M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec attention les intervenants précédents dans ce match où on se renvoie la balle. D’un côté, le Gouvernement ne fait rien ; de l’autre, il faut envoyer des signes au monde rural. Pour être au cœur de ces débats, je peux vous dire que le Gouvernement fait ce qu’il peut et qu’il a de bonnes intentions, même s’il doit aller plus loin.
À mon sens, il est suspect de vouloir adresser un signal à l’approche d’élections. Certes, des marques d’attention doivent être données, mais nous le faisons, me semble-t-il, tous dans cette assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons. On ne peut pas dire que le Gouvernement délaisse le monde rural. La situation n’est pas simple. En revanche, il est vrai que les territoires ruraux, qu’on le veuille ou non, se sentent oubliés, abandonnés. On constate d’ailleurs un certain affaiblissement de la cohésion sociale en milieu rural.
Il faut souligner également les nombreux bouleversements en cours de notre organisation territoriale, notamment la loi « métropoles », dans laquelle mes collègues Hélène Lipietz et Ronan Dantec – mais ils n’étaient pas les seuls – ont contribué au Sénat à faire en sorte que l’on n’oublie pas les territoires ruraux, en rénovant la notion de pays, en préservant les conseils de développement, et surtout en inventant collectivement, avec vous, mes chers collègues, les pôles d’équilibre territoriaux ruraux. Nous pouvons être fiers de ces pôles, et nous devons suivre leur évolution dans nos territoires.
Il est indispensable de mener dans notre pays une politique cohérente de la ruralité, et le Sénat, qui représente les territoires, l’affirme avec force chaque fois qu’il en a l’occasion. Il faut toutefois veiller à bien évaluer l’impact de l’ensemble des bouleversements engendrés par les lois de métropolisation, de fusion des régions, de répartition des compétences entre tous les échelons de la décentralisation.
Prêtons attention à ne pas introduire de nouvelle complexité dans l’organisation territoriale, alors même que, les uns et les autres, nous pestons contre l’excès de normes et que le Gouvernement, comme le Sénat, cherche à simplifier l’ensemble de notre corpus juridique et administratif.
Mon collègue Ronan Dantec a soutenu en commission, à ma demande, un amendement de clarification précisant que les parcs naturels régionaux, ou PNR, pouvaient être porteurs des contrats de développement ruraux.
Mme la rapporteur nous ayant expliqué que c’était déjà possible, j’ai choisi de ne pas représenter cet amendement en séance. Les PNR sont des syndicats mixtes, mais ils peuvent par délégation porter des politiques au-delà de leur périmètre. Nous veillerons donc à ce qu’ils ne soient pas exclus du champ des contrats de développement ruraux, car ils sont, dans les territoires où ils existent, les acteurs clés de la réussite de ces contrats.
Je tiens aussi à évoquer ici la question agricole : comment parler de ruralité sans parler agriculture ? Depuis toujours, en France comme ailleurs dans le monde, l’activité agricole est, et reste, au cœur des campagnes. Prenons soin de la terre, des paysages, de l’environnement et de la biodiversité. L’agriculture paysanne et familiale doit être confortée au cœur de la ruralité ; le développement des filières en circuit court et des projets alimentaires territoriaux, prévus dans la loi d’avenir pour l’agriculture, devront permettre d’apporter une nouvelle dynamique aux territoires ruraux.
Cette relocalisation de notre économie alimentaire sera bénéfique pour l’ensemble de notre population, qu’elle soit urbaine ou rurale. Elle le sera aussi pour les territoires ruraux de tous les autres pays du monde, dans la mesure où nous cesserons de concurrencer leurs propres produits. Appelons de nos vœux, à la veille de la COP 21, la mise en place d’une véritable gouvernance mondiale de l’alimentation, afin que ce ne soit pas le marché qui décide.
Revenons-en à cette proposition de loi : elle envoie un signe au monde rural, qui en a besoin, mais elle est, pour nous, inaboutie. Aussi – cela n’est ni de la mollesse ni de la neutralité –, dans l’attente de la navette avec l’Assemblée nationale, nous, écologistes, préférerons nous abstenir sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Mes chers collègues, il est heureux de constater que vous prenez conscience de l’abandon des territoires ruraux, à quelques semaines des élections régionales ; je ne sais pas s’il s’agit d’une coïncidence…
Je sais néanmoins que, dans la Haute Assemblée, le souci des territoires est plus élevé qu’ailleurs puisque nous les représentons directement. Toutefois, il est cocasse de constater que votre préoccupation d’aujourd’hui est de refaire ce que vous avez défait pendant des décennies, en exerçant alternativement le pouvoir.
