M. le président. Monsieur Marc, l’amendement n° II-467 rectifié est-il maintenu ?
M. François Marc. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’Etat, qui ont évoqué les évolutions récentes. Les chiffres qu’ils citent sont très encourageants en ce qui concerne l’embauche des docteurs dans les entreprises.
J’attire toutefois votre attention sur le seuil évoqué ici, selon lequel un peu plus d’une vingtaine de grandes entreprises françaises seulement seraient concernées et contraintes d’embaucher plus de docteurs dans leurs équipes de recherche. Ce n’est pas considérable !
Compte tenu des arguments avancés et des perspectives exposées pour l’avenir par M. le secrétaire d’État, nous allons retirer cet amendement. Il n’en reste pas moins que cette question est très importante pour notre industrie.
M. le président. L’amendement n° II-467 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-455 rectifié, présenté par MM. Adnot, Delattre et Savary, est ainsi libellé :
Après l’article 39 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le bénéfice du crédit d’impôt est réservé aux entreprises dont les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de recherche confiées à des universités représentent au moins un dixième du total des dépenses de recherche qu’elles ont exposées au cours de l’année.
« Le deuxième alinéa du présent I ne s’applique pas aux entreprises visées au k du II du présent article. »
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Conformément à une proposition de la commission d’enquête que j’ai présidée, il s’agit, par cet amendement, de permettre au crédit d’impôt recherche d’irriguer un peu plus les laboratoires de recherche universitaires.
Le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, est en avance et partage déjà près de 500 millions d’euros pour des projets communs, sur les 5,5 milliards d’euros concernés.
Les universités françaises sont aujourd’hui indépendantes et ont lancé beaucoup de projets intéressants. Orienter vers elles une partie de cette dotation apparaît comme un choix intelligent, qui leur permettra également de faire évoluer leur image. Les étudiants qu’elles auront formés, leurs doctorants, pourront ainsi accéder plus facilement à des emplois dans des entreprises engagées dans la recherche-développement, grâce à des partenariats.
Cette proposition me semble donc intéressante, compte tenu de tout ce que nous avons entendu. Nous avons intérêt à permettre à l’université française de disposer de laboratoires performants, ne serait-ce que pour améliorer son image. À cette fin, il est nécessaire de travailler en partenariat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement présente certes un intérêt, mais il vise tout de même à changer fondamentalement les conditions de fonctionnement du crédit d’impôt recherche.
La recherche publique bénéficie déjà d’avantages propres : le plafond de dépenses est augmenté et le montant des dépenses prises en compte est doublé. Ainsi, une entreprise qui confie à un laboratoire public ou à une université une partie de sa recherche voit ses dépenses prises en compte pour le double de leur montant par rapport au privé et avec des plafonds plus élevés. Le dispositif actuel favorise donc déjà la recherche publique.
Cet amendement suscite en outre des interrogations quant à son caractère opérationnel. La passation de contrats de recherche avec l’université relève d’un processus dont la lenteur pourrait menacer la stabilité du crédit d’impôt recherche et son efficacité, au risque de provoquer un peu de perte en ligne, alors que le dispositif actuel a globalement prouvé son utilité.
La commission propose donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à cet amendement. Vous proposez, à nouveau, de créer une condition pour être éligible au crédit d’impôt recherche : 10 % de la recherche devrait être menée dans des laboratoires de recherche publics.
Le crédit d’impôt recherche a été créé pour inciter les entreprises à s’engager dans la recherche-développement, mais pas pour les obliger à développer des commandes auprès de tiers, fussent-ils aussi respectables que les unités de recherche publiques.
Le rapporteur général a utilement rappelé que les dépenses sous-traitées à des laboratoires de recherche publics sont déjà prises en compte pour le double de leur valeur.
En 2012, cela concernait 449 millions d’euros, pour un crédit d’impôt recherche de 268 millions d’euros, soit une hausse de 159 % par rapport à 2007. Le dispositif d’incitation fonctionne donc. Il ne nous semble pas souhaitable pour sa stabilité de lui adjoindre une condition. Si l’amendement est maintenu, l’avis du Gouvernement sera alors défavorable.
M. le président. Monsieur Delattre, l’amendement n° II-455 rectifié est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Monsieur le secrétaire d’État, les travaux de notre commission d’enquête ont été sérieux, et je vous confirme que cette proposition est issue d’une revendication émise par toutes les universités engagées dans une démarche scientifique.
De notre point de vue, il n’existe aucune raison de ne pas les encourager à nouer des partenariats avec les entreprises, car nous savons tous que l’enjeu est là.
