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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette séance du mardi est véritablement une première. Je remercie, une nouvelle fois, le Gouvernement et vous en particulier, monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, d’avoir compris notre démarche et de l’avoir acceptée.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
L’auteur de chaque question dispose de deux minutes, y compris la réplique.
La durée de deux minutes s’applique également à la réponse des membres du Gouvernement, même si M. le Premier ministre bénéficie d’une horloge spéciale… (Sourires.)
situation d'air france
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le Premier ministre, la France a découvert hier des images ahurissantes, saisies à l’occasion de la réunion du comité central d’entreprise d’Air France. Ces images ont fait le tour du monde : des dirigeants molestés, presque lynchés, obligés de fuir sous les insultes d’un groupe minoritaire de salariés agissant au mépris des lois et du simple respect de la personne humaine.
Ces actes méritent la plus ferme des réprobations et appellent des poursuites pénales.
Les auteurs de ces délits ne sauraient engager la compagnie Air France, qui est au cœur du patrimoine français, qui a toujours porté haut les valeurs de travail d’équipe, de solidarité et de respect, et qui a su relever le défi de la conquête des passagers du monde entier.
Air France est et restera une source de fierté pour nos concitoyens, une compagnie fidèle aux standards internationaux les plus élevés du transport aérien. Mais Air France doit aussi s’adapter à une nouvelle donne, redevenir pleinement compétitive, après plusieurs plans de performance, baisser ses coûts et renégocier son pacte social.
Le principal syndicat de pilotes est pointé du doigt, à juste titre, pour avoir refusé les propositions de la direction. L’ensemble du personnel est inquiet devant les mesures sociales annoncées, qui incluent des réductions très nettes de capacité et des licenciements en grand nombre.
L’émotion, comme vous le savez, monsieur le Premier ministre, est considérable ; la situation est bloquée.
Que compte faire le Gouvernement pour aider Air France à franchir cette étape, parmi les plus rudes de son histoire ? Chacun a connaissance des difficultés très graves du secteur du transport aérien français.
Détenteur de 17 % du capital de la compagnie, l’État ne peut pas en rester au stade de la condamnation des délits.
Allez-vous, monsieur le Premier ministre, agir pour favoriser le dialogue. Certes, il faut amener les pilotes à « bouger », mais aussi répondre aux problèmes spécifiques du transport aérien français, qui se trouve malheureusement à l’écart de l’augmentation mondiale du trafic.
Certaines rigidités du transport aérien français découlent de notre réglementation : souhaitez-vous y répondre en même temps que vous renouerez le dialogue social ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord, à mon tour, puisque je sais que vous l’avez fait tout à l'heure, rendre hommage à toutes les victimes des intempéries que les Alpes-Maritimes ont connues ce week-end.
Le Président de la République et le ministre de l’intérieur étaient sur place dimanche pour saluer l’engagement de tous ceux qui sont venus au secours des populations affectées par ces terribles inondations : sapeurs-pompiers, policiers et des gendarmes, agents de l’État et des collectivités territoriales, élus et citoyens. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet au cours de cette séance de questions au Gouvernement.
Monsieur le sénateur Capo-Canellas, Air France est une très grande compagnie aérienne, la cinquième du monde. Elle porte nos couleurs, mais sa situation n’est pas bonne, confrontée qu’elle est depuis plusieurs années à des défis majeurs : l’émergence des compagnies low cost et la concurrence de grandes compagnies – celles du Golfe, certes, mais d’autres aussi – qui ont su se restructurer.
Pour survivre, pour se redresser, la compagnie doit impérativement renforcer sa compétitivité : il n’y a pas d’autre choix, comme M. Alain Vidalies et moi-même avons déjà eu l’occasion de le dire. L’État soutient donc cette seule voie possible, cet effort indispensable vers le redressement. Le statu quo ne saurait être une option quand l’avenir de l’entreprise est véritablement en jeu.