L’article 1er de cette proposition de loi, pavé de bonnes intentions, souhaite rappeler les objectifs visés par une politique de cohésion territoriale et rurale : « lutter contre les inégalités de tous ordres, les concentrations de pauvreté et les fractures économiques, sociales et territoriales » ou encore « agir pour le développement économique » ; bref, des vœux pieux mais effectivement souhaitables pour nos campagnes, qui souffrent d’un réel abandon dont vous êtes – n’oublions pas de le rappeler – responsables en grande partie.
Cela dit, vous nous proposez aujourd’hui une solution inadaptée. Avec vos contrats territoriaux de développement rural, vous créez un outil qui complexifiera encore et toujours l’exercice du pouvoir par le monde rural. Avec, de nouveau, des interlocuteurs qui créeront plus de confusion qu’ils ne régleront de problèmes, c’est le carcan administratif que vous développerez. Pourquoi superposer de nouvelles structures sans supprimer celles qui ne fonctionnent pas ? Telle est, selon moi, la vraie question.
En ce qui concerne le financement, vous nous indiquez, madame le rapporteur, qu’il s’agit, par ce texte, de fixer un cadre. Les contrats de plan État-région manquent déjà d’argent – l’État, rappelons-le, a drastiquement baissé ses dotations aux collectivités –, votre contractualisation me paraît donc superflue, car elle ne pourra pas être financée.
Pourquoi chercher encore des outils invraisemblables ? Ils ne feront que compliquer la vie des collectivités, qui cherchent des solutions pourtant simples et non des « contrats territoriaux de développement rural » ; ceux-ci viendront s’ajouter à des procédures terriblement contraignantes pour des élus locaux qui, souvent dans les territoires ruraux, s’occupent de leur commune en parallèle de leur métier et y consacrent un temps considérable.
Le métier de maire d’une commune rurale se complexifie d’année en année, avec la participation aux structures intercommunales, les contrats locaux de sécurité ou les relations avec les services de l’État, sans compter l’attention humaine aux administrés. C’est pourquoi l’outil que vous proposez aujourd’hui me semble assez baroque, loin des réalités et des solutions que nous devons proposer au monde rural.
La politique territoriale en faveur des zones rurales est pourtant simple : alléger la fiscalité pour les TPE et les PME, afin de leur permettre notamment de se maintenir et de continuer de mailler le territoire ; favoriser le transport fluvial et le maintien des trains régionaux ; créer une politique agricole française qui aide véritablement nos agriculteurs avec la création d’un fonds d’intervention pour la campagne ; cesser de fermer les services publics de l’État en zones rurales, ce que l’État passe son temps à faire ; desserrer le numerus clausus pour repeupler les déserts médicaux ; développer le tourisme local. Voilà des solutions très concrètes pour des changements structurels !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la modernisation de l’action publique par la mise en place de zonages et le recours au contrat pour coordonner les politiques sectorielles masque souvent l’incapacité des gouvernements successifs à simplifier et à penser les réformes de manière globale, ce qui nuit fortement à l’efficacité. Cela est particulièrement vrai pour la réduction des inégalités territoriales et en matière de services publics et d’équipements, de transports, d’emploi, de logement, de santé ou d’éducation.
Le texte crée des contrats territoriaux de développement rural, à caractère facultatif, signés entre, d’une part, l’État et, d’autre part, les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR – issus de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM » –, ou, à défaut, les établissements publics de coopération intercommunale, afin de contribuer à la politique de cohésion territoriale et rurale dont les objectifs figurent à l’article 1er.
Ces contrats pourraient également être signés par le département, la région ou toute autre personne publique ou privée, à l’image des contrats de la politique de la ville.
Mes chers collègues, nous partageons incontestablement le diagnostic et donc la description des difficultés rencontrées par nos territoires ruraux figurant dans l’exposé des motifs. Toutefois, la réponse apportée par le présent texte ne nous semble pas régler la diversité des situations rencontrées par nos territoires ruraux, et notamment par l’hyper-ruralité, chère à mon collègue Alain Bertrand, laquelle cumule un grand nombre de handicaps.
