Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le secrétaire d’État, voilà près d’un an, vous annonciez à la commission de la culture vouloir élaborer un texte de loi relatif au statut et aux droits des sportifs de haut niveau et professionnels. C’est chose faite, et je vous en remercie vivement.
Cette proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale constitue une grande avancée pour la protection des sportifs. Tous en faisaient la demande.
On peut actuellement constater qu’une large majorité de ces sportifs souffrent d’une grande précarité. Il n’est pas rare que les sportifs de haut niveau voient arriver la fin du mois avec une certaine angoisse. Peu d’entre eux bénéficient d’un contrat de travail ou d’un salaire fixe. Ils doivent vivre avec des revenus parfois proches du SMIC, sinon inférieurs, et ne peuvent le plus souvent disposer d’un emploi stable et normalement rémunéré en raison de leurs nombreux entraînements et compétitions. D’après le rapport Karaquillo, quatre sportifs de haut niveau sur dix gagnent moins de 500 euros par mois. Ce constat est sans doute ce qui nous a le plus étonnés lors des réunions de la commission.
En outre, les disparités sont importantes en fonction des disciplines et de leur médiatisation. Tous ces athlètes ont fait et font encore beaucoup de sacrifices sans pouvoir épargner temps ni argent afin de préparer activement leur reconversion. En effet, de nombreux clubs ou fédérations dissuadent le jeune sportif de consacrer du temps à sa formation, par crainte que cela ne se fasse au détriment de l’entraînement sportif.
Cette proposition de loi entend prendre en compte les besoins de formation professionnelle des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels qui entendent mener un double projet en vue de leur reconversion professionnelle. Pour que cela soit possible, il est indispensable de se donner les moyens humains et financiers nécessaires. Nous regrettons toutefois une absence : la formation des entraîneurs, qui devrait être obligatoire, n’a pas été prise en compte dans ce texte.
Mme Christine Prunaud. L’un de nos amendements vise à remédier à cette absence.
Concernant le financement de la formation professionnelle, le rétablissement de la cotisation de 1 % destinée à financer le congé individuel de formation pour les contrats à durée déterminée peut à nos yeux représenter une solution, certes insuffisante à elle seule. Aussi faudrait-il, dans le prolongement de cette proposition de loi, mener une réflexion sur la reconversion : celle-ci ne peut être prise en charge financièrement au titre du congé individuel de formation qu’à la fin du contrat d’un sportif. Le projet de formation professionnelle doit être pour nous tous un élément incontournable du contrat de travail.
La présente proposition de loi rend également obligatoire la création d’un dispositif de couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les sportifs de haut niveau. Cette mesure est une avancée remarquable à elle seule. Comme vous l’avez très bien précisé, monsieur le secrétaire d’État, son objectif est d’éviter la précarité des sportifs.
Une mesure particulière a par ailleurs été adoptée qui protège les sportives de haut niveau en cas de maternité. Nous avons déposé un amendement visant à améliorer encore un peu plus ce dispositif, dont nous saluons d’ores et déjà la création. Il est en effet essentiel de sécuriser la situation de nos sportives ; d’autres mesures encore pourraient être prises dans ce domaine, concernant la place des sportives dans les différentes instances dirigeantes sportives ou dans les conseils d’administration.
La création d’un contrat de travail propre au sport professionnel visant à préserver la stabilité de l’emploi sportif et l’équité des compétitions est un autre élément important de la présente proposition de loi. Néanmoins, il est nécessaire de rétablir une équité de traitement entre les clubs et les sportifs professionnels. Un meilleur équilibre permettrait de limiter certaines enchères et les dérives mercantiles souvent constatées à l’occasion des transferts de joueurs.
Les amendements déposés par le groupe CRC visent à conforter la proposition de loi dans ce qu’elle apporte d’équité entre les sportives et les sportifs, mais aussi de concertation entre les fédérations et les organisations qui représentent les sportifs et les entraîneurs.
