M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, sur l’article.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite aborder cet article sous un angle particulier, que nous retrouverons dans les articles suivants, qui sont consacrés notamment à la recherche biomédicale, aux conflits d’intérêts, aux agences sanitaires et aux actions de groupe.
Cet angle particulier, c’est l’une des principales plaies du système de santé publique, en France comme ailleurs, mais en France plus qu’ailleurs, à savoir la mainmise sur l’exercice médical, la formation médicale continue, la recherche clinique, les agences de santé et les élus eux-mêmes, du « big pharma », c’est-à-dire de l’industrie pharmaceutique mondiale, qui, avec ses 800 milliards de chiffre d’affaires, avec ses milliers de consultants, de lobbyistes et d’experts grassement rémunérés, détourne chaque jour un peu plus à son profit la santé publique.
J’ai connu l’époque où un médecin compétent maîtrisait les cent cinquante molécules réellement efficaces. Aujourd’hui, le nombre de produits a été multiplié par cent. Il s’agit non pas de cent fois plus de molécules nouvelles – celles que l’industrie a découvertes depuis trente ans se comptent sur les doigts d’une main –, mais des milliers de me too, des copies des précédentes fabriquées dans le seul but de pouvoir vendre plus cher des médicaments tombés dans le domaine public, donc généricables.
J’ai connu l’époque où l’industrie pharmaceutique a permis à la médecine de réaliser des progrès stupéfiants en produisant les médicaments qui ont fait le succès et la gloire de l’allopathie : antalgiques, antibiotiques, antiinflammatoires, anesthésiques et tant d’autres.
Cette époque est révolue. L’industrie pharmaceutique s’est transformée en une activité purement financière, où le produit n’est plus qu’un prétexte.
Dans la plupart des domaines, industriels notamment, les conséquences sont exaspérantes et indignent nos concitoyens. Mais c’est notre santé qui est ici en jeu et, dans ce domaine, les conséquences sont bien plus graves : elles peuvent être catastrophiques !
Les conséquences, ce sont, par exemple, les milliards d’euros de remboursement de médicaments inutiles qui plombent le budget de la sécurité sociale, les dizaines de milliers de victimes des scandales médicaux qui se multiplient, la banalisation des conflits d’intérêts, de la corruption, du lobbying institutionnel du big pharma. Et cette liste est loin d’être exhaustive.
Je détaillerai ces conséquences au fur et à mesure de l’examen des articles, puisque je ne dispose à ce stade que de deux minutes trente, en commençant par un amendement destiné à soutenir l’une des principales victimes du big pharma : le développement professionnel continu, ou DPC, qui est le sujet de l’article 28.
Mme Nicole Bricq. Très bien dit !
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon et Calvet, Mme Deromedi, M. Malhuret, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le développement professionnel continu est complémentaire mais distinct de la formation professionnelle continue autant par ses objectifs que son financement.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Le développement professionnel continu est une obligation individuelle mise à la charge du professionnel médical et paramédical. Centré sur le soin, le DPC est dispensé selon une méthodologie conforme aux recommandations de la HAS, la Haute Autorité de santé, et ses orientations répondent aux priorités de santé définies par le Gouvernement.
Pour garantir le respect son principe même, le DPC doit être nettement distingué de la formation professionnelle continue, laquelle englobe un champ d’action plus vaste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Nous abordons un objet bien particulier : il s’agit du développement professionnel continu. L’article 28 s’inscrit dans la continuité d’un rapport établi par l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, en avril 2014, sur l’évaluation de ce DPC, qui faisait état de certaines lacunes.
Votre amendement, cher collègue, a pour objet de dissocier le développement professionnel continu de la formation professionnelle continue. Or, depuis la loi HPST de 2009, le DPC regroupe la formation médicale continue, l’évaluation des pratiques professionnelles et la formation professionnelle conventionnelle.
Il semble donc difficile de revenir sur ce regroupement sans remettre en cause la qualité des formations offertes aux professionnels de santé, lesquelles relèvent désormais de la HAS. La limitation du champ du DPC comptait certes parmi les scénarios envisagés par l’IGAS dans son rapport de 2014, mais le Gouvernement a choisi de ne pas retenir cette proposition. Mme la secrétaire d’État pourra d’ailleurs peut-être préciser les raisons de ce choix.