Comme l’a souligné M. Alain Bertrand dans le rapport qu’il a vous remis, madame la ministre, en juillet 2014, la notion de « ruralité », susceptible de concerner 80 % du territoire, n’a plus grand sens. Il n’y a pas une ruralité mais des ruralités. La proposition de loi définit à l’article 2 les critères d’identification des territoires ruraux en difficulté, à savoir « un déclin de la population auquel s’ajoute un déclin de la population active » et « une forte proportion d’emplois agricoles à laquelle s’ajoute un déclin du nombre d’emplois agricoles ».
Comme l’a très bien exposé Mme la rapporteur, ces critères ne permettent pas de refléter la diversité des situations locales. Qu’en est-il de l’enclavement, de la faiblesse des ressources financières, du manque de perspectives ou encore de la faible présence d’équipements ou de services publics ?
Or il s’agit d’un véritable sujet qui mériterait d’être traité dans le cadre d’un projet de loi pour étudier leur impact, les moyens du Parlement en matière d’expertise étant malheureusement limités. Nous savons d’ailleurs, madame la ministre, que vous travaillez très activement sur la question et que vous préparez plusieurs mesures fortes.
En ce qui concerne la contractualisation, celle-ci n’a d’intérêt que si elle s’accompagne d’une volonté forte de l’État et de financements. Force est de constater que les contrats de la politique de la ville ne sont pas parvenus à enrayer ces inégalités.
Il est vrai que les réponses ponctuelles et sectorielles conduisent trop souvent, hélas ! au saupoudrage des aides et à l’inefficacité de la politique de la ville, comme de la politique en faveur de la ruralité. Si le programme de rénovation urbaine est considéré comme un succès, grâce à la mobilisation de l’État et de l’ensemble des acteurs publics – ce qui a permis de lever des financements considérables –, les inégalités en matière de services et d’équipements, de revenus, d’emploi, d’éducation ou de transports persistent.
Nous avons constaté lors de l’examen du projet de loi sur la politique de la ville que ces instruments contractuels n’ont pas réussi à coordonner les initiatives locales et que les moyens spécifiques se sont substitués aux moyens de droit commun. La transposition de cet outil à la politique de cohésion territoriale et de solidarité ne constituerait, à mon sens, qu’une réponse incomplète.
À ce titre, nous considérons que la solidarité entre les territoires en difficulté doit être nationale et non uniquement locale, puisqu’il est impossible de redistribuer des moyens inexistants. C’est ce que nous attendons de la réforme de la péréquation, qui doit devenir équitable, condition sine qua non pour contribuer à la réduction effective des inégalités territoriales.
Plutôt que d’une politique de cohésion territoriale et rurale, la France a besoin d’une politique d’aménagement du territoire. Nous considérons que cette proposition de loi ne constituerait qu’une réponse partielle là où les élus locaux espèrent une stratégie nationale, une politique menée par l’État – un État protecteur et « péréquateur » –, seul garant de l’égalité républicaine, tout en préservant, bien sûr, les libertés des collectivités territoriales.
C’est le manque de visibilité et de stabilité en matière de normes et de moyens et, plus encore, leur trop grande dispersion qui mettent à mal ces territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.
Nous saluons, bien évidemment, l’ensemble des soixante-sept mesures prises par le Gouvernement dans le cadre des comités interministériels aux ruralités, même si nous aurions préféré, vous l’aurez compris, l’élaboration d’un projet de loi sur l’aménagement du territoire ; il viendra peut-être…
Ainsi, en dépit des efforts réels de Mme la rapporteur, Annick Billon, et de la commission pour améliorer la rédaction de la présente proposition de loi et de l’importance que nous accordons au combat contre les fractures territoriales, le groupe du RDSE n’est pas convaincu par cette initiative très timide, trop timide, et ne pourra donc pas lui apporter son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, au préalable, je veux apporter une précision qui me paraît tout à fait nécessaire : cette proposition de loi de notre ancien collègue Pierre Jarlier date du printemps dernier et n’a absolument aucun lien avec les élections régionales prévues dans quelques semaines. (M. Michel Canevet et Mme Anne-Catherine Loisier applaudissent. – M. Jean-Jacques Filleul sourit.)
