compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Philippe Adnot,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Je rappelle que l'auteur de la question dispose de deux minutes, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

mesures au plan national suite à la cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Vincent Placé. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Samedi, un accord sur le climat universel, ambitieux, contraignant et révisable a été adopté. Le monde entier, réuni à Paris, s’est accordé sur la nécessité de lutter collectivement contre le dérèglement climatique.

Les 195 pays se sont engagés à limiter le réchauffement de la planète bien en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré.

L’affirmation d’une telle ambition est un véritable succès. Au nom du groupe écologiste, je ne peux qu’adresser félicitations et remerciements au Président de la République et au président de la COP 21. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Il veut être ministre !

M. Jean-Vincent Placé. Tenir cet objectif est un défi très difficile à relever au vu des trajectoires déjà prises par les États.

C’est pourquoi, mes chers collègues, j’aimerais que nous ayons tous en tête, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition, que cette ambition nous oblige.

Nous avons adopté la loi de transition énergétique, nous allons examiner le projet de loi relatif à la biodiversité, et je m’en réjouis. Mais c’est au cœur de chaque projet de loi, de chaque politique publique qu’il faut mettre plus d’écologie.

La concrétisation de cet accord passe par de véritables actions de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, sans quoi l’équilibre trouvé au niveau mondial n’aura pas de valeur. Certes, il y a eu des avancées, comme la suppression par l’État des aides à l’exportation accordées aux centrales à charbon ou encore l’augmentation du budget de l’aide au développement, mais la France doit aller plus vite, plus loin, plus fort.

Alors, monsieur le ministre, à quand les nécessaires mesures fortes sur le carbone ? À quand une véritable politique forte des transports, plus respectueuse de notre environnement ? À quand une politique économique vertueuse en matière de développement durable ? À quand de véritables encouragements pour les gestes éco-citoyens ? À quand un vrai pacte climatique pour notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous adresser mes remerciements : tout au long de la préparation de la COP 21, qui était une tâche difficile, jamais le Sénat ne nous a manqué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

L’accord qui a été obtenu à Paris enclenche une dynamique mondiale sur laquelle on ne reviendra pas. C’est un véritable tournant. Cela étant, il reste énormément à faire, comme vous l’avez souligné, monsieur Placé. La loi de transition énergétique portée par Mme Royal va peu à peu être mise en œuvre, le projet de loi relatif à la biodiversité sera bientôt débattu. Le Président de la République a pris des engagements : nous irons plus vite sur le prix du carbone, en matière de financements, ainsi qu’en ce qui concerne la révision de notre engagement national – ce que l’on appelait auparavant l’INDC, l’Intended nationally determined contribution.

Tout cela va dans le bon sens, mais il faudra surtout veiller à ce que l’accord conclu samedi soit appliqué. La France continuera à présider la COP jusqu’à la fin de l’année prochaine. C’est donc un programme considérable qui s’ouvre devant nous. Bien évidemment, le Sénat sera saisi de la ratification de l’accord.

L’une des choses qui m’ont le plus touché, au cours de toutes ces journées, c’est l’hommage qui a été rendu à la France, à sa vocation universelle, à sa diplomatie que je tiens à saluer, car les diplomates, partout dans le monde, ont réalisé un travail magnifique, aidés par vous, parlementaires. Ces quinze jours ont mis Paris et la France au centre du monde : personne ne l’oubliera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

politique générale

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Pierre Laurent. Depuis dimanche soir, un constat s’impose : la défiance et la colère des Français ont atteint un niveau inégalé. Cette colère se nourrit de l’exaspération devant la trahison des engagements pris et de l’épuisement du pays face aux politiques d’austérité et de chômage menées par les gouvernements successifs depuis dix ans, y compris depuis 2012.

Le sursis républicain du deuxième tour ne doit en aucun cas faire oublier la signification profonde du scrutin et le danger qui menacerait si, une nouvelle fois, il devait n’être pas tenu compte du cri d’alarme lancé par le pays.

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré dimanche vouloir apporter « la preuve que la politique ne reprendra pas comme avant ». Jean Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti socialiste, a dit, à l’adresse du Gouvernement, que l’on ne pouvait plus continuer comme cela.