La commission demande donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous l’avez dit, madame la rapporteur, il existe déjà dans la loi une distinction entre développement professionnel continu et formation professionnelle continue : le DPC associe principalement la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques ; il recouvre en réalité la formation centrée sur la pratique clinique. Ainsi, et par exemple, une formation en anglais ou en informatique relève non pas du DPC, mais de la formation continue. C’est là la différence principale entre ces deux dispositifs.
La définition que vous trouvez dans la loi a fait consensus dans l’ensemble des syndicats de médecins. Si nous devions la modifier, il faudrait discuter à nouveau avec l’ensemble des professionnels concernés. Pourquoi remettre en cause la large concertation qui a eu lieu, alors que la différence entre le développement professionnel continu et la formation continue est déjà inscrite dans la loi ?
Je considère que les dispositions qui font l’objet de votre amendement sont satisfaites ; le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 1109, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des orientations relatives à la formation du corps médical à la prise en charge de la santé mentale ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement tend à intégrer la prise en charge de la santé mentale dans les objectifs de la formation professionnelle continue des médecins.
Le médecin généraliste reste en effet souvent le premier recours face à un problème de santé mentale.
Une récente recherche-action intitulée Place de la santé mentale en médecine générale, réalisée en 2011 par le centre hospitalier de La Chartreuse, situé à Dijon, et le Centre collaborateur français de l’OMS, situé à Lille, montre les difficultés des médecins généralistes dans la prise en charge de la santé mentale : 77 % de leurs patients ayant besoin d’une prise en charge spécialisée sont dans le déni de leurs troubles, et 76 % craignent la stigmatisation de la maladie. Les médecins généralistes sont très peu formés à affronter ce genre de difficultés.
Par ailleurs, 62 % des médecins déclarent manquer d’informations sur le bon fonctionnement de la prise en charge spécialisée, et 71 % déplorent des problèmes de communication ou de liaison.
Afin de répondre à la spécificité de la prise en charge de la santé mentale, les médecins généralistes sont donc en demande d’informations, de formation, de personnes relais.
Cet amendement vise en conséquence à intégrer aux objectifs de leur DPC la question de la prise en charge de la santé mentale, afin de mieux les préparer à ces difficultés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Le DPC doit obéir à des orientations pluriannuelles prioritaires, définies, d’une part, par profession ou par spécialité, s’inscrivant, d’autre part, dans le cadre de la politique nationale de santé, et issues enfin du dialogue conventionnel.
L’alinéa 8, que vous proposez d’amender en intégrant la santé mentale dans les objectifs du DPC – à ce compte, nous pourrions y ajouter, à l’infini, autant de spécialités qu’en comprend la médecine –, précise déjà que le DPC doit s’inscrire dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Dès lors, il nous semble que les dispositions de cet amendement sont satisfaites.
Le thème de la santé mentale est certes particulièrement important ; nous demandons cependant le retrait de cet amendement, tout en sollicitant l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je voudrais profiter de cette discussion pour rappeler, de manière générale, la façon dont est organisée la formation des professionnels de santé, en particulier des médecins.
Vous avez raison : il est clair que les médecins, dans leur grande majorité, ne sont pas suffisamment formés en matière de santé mentale. Ce déficit existe aussi s’agissant d’autres thématiques, notamment celle du handicap – nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion d’un autre amendement. Le besoin de formation est donc réel ; la ministre de la santé en a d’ailleurs fait l’une de ses priorités.
Or, si l’on s’intéresse à ce problème, il faut intégrer également la formation initiale à notre réflexion. Pourquoi nous limiter à la formation continue ? La santé mentale doit être partie intégrante de la formation des jeunes médecins, externes ou internes : je pense aux futurs généralistes, mais aussi aux autres – après tout, les questions de santé mentale concernent toutes les spécialités. Il faut donc à l’évidence faire de cette question une priorité.
Mais, s’agissant aussi bien de la formation initiale que de la formation continue, un arrêté pluriannuel définit les orientations prioritaires de chaque type de formation. Cet arrêté est pris par le ministère de la santé, en concertation avec l’ensemble des parties concernées. Ce que vous demandez d’inscrire dans la loi fait donc en réalité déjà l’objet d’un travail de concertation, préalable à la publication d’arrêtés qui, j’y insiste, portent tant sur la formation initiale que sur la formation continue.