Cette proposition de loi part d’un constat, très largement partagé par les élus des territoires ruraux : celui des difficultés et des inégalités structurelles qui pèsent sur les zones les plus rurales de notre pays. Il est nécessaire de le rappeler encore : les départements ruraux sont contraints d’intégrer dans leurs calculs, dans leurs actions et dans leurs budgets les conditions naturelles qui font leur spécificité. On pense au relief, aux conditions météorologiques, aux distances ou encore aux temps de trajet.
Je veux citer quelques exemples.
En milieu rural, on ne peut pas fonctionner avec des statistiques. Sur ces territoires-là, les services publics ne peuvent répondre uniquement à des critères comptables, car ils n’ont pas la même résonnance dans une métropole que chez moi, sur l’Aubrac ou sur le Larzac, qui sont soumis aux contraintes que nous connaissons.
Autre exemple, un tuyau d’alimentation en eau potable a le même prix partout sur notre territoire national mais il n’a pas le même coût en zone urbaine, où il faudra seulement quelques mètres pour relier de nombreux foyers, qu’en milieu rural, où les habitations sont très éloignées les unes des autres.
C’est le cas aussi du très haut débit – cela a été rappelé – pour lequel les zones rurales doivent faire face à une double peine : d’abord parce que les évolutions techniques arrivent toujours plus tard dans ces milieux que dans les zones urbaines, mais aussi parce que les habitants sont contraints de financer les installations par leurs impôts alors que les opérateurs se livrent une concurrence acharnée pour les financer en zone urbanisée.
M. Jean-Jacques Filleul. Il faut poser la question à Fillon !
M. Jean-Claude Luche. En Aveyron, mon département, le financement public va ainsi s’élever à quelque 340 millions d’euros pour la totalité du programme de couverture numérique, dont une part importante est à la charge du conseil départemental et des collectivités territoriales de proximité. Je me réjouis à cet égard de l’ajout, par la commission, de « l’aménagement numérique des territoires » parmi les objectifs de la politique de cohésion territoriale et de solidarité mentionnés à l’article 1er du texte.
Ces contraintes qui existent en milieu rural engendrent un problème de renouvellement des générations. Nos jeunes partent faire leurs études supérieures ailleurs – cela se comprend – et très peu reviennent. Les moyennes d’âge ne cessent alors de progresser et on assiste inexorablement à une baisse de la démographie, qui entraîne avec elle la fermeture des services publics, faute d’un nombre jugé suffisant d’usagers. L’attractivité des territoires en pâtit et il est difficile pour les populations actives d’y trouver du travail ; elles s’en vont. C’est ainsi un véritable cercle vicieux dans lequel se trouvent nos zones rurales.
Or cette désertification des milieux ruraux est d’autant plus préoccupante que, parallèlement, dans les zones urbaines, nous le savons tous, la concentration entraîne des difficultés tant économiques – avec des phénomènes de paupérisation – que sociales.
Face à ce diagnostic partagé par de nombreux élus ruraux, il est urgent de mettre en œuvre les actions adéquates pour initier une hausse du nombre d’habitants et combler le déficit démographique. Cela veut dire aussi que plus d’entreprises doivent s’installer dans les zones rurales pour créer de l’emploi et soutenir l’activité économique du territoire.
Cela ne se fera que par une ruralité réinventée, moderne, dynamique, attractive et solidaire. L’objectif est de poser les conditions favorables pour faire naître une réelle dynamique territoriale dans les zones rurales. C’est ce à quoi je travaille dans mon département, que vous connaissez, bien évidemment, madame le ministre. (Mme la ministre opine.)
Cette attractivité est essentielle : sans l’apport migratoire, l’Aveyron, par exemple, perdrait des habitants au lieu d’en gagner. Nombreux pourtant sont ceux qui souhaiteraient venir ou revenir s’installer dans nos départements ruraux. La qualité de vie qu’ils offrent attire, notamment les jeunes parents.
Nous avons tout à gagner aujourd’hui à travailler à une répartition plus juste du territoire et à donner la possibilité et l’envie de travailler et de vivre dans ces zones rurales en les rendant plus attractives.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs mesures doivent être prises au niveau local comme au niveau national. Les contrats territoriaux de développement rural constituent l’une d’entre elles.
Oui, mes chers collègues, je crois vraiment en leur efficacité pour ramener du dynamisme et plus d’égalité dans ces territoires ruraux qui attendent aujourd’hui de véritables solutions. Ils seront, j’en suis sûr, un outil utile, qui permettra de lutter contre les inégalités structurelles pesant sur nos départements les moins urbanisés.