Pour terminer, je tiens à remercier mes collègues de la commission de la culture pour le bon climat de nos échanges, ainsi que M. le rapporteur. Je remercie aussi vivement la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs et la Fédération des entraîneurs professionnels : nous en avons rencontré les représentants en commission, bien entendu, mais j’ai aussi pu m’entretenir avec eux en dehors de ce cadre, et il me faut dire que leurs réflexions concrètes ont permis de développer quelques-uns de nos amendements. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi répond à une attente majeure du monde du sport de haut niveau.
À l’Assemblée nationale, les avancées concrètes de ce texte d’inspiration socialiste ont été unanimement soutenues par l’ensemble des groupes politiques. Cela constitue une preuve que nous pouvons, nonobstant nos divergences et nos désaccords, nous rassembler autour de sujets primordiaux pour le monde du sport. Élément essentiel du rayonnement de notre pays à travers le monde, le sport est en effet aussi un facteur d’éducation et d’insertion sociale.
Trop souvent, dans l’opinion publique, le sport de haut niveau se cantonne à quelques disciplines fortement médiatisées, dont les principaux champions perçoivent des revenus mirobolants, voire indécents. Cette vision est très partielle. En effet, la très grande majorité du monde du sport de haut niveau se tient éloignée des feux de la rampe et de retombées pécuniaires élevées. Nous comptons en France près de 6 500 sportifs de haut niveau, auxquels s’ajoute l’ensemble des personnels techniques, tels que les entraîneurs, les juges, les arbitres. Parmi ces sportifs, 5 600 sont sans contrat, et leur situation peut être d’une très grande précarité. Nous devons garder ces chiffres bien présents à l’esprit : 40 % d’entre eux vivent avec moins de 500 euros par mois !
Je souhaite ici rappeler l’excellent travail préparatoire mené par le professeur Jean-Pierre Karaquillo, cofondateur, avec François Alaphilippe, du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, et référence incontournable du monde du sport. Rédigé à la demande de M. le secrétaire d’État et remis en février dernier, son rapport sur le statut des sportifs a permis de documenter finement les besoins et les attentes du monde du sport de haut niveau.
Les deux axes de réflexion de la mission Karaquillo étaient, d’une part, l’avant et l’après de la carrière du sportif et, d’autre part, la protection de ce dernier durant sa période d’activité. Ils constituent aussi les deux nervures centrales de cette proposition de loi. Celle-ci, soutenue par les sportifs eux-mêmes, rejoint également les aspirations du mouvement sportif dans sa globalité. En effet, dans son « projet pour le sport français », le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, a formulé des propositions visant à renforcer la capacité de performance du sport de haut niveau. Deux d’entre elles en particulier nous concernent directement aujourd’hui : « Permettre aux sportifs de haut niveau de bénéficier des conditions optimales requises, notamment administratives, financières et matérielles, pour qu’ils puissent atteindre leur meilleur niveau sportif » et « Garantir un véritable statut de sportif de haut niveau qui définisse des droits, tant pour le présent que pour l’avenir, au regard notamment de la brièveté de leur carrière ».
Par l’attention qu’il porte à nos sportifs, ce texte consolide à sa manière la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024. Il se trouvera bientôt complété par la Grande Conférence sur le sport professionnel français, que vous avez lancée récemment, monsieur le secrétaire d'État.
Cette initiative législative est bienvenue à plus d’un titre, car elle répond à une réelle urgence. Je pense en particulier aux contrats de travail et aux conséquences en termes de sécurité juridique de l’arrêt du 2 avril 2014 de la Cour de cassation, qui a écarté la notion de « spécificité sportive ». La proposition de loi permet de combler le risque existant, en créant un contrat de travail spécifique au monde du sport, offrant le cadre le plus adéquat et le plus protecteur pour les sportifs.
L’urgence était également dans le symbole. Alors que les jeux Olympiques de Rio seront l’année prochaine l’occasion de faire briller les couleurs de la France et que nous nous engageons dans la course pour accueillir ceux de 2024 à Paris, le législateur se devait de saluer à sa manière l’engagement de ces femmes et de ces hommes, dont la passion nous fait bien souvent vibrer, mais dont les charges et contraintes d’entraînement sont considérables. Leur environnement gagnera en stabilité.
Ce texte permet de mettre fin à l’ambiguïté du monde semi-professionnel. Les avancées proposées établiront une différence essentielle entre le monde des sportifs professionnels et celui des amateurs.
Un rééquilibrage s’opère également entre les fédérations et les sportifs de haut niveau. Si le pouvoir réglementaire devra préciser le contenu des conventions conclues, le texte énonce les grands points qui devront faire l’objet de conventions et embrasse l’ensemble des droits et obligations, tant des sportifs que des fédérations ou des clubs employeurs.
De même, les fédérations sportives délégataires devront, aux côtés de l’État, assurer aux sportifs de haut niveau les chances les plus grandes de pouvoir se reconvertir à l’issue de leurs carrières. Déjà, un certain nombre de fédérations font de cette préoccupation une priorité. Il s’agit d’étendre cette responsabilité à l’ensemble d’entre elles, avec le souci de traiter les sportifs de haut niveau de façon équitable.
Un autre point essentiel, source d’inégalités injustifiables, réside dans l’absence de couverture contre les accidents corporels liés à la pratique sportive. De nouveau, le traitement était inégal entre les sportifs, car il dépendait du bon vouloir des fédérations.
Avec cette proposition de loi, l’État s’engage de façon significative aux côtés des sportifs, en ouvrant le droit à indemnités en cas d’accident ou de maladie professionnelle. Je tiens à souligner ici la célérité du ministère, qui a provisionné 1,8 million d’euros pour l’an prochain. De même, les fédérations devront souscrire des contrats d’assurance au bénéfice de leurs sportifs.
Se trouvera également comblée l’absence d’assurance pour les sportives qui tomberaient enceintes.
En raison du rôle d’exemple et d’inspiration des sportifs pour la jeunesse et le public, une formation civique et citoyenne est également prévue.
Dans le respect de l’indépendance du monde sportif, ce texte traduit une réelle ambition pour le sport de haut niveau, qui représente l’excellence sportive. Il fait progresser les principes du service public du sport. Le soutien aux athlètes de haut niveau se trouve rasséréné par la création d’un statut qui concerne toutes ses catégories : jeune, senior, élite, reconversion.
Ce texte facilitera le rôle des formateurs et des établissements dédiés, comme l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, les CREPS, les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, les pôles Espoir. Il facilitera la relation de l’athlète avec l’entraîneur ou avec la fédération sportive par un cadre plus favorable au double projet : l’accès au meilleur niveau de performance, d’une part, et la préparation à la sortie de la carrière sportive, d’autre part.
Le statut de l’athlète de haut niveau porte une double valeur : il permet de reconnaître non seulement la place de celui-ci dans la société, mais aussi son rôle moteur dans le développement des activités physiques et sportives. À cette valeur sociale s’ajoute une valeur matérielle : donner aux sportifs les moyens pratiques de voir se dérouler leur carrière sans être coupés de la réalité sociale, de sorte que la reconversion en fin de carrière ne soit plus un problème, mais l’aboutissement d’une continuité.
L’objectif de cette proposition de loi, votre objectif, monsieur le secrétaire d'État, c’est bien de mettre en œuvre un accompagnement des meilleurs sportifs français qui soit à la hauteur de leur talent. Le sport d’aujourd’hui, trop souvent réduit aux seuls résultats, verra ainsi sa dimension sociale fortement réaffirmée par des dispositions, très opérationnelles, qui protègent les pratiquants. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis toujours, les écologistes voient le sport comme un vecteur d’égalité. La pratique du sport constitue aussi un formidable levier d’intégration sociale.
Si les écologistes aiment à favoriser cette vision du sport partage, ils n’oublient pas le sport de haut niveau ni, bien évidemment, les sportifs professionnels. Un sportif doit envisager tôt l’après-compétition. Trop de témoignages d’anciens sportifs racontent cette descente aux enfers qu’est la fin de la carrière sportive. C’est le cas pour les sportifs, heureux de leur carrière, ayant « fait leur temps », mais aussi, et ce de façon plus brutale encore, pour ceux qui, blessés, ne pourront reprendre le sport à haut niveau, voire se verront privés de toute pratique sportive.
Dès lors, le groupe écologiste du Sénat se réjouit des nombreuses adaptations proposées par ce texte pour permettre que « le double projet » soit effectif. On peut ainsi souligner le suivi socioprofessionnel, mais également la possibilité de bénéficier des contrats d’apprentissage. L’ouverture de cette possibilité constitue une véritable voie parallèle pour la sportive ou le sportif qui ne doit pas avoir à choisir entre le sport et son avenir à long terme.
Le statut des sportifs professionnels fait également l’objet d’une vraie avancée par le biais de la création du contrat à durée déterminée spécifique. Ce nouveau contrat permettra enfin de reconnaître légalement la spécificité de la situation des sportifs professionnels et de répondre aux évolutions jurisprudentielles, qui sont fort nombreuses.
Cette proposition de loi illustre l’intérêt du bicaméralisme, qui permet une amélioration substantielle des textes grâce à un dialogue serein. Nous ne pouvons que nous réjouir qu’un texte puisse rassembler des élus de toutes sensibilités qui, ensemble, œuvrent à l’amélioration du bien commun des sportifs de haut niveau. Il convient en effet de souligner le travail de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dont les membres ont su, en bonne intelligence, chercher le consensus tout en apportant à ce texte quelques avancées. Ainsi, nous nous sommes félicités de l’extension des conventions d’insertion professionnelle aux arbitres et juges ou encore de la possibilité, pour les sportifs de haut niveau, de bénéficier du dispositif de validation des acquis de l’expérience pour l’obtention de diplômes ou d’un titre à finalité professionnelle.
Cette proposition de loi, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, marque l’intérêt que nous portons aux sportifs, dont la situation peut être extrêmement précaire, comme le souligne l’excellent rapport de Jean-Pierre Karaquillo. Cette cohésion autour de ce texte n’a été possible, tant à l’Assemblée nationale qu’en commission ce matin, que grâce à une méthode sur laquelle nous tenons à insister d’un important dialogue en amont. Monsieur le secrétaire d'État, je vous l’avoue, lorsque je vous ai entendu la première fois sur ce sujet, je suis restée sceptique, mais vous avez su avec pédagogie nous convaincre. (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
Mme la présidente. Bravo ! (Sourires.)
Mme Corinne Bouchoux. Je souligne la concertation des divers acteurs sur ce sujet, qui a permis d’aboutir à ce texte consensuel. Je signale également l’intérêt de notre visite à l’INSEP : nous avons pu voir en situation des sportifs de haut niveau et des futurs champions. Ce fut une rencontre très instructive.
Évidemment, cette proposition de loi ne répond pas à toutes les inquiétudes, ne règle pas tous les soucis. D’autres avancées sont attendues : le rôle des entreprises dans l’établissement du projet professionnel du sportif, la question de la longue durée, les aménagements de cours et d’examens qui doivent être encore perfectionnés, par exemple dans les lycées français à l’étranger – Claudine Lepage a posé une question à ce sujet ce matin en commission –, le statut des agents sportifs qui pourrait être redéfini et mieux encadré.
Sur la question de la parité et de l’égalité hommes-femmes, là encore, du chemin reste à parcourir même si des progrès ont déjà été accomplis. Il est temps que les organes de gouvernance du sport comptent plus de femmes, nous sommes tous d’accord sur ce constat. Laissons-les investir les conseils d’administration ! Leur compétence n’est plus à prouver aujourd’hui. Il est important que la mixité dans le sport devienne une réalité.
L’amendement de la rapporteur à l’Assemblée nationale, Brigitte Bourguignon, visant à étendre les droits des sportives de haut niveau en cas de grossesse pendant un an est une avancée majeure qu’il convient de souligner. Cette disposition permettra une ouverture plus grande des femmes au sport de haut niveau et en donnera une autre image : la maternité sera un temps de la carrière sportive et n’en marquera plus la fin.
Ces efforts collectifs, tant soulignés au cours des débats menés dans les deux assemblées, seraient ruinés si le sport offrait à d’autres égards une vision moins vertueuse et moins propre. Tout le beau travail que nous avons accompli pourrait être terni par des faits divers.
Formons ici le vœu que l’on revienne à un sport pour le sport, un sport qui permette à tous de se dépenser et, à certains, ceux qui en ont l’envie et les aptitudes, de réaliser des performances exceptionnelles, sans dopage, bref, un sport qui fasse rêver, mais qui ne fasse pas peur. Le rôle du sportif de haut niveau est bien celui de l’exemplarité, du dépassement de ses propres limites, dans le respect de ses propres capacités.
Compte tenu de toutes les améliorations du texte, du bon climat de dialogue qui a présidé à nos travaux, le groupe écologiste votera cette proposition de loi, qui présente une réelle avancée, ce que nous n’avions peut-être pas perçu au premier abord. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dès son article 1er, la proposition de loi reconnaît le rôle des sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau, qui, par leur activité, concourent au rayonnement de la nation. En effet, on ne le répétera jamais assez, le sport est au cœur du pacte républicain. Il est incontestablement un vecteur de cohésion sociale dans les territoires et un facteur d’union nationale lors des grandes compétitions. Il suffit de se remémorer – même si c’est loin ! – la ferveur qu’a engendrée la victoire de la France lors de la Coupe du monde de football de 1998.
Au-delà des centaines de milliers de licenciés et d’amateurs qui animent localement les compétitions, ce sont près de 7 000 personnes qui s’investissent quotidiennement pour faire vivre le sport à l’échelle nationale et internationale. Parmi ceux-ci se trouvent bien sûr les stars, celles et ceux dont le destin semble tout tracé et dont la carrière, même courte, peut les mettre à l’abri des difficultés propres à la reconversion d’un sportif. Encore faudrait-il nuancer cette réalité si l’on songe par exemple aux déboires financiers d’un certain nombre d’entre eux, par exemple l’ancienne championne de ski Carole Merle.
Pour autant, la proposition de loi se soucie principalement du sort matériel, social et juridique de la très grande majorité des sportifs de haut niveau qui ne sont pas médiatisés et qui contribuent pourtant à l’excellence sportive française. Comme l’indique le rapport Karaquillo sur le statut des sportifs, qui a été rendu public au début de l’année et qui inspire cette proposition de loi, « quatre sportifs sur dix gagnent moins de 500 euros par mois ». C’est le revers de la médaille, si je puis dire.
Les athlètes de haut niveau sont rapidement confrontés au défi de leur reconversion professionnelle. Occupés par leur pratique sportive intensive et un calendrier constitué par les échéances à court terme que sont les compétitions, ils n’ont ni le temps ni le recul nécessaire pour penser à l’après.
Le rapport Karaquillo met en lumière cette réalité sur laquelle je m’étais d’ailleurs également penché à travers deux dispositifs adoptés dans la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, que j’avais défendue au Sénat avec mes collègues du RDSE en 2012. En substance, il s’agissait, d’une part, d’aménager la scolarité des sportifs de haut niveau et, d’autre part, de renforcer les moyens des centres de formation.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui pose les fondements d’une véritable sécurisation des sportifs de haut niveau. Sensible au problème de la précarité d’un grand nombre d’entre eux, j’approuve, ainsi que mes collègues du RDSE, la plupart des dispositifs proposés. Il est en effet temps d’encourager véritablement le double projet des sportifs de haut niveau. Le texte va dans le bon sens par une amélioration du contenu des « projets de performance fédéraux », par un encouragement à une implication effective des entreprises accueillant des sportifs pendant et après leur carrière ou encore par des mesures d’adaptation de leur scolarité.
S’agissant de l’article 6 sur le suivi socioprofessionnel des sportifs par les fédérations délégataires, je souhaite, par un amendement, qui n’a pas été approuvé en commission, ce que je regrette, élargir le dispositif aux anciens sportifs de haut niveau pendant cinq ans après leur sortie de la liste ministérielle. En effet, pour les sportifs de haut niveau, la transition entre la fin de leur carrière et leur reconversion constitue un moment crucial et difficile. Il convient donc de les accompagner au mieux dans leur insertion professionnelle.
Les mesures de sécurisation juridique sont aussi très attendues par les sportifs et leurs employeurs. Je pense en particulier au contrat à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs professionnels salariés prévu à l’article 9. Cela a été dit, le contrat à durée déterminée reste l’instrument le plus souple pour concilier les impératifs de carrière sportive et les règles en matière de droit du travail. À ce stade, ce nouveau contrat devrait en outre permettre de répondre aux exigences de l’accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, ainsi qu’aux décisions de la Cour de cassation.
Je souscris aussi bien évidemment à l’amélioration de la couverture sociale des sportifs de haut niveau. C’est là une nécessité compte tenu de leur exposition particulière aux accidents. Cependant, ce volet a un coût financier, qu’il faudra répartir entre l’État et les fédérations. Toutes les fédérations auront-elles les moyens de financer cette couverture complémentaire ? La question se pose.
Enfin, je salue le travail de la commission de la culture, qui a amélioré la proposition de loi tout en conservant ses grands équilibres. Je salue en particulier l’initiative de mes collègues Françoise Laborde et Mireille Jouve, qui ont étendu les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne. Cette modification complète utilement le dispositif que nous avions introduit dans la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
Comme je l’ai dit en introduction, le rôle fondamental du sport dans la société est souvent mis en avant. Nous devons donc en tirer les conséquences pratiques, comme y parvient excellemment cette proposition de loi, qui sécurise le parcours individuel des athlètes. C’est un juste retour au regard des sacrifices que les sportifs consentent pour exercer leur passion. Si cette passion est certes d’abord personnelle, elle apporte aussi beaucoup de joies à la collectivité. Les sportifs offrent en effet à la France de nombreuses victoires, même s’ils suscitent aussi parfois des déceptions, hélas ! Je pense à la sévère défaite du XV de France samedi dernier, victime de la marée noire néo-zélandaise... (Sourires.) En attendant un retour à meilleure fortune pour notre équipe nationale, le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, grâce à ses valeurs éducatives bien connues et à ses multiples autres bienfaits, le sport apporte énormément à notre société. Pratiqué à haut niveau, il participe au rayonnement de notre pays à l’international. Nous devons donc choyer nos sportifs de haut niveau et professionnels. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans ce sens.
Ces hommes et ces femmes consacrent une part de leur vie à la performance sportive. Être un sportif de haut niveau constitue un métier à temps plein. Pour autant, ce n’est pas toujours un métier qui permet véritablement de vivre. Ni salariés ni travailleurs indépendants, la majorité des sportifs connaissent une précarité sociale. À titre d’exemple, ils ne sont pas couverts si un accident survient à l’occasion de la pratique de leur sport. Un accident peut pourtant mettre un terme prématuré à leur carrière. Pensons également au cas de la maternité.
Cette proposition de loi, qui comble un vide juridique, vise à les protéger et à sécuriser leur situation juridique et sociale. Elle est inspirée des préconisations du rapport que Jean-Pierre Karaquillo vous a remis, monsieur le secrétaire d’État, au mois de février dernier. Ce rapport a mis en évidence non seulement l’incertitude de rattachement juridique de certains sportifs, la précarité de leur statut, mais également leur insuffisante préparation à la reconversion en fin de carrière.
L’article 1er du texte nous permet tout d’abord d’exprimer notre reconnaissance envers les sportifs de haut niveau. C’est assez rare pour être souligné. En effet, il est indéniable que « les sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau concourent, par leur activité, au rayonnement de la nation et à la promotion des valeurs du sport ». Ils sont la vitrine de la France à l’international.
Sur le fond, la proposition de loi met en œuvre une protection sociale pour les sportifs de haut niveau, dont la charge serait partagée entre l’État et les fédérations ; elle prévoit ainsi une couverture minimale des accidents du travail et des maladies professionnelles par l’État et, en complément, l’obligation pour les fédérations de contracter des assurances privées pour couvrir les dommages corporels résultant de la pratique sportive.