Les arrêtés n’épuiseront d’ailleurs pas le sujet : les futurs médecins en formation doivent également pouvoir accéder à davantage de stages ouverts sur des terrains et dans des services où la problématique de la santé mentale occupe une certaine place. Il y a là un enjeu important, sur lequel la ministre de la santé travaille de concert avec l’ensemble des acteurs concernés.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je suivrai bien entendu la commission. Cet amendement a cependant le mérite de mettre l’accent sur un problème très particulier, celui de l’état actuel de la psychiatrie en France.
Nous manquons cruellement de médecins psychiatres, notamment en ville ; quant aux services hospitaliers, nous savons combien ils sont démunis et combien sont grandes leurs difficultés, en particulier dans les spécialités comme la pédopsychiatrie. Pour une consultation en urgence de pédopsychiatrie s’agissant d’un enfant souffrant de graves troubles du comportement, l’« urgence » doit attendre deux mois au minimum pour un établissement dépendant d’un conseil général et parfois dix-huit mois quand c’est une famille qui demande le rendez-vous !
La faute n’en incombe pas aux médecins, mais au manque de médecins. Si l’on est charitable, on dira que la psychiatrie a des difficultés ; si l’on est réaliste, on dira qu’elle est sinistrée !
Devant cette réalité, les médecins généralistes sont en première ligne. Ce sont eux qui doivent affronter les difficultés aiguës des familles : les problèmes psychiatriques, les troubles du comportement, les arrêts de traitement imprévus, qui provoquent des situations terribles.
Pour avoir moi-même été médecin généraliste, je peux témoigner du nombre d’occasions où j’ai dû faire de la psychiatrie sans avoir reçu de formation spécifique : j’ai appris sur le tas, de façon empirique. Mais, dans les conditions que j’ai rappelées, la formation en psychiatrie des médecins généralistes devient une nécessité, sur laquelle cet amendement a le mérite d’insister.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis un peu étonnée du tour pris par la discussion. Je rappelle que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen ont été les seuls à voter contre l’article 13 : nous considérions qu’avec deux articles consacrés à la psychiatrie sur les centaines que comptait le projet de loi tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale, le texte qui nous était proposé n’était pas à la hauteur de la situation de la psychiatrie et des besoins actuels, qui sont immenses.
J’entends aujourd’hui notre collègue déplorer ce manque, et réclamer que les généralistes soient formés en psychiatrie. Mais chacun son métier ! Le problème qui nous est posé peut être réglé si et seulement si sont remplies trois conditions : il faut davantage de psychiatres – cela exige peut-être de remettre en question le numerus clausus –, une formation adéquate pour ces psychiatres et une loi non indigente sur la santé mentale !(Exclamations au banc des commissions.)
Il ne faut pas faire dire à l’amendement davantage qu’il ne dit. Nous l’avons interprété comme invitant simplement à réfléchir aux modalités de la formation continue, voilà tout.
En tout cas, notre déficit de spécialistes en santé mentale ne peut pas être comblé par des généralistes : ceux-ci n’ont pas vocation à devenir de « super-psychiatres », « super-psychologues » ou « super-spécialistes » de tel ou tel domaine.
On ne peut pas suivre ce raisonnement : si l’amendement doit être interprété de cette façon, alors il s’agit d’une aberration !
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 1109 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je le maintiens. J’entends qu’il existe de très nombreuses spécialités, que la formation continue ne peut pas former à tout. Mais non ! La santé mentale n’est pas une spécialité comme les autres. D’une part, le généraliste peut prendre des décisions qui affectent la vie de toute la famille. D’autre part, il signe des ordonnances autorisant le recours à certains produits pharmaceutiques, ceux qu’a évoqués M. Malhuret – n’oublions pas que la France est sinistrée par son hyperconsommation d’antidépresseurs, souvent prescrits à mauvais escient, pour se couvrir, faute d’un savoir plus affiné.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Nous suivrons le Gouvernement, mais nous sommes très sensibles aux préoccupations que Mme Blandin a exprimées.
Chacun le sait, les personnes qui nécessitent une prise en charge psychiatrique ne s’adressent pas nécessairement en premier lieu à un psychiatre. Il faut donc dissocier la question de la formation des psychiatres de celle de la formation en la matière des médecins généralistes, qui est un enjeu fondamental.
Comme cela avait été évoqué lors de l’examen des dispositions relatives aux communautés professionnelles territoriales de santé – malheureusement, le dispositif que nous souhaitions n’a pas été retenu par la majorité sénatoriale –, les psychiatres doivent être aux côtés des médecins traitants, que ce soit individuellement ou dans le cadre de structures comme les groupements hospitaliers de territoire.
