Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, monsieur le ministre, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le temps nous est compté, je focaliserai mes propos sur deux points, en commençant par le plan France très haut débit.
Ces derniers mois, la Commission européenne a commandé plusieurs études afin d’évaluer la situation des haut et très haut débits sur le vieux continent. Il ressort de ces travaux que la France compte parmi les États les moins avancés en la matière. Seuls un peu plus de 40 % des foyers de notre pays sont couverts par le très haut débit fixe, ce qui, au passage, ne signifie pas que ces foyers aient choisi effectivement de se raccorder, tant s’en faut. Dans de nombreux départements encore, les deux tiers ou plus de la population ne sont pas encore couverts en haut débit !
Force est de le constater, la fracture numérique demeure bel et bien une réalité. En effet, si la révolution numérique traverse aujourd’hui tous les pans de notre société, de notre économie et de notre organisation administrative, elle demeure largement soumise à une logique du marché privilégiant les segments les plus immédiatement profitables. Il est donc essentiel d’ériger cet accès au numérique en service public : il convient de le démocratiser et de réduire cette fracture qui perdure.
Dès lors, les réseaux de télécommunications doivent être conçus comme une infrastructure publique et mutualisée, sur la base de laquelle les opérateurs organiseront les services. À cet égard, je salue l’effort déployé par les collectivités territoriales pour rendre possible cet accès au numérique, mais j’émets quelques réserves au sujet du plan France très haut débit.
Ma première réserve porte sur son coût global : 20 milliards d’euros sur dix années. Cette somme est colossale ! Au reste, il y a quelques jours, le secrétaire d’État chargé du budget a évoqué, ici même, un total de 22 milliards, voire de 23 milliards d’euros.
Je rappelle que 13 milliards à 14 milliards d’euros seront issus d’investissements publics, tandis que les investissements privés ne couvriront que 6 milliards à 7 milliards d’euros. Les collectivités territoriales sont donc appelées à jouer un rôle fort en faveur du plan France très haut débit. Pour cette répartition, il faudrait veiller à ne pas tomber dans une logique où les bénéfices privés seraient trop largement assis sur des investissements publics et où les opérateurs désinvestiraient.
Ma deuxième réserve est étroitement liée à la première. Actuellement, notre stratégie nationale est axée sur le déploiement du très haut débit et de la fibre optique jusqu’au domicile des clients. Mais quand j’observe notre retard, ne serait-ce qu’au niveau du haut débit, je me demande si nous ne nous sommes pas trompés de priorité numérique, si notre ambition n’est pas économiquement surdimensionnée.
M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais non !
M. André Gattolin. Je rappelle que, à la fin de 2014, seuls 19 % des habitants d’Europe bénéficiaient de la fibre optique. À ce niveau, à l’opposé du haut débit, notre retard n’est donc pas si alarmant.
À mon sens, on ne peut pas penser indépendamment les équipements en haut débit et en très haut débit. Certes, il ne s’agit pas nécessairement d’attendre que chaque hameau dispose du haut débit pour déployer la fibre optique. Pour autant, il faut veiller à ne pas abandonner les territoires ruraux.
J’en viens à ma troisième réserve.
Prenons garde à ne pas faire des géants d’internet, les fameux GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon –, les principaux, voire les seuls bénéficiaires de la manne qui découlera du développement du réseau. En l’état actuel de l’économie du numérique, ces entreprises sont les premières à tirer un véritable profit de ce déploiement du très haut débit, et ce grâce à leur habileté à s’approprier la valeur des contenus diffusés, à collecter et à commercialiser les données. Le rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin sur la fiscalité de l’économie numérique, remis au Gouvernement en 2013, nous alerte très justement sur ce point. Pour couronner le tout, les GAFA ne payent quasiment pas d’impôts, en France comme en Europe.
Monsieur le ministre, il est urgent de « mettre le turbo » – passez-moi l’expression – en matière de refonte de la fiscalité du numérique dans les négociations qui se tiennent au niveau de l’OCDE à ce sujet. La France, à l’image du Royaume-Uni, se doit d’être plus volontariste.