En outre, les sportives de haut niveau enceintes pourront conserver le bénéfice de leurs droits pendant un an à compter de la constatation médicale de la grossesse.
Le coût de la couverture des sportifs de haut niveau non salariés a été évalué par M. Karaquillo dans son rapport à 4,3 millions d’euros par an, pris sur le budget des sports, et à 3,5 millions d’euros au minimum, selon vous, monsieur le secrétaire d’État.
J’en viens à l’un des points les plus importants de cette proposition de loi : la création d’un contrat de travail pour les sportifs et les entraîneurs professionnels.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, dans le monde sportif, les joueurs sont mieux protégés par le contrat à durée déterminée. Les motifs de rupture anticipée sont limités. À l’inverse, avec un CDI, les joueurs et les entraîneurs pourraient démissionner à tout moment, au risque de désorganiser l’équipe et de compromettre les résultats. Ils empêcheraient également les transferts rémunérés de joueurs et la hausse générale des rémunérations, menaçant la pérennité des petits clubs, alors que la majorité des clubs étrangers recourent classiquement au CDD.
Ce risque de déstabilisation des relations contractuelles a justifié jusqu’à récemment le recours au contrat à durée déterminée dit « d’usage », reconnu par le Conseil constitutionnel comme « usage inhérent à la nature du sport professionnel », mais la Cour de cassation a récemment remis en cause ce type de contrat en refusant son caractère impératif. Aussi l’article 9 de la proposition de loi vient-il sécuriser la situation en créant un contrat à durée déterminée spécifique.
Le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait que la durée de ce contrat ne pouvait être inférieure à douze mois, sauf pour le remplacement de joueurs absents. Une période contractuelle de douze mois est évidemment peu judicieuse, car elle ne correspond pas à une saison sportive. Une durée minimale de neuf mois me paraissait plus adaptée, mais la proposition de M. le rapporteur de lier la durée du CDD des sportifs et des entraîneurs professionnels à la saison sportive, dont les dates varient en fonction des disciplines, est meilleure. Afin de limiter la précarité de l’emploi, tout contrat de travail signé au cours d’une saison sportive doit courir au minimum jusqu’au terme de cette dernière. Je souhaite d’ailleurs remercier particulièrement Michel Savin de la qualité de ses travaux.
La proposition de loi sécurise également le statut des sportifs indépendants en les protégeant de la qualification inadéquate qu’avaient retenue le Conseil d’État et la Cour de cassation en leur appliquant la « présomption de salariat des artistes du spectacle ».
Par ailleurs, le texte prévoit des dispositions visant à accroître l’insertion professionnelle des sportifs, que nous ne pouvons qu’approuver. Des appuis sont ainsi fournis aux sportifs, qu’ils soient de haut niveau ou des professionnels salariés, afin de leur permettre de préparer efficacement la seconde partie de leur carrière.
Je salue également la reconnaissance dans le texte du Comité paralympique et sportif français, afin de lui permettre d’être officiellement reconnu par l’International Paralympic Committee, l’IPC, comme le seul représentant du mouvement paralympique français.
Avant de conclure mon propos, et avant de présenter mes amendements tout à l’heure, je tiens à dire que je trouve dommage que le texte ne prévoie aucune disposition sur la participation à l’équipe de France et qu’il ne fasse nullement référence aux pôles Espoir, aux pôles France et aux centres de formation.
Mes chers collègues, force est de constater que cette proposition de loi socialiste est extrêmement consensuelle puisqu’elle a été adoptée à l’unanimité à la fois par nos collègues députés et par la commission de la culture du Sénat. Face à un tel consensus, nous aurions peut-être pu aller un peu plus loin au moment où notre pays s’apprête à accueillir l’Euro 2016. Les liens entre la jeunesse française et le sport, entre santé publique et sport, la médiatisation du sport, et bien d’autres sujets encore, restent à aborder.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que ce texte ne sera pas le seul consacré au sport d’ici à 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)