En effet, et plusieurs intervenants l’ont souligné, ce sont les généralistes qui peuvent être confrontés à trois heures du matin à un jeune en situation de détresse psychiatrique grave et recourir, faute de réponses diagnostiques et thérapeutiques adaptées, à des prescriptions excessives de psychotropes.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 766 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1079 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment concernant les enjeux et problématiques des publics en situation de précarité
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 766.
M. Dominique Watrin. S’il est une question qui pose problème en matière de santé publique, c’est bien celle de la précarité des conditions de vie et de travail d’un nombre important de nos concitoyens.
La précarité sanitaire, qui peut faire obstacle au plein exercice du droit à la santé, recouvre bien des formes : recours aux urgences des hôpitaux publics plutôt qu’au médecin de famille ; reports systématiques de la visite chez le dentiste ; absence d’achat de lunettes faute de consultation chez un ophtalmo, à supposer d’ailleurs qu’il y en ait un à proximité ; ajournements incessants du rendez-vous chez le médecin qui finissent par transformer une rhinite assez banale en bronchite prononcée…
Elle est encouragée par le développement d’une médecine à plusieurs vitesses et l’éloignement des soins. C’est l’un des facteurs essentiels des difficultés que rencontrent non seulement les familles et les assurés, mais également la sécurité sociale. Cela occasionne bien souvent, dès lors que les soins sont prescrits et commencent à être administrés, un surcroît de dépenses par rapport à ce qu’il aurait fallu débourser si le traitement avait débuté en temps voulu.
Il nous semble donc indispensable que, au fil de leur parcours professionnel, les professionnels de santé, dans leur diversité, soient sensibilisés et formés aux problématiques particulières de la précarité sanitaire et mis en situation d’y répondre par les outils et modes de décision adéquats.
L’évolution des formations des professionnels relevant des secteurs sanitaire, social et médico-social est la première étape pour permettre de développer une culture professionnelle commune favorisant l’accompagnement des personnes.
En effet, la mise en place d’un service territorial de santé au public et de coordination des parcours de santé complexes implique une meilleure connaissance des enjeux et des contraintes de chaque intervenant, notamment sur la prévention et la promotion de la santé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 1079.
Mme Marie-Christine Blandin. L’accès aux soins des populations en situation de grande précarité soulève des problématiques spécifiques : droits et dispositifs d’aide particuliers, cumul de difficultés, compréhension parfois plus difficile du diagnostic ou du traitement à suivre.
La méconnaissance chez certains professionnels de santé des spécificités des publics concernés, des difficultés qu’ils rencontrent, des inégalités et des déterminants de santé ainsi que des dispositifs existants est l’un des obstacles dans l’accès aux soins des plus précaires.
Le projet de loi ignore dans son intégralité cette dimension de la formation des professions médicales.
Nous proposons donc d’affirmer la nécessité d’actualiser et de développer dans la formation professionnelle continue les compétences des professionnels de santé relatives aux enjeux et problématiques spécifiques à la précarité.
Cela permettra d’améliorer la prise en charge globale des patients et d’armer les professions médicales, afin qu’elles puissent mieux répondre aux enjeux de la précarité en santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Nous sommes évidemment sensibles à la question de la précarité sanitaire, de même qu’à celles de la santé mentale ou du handicap. Mais j’ai le sentiment d’un retour à notre première semaine de travail ! Lors de l’examen de l’article 1er, qui définit la politique nationale de santé, nombre d’amendements visant à mentionner telle ou telle problématique avaient été défendus.
En l’occurrence, l’alinéa 9 de l’article 28 prévoit que les orientations du DPC s’inscrivent dans le cadre de la politique de santé. Cela englobe donc les différents sujets abordés ce matin.
Par ailleurs, l’adoption de ces deux amendements poserait un problème de cohérence rédactionnelle.
Cela étant, la question de la prise en charge des populations en situation de précarité par les médecins doit être traitée.
C’est pourquoi la commission, tout en suggérant le retrait de ces deux amendements identiques, souhaite entendre l’avis du Gouvernement et les informations qu’il peut éventuellement nous apporter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. L’objectif des auteurs de ces deux amendements identiques paraît effectivement louable.
L’accès aux soins des personnes en situation de précarité est évidemment une priorité, aussi bien pour moi – je suis, je vous le rappelle, chargée de la lutte contre l'exclusion – que pour Marisol Touraine, ministre de la santé.