M. Yvon Collin. Tout à fait !
M. André Gattolin. C’est d’ailleurs le sens de l’excellent amendement n° I-347 rectifié, présenté au nom du groupe socialiste et républicain, que nous avons adopté lundi dernier dans cet hémicycle à la quasi-unanimité.
Un dernier point mérite notre attention.
Alors que la Commission européenne doit préalablement valider la légalité de ces subventions publiques, le projet de « montée en débit » d’Orange semble poser problème.
Initialement prévue pour décembre, la décision de l’Union européenne sur l’ensemble du plan France très haut débit ne sera finalement pas prise avant la fin de janvier ou le début de février 2016. Les collectivités territoriales vont donc devoir geler pour deux mois supplémentaires le déploiement de réseaux d’initiative publique, alors que les travaux sont déjà largement engagés.
J’ai cru comprendre que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne jugeait la « montée en débit » d’Orange trop avantageuse pour cet opérateur. À ce propos, le Gouvernement se veut rassurant. Toutefois, pouvez-vous nous renseigner sur l’état actuel de ces points d’achoppement ? Devrons-nous réaliser un nouveau cahier des charges afin de déminer le terrain ?
Pour conclure, je dirai quelques mots de l’INSEE.
En 2016, cet institut, actuellement engagé dans un vaste chantier de modernisation, subira une baisse de crédits de 2,6 % par rapport à 2015. Il semble a priori facile de faire des économies sur un tel organisme. Pourtant, les études menées par l’INSEE nous sont extrêmement précieuses pour comprendre notre société, devenue si complexe et si rapidement mouvante. À trop désinvestir dans les outils analytiques et statistiques de l’État, nous risquons, j’en ai peur, d’aggraver notre cécité actuelle quant aux grands enjeux stratégiques que nous réserve l’avenir. Il faudrait donc, si possible, remédier à cette situation et ne pas trop tailler dans les crédits de notre outil statistique national. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Canevet applaudit également.)
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2016 encore, la mission « Économie » sera marquée par la réduction des dépenses publiques. À périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, elle connaîtra une nouvelle baisse à hauteur de 5,6 %, après une diminution de 4,2 % l’an dernier. Cet effort correspond à l’objectif de 120 millions d’euros d’économies sur la période 2014-2017 défini par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.
Les crédits pour 2016, s’ils sont adoptés, s’élèveront à 1,46 milliard d’euros. Les principales nouveautés concernent le financement des réformes décidées depuis la promulgation, le 6 août dernier, de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, texte qui a donné lieu à des débats parlementaires particulièrement riches, divers et prolongés.
Avec la mission « Travail et emploi », la mission « Économie » a pour but majeur le soutien à l’activité des entreprises, en particulier des PME, dont on sait le rôle essentiel dans la bataille contre le chômage.
Les dépenses fiscales représentent à nouveau le principal levier de cette mission, avec un montant cumulé de 20,5 milliards d’euros, contre 17 milliards d’euros l’an dernier. Parmi elles, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est la principale dépense fiscale rattachée, avec 13 milliards d’euros. La commission des affaires économiques a souligné que le CICE représentait un véritable « bol d’oxygène » pour certaines entreprises en difficulté de trésorerie, bien que ses effets réels sur l’économie ne puissent être totalement évalués à ce jour.
L’article 52 rattaché modifie les modalités d’allocation au Fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région. Une enveloppe de 18 millions d’euros sera ainsi destinée aux actions de péréquation.
Les programmes dits « pérennes » de cette mission sont ceux qui supportent la plus grande partie de l’effort budgétaire. Ainsi, le programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme », connaît une baisse de 5 % en crédits de paiement. Ces derniers s’établissent donc à 852 millions d’euros. Cette baisse s’explique essentiellement par la réduction des crédits du FISAC. Ce dispositif est désormais recentré sur les communes rurales, ce dont se félicitent les membres du RDSE.