Ma question est donc simple : au-delà de ces mots, que comptez-vous concrètement changer dans la politique gouvernementale ? Je dis bien « concrètement », car de nouvelles paroles trahies ou sans effet seraient désastreuses. Êtes-vous prêt à relancer les services publics en desserrant l’étau de l’austérité ? Êtes-vous prêt à vous attaquer enfin aux intérêts financiers des actionnaires, par exemple en réorientant au profit de l’emploi les 40 milliards du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ? Êtes-vous prêt à relever significativement le taux horaire du SMIC ?

Changer de trajectoire est possible. C’est ce que demandent les Français. Ne croyez-vous pas que l’état d’urgence sociale et démocratique impose la mobilisation de tous les moyens financiers nécessaires à un nouveau pacte national de solidarité et d’espoir qui marque une rupture avec les priorités données aujourd’hui à l’austérité et à la compétitivité financière du seul capital ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, un sursaut républicain s’est effectivement produit dimanche dernier. Dans des circonstances difficiles, les Français se sont rassemblés pour faire obstacle à l’extrême droite. Si des régions étaient aujourd’hui gouvernées par celle-ci, leurs habitants en pâtiraient, l’image de la France serait profondément atteinte.

Cette mobilisation populaire s’est produite à l’instigation du Premier ministre et de l’ensemble des organisations de gauche, dont la vôtre, monsieur Laurent. Nous devons être à la hauteur de ce mouvement, dont chacun doit tirer les conséquences.

Pour autant, vous avez raison de le souligner, nous ne devons pas oublier les leçons du premier tour. Des réponses doivent être apportées, d’abord par le Gouvernement. D’ores et déjà, des orientations ont été fixées, des mesures ont été prises. Elles n’ont pas encore pleinement produit leurs effets, et nous devrons aller plus loin et plus fort, comme l’a indiqué le Premier ministre. Non, nous ne changerons pas de politique économique, monsieur le sénateur, mais nous avons bien l’intention, notamment en matière d’emploi, de travail, de formation, d’en faire davantage pour mobiliser toutes les ressources disponibles.

Au-delà des propositions qui seront annoncées par le Gouvernement en début d’année prochaine, il s’agit de changer de façon d’être, de nous remettre en question les uns et les autres, monsieur le sénateur. J’imagine que vous-même, à la lecture des résultats du premier tour, avez considéré ce qu’il convient de faire à l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Guillaume. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le week-end dernier, en ne se donnant pas à l’extrême droite, la France a démontré qu’elle était un grand pays. Les Françaises et les Français se sont mobilisés et ont su se rassembler pour faire gagner la République.

Que l’on me permette de saluer très sincèrement l’élection de nos collègues Bruno Retailleau et Didier Robert, nouveaux présidents de la région des Pays de la Loire et de La Réunion. (Applaudissements.)

La France est un grand pays, car elle a pris un risque il y a trois ans, lorsque le Président de la République a souhaité organiser cette COP alors que personne ne voulait le faire.

Nous avions une impérieuse obligation de résultat. Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B, disiez-vous, monsieur le ministre des affaires étrangères. Après de longs mois de travail diplomatique et deux semaines de négociations intenses, un accord historique a été trouvé.

Cet accord, nous le devons à la volonté et à la vision du chef de l’État, à l’engagement de Ségolène Royal, à votre investissement personnel sans faille, monsieur le ministre ! Votre capacité à animer, à écouter et à trancher a été décisive. Votre discours, votre émotion et votre marteau vert resteront gravés dans la mémoire de tous. Monsieur le ministre Laurent Fabius, merci pour votre engagement remarquable en faveur de la planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe écologiste.)

Nous pouvons être fiers de la confiance que tous les pays du monde ont témoignée à la France pour arriver à cet accord historique et contraignant. Nous pouvons être fiers que cet accord ait été conclu en France.

Jacques Chirac disait en 2002, lors du sommet de la Terre de Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, treize ans après, le monde entier regarde dans la même direction, celle d’une planète meilleure, d’une planète sauvegardée.

Monsieur le ministre, cher Laurent Fabius, comment cet accord historique sera-t-il appliqué et comment les parlementaires français pourront-ils y être associés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Guillaume, le Parlement sera saisi de la ratification de l’accord, qui sera signé au mois d’avril.

La France devra prendre toute une série d’initiatives pour appliquer ce texte, qui a été approuvé à l’unanimité, mais aussi pour aller plus loin, afin d’assumer son leadership.