Car, force est de le constater, les personnes en situation de précarité sont confrontées à des difficultés particulières : elles n’ont ni la même espérance de vie ni le même accès aux soins que le reste de la population.
C’est pourquoi, depuis trois ans, ce gouvernement a pris des mesures en leur faveur. Je pense notamment à la généralisation du tiers payant et à l’augmentation, grâce à la modification du plafond, du nombre de bénéficiaires de la CMU, ou encore à l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, autant de mesures destinées à permettre à tout le monde de se soigner, y compris les personnes en précarité.
Les auteurs de ces deux amendements identiques ont évoqué la formation des médecins. Il est vrai que tous les professionnels de santé ne sont pas nécessairement formés à soigner les publics en situation de précarité. D’ailleurs, ce sont bien souvent les mêmes praticiens qui s’en chargent. Il y a effectivement un réel besoin de formation. Simplement, cela ne relève pas de la loi.
Au demeurant, pourquoi se limiter à la formation continue ? Les étudiants en médecine, qui font leur externat puis leur internat, doivent également être formés à la prise en charge de tels publics. D’une part, il y a une dimension sociale dont il faut connaître les bases. D’autre part, les personnes concernées n’ont pas forcément les mêmes pathologies. Vous le voyez, nous devons aussi travailler sur la formation initiale.
Or l’arrêté que Mme la ministre de la santé a pris fait justement référence aux personnes en situation de vulnérabilité. Ce sera aussi le cas de l’arrêté relatif au DPC, quand il paraîtra. Et la notion de « vulnérabilité » est plus large que celle de « précarité ».
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 766 et 1079.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 768, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des orientations en matière de prise en charge de la fin de vie et de développement des soins palliatifs ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ainsi que Mme la secrétaire d’État vient de le rappeler, l’article 28 prévoit une réforme en profondeur du développement professionnel continu des professionnels de santé.
L’article 1er de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des personnes en fin de vie, texte déposé par nos collègues députés Alain Claeys et Jean Leonetti et encore en navette parlementaire, prévoit que les étudiants en médecine, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les aides à domicile ont droit à une formation aux soins palliatifs.
Il est donc important de rappeler cet axe de formation dans les grandes orientations en matière de développement professionnel continu des professionnels de santé.
Nous défendons à ce titre la création d’un module d’humanité médicale transdisciplinaire, associant connaissances médicales et sciences humaines, afin de permettre aux soignants de mieux appréhender les questions d’ordre éthique, notamment de fin de vie.
À cet effet, nous vous proposons ici d’introduire dans les orientations pluriannuelles prioritaires du développement professionnel continu des dispositions relatives à la prise en charge de la fin de vie et au développement des soins palliatifs. Cela nous permettrait d’être en cohérence avec la proposition de loi que je viens d’évoquer. Il nous semble important de profiter de ce véhicule législatif pour affirmer une telle exigence dans le code de la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cette précision n’est pas nécessaire juridiquement.
Certes, le sujet est important ; nous l’avons d’ailleurs abordé lors de l’examen en première lecture du texte sur la fin de vie. Mais ne s’agit-il pas en réalité avant tout d’un problème de financement ? En effet, et c’est toute la question que soulève le présent projet de loi, notamment s’agissant du DPC, quid du financement ?
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. Toutefois, nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. La formation des professionnels de santé aux soins palliatifs est une thématique en effet prioritaire. Le Président de la République a souhaité qu’un dispositif en ce sens soit en place dès la rentrée 2015 dans toutes les facultés de médecine et toutes les écoles du paramédical.
À l’heure où je vous parle, c’est donc déjà le cas. L’arrêté pluriannuel sur la formation initiale dont je faisais état voilà quelques instants ayant déjà été pris, le ministère a appelé les doyens de toutes les facultés de médecine de France, ainsi que les dirigeants des écoles de professionnels du paramédical, pour s’assurer que la formation initiale aux soins palliatifs serait bien intégrée dans les cursus.
Pour la formation continue, je vous ferai la même réponse que précédemment : des thèmes prioritaires figureront dans l’arrêté annuel qui paraît, me semble-t-il, au mois de décembre. Nous sommes tenus de suivre la volonté du Président de la République en faisant aussi référence aux soins palliatifs dans ce document.
L’intention des auteurs de l’amendement est donc tout à fait respectable, mais cette disposition relève des arrêtés, et non de la loi. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.