Alors que ces mondes se sont longtemps ignorés, les universités y sont prêtes aujourd’hui, elles sont même demandeuses ! Les universités de Lyon ou de Nice, par exemple, en avaient fait leur principale revendication. Il faut saisir cette chance ! Nous avons intérêt à faire un geste envers l’université française, laquelle, après avoir longtemps souffert d’un déficit de crédibilité, dispose aujourd’hui de laboratoires très intéressants.
Les entreprises que nous avons rencontrées sont également en demande. Elles ne se satisfont pas toujours de leur bassin d’emplois et ne nourrissent plus, loin de là, d’a priori négatifs envers la recherche publique.
Il est nécessaire d’élargir le système, car on ne peut justifier qu’une dépense fiscale de 5,5 milliards d’euros ne profite pas, également, à la recherche universitaire. Nous savons que l’on peut irriguer le secteur grâce à la fiscalité, en ouvrant l’accès à ce type de financements. Je le dis en conscience : cette demande était l’une des plus fortes que la commission d’enquête ait entendues. Des collègues de toutes tendances pourront en témoigner.
Je demande donc que cet amendement soit soumis au vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je souhaite insister sur un point de méthode. Nous avons tort collectivement, selon moi, de chercher à alimenter plusieurs politiques différentes avec une seule recette.
Le CIR a été créé pour inciter les entreprises à s’engager dans la recherche. Au-delà d’un moyen de maintenir sur notre sol des entreprises françaises disposant de potentiel de recherche, il constitue aujourd’hui un élément d’attractivité favorisant l’implantation d’entreprises étrangères en France.
Si nous avions adopté l’amendement précédent, nous aurions ajouté au dispositif l’obligation d’engager des doctorants ; on nous propose maintenant une contrainte supplémentaire : travailler avec des laboratoires universitaires. Je vous laisse imaginer l’effet que produirait l’ajout de ces couches de complexité sur un chef d’entreprise étranger souhaitant s’implanter en France en raison de l’attractivité du dispositif.
D’autres politiques publiques visent à accompagner la recherche universitaire et les doctorants. Elles ne sont pas toujours aussi efficaces que nous le souhaitons, mais il ne me paraît pas fondamentalement de bonne méthode de vouloir soutenir avec une seule recette plusieurs politiques différentes, au risque de créer complexité et confusion.
Je suis conscient de l’intérêt de la proposition de notre collègue Francis Delattre, et je comprends que les laboratoires universitaires cherchent à disposer ici d’un relais ; mais au regard de la confusion qu’il introduirait, il ne me semble pas souhaitable d’adopter un amendement de ce type.
Nous devons nous en tenir à l’objectif pour lequel le CIR a été créé : encourager les entreprises à faire de la recherche et conforter l’attractivité de la France pour l’implantation de centres de recherche sur notre territoire. Plus nous rendrons cela complexe, plus cet objectif s’éloignera.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Les écologistes soutiendront cet amendement, qui nous semble de bon sens.
Mon point de vue est opposé à celui de notre collègue Michel Bouvard. Soyons clairs dans nos politiques publiques ! La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013 a opéré en grande partie un transfert de la recherche publique vers la recherche privée.
Les universités souffrent d’un problème de financement. Pourquoi segmenter les questions ? Nous sommes dans le cadre du projet de loi de finances, qui permet de susciter des synergies intelligentes. Nous savons ce qui se passera si nous ne facilitons pas l’obtention de ressources privées pour les universités : les droits d’inscription augmenteront. Pourquoi pas ? Il nous restera à en observer les conséquences...
Sans être favorable au conditionnement à tout prix, il me paraît de bon sens de privilégier cette synergie plutôt que de contraindre, demain, l’État ou les régions à renflouer les universités d’une manière ou d’un autre. Beaucoup d’entre elles sont déjà, sinon en crise, au moins en situation délicate. Elles offrent une formation intelligente : les cursus « bac + 4 » et au-delà correspondent de plus en plus à des formations professionnalisantes. La question du devenir professionnel des docteurs est importante, comme celle des doctorants, que l’on oublie souvent.
Depuis des années, le système des CIFRE, ou conventions industrielles de formation par la recherche, existe et permet à un doctorant de poursuivre ses travaux de recherche dans une grande entreprise, sur un sujet qui l’intéresse. Ce dispositif est pourtant trop peu utilisé. Utilisons donc les leviers dont nous disposons pour pousser les entreprises à prendre leur part.
Il ne s’agit que d’un juste retour des choses : la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche a engagé à 90 % un transfert de la recherche publique vers la recherche privée ; il n’est donc pas scandaleux, de temps en temps, de proposer de mettre à contribution les entreprises, françaises ou étrangères.
