M. Pierre-Yves Collombat. J’ai fait le calcul !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sur les bourgs-centres, permettez-moi de vous contredire. Monsieur Collombat, c’est dès la loi que nous avons empêché que les bourgs-centres, les anciens chefs-lieux de canton, ne perdent leur rang, si je puis dire. Cela a été voté d’emblée. Regardez les simulations, vous constaterez que c’est respecté. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Dans la réforme, la DSR « bourg-centre » restait inchangée. Les simulations le confirment. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que ce sont les communes les moins peuplées qui sont gagnantes. Dans toutes les strates, il y a des gagnants et des perdants. D’ailleurs, il a été montré que, dans toutes les strates, pour des communes ayant le même nombre d’habitants, avec la même répartition en catégories socioprofessionnelles, le montant de DGF allait de 1 à 2.
Monsieur Dallier, vous attendez depuis vingt ans. Vous n’êtes pas le seul ! Moi aussi, j’ai attendu, tout comme d’André Vallini. Pour ma part, j’attends depuis 1995, date à laquelle j’ai été élue pour la première fois maire : j’ai tout de suite constaté l’étendue des injustices et estimé qu’elles étaient inacceptables. Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux injustices dont on parle toujours et auxquelles on ne remédie jamais : les valeurs cadastrales et la DGF.
M. Philippe Dallier. Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. On ne peut pas conserver des parts figées qui correspondent à une histoire que personne n’est capable d’expliquer.
Cependant – l’un de vous l’a souligné –, à chaque fois que l’on veut remédier à cette situation, il y a des communes qui perdent. Certes, des corrections ont été apportées par l’Assemblée nationale, en particulier sur le FPIC. Vous le savez, la loi défendue à l’époque par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale et le ministre chargé de ces questions n’a pas permis d’avancer suffisamment pour établir un équilibre entre DSU et DSR et mettre la dotation nationale de péréquation au service de la DSU et de la DSR.
Sur la DSU et la DSR, nous avons voulu casser l’effet de seuil.
M. Philippe Dallier. C’est bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La suivante de la DSU cible perd trop, c’est totalement injuste, et je vous rejoins sur cette appréciation. L’idée, c’est d’avoir une courbe logarithmique. Vous l’avez maintenant entre les mains.
Désormais, les dotations de la politique de la ville, ce que l’on appelle les quartiers de la politique de la ville, ou QPV, seront prises en compte dans le fonctionnement. À cet égard, il faut arrêter de fustiger sans cesse le budget de fonctionnement. Nous avons besoin de services et d’autofinancement net positif. D’où l’intérêt, notamment pour les communes pauvres, au regard de la DSU, de faire entrer les dotations dans le fonctionnement.
Faire entrer une partie des dotations de la politique de la ville dans le fonctionnement permet aux communes d’appeler l’ANRU et d’investir. Ce n’est pas une mauvaise chose. Je crois qu’il faut y réfléchir ensemble d’ici au vote.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si l’heure est tardive, quand un débat est organisé, le ministre interpellé se doit de répondre, ou plus exactement de donner son avis, à tous les intervenants, au risque d’être un peu long.
M. Bonnecarrère a mentionné l’augmentation des charges.
Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, monsieur le sénateur. Votre idée d’un nouvel article 40 est complexe, même si j’en comprends l’esprit. C’est à ce travail que se consacre André Vallini, à travers l’allégement des normes et le « zéro charge nouvelle ».
Nous souhaitions confier cette tâche au Haut Conseil des territoires, dont certains pensent que le Gouvernement veut le ressusciter,…
M. Jacques Mézard. Vous en êtes bien capable !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … mais le HCT est bien mort ! Nous avons désormais instauré une autre façon de dialoguer avec les territoires et des études d’impact sont menées sous la conduite d’André Vallini avant toute prise de décision.
Ce travail intéressant nous a d’ailleurs permis d’aborder un certain nombre de questions avec la Commission consultative d’évaluation des normes, notamment lors du dernier Dialogue national des territoires, qui s’est tenu le 15 juillet, au cours duquel André Vallini a présenté des résultats intéressants. Certes, monsieur le sénateur, ce n’est pas l’article 40 tel que vous le souhaiteriez, mais on n’en est pas loin, en tout cas dans l’esprit.
J’en viens au coefficient de mutualisation que vous avez appelé de vos vœux. Vous vous souvenez sans doute que c’était ma demande.
M. René Vandierendonck. Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En comparant le coefficient de mutualisation et le coefficient d’intégration fiscale, nous nous sommes rendu compte que l’on arrivait à peu près à l’équilibre. Mais, comme les uns et les autres avaient tout fait pour que le CIF soit un petit peu plus haut, par exemple en intégrant les conventions de prestations de services, il nous était difficile de revenir à un coefficient de mutualisation qui exclue ces dernières, alors qu’elles permettent aussi une bonne mutualisation.