Ces contrats territoriaux de développement rural s’inscrivent dans une configuration que j’apprécie et que je privilégie dès que possible dans mon territoire, celle qui consiste à mobiliser une diversité des acteurs, qu’ils soient publics, privés, économiques, administratifs ou associatifs, avec la profonde certitude que nous ne pourrons réussir qu’ensemble à relever ce qui se présente comme un véritable défi pour le milieu rural.
Dans cette configuration, l’État est le premier des partenaires, d’un point de vue financier évidemment, mais aussi et surtout par la mission de garant de l’équité qui lui incombe et par la faculté de ses représentants de s’engager aux côtés des territoires où ils sont en fonction.
Le texte rassemble également les acteurs locaux. Il nous permet de conjuguer nos efforts et de mutualiser nos moyens.
Les travaux de la commission ont largement contribué à rendre ce mécanisme plus simple, pour une utilisation plus optimale avec les collectivités locales.
De ce point de vue, je remercie Mme le rapporteur de l’excellent travail qu’elle a réalisé. Je regrette simplement que son amendement visant à supprimer les conditions initialement prévues par le texte pour définir les zones en difficulté ait été rejeté en commission. Si critères il y a, il me semble notamment pertinent de prendre également en compte, dans la définition de ces zones rurales en difficulté, la densité de population, ainsi que la présence ou non, sur le territoire concerné, d’un certain nombre de services de proximité. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous examinerons un amendement de Mme le rapporteur qui va dans ce sens.
Par ailleurs, je partage l’analyse que fait celle-ci d’une coexistence possible des contrats territoriaux et des zones de revitalisation rurale. Cette analyse n’a pas été retenue en commission. Toutefois, et contrairement à ce que laissent entendre les dispositions de l’article 9 du texte, ces deux mécanismes ne me paraissent pas antinomiques ; bien au contraire, ils me semblent tout à fait complémentaires.
Il n’en reste pas moins que les contrats territoriaux pourront et devront être adaptés aux spécificités de chaque territoire. C’est leur force. Ils seront élaborés à l’aune de la sensibilité, des atouts et des richesses de chaque zone et prendront en compte les difficultés particulières à chacune d’entre elles pour être au plus près des besoins de ses habitants.
Mes chers collègues, ce texte prévoit l’essentiel : des contrats pour faire face à l’enjeu de taille qui se pose aujourd’hui à nos zones rurales, celle de leur survie.
Je suis pour l’équité en milieu rural. Selon moi, celle-ci signifie tout simplement le droit à la différence. C’est parce que je pense que ce droit à la différence peut nous apporter une véritable dynamique et donner un véritable sens à l’équilibre de ces territoires que je vous invite à voter cette proposition de loi.
Vous l’avez compris, le groupe UDI-UC votera ce texte, pour une ruralité moderne, dynamique et attractive. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – MM. Hilarion Vendegou et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, bien que 80 % de notre territoire métropolitain corresponde à des zones rurales, la France n’est pas un « pays rural ». C’est un pays qui définit depuis longtemps ses politiques publiques sur la base de critères démographiques. En effet, depuis longtemps, nos gouvernants ont le souci « des villes », afin d’aider les quartiers en situation de décrochage, afin de revaloriser les zones urbaines en difficulté, afin de réduire les inégalités et d’enrayer la dégradation des conditions de vie.
Il est vrai que les incidences de la crise économique et sociale dans certains quartiers représentent un réel danger pour la stabilité de notre pays et pour la cohésion nationale. La puissance publique doit y répondre en mobilisant des moyens financiers et humains.
Cependant, la crise n’a pas épargné les campagnes : même si ses effets y sont moins visibles, on souffre aussi dans nos campagnes et ses habitants sont eux aussi en situation de grande détresse.
Je ne pense pas qu’il soit judicieux de retenir le seul critère démographique pour mettre en place des politiques publiques justes et efficaces. Je suis convaincue que la notion de « territoire » doit aussi être prise en compte.
La réalité, dans nos zones rurales, c’est la population qui vieillit, c’est le nombre d’exploitations agricoles qui diminue, ce sont les services publics qui ferment, c’est l’offre de santé qui se raréfie et le tissu économique qui s’appauvrit. C’est pourquoi je me réjouis aujourd’hui que cette proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural permette d’aborder un débat important pour l’avenir de nos campagnes et de nos montagnes
En effet, chez nous, si la menace d’un désordre public ne plane pas, le malaise existe. Il suffit d’échanger avec les maires, comme je le fais à la fin de chaque semaine dans mon département des Hautes-Alpes, pour se rendre compte à quel point le sentiment d’abandon est réel. Il faut dire que tout devient plus compliqué lorsque l’on est loin de tout...
Nous voyons régulièrement de grandes manifestations organisées autour de la cause rurale, assorties d’annonces et de bonnes intentions. Mais, concrètement, sur le terrain, quelles sont les perspectives d’avenir ? Quels sont les axes pour aménager nos territoires ? Quelles sont les actions engagées pour gommer les inégalités entre territoire rural et territoire urbain ?
La loi NOTRe bouleverse notre organisation territoriale et la répartition des compétences des collectivités. Désormais, de nouveaux équilibres sont à trouver entre les partenaires que sont l’État, la région, le département, l’intercommunalité, la commune et l’Europe.
Élue d’un « très petit département », je ne fais pas partie de ceux qui opposent urbain et rural, mais je ne pense pas que ce qui marche en zone urbaine fonctionne forcément en zone rurale. Les besoins ne sont pas les mêmes, non plus que les attentes. (M. Jean-Claude Leroy opine.) Il faut donc adapter le champ d’interventions aux besoins réels des territoires. Nous devons imaginer une complémentarité entre le rural et l’urbain, et les contrats territoriaux peuvent nous permettre d’avancer dans cette direction.
Je crois beaucoup au développement économique, à la création d’entreprises et à l’accès à l’emploi, en valorisant notamment les filières locales.
Je suis convaincue que la qualité de vie peut être un élément déterminant dans le choix de vie de nouvelles populations plus jeunes. Encore faut-il que les territoires ruraux soient attractifs et assurent une égalité d’accès à l’éducation, à la culture, aux services, aux équipements publics et à la santé.
La mobilité est aussi un point important pour nos territoires. La plupart sont situés à distance des lignes à grande vitesse, sans desserte autoroutière, à plusieurs heures d’un aéroport. Il faut donc contribuer à améliorer la mobilité, ce qui nous conduit à pallier les défaillances de l’État.
De ce point de vue, le bien-fondé des contrats territoriaux est louable et nous ne pouvons que nous féliciter des instruments mis en œuvre.
Pour autant, les conditions de financement de ces contrats vont conduire les régions, les départements ou toute autre personne publique ou privée à mettre la main à la poche. C’est là que les choses vont se compliquer.
Au congrès de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, qui s’est tenu la semaine dernière dans le département de nos collègues Philippe Adnot et François Baroin, il a notamment été question du RSA et de son financement, sans que des réponses soient apportées. Il paraît difficile d’envisager, demain, une nouvelle politique contractuelle pour les départements alors que ceux-ci ne peuvent garantir le financement des compétences transférées par l’État.
Pour autant, je voterai en faveur de ce texte, qui vise à apporter une bouffée d’oxygène à nos territoires ruraux et de montagne, et je pense que mes collègues du groupe y seront également favorables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux saluer le travail de Mme la rapporteur. Son implication méritait certainement mieux.
En commission, nous nous sommes étonnés : pourquoi ce texte ? Pourquoi à ce moment ? Il s’agit peut-être – sans doute – d’un texte d’affichage, à quelques semaines des élections régionales…
À une autre époque, la proposition de loi déposée par notre ancien collègue Pierre Jarlier contenait dix articles. Repêchée tardivement, elle est aujourd'hui réduite à six articles, qui, tous, surabondent des lois, des décrets et d’autres dispositifs existants pour la cible visée, la ruralité.
Pardon, mais cette proposition de loi enfonce des portes ouvertes ! C’est un texte réducteur, fondé sur des critères inadaptés, même si Mme la rapporteur souhaite améliorer les dispositions de l’article 2 – nous y reviendrons dans la suite du débat.
À vrai dire, le message est flou. D’ailleurs, en commission, à côté des membres du groupe socialiste et républicain, qui s’interrogeaient, nos collègues de la majorité sénatoriale n’étaient pas en reste et nous avons relevé, chez eux, une certaine forme de désappointement.