Vous avez rapproché deux événements sans lien apparent : le second tour des élections régionales et la COP 21. Victor Hugo écrivait, en 1860 : « Rien n’est solitaire, tout est solidaire. L’homme est solidaire avec la planète, la planète est solidaire avec le soleil, le soleil est solidaire avec l’étoile, l’étoile […] est solidaire avec l’infini. Ôtez un terme de cette formule, […] l’équation chancelle, la création n’a plus de sens dans le cosmos et la démocratie n’a plus de sens sur la terre. » Voilà le lien entre les deux événements que vous avez évoqués ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

situation sécuritaire à la frontière franco-suisse

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, les attentats du 13 novembre ont fait basculer notre pays et l’Europe dans une guerre contre le djihadisme et le terrorisme.

Après la Belgique et la ville de Bruxelles, le 10 décembre, c’est la ville de Genève, en Suisse, qui a renforcé son état d’alerte, à la suite de la communication par la CIA d’une information sur la présence possible sur son territoire d’une cellule affiliée à l’État islamique. Des arrestations ont d’ailleurs eu lieu dans les heures qui ont suivi.

De l’autre côté de la frontière, dans mon département de la Haute-Savoie, et plus particulièrement dans la vallée de l’Arve, l’état d’urgence a permis de nombreuses perquisitions administratives et des assignations à résidence, qui ont mis en lumière l’existence de cellules salafistes professant un islam incompatible avec les valeurs de la République. Par ailleurs, et c’est plus grave, la présence de recruteurs de l’État islamique a été mise en évidence.

La situation de part et d’autre de la frontière franco-suisse ne saurait relever d’un pur hasard.

Chaque jour, 500 000 personnes, à bord de 380 000 véhicules, franchissent cette frontière à l’un des trente-trois points de passage entre la France et le canton de Genève. La frontière représente donc un véritable enjeu : elle doit permettre la protection des intérêts des États et la sécurité des personnes.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser plusieurs questions.

Comment le Gouvernement compte-t-il améliorer la fluidité de la circulation des informations entre les services de police et de renseignement suisses et français ? Dans ce cadre, quelles missions spécifiques pourraient être confiées aux douaniers ? Par ailleurs, quelles mesures spécifiques de déradicalisation entendez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez d’abord évoqué la situation dans la vallée de l’Arve. Sur ce territoire se trouve une zone de sécurité prioritaire qui comprend la commune de Marnaz, dont vous êtes le maire ; un certain nombre de perquisitions administratives y ont été opérées, notamment dans un lieu de culte situé au sein d’un centre d’accueil de migrants qui avait été progressivement infiltré par des individus très fortement radicalisés.

Les perquisitions ont permis d’identifier ces individus. L’un d’entre eux a été assigné à résidence, puis condamné à une peine de cinq mois d’emprisonnement ferme pour ne pas avoir respecté les obligations liées à cette assignation.

Vous avez vous-même été menacé, monsieur le sénateur, et le préfet de Haute-Savoie a pris toutes dispositions pour assurer votre sécurité. Il est réconfortant de voir des élus, dans un contexte aussi difficile, manifester un courage tel que le vôtre, que je tiens à saluer devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Annie David applaudit également.)

En ce qui concerne la coopération avec la Suisse, des opérations sont actuellement en cours : vous comprendrez que je ne m’étende pas sur leur contenu, afin de ne pas obérer leur résultat. Ce que je peux dire, c’est que la coopération entre la police fédérale et le parquet fédéral suisses et nos propres services est excellente, comme en témoignent les arrestations auxquelles il a été procédé.

Nous avons renforcé la présence des forces de l’ordre et les contrôles à la frontière franco-suisse sur les dix-sept points de passage les plus sensibles, en particulier dans le pays de Gex et le pays genevois haut-savoyard.

Les heures et les jours qui viennent permettront d’en savoir plus. En la matière, la discrétion est la garantie de l’efficacité de la démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Je vous remercie, monsieur le ministre, des propos que vous avez tenus à mon égard. Au-delà de ma personne, la population de la vallée de l’Arve et de la Haute-Savoie est dans un état de grande fébrilité. Votre intervention est de nature à nous rassurer. Je souhaite voir perdurer la plus étroite union nationale sur un tel sujet. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

situation des douaniers

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe Béchu. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget, en sa qualité de ministre de tutelle du service des douanes.