Le programme 220, « Statistiques et études », qui assure le financement de l’INSEE, voit également ses crédits se réduire, quoique dans une moindre mesure. Cette réduction porte surtout sur les dépenses de fonctionnement.
C’est le programme 305, « Stratégie économique et fiscale », qui connaît la baisse la plus drastique, à hauteur de 7,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Toutefois, ce repli s’explique par la diminution progressive de la subvention versée à la Banque de France au titre des commissions de surendettement, qui connaissent une importante restructuration.
Outre ces trois premiers programmes, la mission « Économie » inclut le plan France très haut débit, créé l’an dernier. On le sait, ce plan prévoit le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’horizon de 2022 et mobilise 20 milliards d’euros d’investissements sur dix ans, dont 6 milliards à 7 milliards d’euros apportés par les opérateurs et 3 milliards d’euros accordés par l’État, le reste étant financé par les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, si la commission des affaires économiques a souligné la difficulté à coordonner tous les partenaires pour former un véritable plan d’ensemble, nous nous réjouissons vivement de l’ambition affichée par le plan France très haut débit, qui regroupe plusieurs acteurs autour d’un projet structurant et tout à fait fondamental. Le déploiement de la fibre optique est un impératif pour l’attractivité de nos territoires. Il est attendu de tous, entreprises et particuliers. Néanmoins, l’élu local et rural que je suis ne peut pas masquer son inquiétude quant au respect du calendrier, notamment pour ce qui concerne les zones non conventionnées éloignées des grands centres urbains. Cela étant, votre réponse nous rassurera sans doute sur ce point.
Au total, si la mission « Économie » continue de voir ses crédits diminuer conformément à l’objectif de réduction de la dépense publique, son périmètre est peu modifié par rapport à l’an dernier. Cet effort d’économies mérite d’être salué. Nous regrettons cependant que les dépenses de fonctionnement et surtout d’intervention pâtissent en premier lieu de cette contraction des moyens, même si nous mesurons l’inertie des dépenses de personnel.
Nous saluons, comme l’an dernier, la poursuite des efforts en faveur de la simplification des démarches administratives des entreprises. Dans ce domaine, il faut se réjouir de chaque simplification ! Il s’agit là d’un véritable enjeu d’attractivité et, sur ce front, notre pays a encore des marges de progression assez importantes.
La majorité des membres du RDSE apportent leur soutien total à la politique économique mise en œuvre par le Gouvernement. C’est pourquoi nous approuverons les crédits de cette mission, ainsi que ceux du compte de concours financiers rattaché. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Madame la présidente monsieur le ministre, mes chers collègues, j’axerai mon intervention sur deux questions – le FISAC et le plan France très haut débit – qui sont très importantes pour l’ensemble de nos départements comme pour notre économie. D’abord, parce que les enjeux et les difficultés qui leur sont propres me sont familiers et que les réponses apportées par le projet de loi de finances ne me paraissent pas complètement adaptées aux observations de terrain des élus, notamment dans les départements ruraux ; ensuite, parce que le traitement dont ces questions font l’objet me semble représentatif de l’esprit général des crédits de la mission « Économie ».
Les dotations de l’action n° 2, Commerce, artisanat et services, diminuent de 21 % en crédits de paiement et de 18 % en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette baisse s’explique en grande partie par la réduction des crédits du FISAC. Doté de 32,3 millions d’euros en 2013, ce fonds-ci ne bénéficie plus que de 10 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016. Les autorisations d’engagement connaissent, elles aussi, une baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.
Il est bien sûr rassurant de voir que les crédits pour 2015 ont permis de financer la plus grande partie des stocks de dossiers résultant de l’ancien dispositif, permettant ainsi que les crédits pour 2016 soient concentrés sur le dispositif réformé. Le recentrage du FISAC vers les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville n’apparaît néanmoins pas suffisant pour amortir la baisse des dotations. Cette inquiétude est d’autant plus forte que ces crédits doivent aujourd’hui prendre le relais des financements à destination des stations-service, jusqu’alors assumés par le Comité professionnel de la distribution de carburants, désormais supprimé. Une enveloppe de 2,5 millions d’euros sera donc consacrée au soutien des stations-service de carburant, représentant autant de possibilités de financement en moins pour les autres entreprises des secteurs du commerce, de l’artisanat et des services. Il s’agira également de déterminer avec précision quels fonds permettront la gestion des dossiers en stock, dont le coût est estimé à 12,5 millions d’euros.