Comme vous le savez, les discussions engagées entre la direction et les syndicats de pilotes sur la réalisation, par les pilotes, des engagements du plan Transform 2015 et du plan de productivité Perform 2020 ont échoué mercredi soir. Ce dernier plan vise des gains de compétitivité à hauteur de 17 %.
L’effort de productivité demandé est un passage obligé pour restaurer la compétitivité. Chacun doit y participer, à commencer par les pilotes.
Je veux donc lancer aux pilotes un appel à la responsabilité et à la lucidité : ils ont, parmi d’autres acteurs, l’avenir de la compagnie entre leurs mains et doivent, par conséquent, s’engager. Je demande à leurs syndicats de prendre leurs responsabilités.
J’étais ce matin à Roissy pour rencontrer les dirigeants d’Air France-KLM et d’Air France, ainsi que les deux hommes qui ont été humiliés et agressés par une foule. Ces actes sont intolérables : ils devront être punis avec la plus grande des sévérités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, puis de l'UDI-UC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste. – Murmures de réprobation sur les travées du groupe CRC)
M. Jean-Pierre Bosino. Quand on licencie…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Rien ne peut justifier de tels actes, qui doivent être condamnés de manière absolue.
Je veux aussi saluer la dignité des victimes.
J’ai également rencontré trois secrétaires des instances représentatives du personnel, trois syndicalistes de la CFDT, de la CFE-CGC et de la CGT. Je tiens d’ailleurs à rappeler aussi que, hier, des syndicalistes ont protégé les hommes qui étaient frappés.
Quoi qu'il en soit, il ne saurait y avoir quelque ambiguïté, quelque confusion que ce soit : la violence d’un conflit social ne peut être assimilée à celle qu’ont subie des hommes dont la mission est précisément d’entretenir le dialogue social.
Les images qui ont été diffusées sont terribles pour la compagnie elle-même et, bien évidemment, pour notre pays. Des sanctions lourdes doivent donc être prises contre des actes qui relèvent du droit pénal.
Bien sûr, j’ai voulu exprimer la solidarité du Gouvernement à l’égard de ces hommes, des vigiles qui se sont interposés et de la direction de l’entreprise. En effet, nous assumons pleinement nos responsabilités.
L’urgente priorité, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, est de reprendre le dialogue. La solution aux problèmes de l’entreprise devra être trouvée en son sein. L’État, actionnaire à hauteur de 17 %, assume et assumera toujours pleinement son rôle. C’est pourquoi nos représentants soutiennent les plans de la direction et, notamment, ce qu’on a appelé le plan A. C’est en effet celui qui doit permettre de faire reposer l’effort sur l’ensemble des salariés. (M. Vincent Capo-Canellas acquiesce.)
J’en appelle donc, comme je l’ai déjà fait ce matin, comme M. Vidalies a déjà eu l’occasion de le faire, à la reprise du dialogue.
Monsieur le sénateur, je crois comme vous aux vertus du dialogue social ; je ne pense pas qu’on puisse mettre de côté les syndicats, représentants des salariés. Notre pays, au contraire, a besoin d’un dialogue constructif, à condition que chacun prenne ses responsabilités et condamne la violence.
Il est encore temps de redresser la compagnie : tel est l’appel que je veux ici relayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.)
intempéries dans les alpes-maritimes
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et porte sur les conséquences des dramatiques intempéries survenues dans le département des Alpes-Maritimes, qui ont causé vingt et un morts et provoqué de lourds dégâts.
Je tiens à exprimer toute ma tristesse et ma compassion à l’égard des familles des victimes. Je veux également exprimer tout mon soutien aux milliers de sinistrés. Je me dois aussi de saluer la mobilisation exceptionnelle des services de secours, qui a permis d’éviter que le bilan du drame ne soit plus lourd.