Les attentats tragiques qui ont frappé si durement notre pays ont éclipsé, dans les médias, un drame qui s’est déroulé le 23 novembre dernier à Toulon et a débouché sur la mort en service commandé d’un douanier appartenant à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, la DNRED.

Le tumulte des récents événements retombé, je tiens à rendre hommage à ce douanier de quarante-deux ans, qualifié par ses collègues d’« agent exceptionnel », qui laisse derrière lui une famille. Il s’appelait Pascal Robinson. (Applaudissements.)

Ce drame, qui a frappé l’ensemble de la famille des douaniers, est aussi l’occasion d’évoquer les conditions de travail difficiles des agents des douanes.

En dix ans, les douaniers ont perdu un poste par jour en moyenne. Ils doivent se débrouiller avec des équipements obsolètes. En particulier, les véhicules dont ils disposent pour lutter contre les « go fast » n’ont pas la puissance nécessaire.

Monsieur le ministre, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il renforcer les moyens mis à la disposition de ces femmes et de ces hommes qui assurent notre sécurité et qui méritent notre respect et notre reconnaissance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre aux douaniers. Avec les policiers, les gendarmes et tous ceux qui portent l’uniforme, ils incarnent, dans un contexte particulièrement difficile, l’état de droit, l’ordre républicain, et paient un lourd tribut pour assurer la sécurité des Français et sauver la vie des autres.

Pascal Robinson, dont vous avez rappelé la mémoire et l’action, était un douanier remarquable. Il est tombé le 23 novembre lors d’une opération de lutte contre le crime organisé, faisant une nouvelle fois preuve d’un courage, d’une bravoure qui lui avaient déjà valu d’être décoré de la médaille de la défense nationale en 2009, pour des faits témoignant de son exceptionnelle valeur personnelle.

Tous ses camarades et l’ensemble de la famille des douanes sont plongés dans le deuil. Je m’associe, monsieur le sénateur, à vos propos, d’une grande sobriété et d’une belle profondeur. Nous devons manifester notre reconnaissance à ces femmes et à ces hommes qui tombent pour assurer la sécurité des Français.

Vous avez raison de dire qu’il faut des moyens supplémentaires pour les douaniers. Leurs effectifs ont en effet été érodés, et il convient de leur donner davantage de moyens de fonctionnement.

C’est la raison pour laquelle, en même temps que nous annoncions un accroissement des moyens pour la police et la gendarmerie, il a été décidé de créer 1 000 postes de douanier supplémentaires, afin de mieux assurer les contrôles aux frontières, auxquels ces agents contribuent très activement depuis le 13 novembre dernier. Il s’agit aussi de leur permettre de mieux jouer le rôle remarquable qui est le leur dans la lutte contre le crime organisé.

Ce renforcement des effectifs doit aussi s’accompagner de l’attribution de moyens supplémentaires en fonctionnement, car rien ne sert de recruter des douaniers s’ils n’ont pas les moyens de travailler. C’est ainsi que 3 millions d’euros seront consacrés à l’équipement en véhicules et en moyens numériques et informatiques de ces 1 000 douaniers supplémentaires. Par ailleurs, 26 millions d’euros seront alloués à l’acquisition de moyens de protection.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les événements tragiques auxquels vous avez fait référence montrent que les douaniers ont besoin de tels équipements de protection, notamment de gilets pare-balles. Le Gouvernement, sur la base des arbitrages rendus par le Premier ministre, ne lésinera pas et les moyens seront au rendez-vous pour les douaniers, qui remplissent des missions difficiles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

état d'urgence

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

La France a voté en état d’urgence, et la grande urgence fut de faire barrage à l’extrême droite : merci à tous ceux qui l’ont permis !

Le Sénat, défenseur des libertés publiques, dont celle de vivre en sécurité, a voté presque unanimement la mise en place pour trois mois de l’état d’urgence.

Monsieur le ministre, vous informez régulièrement la représentation nationale de l’exécution de cette mesure exceptionnelle. Encore une fois, je salue la manière dont vous le faites et votre volonté, fermement exprimée, que l’état d’urgence ne soit pas utilisé à d’autres fins que la lutte contre le terrorisme.