Toute vérité étant bonne à dire et à écouter, cela confirme bien que cette proposition de loi manque de sens, d’autant que les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, existent et conviennent bien. Instaurer des contrats territoriaux de développement rural n’apporte rien de plus. Je l’exprime sans intention maligne, puisque la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », répond, avec l’adoption des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, au besoin d’organisation des territoires concernés.
Ces pôles ont été adoptés sur ces travées comme sur les bancs de l’Assemblée nationale ; nos collègues ont bien compris qu’ils satisfaisaient à la nécessité de n’oublier aucun territoire. Rapporteur pour avis de la loi MAPTAM, je me suis ainsi exprimé à cette tribune au moment de son examen : « l’objectif des pôles est de prendre en compte les enjeux spécifiques du monde rural afin que celui-ci ne soit pas à la traîne du monde urbain. Ce sont des outils utiles, à condition de les articuler avec les pays, qui permettent à plusieurs EPCI à fiscalité propre d’élaborer des projets et de les conduire ensemble. L’idée n’était pas de créer un échelon de plus, mais les conditions d’un approfondissement des dynamiques territoriales. »
Le dispositif des PETR comprend un conseil syndical, un conseil de développement, une conférence des maires. Chaque PETR élabore un projet de territoire de développement durable. Le pôle peut conclure une convention territoriale avec les conseils départementaux et régionaux.
Comme cela a été dit, le monde rural, le monde urbain et le monde périurbain participent de ces évolutions. Chacun comprend bien qu’il ne faut pas opposer les territoires entre eux. Chaque territoire a ses problèmes. Dans certaines zones urbaines, les problèmes rencontrés peuvent être plus complexes à gérer que dans certaines zones rurales.
Je sais qu’il est de bon ton d’évoquer à tout bout de champ le déclin de notre pays, mais, avec ces dispositifs, la France avance ! Elle se dote d’instruments qui modernisent le territoire.
Dans la loi NOTRe, la ruralité a été prise en compte à de nombreux titres, notamment au travers des deux schémas régionaux prescriptifs qui ont été adoptés pour désenclaver les territoires ruraux.
Par ailleurs, cette loi prévoit une faculté de contractualisation entre la région et les intercommunalités sur une déclinaison locale de ces schémas.
Les deux comités interministériels aux ruralités qui se sont tenus en mars et septembre derniers, respectivement à Laon et à Vesoul, ont apporté leur lot de nouveaux engagements du Gouvernement pour la qualité de vie et l’attractivité des territoires. Les enveloppes financières mobilisées sont importantes : près de un milliard d’euros pour soixante-sept mesures nouvelles – pour beaucoup déjà engagées, comme Mme la ministre nous le rappelait ce matin en commission.
Sans viser à l’exhaustivité, nous pouvons y ajouter bien d’autres mesures visant à favoriser l’investissement ou des mesures fiscales. Je veux également rappeler que les péréquations horizontale et verticale ont progressé significativement. Il s’agit là d’efforts décisifs en direction du monde rural, pour un meilleur équilibre.
Nous savons tous ici que ces mesures urgentes et indispensables apportent des réponses à des situations parfois critiques. Elles viennent s’ajouter au remarquable travail réalisé par les régions, à l’instar de celle que je suis amené à citer tout naturellement, pour la connaître le mieux : la région Centre-Val de Loire. Les politiques conduites en direction des villages et des centres-bourgs ont été et demeurent exemplaires.
Réduire sans cesse le monde rural à des zones de fragilité ne reflète pas la réalité. Le monde rural n’est pas un tout uniforme – heureusement ! Il est des territoires ruraux fragiles et d’autres en expansion. Dès lors, ne les stigmatisons pas et soyons vigilants sur ce point. Les territoires ruraux ne sont pas tous à l’abandon, tant s'en faut ; on y vit parfois très bien.
La ruralité est une force – cela a été dit, je le répète à mon tour – et un atout considérable pour notre pays. Tout doit être fait pour vitaliser l’attractivité des territoires.
Nous l’avons vu, des moyens et des dispositifs existent aujourd’hui. Il n’est donc pas nécessaire d’en instaurer de nouveaux qui viendraient se superposer à l’existant. Les contrats territoriaux de développement rural, objet de cette proposition de loi, n’ont donc pas de raison d’être.
Dans ces conditions, le groupe socialiste et républicain votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)