Au terme de la comparaison, le CIF nous a donc paru la bonne solution, et nous l’avons conservé.
Monsieur Patient, le rapport sur les pistes de réforme des finances des collectivités locales des départements et régions d’outre-mer que vous avez remis au Gouvernement au mois de septembre 2014 est excellent et nous avons essayé de nous en inspirer.
Certes, je vous l’accorde, tout n’est pas parfait. Les collectivités locales d’outre-mer sont mises à contribution, sauf Mayotte et les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution. On a communément l’habitude de trouver cet équilibre juste. Il demeure, même si l'Assemblée nationale a cherché – très brièvement, il est vrai – à le remettre en cause.
Le projet de loi de finances pour 2016 a prévu un dispositif spécifique conduisant à minorer la contribution des régions d’outre-mer. Sur cette question aussi, tout s’est très correctement passé à l’Assemblée nationale.
Ainsi, la péréquation progresse : la dotation d’aménagement des collectivités d’outre-mer, au sein de la DGF, a augmenté de 17 millions d’euros en 2015 et le FPIC de 8 millions d’euros pour l’outre-mer. Malheureusement – je le dis en toute franchise –, la commission des finances du Sénat a rejeté cette progression. Je doute que ce soit une bonne idée, d’autant que les sommes en cause ne sont pas importantes.
À mon sens, il n’y a pas de raison objective de refuser cette mesure. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement déposera certainement un amendement visant à introduire de nouveau cette progression, si aucun parlementaire ne le fait ; mais peut-être votre commission des finances reviendra-t-elle sur sa position.
Les projections pour l’année 2016 aboutissent à des résultats comparables assez justes. Ainsi, la baisse de la DGF est proportionnelle aux recettes réelles de fonctionnement, ces RRF dont précisément l’outre-mer manque le plus ; c’est là sa fragilité. Il faut également un investissement spécifique local. Il est prévu un élargissement du FCTVA de 1 milliard d’euros – une part importante ira à l’outre-mer – ainsi qu’une augmentation de la dotation d’équipement des territoires ruraux et de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, LADOM.
Monsieur le sénateur, nous avons essayé de tenir compte des remarques qui figuraient dans votre rapport, même si nous ne sommes peut-être pas allés au bout cette année. Ainsi, la moyenne des parts figées de la DGF est de 59 euros par habitant pour les communes des DOM et de 153 euros par habitant pour la métropole. Chacun s’accordera à reconnaître qu’il y a là une injustice qu’il faut corriger, sinon les élus d’outre-mer ne réussiront pas rattraper des retards qui sont dommageables au pays tout entier. C’est ainsi qu’il faut parler des outre-mer.
Bien sûr, nous avons pris en compte les difficultés de la Guyane. Vous le savez, puisque nous avons déjà prévenu l’ensemble des parlementaires concernés.
Madame Cayeux, vous avez dit qu’il serait difficile de procéder à une réforme en un an. Ce sera difficile en effet, mais plus on prend du temps pour faire une réforme, plus on a du mal à la faire. Nous devons donc mettre en œuvre cette réforme en partant du principe – c’est un espoir que nous ne devons pas nous interdire – qu’il faudra pouvoir en corriger certains aspects l’année suivante si l’on se rend compte que certains dispositifs ne fonctionnent pas.
Je m’étais demandé, concernant les SDCI, si l’on ne pouvait pas projeter la DGF sur les futurs SDCI pour être dans le vrai de la discussion des schémas départementaux. Telle était notre position, mais elle a été rejetée tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, chacun pensant que ce n’était pas ainsi qu’il fallait procéder. On ne l’a donc pas fait, mais je ne suis pas sûre que l’on soit juste en faisant ce choix. Nous sommes prêts cependant, je le répète, à effectuer des doubles simulations.
Le retrait définitif de la réforme serait terrible. Je l’ai toujours dit, et je le répète aujourd'hui avec beaucoup de conviction, il faut créer des intercommunalités si l’on veut sauver les communes, comme nous le demandent la majorité des élus et des parlementaires – mais peut-être pas tous les citoyens –, car une commune de 500 habitants ne pourra jamais créer de service à la petite enfance.
M. Jacques Genest. Nous y sommes arrivés !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Or les femmes qui travaillent ont besoin d’un service à la petite enfance. Il n’est pas possible de mettre en place des services importants sans intercommunalité. Nous devons donc avancer dans cette voie, comme l’a dit notamment Jacques Genest.
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut faire des regroupements autoritaires de villages !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’y a pas de regroupements autoritaires, il y a la loi, monsieur le sénateur !
On a prétendu que les préfets avaient reçu des ordres. Pour ma part, j’ai toujours dit aux préfets qu’il y avait la carte idéale – sans doute avez-vous une carte idéale, monsieur Collombat –…
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et puis la carte réelle, et qu’il allait falloir composer entre l’idéal et le réel. Des modes de calcul existent et, pour passer outre, les communes devront être dans une situation très difficile. De surcroît, pour une même intercommunalité, certains parlementaires veulent du blanc, d’autres du noir, alors qu’ils siègent dans le même groupe. (Sourires.) C’est donc compliqué. Une véritable discussion est nécessaire.