Il a été procédé à plus de 2 500 perquisitions, plus de 360 assignations à résidence ont été prononcées et 2 000 personnes se sont vu refoulées aux frontières.

Sans être exagérément optimiste, on peut légitimement considérer que le « stock » de perquisitions a été largement entamé et que, en ce qui concerne les assignations à résidence, la question qui se pose est celle de leur durée dans le temps. Quant aux frontières, le vrai problème est celui de la porosité européenne, pour employer un euphémisme !

Un pays démocratique ne peut vivre durablement en état d’urgence, contraignant les libertés publiques, dans un climat d’inquiétude et de malaise au quotidien.

Après ce mois difficile, je ne doute pas que vous ayez déjà travaillé à résoudre ce problème : comment et quand sortir de l’état d’urgence ? Considérez-vous que la révision constitutionnelle facilitera les choses ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur Mézard, l’état d’urgence a été instauré, conformément aux principes généraux du droit, en raison d’un risque imminent de répétition des actes terroristes, abjects et barbares qui ont durement frappé notre pays.

Au bout de deux semaines, quel bilan peut-on tirer ?

Tout d’abord, les perquisitions effectuées nous ont permis de saisir 431 armes, dont la moitié sont des armes longues et 41 des armes de guerre.

Il faut savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en un an, c’est une centaine d’armes de guerre qui sont récupérées au cours de l’ensemble des procédures judiciaires. En trois semaines, nous avons donc saisi plus d’un tiers de ce total annuel. Nous avons pris ces armes à des réseaux criminels, dont certains de nature terroriste.

Par ailleurs, nous avons aussi saisi des avoirs financiers, à hauteur de près de 1 million d’euros. Nous avons récupéré des documents et des données informatiques qui sont en cours d’expertise et dont l’exploitation pourra déboucher sur d’autres opérations. Nous avons, enfin, prononcé des assignations à résidence.

L’état d’urgence a atteint son objectif. Comme vous l’avez dit, il ne saurait s’agir d’un état permanent, mais en sortir brutalement alors que le niveau de menace reste extrêmement élevé pourrait présenter un risque. C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre présenteront un texte visant à maintenir l’équilibre entre l’efficacité des dispositifs de lutte contre le terrorisme et la préservation à tout prix des libertés et des principes de l’état de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

apprentissage, formation et emploi

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Anne Emery-Dumas. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

La persistance d’un haut niveau de chômage depuis trente ans, avec une aggravation notable dans le contexte de crise économique qui prévaut depuis 2008, la proportion croissante de chômeurs de longue durée, avec les conséquences humaines, sociales et économiques qu’induit la privation durable d’emploi, pèsent sur notre pays. Cette situation n’est plus acceptable, elle n’est plus supportable.

M. le Premier ministre, considérant que le verdict des urnes constituait une injonction à agir sans relâche et au plus vite contre le chômage, a annoncé pour le mois de janvier des mesures en faveur de l’emploi, de la formation des chômeurs et de l’apprentissage.

Le plan de lutte contre le chômage de longue durée, présenté par le Gouvernement le 9 février dernier, s’est déjà traduit par la mise en œuvre du contrat de professionnalisation et, demain matin, la commission des affaires sociales du Sénat aura à examiner la proposition de loi de notre collègue député Laurent Grandguillaume, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, qui permettra l’expérimentation, sur quelques territoires dans un premier temps, d’un dispositif innovant fondé sur la rencontre d’une offre locale de besoins insatisfaits et l’embauche en contrat à durée indéterminée de personnes éloignées de l’emploi.

Au-delà de ces expérimentations, nécessaires mais pas suffisantes, le Gouvernement et les acteurs locaux, dont l’implication dans ce domaine est essentielle, doivent redoubler d’efforts en matière de lutte contre le chômage de longue durée. Nous devons aussi agir massivement pour la formation des chômeurs, laquelle est indispensable pour favoriser le retour à l’emploi de ceux qui sont le moins qualifiés.

Enfin, le développement de l’apprentissage, compétence que l’État partage désormais avec les nouvelles grandes régions, est une priorité à laquelle il faut s’attaquer sans attendre, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de qualification et d’emploi à nos jeunes.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quels sont les grands axes de l’action du Gouvernement en ces matières et quelle est la nature de l’accélération que vous envisagez de proposer en janvier prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)