Dans ce contexte, je suis profondément inquiet de la baisse drastique à laquelle est soumis le FISAC. C’est pourquoi je remercie notre collègue Élisabeth Lamure d’avoir déposé un amendement au nom de la commission des affaires économiques visant à augmenter les crédits du FISAC d’un montant de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Une autre source d’inquiétude concerne le fonctionnement même du FISAC. La logique de guichet, qui avait mené à une impasse budgétaire, a certes été abandonnée et un nouveau ciblage des territoires prioritaires a bien été effectué, mais qu’en est-il des délais d’instruction des dossiers ?
Le décret fixant les nouvelles modalités d’attribution des crédits du FISAC, consécutives au passage à la sélection sous forme d’appels à projets, s’est fait attendre pendant près d’un an, paraissant finalement au Journal officiel le 17 mai 2015. En cela, il s’inscrit dans la continuité du fonctionnement du FISAC avant la réforme, marqué par des retards importants dans le traitement des dossiers, avec un effet pénalisant pour de nombreux projets. Les délais doivent absolument être raccourcis dans le cadre du nouveau fonctionnement du FISAC.
Enfin, monsieur le ministre, la question de l’efficacité du FISAC dans son organisation actuelle est posée, alors que l’objectif de la refonte – nécessaire – dont il a fait l’objet en 2014 était de lui permettre de faire face aux contraintes budgétaires et aux dysfonctionnements de l’ancien dispositif. D’envergure nationale, il n’est pourtant doté que de 10 millions d’euros en crédits de paiement. Sa capacité est donc limitée.
Dans son rapport d’octobre 2015, établi au nom de la commission des finances sur la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2016, le député de votre majorité, Jean-Louis Gagnaire, a estimé nécessaire que l’État fasse un choix : « soit les dispositifs nationaux disposent de suffisamment de moyens pour être efficaces et répondre aux besoins, soit il convient de les transférer aux collectivités territoriales avec le budget correspondant, à défaut de quoi se multiplient et s’empilent des dispositifs sans véritable impact pour des coûts de gestion devenus prohibitifs. » À mon sens, il serait pertinent de transférer le FISAC aux collectivités territoriales qui exercent aussi une compétence en matière d’aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne le développement économique. Elles sont, par ailleurs, les mieux placées pour intervenir sur les questions d’offre commerciale et artisanale de proximité sur leur territoire.
Baisse des crédits, difficultés des milieux ruraux et retards dans le traitement des demandes de financement : c’est également ce que connaît aujourd’hui le plan France très haut débit. Parce qu’il révolutionne nos échanges, nos services, nos loisirs et conditionne pour une grande part notre développement économique, le très haut débit doit faire partie de l’avenir de chacun de nos territoires, urbains ou ruraux. Ce défi doit être relevé ensemble. Il est compliqué, certes, mais également important, dans un environnement naturel exigeant, avec des contraintes géographiques et démographiques lourdes, comme celles que connaissent les départements ruraux.
Je me réjouis que le Gouvernement ait pris la mesure à la fois de cet enjeu et des inégalités structurelles qui pèsent sur les plus ruraux de nos départements. Il serait terrible de ne pas s’attaquer à une fracture numérique qui s’ajoute, trop souvent, aux difficultés spécifiques des zones les moins denses.