La loi fixe un seuil de 5 000 habitants. Bien sûr, entre 700 et 900 des 2 300 intercommunalités existantes vont bouger, et c’est tant mieux, mais nombre d’intercommunalités resteront à 5 000 habitants. J’en connais même une qui se situe juste en dessous du seuil, mais qui estime qu’il n’est pas nécessaire de bouger celle d’à côté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai effectué 256 déplacements dans les territoires de France et j’ai constaté que la carte intercommunale suscitait parfois un véritable enthousiasme dépassant toutes les espérances, y compris celles des préfets, qui n’en reviennent pas.
M. François Bonhomme. Où ça ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ainsi, les Côtes-d’Armor, qui comptaient 30 EPCI, n’en ont plus que neuf ou dix, à la demande des élus.
L’AMRF, l’Association des maires ruraux de France, a vivement protesté le jour où le report de la réforme de la DGF a été annoncé, parce que, selon elle, c’était la première fois qu’une dotation de base égale pour tous les habitants de France était envisagée, de 73 euros ou de 10 euros. Cette association fait un peu concurrence à l’AMF, même si ses membres ne sont pas très nombreux, me semble-t-il. (M. Jacques Genest proteste.) J’attendais votre réaction, monsieur le sénateur ! (Sourires.) L’AMF me dit que cette association n’est pas représentative, M. Baroin vous le confirmera ! (Protestations amusées sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
L’AMRF est pratiquement la seule association à avoir profondément regretté le report de la réforme, car elle considérait que, pour une fois, la ruralité était défendue. Lors de l’assemblée générale qu’elle avait organisée dans le jardin de mon ministère, faute de pièce assez grande, nous nous étions engagés à mettre en œuvre une dotation de base pour tous les Français, conformément aux préconisations du rapport de la mission parlementaire. Même si les grandes villes ne trouvaient pas forcément cela juste, tel était l’engagement que nous avions pris.
J’ouvre une parenthèse : je parle depuis maintenant trente-huit minutes ; vous avez parlé près de deux heures. Vous comprendrez qu’il me soit d’autant plus difficile de synthétiser mes réponses, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur Huré, vous avez raison, les départements. Sont, aujourd'hui, ceux qui, avec les allocations individuelles de solidarité, prennent en charge la solidarité nationale. Or les AIS ne sont pas et ne seront jamais compensées.
Je fais partie de celles et de ceux qui, comme vous, pensent qu’il faut ouvrir un débat national, en particulier sur le RSA. Si la crise devait malheureusement se prolonger un peu, nous ne pourrions pas continuer ainsi. Nous avons été le premier gouvernement à reconnaître publiquement que l’État n’a pas compensé les baisses de dotations. Le RSA représente en 2015 une dépense de 10 milliards d’euros, ce qui est énorme.
Le pacte de confiance et de responsabilité qui a été signé entre l’État et les collectivités locales n’a permis de compenser qu’une partie des baisses seulement, à hauteur de 1,6 milliard d’euros. Les plafonds des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ont été relevés, afin de créer une solidarité entre les départements, certaines collectivités ayant des recettes très élevées, d’autres n’en ayant aucune. Cette péréquation est alimentée par la hausse de 0,35 point des DMTO, ce qui représente 536 millions d’euros, mais cela ne suffira pas, c’est vrai.
Cette année, de dix à treize départements bénéficieront d’une aide spécifique – cela figurera dans le projet de loi de finances rectificative, afin d’éviter les interrogations sur l’effet rétroactif, vous connaissez le droit –, mais, vous avez raison, le débat devrait être national.
Un groupe de travail va se réunir pendant trois mois. Je regrette que seuls soient concernés l’exécutif et l’Assemblée des départements de France, car cette question mérite un grand débat national, je le répète. Qui doit prendre en charge l’APA, la PCH ? Est-il juste que l’APA et le RSA soient aujourd'hui en grande partie financés par l’impôt local est les DMTO ? La solidarité ne devrait-elle pas s’écrire autrement ? Peut-être. Nous avons trois mois pour répondre à ces questions, au moins en ce qui concerne le RSA, et pour ouvrir le débat sur l’APA, mais avec nos concitoyens, parce que c’est leur vie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 novembre 2015 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles (n° 10, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 137, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 138, 2015-2016).
Débat sur le thème : « Bilan et perspectives du rôle du bicamérisme dans nos institutions après la publication du rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions intitulé Refaire la démocratie ».
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
Proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie (n° 574, 2014-2015) ;
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 135, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 136, 2015-2016).
Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 376, 2014-2015) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 74, 2015-2016).
Résultat des travaux de la commission des lois (n° 75, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 18 novembre 2015, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART