M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Raison, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est – vous l’aurez compris – de nature quelque peu particulière. Cette spécificité, il la tire de deux causes, qu’elles soient intrinsèque ou contextuelle.
La première, positive, tient au fait qu’il s’agit du deuxième projet de loi « DDADUE » – c’est ainsi que l’on nomme désormais les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne – examiné par le Parlement dans le domaine de l’environnement.
Cela confirme que nous sommes entrés dans une ère nouvelle pour les politiques publiques environnementales : celles-ci constituent désormais un champ à part entière de transposition du droit européen et d’action pour les pouvoirs publics, ce dont nous pouvons nous réjouir.
La seconde cause de la spécificité de ce projet de loi tient à sa nature même de texte de transposition, dont l’examen au Parlement peut s’avérer un peu frustrant pour le législateur, étant donné le caractère souvent très technique des dispositions proposées et la faible marge de manœuvre qui lui est laissée.
J’ajoute simplement à ces remarques – cela ne vous surprendra pas, monsieur le secrétaire d'État – que le calendrier d’examen de ce texte, qui aborde un grand nombre de sujets, était contraint, ce que je déplore. Cependant, je sais qu’il y a urgence à transposer la plupart de ces directives.
Venons-en maintenant au fond.
À titre principal, ce projet de loi transpose deux directives européennes récentes visant à améliorer la prévention des risques : la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, dite « directive offshore » ; et la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 relative à la mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés.
Il adapte, en outre, notre droit national à la réglementation européenne en matière de produits et d’équipements à risques, de prévention et de gestion des déchets et de produits chimiques.
L’état d’esprit qui a présidé aux réunions de la commission a été de ne pas succomber à la tentation de la surtransposition. Nous avons aussi choisi la voie de la simplification et de l’allègement des contraintes pour les opérateurs économiques concernés.
Le titre Ier vise, pour l’essentiel, à transposer les dispositions de la directive offshore, du 12 juin 2013, relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer. Si l’accident du forage Macondo, survenu dans le golfe du Mexique au mois d’avril 2010, a conduit toutes les compagnies à des révisions systématiques des installations existantes, une modernisation du cadre législatif plutôt ancien de ces opérations est aujourd’hui nécessaire.
Le titre Ier apporte ainsi des garanties supplémentaires quant aux capacités techniques et financières que doivent posséder les entreprises pour faire face aux risques et aux conséquences de leurs projets, ou encore quant aux informations des autorités publiques sur les risques de dangers majeurs de tels ou tels travaux. La commission n’a apporté aucune modification à ce titre, qui assure une transposition fidèle de la directive.
Je m’arrêterai un instant cependant sur l’article 9, relatif aux stockages souterrains d’hydrocarbures et de gaz naturel qui a fait débat en commission. En effet, depuis la transposition en droit français de la directive Seveso III, ces stockages relèvent de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, et non plus du code minier.
Après avoir entendu les représentants de l’industrie gazière en audition, j’ai considéré que les spécificités des activités de stockage souterrain justifiaient le maintien dans le champ du code minier des phases d’arrêt de l’exploitation et du suivi de l’après-mines. En effet, l’arrêt du stockage et l’après-mines posent des problèmes de gestion du sous-sol profond qui relèvent pleinement des activités minières et qui sont mieux encadrés par le code minier.
J’ajoute que cette option apporterait une plus grande sécurité aux exploitants : effectivement, avec la législation sur les ICPE, ces derniers pourraient théoriquement rester responsables ad vitam æternam des résidus de gaz, alors que le code minier, très exigeant concernant le cahier des charges des fermetures, ne le leur impose pas – cela reviendrait à obliger l’entreprise à garder à vie des réserves dans son bilan, ce qui affaiblirait la valeur de son action.
L’amendement que j’ai soutenu n’a pas été retenu par la commission, à cause de l’heure tardive à laquelle il a été examiné, mais Rémy Pointereau en a déposé un identique et nous vous en exposerons l’objet tout à l’heure. Nous serons attentifs à la réponse que vous nous apporterez sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.
Le titre II transpose des dispositions relatives aux produits et équipements à risques. La commission a adopté quatre amendements visant à corriger des erreurs rédactionnelles ou à introduire des mesures de coordination ; je vous en proposerai un cinquième à l’article 11.
J’en arrive au titre III, relatif aux produits chimiques, et je m’arrête un instant sur les articles 14 à 16, qui concernent les produits biocides. En France, aujourd’hui, c’est l’ANSES qui est chargée de l’évaluation de ces produits et, sur le fondement de ses avis, le ministère de l’écologie délivre ou non les autorisations. L’article 14 modifie les compétences de cette agence, afin que celle-ci procède non seulement aux évaluations de produits biocides, mais également à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations de mise sur le marché.
La commission n’a pas modifié cet article – bien que certains de ses membres, dont j’étais, aient pu être au départ un peu réticents –, car, après avoir bien étudié le dossier, elle a considéré qu’il permettait au pouvoir politique de garder la main : en effet, le ministre conserve un droit de veto. En outre, il semble que l’ANSES soit prête à exercer cette nouvelle mission concernant les biocides, comme elle l’a déjà fait pour les produits phytosanitaires ; on manque certes de recul à ce sujet, mais la réorganisation des services de l’Agence est déjà de nature à nous rassurer. Surtout, il s’agit d’une mesure de simplification pour les entreprises qui mettent ces produits sur le marché ; or on ne peut être que favorable à tout ce qui peut simplifier la vie des entreprises.
Le titre IV transpose la directive du 11 mars 2015 ouvrant la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture sur leur territoire d’OGM, sur la base de critères d’intérêt général, à savoir la politique environnementale, des motifs de nature sociale, économique, agricole, ou encore l’ordre public. À cet égard, je trouve pour ma part que ce dernier critère est assez éloigné de l’objectivité scientifique. En effet, que l’on puisse interdire la culture d’un OGM par peur du trouble à l’ordre public me choque quelque peu, car cela peut encourager des hors-la-loi à continuer de détruire des supports de recherche sur notre propre territoire – et je parle de recherches menées non pas par des organismes étrangers, mais par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA. Il me semble donc assez grave que l’on puisse recourir à cet argument.
Les articles 18 et 19 inscrivent donc dans notre droit la nouvelle procédure applicable, qui se décline en deux phases, que vous avez rappelées tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État. Premièrement, la France peut demander au pétitionnaire que sa demande d’autorisation d’un OGM n’inclue pas le territoire national – je suppose que la réponse des semenciers que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État, concerne un produit donné et non tous les produits à venir, de manière générale. Deuxièmement, en cas de refus du pétitionnaire ou si la France n’a pas formulé de demande en première phase, l’État peut restreindre ou interdire la mise en culture de l’OGM en question sur le territoire national, pour les motifs cités précédemment.
Si nous n’avons pas d’autre choix que de transposer cette directive, je regrette pour ma part, je l’ai dit lors des travaux de la commission, que ce texte marque d’une certaine manière un abandon du principe, pourtant fondamental en droit européen, de l’application uniforme et harmonisée des réglementations. De ce fait, certains États cultiveront des OGM, d’autres non, et la France continuera de perdre de la compétitivité ; et quid, je le répète, de la recherche, en particulier celle de l’INRA ? Si l’on ne cultive plus d’OGM dans notre pays, la recherche se fera forcément ailleurs…
Ce texte pose aussi la question cruciale du seuil d’OGM autorisé dans les semences et les produits. Avec une mise en œuvre différenciée entre les États membres des autorisations de mise sur le marché d’OGM et une circulation toujours plus grande des semences, cette question va retrouver toute son importance. J’ai proposé à la commission de supprimer la demande de rapport instaurée par l’article 19 ter sur les risques de contamination des cultures conventionnelles et biologiques, dans la mesure où un tel document devrait être remis par le Haut Conseil des biotechnologies, mais, sur ce point non plus, je n’ai pas été suivi.
Enfin, je ne m’étends pas sur les titres V et VI, qui n’ont appelé aucune modification ni aucun commentaire particulier de la part de la commission. Je m’arrête donc, en espérant avoir mis en relief les points les plus importants du présent projet de loi. Nous aurons l’occasion de revenir lors de la discussion des articles sur tous ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Rémy Pointereau applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons vise à transposer plusieurs directives européennes dans le domaine de la prévention des risques.
La première de ces directives, dite « directive offshore », concerne la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer. Son adoption date de 2013 et fait suite à l’accident de la plateforme mobile Deepwater Horizon survenu lors du forage du puits de Macondo et à la plus importante marée noire de l’histoire du golfe du Mexique.
Cet événement dramatique a mis en lumière l’insuffisance d’encadrement des conditions de forage et d’extraction, les lacunes du système de contrôles nationaux et de l’industrie pétrolière et gazière dans son ensemble, et l’inadaptation des moyens d’intervention dans ce type de situation accidentelle. La directive tend donc à augmenter la sécurité de ces opérations et à s’assurer que l’exploitant dispose des capacités techniques et financières nécessaires pour faire face aux différents effets et dangers induits par son activité.
Au cours de la période récente, l’activité offshore de la France a été principalement marquée par les explorations menées au large de la Guyane française par les sociétés Tullow, Shell, puis Total. Des permis de recherche sont également en cours de validité dans le canal du Mozambique. Les autorisations délivrées sont déjà très encadrées sur le plan législatif et réglementaire, et nous ne pouvons que saluer la transposition stricte de la directive dans notre droit interne.
Néanmoins, nos interrogations portent sur l’opportunité de poursuivre ces opérations ou, plus exactement, sur la nécessité de les inscrire dans la perspective d’une transition énergétique dont l’un des objectifs essentiels est de tourner la page des énergies carbonées. En effet, cette directive ne remet jamais en cause la pertinence de l’exploration et de l’exploitation offshore d’hydrocarbures.
En outre, son objet spécifique est la prévention, la réaction et la mise en jeu de la responsabilité environnementale dans le cas extraordinaire d’un accident majeur. Ce texte ne vise donc pas directement la prévention de la pollution ordinaire résultant de ces activités en mer ; la logique industrielle reste la même.
De surcroît, un incident environnemental majeur ne tombe dans le champ d’application de la directive qu’à une double condition : premièrement, qu’il cause ou soit susceptible de causer des dommages qui affectent gravement l’environnement et, deuxièmement, qu’il résulte d’un fait générateur causant ou risquant très probablement de causer des décès ou des dommages corporels graves.
On a du mal à comprendre pourquoi un incident affectant gravement l’environnement n’est considéré comme majeur que lorsqu’il cause ou risque très probablement de causer des décès ou des dommages corporels nombreux. Avec un tel critère, des catastrophes environnementales très graves, comme celles qu’ont provoquées le navire Erika au large de la Bretagne en 1999, Le Prestige en 2001 ou, si l’on remonte plus loin dans le temps, l’Amoco Cadiz en 1978 au large de Portsall dans le Finistère – la Bretagne a beaucoup souffert –, n’auraient pas été considérées comme des accidents majeurs.
Enfin, la limitation de la directive à la prévention et à la réaction aux seuls accidents qualifiés de « majeurs » n’est pas sans poser de problème, car il est impossible de savoir a priori si des accidents auront des effets majeurs dans le futur. Il aurait été plus logique d’adopter une directive visant à prévenir tous les accidents survenus lors d’opérations pétrolières et gazières en mer et à en limiter les conséquences.
La transposition de plusieurs autres directives nous est proposée, comme celle qui concerne les produits biocides ; toutefois, je ne m’attarderai que sur les dispositions relatives à l’encadrement de la mise en culture des organismes génétiquement modifiés.
Une première directive à ce sujet a été adoptée au mois de mars 2001, mais elle n’était pas satisfaisante : aucune majorité qualifiée au Conseil de l’Union ne se dégageait lors des processus d’autorisations de mise sur le marché, ce qui revenait donc à donner le dernier mot à la Commission européenne. Les gouvernements ne pouvaient alors déroger à ces autorisations que dans le cadre des mesures d’urgence ou des clauses de sauvegarde prévues par la réglementation. Il ne pouvait en outre s’agir que de mesures temporaires fondées sur la démonstration d’un risque grave mettant en danger de façon manifeste la santé ou l’environnement.
Il convenait par conséquent de donner aux États de nouveaux moyens pour interdire la culture d’OGM dès lors qu’ils en avaient la volonté. Avec la directive qu’il est question de transposer, un État membre peut désormais demander, lors d’une sollicitation de mise sur le marché d’un OGM ou d’un groupe d’OGM, que son territoire national en soit exclu selon des modalités que définit le projet de loi dans ses articles 18 et 19. Il pourra le faire en se fondant sur des critères d’intérêt général, liés notamment à la politique environnementale, à l’aménagement du territoire, à l’affectation des sols, aux incidences socio-économiques, à la volonté d’éviter la présence d’OGM dans d’autres produits, à la politique agricole, ou encore à l’ordre public. Il s’agit là d’une évolution considérable dans la mesure où chaque État membre a ainsi la possibilité de tenir compte du contexte national, dans lequel peuvent exister des raisons légitimes, mais non liées à la santé ou à l’environnement, de restreindre ou d’interdire la culture d’un OGM.
Enfin, dans le cadre de ce nouveau dispositif, les États membres ont désormais l’obligation de lutter contre la dispersion transfrontalière d’OGM.
Incontestablement, il s’agit d’une avancée en matière de respect des souverainetés nationales, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Toutefois, cet équilibre pourrait être remis en cause dans le cadre du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, négocié entre l’Union européenne et les États-Unis, à travers, d’une part, le mécanisme de la coopération réglementaire qui vise à harmoniser les procédures en dehors de tout contrôle politique et, d’autre part, le règlement des différends.
La coopération réglementaire permettrait en effet à des administrateurs américains et européens d’avoir un droit de regard sur les normes passées et à venir et de les évaluer au regard de leurs incidences sur le commerce. Rien ne nous garantit que les législations restreignant les cultures d’OGM ne soient pas dénaturées par cette coopération.
Le système d’arbitrage privé, quant à lui, permettra aux multinationales de porter plainte contre les réglementations d’État jugées abusives. Déjà présent dans plusieurs traités bilatéraux ou multilatéraux de libre-échange, ce mécanisme vise à donner aux entreprises le droit d’attaquer un État devant un tribunal arbitral. Ainsi, une multinationale dont l’accès des OGM au territoire national d’un État membre de l’Union européenne serait interdit par une décision souveraine de cet État pourrait demander à celui-ci des compensations susceptibles de s’élever à plusieurs millions de dollars ; ces dernières seraient alors prises dans la poche des contribuables, par l’intermédiaire du Trésor public.
Ainsi, l’encadrement de la mise en culture des OGM et la liberté des États seraient menacés. C’est pourquoi, bien que ce texte aille dans le bon sens, nous devons rester vigilants, et ce pendant encore très longtemps sans doute. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur les titres I et II du projet de loi, dont ma collègue Nelly Tocqueville abordera les autres points.
Comme nous l’avons encore entendu tout à l'heure lors des travaux en commission, la transposition de textes européens a parfois été source de débats animés, dont les protagonistes dénonçaient carences, retards, distorsions ou autres symptômes de nos « particularités » françaises – pour ne pas utiliser d’autre mot.
Heureusement, monsieur le secrétaire d'État, l’examen du présent projet de loi fournit, de ce point de vue, un parfait contre-exemple. En effet, il s’agit d’un texte rigoureux, qui a bénéficié d’un travail législatif de qualité et qui évite les écueils de la surtransposition, au point qu’il a été adopté à l’unanimité par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Je tiens à saluer l’expertise et la modération de M. le rapporteur, qui a très souvent su créer l’unanimité.
Ce projet de loi fait notamment suite au DDADUE dans le domaine du développement durable que nous avions examiné en 2013, texte pour lequel j’avais été nommée rapporteur. À l’époque, j’avais déjà insisté sur le fait que « la crédibilité de notre pays au sein de l’Union européenne et, partant, son influence réelle, dépendent aussi de sa capacité à transposer en temps et en heure l’abondante législation communautaire, pour l’appliquer effectivement. »
Rappelons, en effet, que le délai limite de transposition de la directive relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer était fixé au 19 juillet 2015. Autrement dit, monsieur le secrétaire d'État, nous ne sommes presque pas en retard (Sourires.), ce dont je me réjouis.
Le présent projet de loi contribuera ainsi à renforcer la parole de la France, tout en consolidant l’arsenal législatif garantissant l’exploration et l’exploitation écoresponsables des ressources minières offshore, l’emploi et l’environnement. Il s’agit d’un enjeu particulièrement important pour les années à venir.
À cet égard, l’article 9 me semble favoriser la lisibilité et l’application des nouvelles règles édictées, en rationalisant les références aux dispositions du code minier et du code de l’environnement pour les stockages souterrains de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques. Mes chers collègues, nous aurons l’occasion, au cours du débat, de revenir sur ce point – le seul sur lequel nous n’étions pas d’accord avec M. le rapporteur.
Le processus de sécurisation des opérations pétrolières et gazières en mer confirme, par ailleurs, le caractère stratégique des espaces maritimes. En effet, comme cela a été très souvent rappelé ces derniers temps, les mers et les océans constituent l’un des piliers de notre patrimoine naturel et l’une des conditions permettant notre avenir commun, qu’il s’agisse de la régulation climatique ou encore de la production d’oxygène. Nous avons donc tous un devoir de vigilance extrême sur ce qui se passera en mer.
À ce sujet, je veux avant tout retenir de ce projet de loi l’élargissement et l’approfondissement du principe pollueur-payeur, auquel nous sommes particulièrement attachés, pour peu qu’il soit juste, efficace et bien pensé.
L’affirmation de la responsabilité écologique et financière des entreprises concernées s’avère d’autant plus justifiée que, comme M. le rapporteur l’a estimé dans son rapport, « seules les majors […] ou certaines compagnies nationales […] disposent réellement de la capacité technique et financière nécessaire pour mener des opérations offshore d’envergure. » En effet, nous ne pouvons plus accepter la logique de privatisation des profits financiers et de socialisation des pertes écologiques qui a souvent prévalu.
Les articles 1er et 2 conditionnent la délivrance d’un permis exclusif de recherches ou d’une concession d’hydrocarbures liquides ou gazeux à la prise en compte du principe pollueur-payeur en cas d’accident majeur et au déploiement des moyens nécessaires à l’indemnisation rapide des dommages causés aux tiers. À quelques semaines de la conférence de Paris sur les changements climatiques, l’attention portée « aux écosystèmes qui jouent un rôle important dans l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce dernier » va dans le bon sens.
L’extension des dispositions relatives à la survenue d’un accident majeur à toutes les entreprises enregistrées sur le territoire national – prévue à l’article 5 –, dans l’esprit de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, dont la suite de l’examen reprendra le 18 novembre prochain, le renforcement des sanctions, à l’article 6 bis, qui harmonise les sanctions applicables aux espaces terrestres et maritimes, ainsi que l’élargissement, à l’article 8, du champ d’application du principe pollueur-payeur aux espaces marins des eaux intérieures, de la zone économique exclusive et de la mer territoriale, les préoccupations sanitaires et écosystémiques étant intégrées, confirment bien ce processus de responsabilisation accrue.
Aussi symbolique soit-elle, la prise en charge des frais d’intendance supportés par l’administration pour l’inspection des installations offshore, prévue à l’article 6, va aussi dans le même sens. L’article 3 garantit, quant à lui, la prise en compte effective des dangers majeurs, sans oublier leur dimension psychosociale, grâce à la consultation des représentants des travailleurs. Autant de décisions fortes et bienvenues pour notre pays, qui détient le deuxième domaine maritime au monde.
S’agissant du programme de vérification indépendante prévu à l’article 4, il faut noter la responsabilité partagée des propriétaires et des exploitants. Le projet de loi vise, sur ce point, une transposition stricte de la directive, afin de limiter le risque de contentieux avec la Commission européenne, étant par ailleurs entendu que la procédure française prévoit de toute façon un contrôle par l’administration et que le vérificateur retenu ne pourra appartenir ni de près ni de loin à l’opérateur concerné, même si nous soutenons, bien sûr, que les contrôles internes sont eux-mêmes nécessaires.
Aussi salutaires soient-elles, ces évolutions législatives ne doivent cependant pas nous faire oublier le durcissement féroce, mais indispensable de la réglementation américaine depuis la catastrophe écologique qui s’est produite dans le golfe du Mexique. On peut notamment penser aux outils de surveillance directe installés sur les plateformes et pilotés depuis la terre, afin d’anticiper les risques.
Monsieur le secrétaire d'État, comme elle l’avait fait après le drame de l’Erika, il reviendra à la France de continuer à faire avancer la réflexion en Europe autant que de besoin sur ces sujets cruciaux. C’est tout à fait nécessaire à la croissance de l’économie bleue, même s’il convient de respecter aussi les principes du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est assez touffu, très technique et nous laisse assez peu de marge de manœuvre, puisqu’il s’agit d’opérer des transpositions.
Nous sommes favorables à la majeure partie des transpositions qui nous sont proposées, que je n’ai évidemment pas le temps d’évoquer toutes. Je pense tout particulièrement à la directive relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, car il nous semble important que l’Europe intègre les risques environnementaux de l’exploitation pétrolière dans son droit de manière renforcée, qu’elle vérifie la solidité financière des groupes pétroliers et qu’elle exige de ceux-ci plus de transparence – notamment, des retours d’expérience sur les accidents constatés.
Je veux à mon tour revenir sur l’accident survenu dans le golfe du Mexique, lequel s’est soldé par le versement par la société BP de 20 milliards de dollars d’indemnités pour mettre fin aux poursuites engagées par les États-Unis. Ce pays a lui aussi tiré les conséquences de cet événement dans son propre droit. Toutefois, compte tenu de l’existence de législations différentes suivant les territoires et, surtout, de l’absence de législation relative à un certain nombre de territoires situés en haute mer, une harmonisation juridique est nécessaire, le pétrole ne respectant pas les frontières ni la zone économique exclusive européenne.
Le sujet est sur la table. Il l’a déjà été au mois de septembre dernier à New York, où un objectif de développement durable a été adopté pour la mer. Cependant, nous sommes encore loin de l’organisation mondiale des océans dont nous rêvons, et nous constatons bien l’incohérence entre la rigueur extrême et l’exigence qui s’appliquent dans la zone économique exclusive européenne et la loi de la jungle qui continue de prévaloir dans l’Arctique ou en haute mer.
Je veux aussi souligner, à la suite de Michel Le Scouarnec, qu’il n’existe pas d’exploitation écoresponsable du pétrole. La seule attitude écoresponsable en la matière, aujourd'hui, consiste à laisser le pétrole au fond de la mer et dans la terre !
Nous soutenons aussi le règlement relatif aux gaz à effet de serre fluorés, dont la transposition a été enrichie, à l’Assemblée nationale, par l’adoption d’un amendement écologiste. Ainsi, le montant de la sanction en cas de dépassement des quotas, fixé à soixante-quinze euros, pourra évoluer corrélativement à l’évolution de la composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, qui, d’après la trajectoire fixée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, devrait atteindre cent euros par tonne en 2030, à la suite de l’adoption d’un amendement que les sénateurs du groupe écologiste avaient défendu avec succès. Sur ce point, le Sénat a fait preuve de plus d’ambition que l’Assemblée nationale – il faut le souligner !