Le crédit d’impôt recherche bénéficie beaucoup aux entreprises étrangères en France. Grâce à lui, beaucoup de chercheurs viennent de l’étranger travailler dans nos laboratoires, et des Français, formés grâce à lui, vont créer ou rejoindre des entreprises à l’étranger. Soyons attentifs à maintenir l’équilibre et à privilégier la circularité ! Nous voterons en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, pour explication de vote.
M. Maurice Vincent. Nous partageons les objectifs de cet amendement défendu par notre collègue Francis Delattre, qui correspond effectivement à une demande des universitaires.
Toutefois, il existe déjà une disposition du crédit d’impôt recherche qui prévoit que les contrats entre une entreprise et des organismes publics de recherche donnent lieu à une bonification, et même au doublement du crédit impôt pour l’entreprise.
L’incitation existe donc déjà, et nous entendons soutenir cette façon de promouvoir la recherche publique en la renforçant, notamment en en diffusant massivement l’information auprès des grandes entreprises et des universités. Cela nous semble préférable à l’ajout d’une condition, qui serait source de complexité. Les projets de recherche des grandes entreprises ne peuvent à mon avis pas dépendre d’une condition administrative de ce type. En effet, si la thématique de recherche d’une entreprise relevait d’une technologie disponible seulement dans un laboratoire privé, alors cette disposition ne permettrait pas de répondre aux besoins.
Il nous semble de meilleure méthode de renforcer l’information sur le bénéfice supplémentaire que peut trouver une entreprise à contracter avec un laboratoire public menant des recherches pouvant l’intéresser.
M. le président. L'amendement n° II-184 rectifié ter, présenté par MM. Delattre, Malhuret, Portelli, Doligé et G. Bailly, Mme Hummel, MM. Vogel et Lefèvre, Mme Deroche, MM. Vaspart, Morisset, Chasseing, Houel, Savary, Pierre et Pointereau, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Laufoaulu, Laménie, Grosdidier, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 39 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l’article 59 A du livre des procédures fiscales, les mots : « à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts » sont supprimés.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. En matière de recherche et développement, la qualification et le mode de calcul des dépenses posent des difficultés. Ce n’est en effet pas un inspecteur des impôts classique qui peut déterminer leur caractère scientifique. De nombreux dossiers sont donc portés devant la commission des impôts directs. Or si cette commission a des compétences assez larges pour les entreprises dites nouvelles, elle ne peut pas se prononcer sur les régimes fiscaux en faveur des jeunes entreprises innovantes.
Les jeunes entreprises innovantes doivent être traitées de la même façon que les entreprises nouvelles. Passer de la recherche et développement à l’innovation étant une phase déjà suffisamment critique pour ces entreprises – il est difficile pour elles de trouver des financements –, il ne faudrait pas, en plus, qu’elles aient du mal à connaître le périmètre fiscal. L’enjeu est d’inciter les start-up françaises, dont le dynamisme a été salué au dernier salon international de Los Angeles, à rester sur le territoire national plutôt que de s’installer ailleurs, notamment au Canada.
Une autre difficulté est que le ministère de la recherche a peu de consultants à envoyer sur le terrain. Or 20 000 entreprises sont aujourd’hui éligibles au CIR, contre 5 000 à 6 000 hier. En outre, les acteurs de la recherche et développement craignent qu’une demande de CIR n’entraîne un contrôle fiscal de manière quasi automatique.
Monsieur le secrétaire d'État, vous aviez promis une instance pour pouvoir discuter des dossiers fiscaux. Nous pensons, pour notre part, que les problématiques spécifiques aux jeunes entreprises innovantes pourraient trouver des solutions pratiques auprès des commissions des impôts directs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue Francis Delattre souhaite étendre la compétence des commissions départementales des impôts aux dépenses de recherche ouvrant droit au CIR. Or ces commissions, dont les compétences nous semblent déjà très larges, auraient à se prononcer sur des sujets très techniques, puisqu’il s’agirait de déterminer l’éligibilité des dépenses de recherche.
Plutôt que d’élargir les compétences de ces commissions, il nous semble préférable qu’un organisme spécifique soit créé. À cet égard, l’article 19 du projet de loi de finances rectificative pour 2015 prévoit la création d’un comité consultatif du CIR susceptible de permettre un recours aux entreprises en matière d’éligibilité de leurs dépenses de recherche. La commission des finances proposera de plus un amendement tendant à renforcer la présence du ministère de l’industrie au sein de ce comité. C’est pourquoi j’invite Francis Delattre à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le CIR suscite toujours les mêmes interrogations : premièrement, les contrôles ; deuxièmement, les contestations sur les assiettes éligibles. Un troisième type d’interrogation, M. le rapporteur général l’a évoqué en creux, porte sur le fait de savoir qui est compétent pour donner les avis : les services fiscaux ? Les services du ministère de l’industrie ? Les services du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur ?
En fait, il convient de privilégier deux dispositifs : l’un en amont, l’autre en aval.
En amont, je le répète – je ne le répéterai jamais assez –, les entreprises sont invitées à utiliser le rescrit en matière de CIR. Cela sécurise tout le monde, clarifie les choses, et c’est un dispositif qui fonctionne.
En aval, la création du comité consultatif du CIR – le rapporteur général y a fait allusion – permettra d’améliorer les échanges, de prévenir les contentieux, même si ces derniers seront tranchés par une instance différente.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, les commissions départementales des impôts sont déjà relativement engorgées. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Delattre, l’amendement n° II-184 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Le rapporteur général nous fait une proposition. Comme je le soutiens d’habitude, je vais faire un effort, même si je ne suis pas du tout d’accord avec M. le secrétaire d'État.
M. le président. L’amendement n° II-184 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° II-185 rectifié bis, présenté par MM. Delattre, Béchu, Malhuret, Portelli et Doligé, Mme Hummel, MM. Vogel et Lefèvre, Mme Deroche, MM. Vaspart, Morisset, Vasselle, Savary, Pierre et Pointereau, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Laufoaulu, Laménie et Grosdidier, est ainsi libellé :
Après l’article 39 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Sur la qualification et sur leur mode de calcul des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt de l'article 244 quater B du code général des impôts. »
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Cet amendement va dans le même sens que le précédent. En effet, outre le périmètre fiscal, il y a aussi les précontentieux. Or il n’y a pas d’instance où une démarche contradictoire est possible pour traiter des problèmes fiscaux.
Si le projet de loi de finances rectificative prévoit la mise en place d’un dispositif en aval, comme le dit M. le secrétaire d'État, le problème en amont, lui, n’est pas réglé. Certes, le rescrit est un dispositif intéressant, mais il ne permet pas d’anticiper les évolutions que peut connaître un programme de recherche s’étendant sur deux, trois, voire cinq ans.
Certaines commissions départementales des impôts directs pourraient donc se prononcer sur la qualification des dépenses de recherche. Je pense à celles qui sont situées dans des territoires où il y a beaucoup de recherche et développement, comme à Grenoble ou à Nice. Certains services fiscaux que nous avons rencontrés nous l’ont d’ailleurs suggéré. Il faut savoir que le ministère de la recherche ne disposant pas de suffisamment d’experts pour effectuer des contrôles sur place, il privilégie les contrôles sur pièces.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans anticiper sur les débats que nous aurons prochainement, je voudrais préciser que la commission présentera plusieurs amendements à l’article 19 du projet de loi de finances rectificative tendant notamment à rendre le comité consultatif du CIR plus contradictoire par la présence de représentants du ministère de l’industrie et, éventuellement, de représentants des contribuables. Si ces amendements sont adoptés, le présent amendement sera pleinement satisfait.
Plus spécialisé que les commissions départementales des impôts directs, le comité consultatif du CIR sera aussi moins engorgé. Il pourra ainsi traiter de la manière la plus contradictoire et la plus objective possible la question de la qualification des dépenses.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne comprends pas du tout l’argument qui consiste à dire que, les projets de recherche s’étalant sur plusieurs années, le rescrit ne fonctionne pas. Si le projet de recherche évolue, on peut parfaitement demander un nouveau rescrit : c’est tout à fait permis, et c’est même souhaitable !
Dans la mesure où les commissions départementales des impôts directs interviennent systématiquement en aval, votre amendement ne répond pas non plus au problème que vous soulevez.
Par ailleurs, l’article 19 du projet de loi de finances rectificative apportera réponse à ces questions, comme cela a déjà été dit.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Delattre, l'amendement n° II-185 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-185 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° II-320 rectifié bis, présenté par M. Berson, est ainsi libellé :
Après l’article 39 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa du d bis) du II de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si l’entreprise donneuse d’ordre ne bénéficie pas du crédit d’impôt au titre des dépenses exposées pour la réalisation des opérations confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions, l’organisme ou l’expert précité peut bénéficier du crédit d’impôt prévu par le présent article au titre de ces dépenses. »
II. − Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. L’instruction fiscale du 4 avril 2014 a modifié les critères d’éligibilité des dépenses de recherche sous-traitées par des organismes privés agréés. L’objectif de l’administration était d’éviter qu’une opération de recherche n’ouvre deux fois le droit au crédit d’impôt recherche, une première fois pour le donneur d’ordre et une seconde fois pour le sous-traitant.
Nous partageons cet objectif juste et légitime. Toutefois, comme je vais le démontrer, l’application de l’instruction fiscale crée une profonde injustice pour certains sous-traitants.
Les organismes sous-traitants agréés sont dans l’obligation de déduire de l’assiette de leur propre crédit d’impôt recherche toutes les dépenses de recherche sous-traitées, que le donneur d’ordre ait ou non intégré ces dépenses dans son assiette de crédit d’impôt recherche. Le présent amendement vise à corriger cette discrimination évidente, en permettant aux entreprises agréées sous-traitantes de bénéficier du crédit d’impôt recherche quand l’entreprise donneuse d’ordre ne déclare pas dans son assiette de CIR ses dépenses sous-traitées, par exemple parce qu’elle a déjà atteint son plafond de sous-traitance.
Mme Catherine Procaccia. Temps de parole écoulé !
M. Michel Berson. De plus, cette disposition permettrait aux entreprises sous-traitantes de pouvoir déclarer au titre de leur CIR en toute tranquillité la totalité de leurs dépenses liées à leur effort de recherche et développement interne, celui qu’on appelle de « ressourcement ».
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
Mme Catherine Procaccia. Eh oui !
M. Michel Berson. Monsieur le secrétaire d'État, voilà deux exemples précis des injustices flagrantes que cet amendement a pour objet de corriger.
Mme Catherine Procaccia. Une minute de dépassement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La logique suivie par l’instruction fiscale est de faire bénéficier du crédit d’impôt l’entreprise donneuse d’ordre, qui impulse la recherche en ayant recours à d’éventuels sous-traitants. Il est donc normal que la déduction lui revienne.
La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons.
Premièrement, comme je le rappelle régulièrement, nous souhaitons que le dispositif du CIR soit stable.
Deuxièmement, vous évaluez le coût de la mesure que vous proposez à 300 millions d’euros. Le CIR constituant déjà une dépense fiscale des plus coûteuses, il ne paraît pas opportun d’en augmenter encore le coût.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La loi ayant fixé des plafonds, le seul moyen de les faire respecter consistait à les reprendre dans l’instruction fiscale.
Si l’entreprise sous-traitante est perdante dans l’opération, elle peut toujours effectuer sa recherche en son nom, obtenir directement le crédit d’impôt recherche et vendre ensuite sa prestation. Cette limitation peut donc être aisément « contournée ».
M. Michel Berson. Impossible ! Votre administration l’interdit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si vous avez encore des doutes, l’argument du coût est assez rédhibitoire. Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Le problème auquel font face les sous-traitants nécessite une autre solution que celle qui est proposée au travers de cet amendement.
Il est tout à fait vrai que l’instruction fiscale du 4 avril 2014 explicitant la doctrine administrative relative à la sous-traitance en matière de CIR a posé quelques difficultés. En effet, cette instruction remet en cause la possibilité, pour les entreprises sous-traitantes agréées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, d’inclure dans leur déclaration de CIR les projets de recherche et développement qui ne sont pas valorisés par leurs clients privés français, même si ceux-ci y renoncent expressément ou ont atteint le plafond autorisé.
Cette nouvelle instruction fiscale est présentée par l’administration comme une simple « clarification » visant à éviter que les mêmes opérations de recherche ouvrent droit deux fois au crédit d’impôt. Une telle préoccupation est particulièrement justifiée, mais cette instruction fiscale a complexifié les règles applicables à la prise en compte des dépenses de sous-traitance privée, au regard du dispositif d’agrément que cet amendement n’évoque pas ici. Or si le sous-traitant privé n’est pas agréé par le ministère de la recherche, l’entreprise donneuse d’ordre ne peut pas prendre en compte les dépenses de recherche sous-traitées dans l’assiette de son CIR. Dans ce cas, l’organisme sous-traitant n’est pas obligé de déduire les montants facturés de la base de calcul de son propre CIR.
Ainsi, compte tenu du contrôle faible, voire inexistant, opéré par le ministère de la recherche sur les sociétés agréées, il paraîtrait, selon nous, préférable de supprimer l’agrément afin que tous les sous-traitants soient soumis au régime existant avant l’instruction fiscale : la prise en compte, en priorité, des dépenses incluses dans le CIR du donneur d’ordre, sauf renoncement explicite ou reliquat supérieur au plafond. Toutefois, cette proposition n’aurait de sens que dans un contexte où l’administration fiscale dispose des moyens humains et matériels en vue de mener des contrôles véritablement approfondis.