Le Premier ministre a donc annoncé, le 28 février 2013, le plan France très haut débit. Il faut maintenant aller très vite, car le temps joue contre ces territoires où l’on peine encore à rendre le très haut débit disponible, ajoutant un obstacle sur le chemin de leur attractivité. Ce retard se compte en entreprises qui hésitent à y investir, en habitants qui hésitent à s’y installer. Or, on le sait, ce sont les entreprises, par leur activité créatrice de richesses, d’emplois et de cohésion sociale, ce sont les habitants, par leur mode de vie, leurs besoins en services, en infrastructures et en loisirs qui dynamisent et font vivre les territoires.
Pourtant, les réponses aux demandes de financement des réseaux d’initiative publique tardent. Le guichet consacré aux réseaux d’initiative publique dans le plan France très haut débit, ouvert en 2013 afin d’examiner les demandes des collectivités territoriales, et l’accord préalable de principe du Premier ministre, qui est normalement prévu, n’ont apparemment pas permis un traitement rapide des dossiers. Le Gouvernement a d’ailleurs reconnu, dans les objectifs et indicateurs de performance du programme 343, que « les délais d’instruction des projets sont légèrement supérieurs aux anticipations ». Ces délais retardent encore le moment où les citoyens pourront bénéficier du très haut débit, au détriment, en priorité, des milieux ruraux, dans lesquels les opérateurs n’investissent pas, car ils ne sont pas rentables.
C’est donc aux collectivités de proximité que revient la charge de financer des innovations technologiques qui leur parviennent toujours plus tard que dans les zones plus urbanisées. Pourtant, les milieux ruraux ont montré, ainsi que je le constate au quotidien dans l’Aveyron, une totale détermination à l’échelle locale. Bien souvent, les contribuables ont payé seuls la note et attendent aujourd’hui un soutien de l’État récompensant justement leur motivation et garantissant leur droit légitime à bénéficier, comme leurs concitoyens des zones urbaines, du haut débit et du très haut débit.
L’amendement adopté par le Sénat tendant à rendre éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les travaux des collectivités territoriales dans le cadre du plan France très haut débit va dans ce sens. Ce n’est bien sûr pas suffisant. Aujourd’hui, l’État doit rapidement susciter la confiance, par un soutien effectif aux zones rurales, s’agissant d’un service véritablement d’intérêt général. Il y va de la solidarité territoriale, dans ce qui doit être une ambition collective.
Monsieur le ministre, malgré l’ensemble de ces incertitudes, le groupe UDI-UC votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a de nombreuses années que les PME et les PMI rencontrent des difficultés en raison de la stagnation économique et du comportement prédateur des banques et des grands donneurs d’ordre. Pourtant, depuis 2008, des aides considérables ont été accordées aux banques, qui ont également bénéficié de fonds de la BCE à de très faibles taux d’intérêt, mais aucun changement dans les critères d’attribution du crédit n’a été opéré. Elles ont ainsi pu réaliser des marges en faisant payer cher le crédit pour les investissements réels et la trésorerie des entreprises, tout en favorisant toujours plus les placements et la spéculation.
Les grands groupes empruntent, eux, sur le marché financier, mais refusent de développer efficacement l’activité en France, continuant de délocaliser ou d’inciter leurs sous-traitants à le faire, tout en distribuant des dividendes.
L’alternative selon nous consisterait donc, d’une part, à obtenir des banques qu’elles assument leur responsabilité sociale en finançant des investissements répondant à des critères précis en matière économique, sociale et environnementale et, d’autre part, à sanctionner les licenciements boursiers, voire à les interdire, à taxer véritablement les transactions financières, à mettre en place une véritable protection douanière des marchandises effectivement produites sur le territoire européen. Nous en sommes loin, tant en matière de politique transversale de soutien aux PME qu’en ce qui concerne les crédits consacrés à la mission « Économie » dont nous débattons aujourd’hui.
Cette mission a vocation à jouer un rôle déterminant pour notre tissu économique. Pourtant, ses crédits sont encore une fois en baisse, de près de 6 %. Les dépenses d’intervention du programme 134, en particulier, connaissent une diminution significative de 9,5 % par rapport à 2015. Or le développement des entreprises constitue un enjeu essentiel. Dès lors, le désengagement de l’État nous semble aberrant. La réduction régulière des crédits permet de moins en moins aux services déconcentrés de mettre en place une politique économique et industrielle de proximité.