Monsieur le ministre, le Président de la République et vous-même vous êtes rendus sur place pour constater le désastre humain et matériel. L’état de catastrophe naturelle a été annoncé par le Président de la République. Néanmoins, les exemples passés de La Faute-sur-Mer ou de Draguignan montrent que les procédures sont lentes et que seul l’État a la main pour venir en aide aux élus locaux, en publiant rapidement les arrêtés interministériels et en mettant tout en œuvre pour que la mobilisation des experts et des assureurs soit totale.
Monsieur le ministre, les communes des Alpes-Maritimes pourront-elles compter sur la parole de l’État et sur sa réactivité pour mobiliser le fonds de soutien aux collectivités ?
M. Didier Guillaume. Bien sûr ! Quelle question !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Face à de tels drames, aucune question taboue ne doit être éludée. Quand l’État mettra-t-il en œuvre une vraie politique de prévention des inondations ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La facture du déluge qui s’est abattu sur la Côte d’Azur pourrait atteindre 500 millions d’euros ; or le budget annuel consacré à la prévention des crues ne dépasse pas 300 millions d’euros !
Quand les pouvoirs publics arrêteront-ils leurs discours schizophrènes ? Quand cesseront-ils de dire tout et son contraire, de dénoncer les ravages de la « bétonisation » tout en exigeant des communes qu’elles construisent toujours plus, au péril de la vie de leurs administrés ? (Brouhaha sur les mêmes travées.)
Les élus locaux ne cessent de subir la pression de l’État pour construire : durcissement de la loi SRU, préemption des terrains prévue par la loi ALUR, surtaxe foncière pour les terrains constructibles mais non bâtis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est faux !
M. Dominique Bailly. Qu’ont-ils fait, les élus locaux ? Qui a signé les permis ?
Mme Dominique Estrosi Sassone. Il est temps, monsieur le ministre, de mettre un terme à l’application uniforme de telles lois et de tenir compte des spécificités de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous demandez quel est l’engagement de l’État après le drame qui s’est produit dans les Alpes-Maritimes ce week-end et qui a conduit le Président de la République à se rendre sur place. Vous souhaitez savoir si la mobilisation de l’État sera à la hauteur du drame. Je veux vous apporter des réponses extrêmement précises.
Tout d’abord, le Président de la République a indiqué que l’état de catastrophe naturelle serait évoqué en conseil des ministres dès demain. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, j’y ferai une communication, et l’arrêté sera publié dès jeudi.
Par ailleurs, dès la fin de cette séance de questions, je vais réunir des représentants de l’ensemble des administrations qui concourent au déblocage des fonds de soutien aux collectivités locales, auxquels se joindra le président de la Fédération française des sociétés d’assurance. Il s’agit, d’une part, de déterminer dans quelles conditions des avances peuvent être versées avant le délai de trois mois qui s’impose en règle générale et, d’autre part, de mobiliser dès les prochaines semaines, voire les prochains jours, le fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles, afin que ces collectivités puissent procéder aux travaux en avance de phase et remettre en état les équipements publics du ressort de leur territoire.
Vous vous inquiétez de la longueur potentielle des délais. Ils ne seront pas longs du fait de la réforme – réalisée par ce gouvernement – du dispositif d’accompagnement des collectivités locales après une catastrophe naturelle. On a réduit le temps des inspections ; on a simplifié les procédures ouvrant droit à indemnisation ; enfin, on a fusionné les fonds qui viennent en aide aux collectivités locales pour faciliter l’indemnisation. J’ai d’ailleurs rehaussé le niveau des avances pour éviter que les collectivités locales ne soient confrontées aux problèmes rencontrés dans le passé.
Vous évoquez enfin les problèmes d’urbanisme. J’ai pu me rendre sur place avec le Président de la République : à mes yeux, la sururbanisation observée n’est pas due aux conséquences de la loi SRU ou de la loi ALUR. En effet, les bâtiments atteints par ces inondations avaient été construits, dans leur majorité, dans les années 1970 et 1980. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste.)
fin de vie
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe du RDSE.
M. Michel Amiel. Au moment où la loi sur les nouveaux droits des patients en fin de vie revient à l’Assemblée nationale, une question reste en suspens : celle de la tarification des soins palliatifs et des soins en fin de vie dans le cadre rigide de la T2A, sigle un peu barbare qui signifie « tarification à l’activité ». Selon les propres termes de Mme la ministre de la santé, cette tarification n’est pas une fin en soi.
Au-delà de la réflexion globale sur cet outil de gestion financière, se pose la question de l’articulation entre soins palliatifs et tarification ; je parle bien de soins palliatifs et non pas seulement de soins en fin de vie.
Dès 2007, la Cour des comptes alertait sur la misère des soins palliatifs et un possible effet pervers de la tarification. En 2015, elle notait encore une absence de valorisation spécifique des soins palliatifs en moyen et long séjours.
Seul un malade sur trois bénéficiaires potentiels de soins palliatifs y a réellement accès. Le remboursement des douze premiers jours est basé sur un forfait de 6 100 euros, qui est dû même si le patient décède après le premier jour. En étant cynique et en poussant le raisonnement à son terme, je dirai que, plus vite le patient décède après son admission en unité de soins palliatifs, mieux c’est pour l’équilibre financier de l’établissement !
Cette vision de la tarification à l’acte est complètement délétère pour l’accompagnement en fin de vie. Bien pis, elle cantonne le concept de soins palliatifs aux derniers jours de vie du patient.
Alors que la culture palliative fait cruellement défaut dans notre pays par manque de formation des professionnels, comment expliquer à des patients qui sont orientés vers les soins palliatifs qu’il ne s’agit pas de la fin de leur accompagnement ?
Je souhaite donc connaître les propositions de Mme la ministre des affaires sociales en vue de favoriser une meilleure prise en charge des soins palliatifs, s’agissant notamment de la tarification des soins prodigués aux patients en fin de vie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’excuser tout d’abord Marisol Touraine, qui participe en ce moment à la célébration du soixante-dixième anniversaire de la création de la sécurité sociale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’agit évidemment d’une avancée extrêmement importante, qui a permis l’ouverture d’un certain nombre de droits.
Elle a aussi rendu possibles, notamment grâce à votre travail – le vôtre, monsieur Amiel, mais aussi celui de votre collègue Gérard Dériot –, un certain nombre d’améliorations à la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, notamment en matière de soins palliatifs. Vous avez ainsi permis que soit reconnu à toute personne, sur l’ensemble du territoire, le droit à l’accès à des soins palliatifs.
Vous soulevez de façon très pertinente la question de la tarification à l’activité, la fameuse T2A, qui, vous en avez fait la démonstration, n’est absolument pas adaptée aux conditions de la prise en charge des soins palliatifs.
Vous le savez, la T2A participe aussi à d’autres éléments de financement de la vie hospitalière, sur lesquels le Gouvernement est déjà revenu, concernant les petits hôpitaux de proximité, l’amélioration de la qualité des soins, etc. Il nous faut néanmoins aller plus loin. C’est pourquoi le Président de la République s’est engagé à renforcer directement, c'est-à-dire par des crédits fléchés, les moyens mobilisés pour les soins palliatifs, et ce dans le cadre d’un plan triennal. Se tiendra très prochainement une réunion avec les admirations concernées pour faire évoluer le financement des soins palliatifs.
Tel est l’engagement du Gouvernement.
Monsieur le sénateur, sur ce sujet, je tiens à saluer votre implication, comme celle de la Haute Assemblée tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
Monsieur le secrétaire d'État, le scandale Volkswagen est très grave. Toutes les enquêtes épidémiologiques – un rapport sénatorial l’a confirmé – ont montré que, chaque année, des enfants et des personnes fragiles mouraient prématurément d’une concentration dangereuse dans l’air d’oxydes d’azote, phénomène auquel ont donc sciemment contribué les ingénieurs et dirigeants d’une entreprise qui se disait exemplaire.
Face à des consommateurs de plus en plus défavorables à une technologie qui ne répond pas aux défis environnementaux, agir de façon résolue est aujourd’hui une urgence, y compris pour l’avenir de l’industrie automobile française et européenne.
Les écologistes se félicitent tout d’abord de la volonté affirmée de la ministre de l’écologie quant au rattrapage de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence. C’est une mesure nécessaire. Toutefois, il faut une cohérence d’ensemble.
Aussi vous poserai-je deux questions très précises, monsieur le secrétaire d'État.
Pour accélérer cette transition, d'une part, êtes-vous prêt à remédier à l’absurdité d’une situation où l’exonération de TVA sur les carburants diesel, et uniquement diesel, des véhicules professionnels rend l’achat d’un véhicule à essence prohibitif, par exemple pour les taxis parisiens ? Êtes-vous favorable, d'autre part, au renforcement du bonus automobile sur les petites cylindrées, bonus réduit aujourd’hui à un montant quasi symbolique, alors qu’il s’agit presque exclusivement de véhicules à essence peu polluants ?
Ces deux mesures simples et ciblées favoriseront les constructeurs français, très bien positionnés sur le segment des petites cylindrées à essence, véhicules qui émettent aussi le moins de gaz à effet de serre. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, à la suite de la publication d’un rapport de la Haute Assemblée sur le coût économique et financier de la pollution de l’air et après le scandale Volkswagen, mais aussi à l’approche de la COP 21, votre question a toute sa légitimité. Il convient de la resituer dans un contexte plus général.
La fiscalité environnementale a de multiples composantes. Il faut citer la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, qui atteint plus de 5 milliards d’euros et est en forte augmentation ; la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, que vous avez évoquée, la contribution climat-énergie, qui a été mise en place avec succès par le Gouvernement, et diverses mesures fiscales que vous avez rappelées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour autant, des évolutions doivent avoir lieu. Ainsi, s’agissant de la CSPE, Bruxelles nous met en demeure d’en modifier le dispositif pour des questions de compatibilité par rapport aux aides aux entreprises, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables.
M. Ronan Dantec. Cela n’a aucun rapport !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si, cela a un rapport : aujourd'hui, la CSPE ne porte que sur l’électricité,...
Mme Fabienne Keller. Il ne répond pas à la question !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ... alors qu’un certain nombre de membres du Gouvernement et de parlementaires souhaiteraient en élargir l’assiette pour diversifier les sources d’énergie.
On peut également citer les interférences entre les différents dispositifs, par exemple la contribution climat-énergie et l’exonération de la TVA sur le diesel.
Pour y remédier, il faut aborder ces questions de façon globale. Le Gouvernement s’engage à le faire lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative. Ce travail est en cours. Le Sénat, l’Assemblée nationale, vous-même, y serez associés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Je ne peux que m’étonner de cette réponse sur la CSPE, alors que ma question portait sur la TVA sur le diesel.
M. Ronan Dantec. Nous formulons des questions très précises qui appellent des réponses tout aussi précises.
Je regrette vivement que M. le secrétaire d’État n’ait pas confirmé la dynamique engagée cette semaine par la ministre de l’écologie (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qui a affirmé qu’il était temps d’opérer un rattrapage entre les fiscalités. Ma question avait trait à cette cohérence d’ensemble, mais nous y reviendrons en loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
situation d'air france et rôle de l'état
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, des violences inadmissibles, que mon groupe et moi condamnons sans réserve, ont été perpétrées contre des salariés d’Air France, dont deux dirigeants. Leur dignité humaine a été mise en cause et nous ne l’acceptons pas. Je l’affirme d’emblée, cette colère incontrôlée est une impasse pour les salariés.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ce n’est pas ce que vous avez dit tout à l’heure !
Mme Éliane Assassi. C’est un piège redoutable. Les organisations syndicales et l’immense majorité des salariés de l’entreprise le savent.
Ceux qui ont toujours combattu le monde salarial s’en donnent à cœur joie, du MEDEF à M. Sarkozy, qui assène : « C’est la chienlit ! » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce qui me dérange, c’est cette indignation à sens unique, surjouée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, à sens unique !
Mme Éliane Assassi. N’y a-t-il pas des responsables de cette situation ? Pourquoi ne pas mettre en avant l’incurie de la direction, Qui n’a pas de stratégie, qui a déjà sacrifié 5 500 emplois depuis 2012, avec le plan Perform 2020, et qui a annoncé hier la suppression de 2 900 autres emplois ?
Monsieur le Premier ministre, ne croyez-vous pas qu’il est temps d’avoir un mot pour ces milliers de drames humains, ces milliers de violences, certes hors écran, infligées par des décideurs qui servent non l’intérêt national, mais celui des actionnaires privés ?
Le choc, c’est la violence des images d’hier.
M. François Grosdidier. Le choc, c’est le crash d’Air France !
Mme Éliane Assassi. Mais le choc, c’est aussi de voir un pays comme la France, quatrième puissance économique mondiale, incapable de préserver sa compagnie nationale.
L’État actionnaire ne peut laisser ainsi enterrer Air France, en particulier face à la concurrence des compagnies hors droit. Comment l’État actionnaire, l’État responsable, va-t-il agir en ce sens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente Assassi, hier, après les incidents, chacun a trouvé les mots justes, de manière qu’aucune confusion ne soit possible entre l’action syndicale et ce qui s’est passé. Il ne faut pas tomber dans le piège des commentateurs qui continuent à faire des assimilations. Tout le monde ici s’est exprimé clairement : il s’agit d’agissements inacceptables, de violences dont la seule issue envisageable est la sanction pénale.
Vous interrogez le Gouvernement sur sa stratégie. Le Premier ministre a répondu sur le rôle de l’État actionnaire et rappelé cette réalité incontestable : la compagnie perd de l’argent sur les longs courriers. C’est pourquoi, aujourd’hui, le projet est de supprimer une quinzaine d’avions. Un avion, c’est 320 salariés. Voilà la réalité.
Pour atteindre cet objectif, il n’y a que deux voies possibles. La première, c’est celle de la négociation, et c’est celle que la compagnie a proposée. Cela veut dire que l’effort est partagé entre tous les salariés, y compris les pilotes, puisque c’est de leur décision que dépend la possibilité de négocier avec les autres salariés. Si cette solution est retenue, il n’y aura aucun licenciement.
Comme il y a eu échec du dialogue, la compagnie a annoncé 2 900 licenciements. C’est la seconde voie.
Cela étant, le temps du dialogue n’est jamais terminé.
M. Pierre Laurent. La direction méprise les salariés. Il suffit de voir les images d’hier !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. On peut trouver les moyens d’atteindre l’objectif fixé et faire en sorte que la compagnie poursuive son activité.
L’État, en tant que régulateur, a modifié la redevance sur les passagers en correspondance. Cela a représenté 28 millions d’euros l’année dernière et représentera 63 millions d’euros cette année. En d’autres termes, 90 millions d’euros de fonds publics ont été octroyés à la compagnie aérienne.
S’agissant des compagnies du Golfe, la France a, sur mon initiative et avec l’aide de l’Allemagne, demandé à la Commission européenne d’engager une procédure, ce que la Commission a accepté.
L’État ne reste pas immobile. Même en tant que régulateur, il défend la compagnie française. Encore faut-il aujourd’hui que le principe de réalité nous guide tous pour trouver ensemble des solutions permettant de garantir l’avenir d’Air France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)