
Or, depuis 2009, la HADOPI doit, entre autres missions, assurer la protection des œuvres par le biais de la réponse graduée. Son statut actuel correspond à la nature des missions qui lui sont confiées, en particulier au règlement des différends, ainsi qu’à ses pouvoirs réglementaires. Il lui permet d’agir dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité. Aussi, il mérite d’être maintenu.
Compte tenu de sa position globale sur cette proposition de loi, le Gouvernement s’en remet, pour ce qui concerne le présent amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je comprends la position de la commission de la culture que vient d’exposer M. Bonnecarrère. Au sein de la commission d’enquête, nous nous sommes nous-mêmes interrogés sur ce sujet.
À propos de la HADOPI, Mme Marie-Françoise Marais nous a déclaré lors de son audition : « La question de son absorption par le CSA, même la présidente se l’est posée. »
Cela étant, j’ai bien noté l’attachement des pouvoirs publics au droit de la propriété intellectuelle, et je relève à mon tour que la HADOPI a été qualifiée d’autorité publique indépendante par le code de la propriété intellectuelle.
La question est posée et, je le répète, je suis sensible aux arguments émanant de la commission de la culture.