Monsieur le ministre, le levier fiscal ne peut pas remplacer le soutien aux entreprises, d’autant que des outils comme la BPI sont largement sous-dotés. La dépense fiscale à destination des entreprises atteint en effet des sommets, avec pas moins de soixante-dix exonérations rattachées à la mission, représentant 20,5 milliards d’euros en 2016, soit près de vingt fois les crédits alloués au programme 134. Le principal de ces dispositifs est le CICE, qui pèse à lui seul 13 milliards d’euros. Or nous constatons chaque jour qu’il n’offre aucune garantie de création d’emplois ni d’investissement. De plus, il présente l’inconvénient de bénéficier indifféremment à toutes les entreprises, PME ou grands groupes, exposées ou non à la concurrence internationale.
Malgré l’importance considérable de son montant global, le CICE n’offre un soutien actif à aucune entreprise. Faute d’avoir reçu un ciblage approprié, son bénéfice risque d’être dilué dans l’ensemble de l’économie. La question de l’effet produit par ce dispositif reste ainsi posée. Selon les premières tendances, un tiers seulement des entreprises du secteur industriel indiquent consacrer le CICE à recruter, un autre tiers à augmenter les salaires.
Je ne parlerai pas plus avant des allégements de cotisations sociales, des remises gracieuses, de la réduction de l’ISF au titre des investissements au capital des PME et autres sources de pertes de recettes. Ces exonérations produisent surtout un gaspillage d’argent public !
Nous ne comprenons pas que l’effort budgétaire fourni par le programme 134 repose principalement sur une réduction des dispositifs de soutien aux entreprises, notamment aux PME dans les secteurs de l’industrie. Comment expliquer la baisse des crédits d’intervention de 14 % ? Les baisses atteignent 26 % pour le soutien au commerce, à l’artisanat et aux services, 22 % pour les entreprises industrielles, 14,6 % pour les subventions attribuées à certains centres techniques industriels, qui jouent pourtant un rôle crucial pour l’animation des filières et la transmission des savoir-faire. Comme le précisait M. Pisani-Ferry lors de son audition, « notre industrie est aujourd’hui menacée […] : à force de reculer, c’est le tissu d’entreprises spécialisées, de sous-traitants et plus généralement de compétences qui disparaît. Une fois passé sous un seuil critique, il sera difficile de revenir en arrière, ne serait-ce qu’en termes de formation, le risque de désaffection pour les métiers industriels étant réel ».
On continue à vider le FISAC de ses moyens, alors que son utilité demeure essentielle dans notre maillage territorial. Nous assistons à la dégradation de l’offre commerciale de proximité, en particulier dans les territoires ruraux, à l’heure où la concentration à l’œuvre dans le secteur de la grande distribution la rend plus que jamais vulnérable.
Dans le même ordre d’idée, si nous saluons la réactivation du Fonds de développement économique et social, nous regrettons qu’il ne s’adresse qu’à des entreprises structurellement rentables. Comme le souligne le rapporteur, l’État ne doit pas renoncer à sa mission de sauvegarde des intérêts économiques et sociaux menacés par la crise. Dès lors, il serait opportun que ce fonds puisse intervenir, y compris à perte, si l’enjeu est de préserver des entreprises et des emplois viables à moyen et long terme.
Les crédits de la mission « Économie » ne permettent pas à l’État d’intervenir réellement pour soutenir les entreprises et favoriser l’emploi et l’investissement. Ils ne permettent pas non plus de renforcer les filières industrielles, voire de permettre la création de nouvelles filières. Les sociétés non financières et les entreprises individuelles sont la richesse de notre pays. La densification du tissu industriel est souvent plus efficace que le soutien à quelques champions nationaux. Les crédits de la mission « Économie » ne répondant pas à ces objectifs, nous ne les voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)