M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande à Mme Morhet-Richaud de bien vouloir retirer son amendement.
J’ai eu l’occasion de dire hier, lorsque le sujet a été évoqué, que j’avais saisi la Haute Autorité de santé afin qu’elle actualise ses recommandations sur la maladie cœliaque. Vous pourrez donc disposer de ces informations sans qu’il soit nécessaire de produire un nouveau rapport.
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié est retiré.
L'amendement n° 724, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 11 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’année 2016 est déclarée grande cause nationale de prévention du suicide.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
« Chapitre VI
Lutter contre le fléau du suicide
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le suicide est un véritable fléau en France : son taux est l’un des plus élevés des pays de l’OCDE. Première cause de mortalité chez les moins de vingt-cinq ans, le suicide frappe aussi très durement les seniors, qui représentent 28 % des décès.
Au-delà du drame humain, les tentatives de suicide ont un coût très lourd pour la collectivité : une étude menée par l’unité de recherche en économie de la santé de l’Hôtel-Dieu à Paris a estimé à près de 5 milliards d’euros le « fardeau économique » du suicide et des tentatives de suicide pour l’année 2009 en France.
Face à ce qui reste un véritable fléau, avant tout humain, comparable à celui que représentaient les accidents de la route il y a trente ans – plus de 10 000 morts par suicide et plus de 200 000 tentatives de suicide chaque année –, il est encore nécessaire d’agir pour une véritable prise de conscience collective.
Trop souvent le suicide est perçu comme une fatalité, alors que ces morts sont évitables. La commission des affaires sociales a pu constater la réussite du Québec à l’occasion d’une mission, dont Catherine Deroche et mon collègue Dominique Watrin étaient membres : le Québec est passé d’un taux de mortalité par suicide de 22,2 pour 100 000 habitants en 1999 à un taux de 13,7 en 2010, ce qui montre qu’il est possible de faire reculer ce fléau.
C’est bien de santé publique dont il est question : notre amendement vise à intégrer ce sujet, qui en était exclu, dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, ce qui pourrait contribuer à sauver des milliers de vies.
L’année 2016 doit être l’occasion de mettre en place de nouveaux moyens d’action coordonnés, à l’instar de ce qui a été mis en œuvre au Québec – même si, comme l’a rappelé la mission dans le rapport que j’évoquais, tout n’est pas transposable d’un pays à l’autre. Les chantiers sont nombreux : développement de la recherche, amélioration de la formation des intervenants, mise en place d’une ligne d’intervention téléphonique, définition d’un outil commun d’évaluation de l’urgence suicidaire, création d’équipes mobiles se déplaçant à domicile et de places d’hébergement de crise adaptées, réseaux de sentinelles, postvention, également.
En faisant de l’année 2016 celle de la grande cause nationale de la prévention du suicide, les auteurs de cet amendement entendent favoriser une prise de conscience collective, sensibiliser et mobiliser l’ensemble du pays et inspirer des mesures concrètes et transversales permettant de diminuer nettement le nombre de tentatives de suicide.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Tout ce qu’a dit Mme David est exact : le suicide est un fléau, et il est en constante augmentation – non seulement chez les jeunes, où il est déjà d’un niveau très élevé, mais aussi chez les personnes du troisième et du quatrième âge. Déclarer la prévention du suicide grande cause nationale est une belle idée.
Nous nous fions à la sagesse de l’ensemble de nos collègues sénateurs, et nous aimerions entendre le Gouvernement sur ce sujet précis. Je suppose d’ailleurs que c’est à lui, et pas à nous, qu’il appartient de déterminer ces grandes causes nationales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Bien sûr, le suicide est un enjeu de santé publique tout à fait important. Les données sont préoccupantes dans toutes les catégories d’âge, selon des proportions qui varient d’ailleurs d’une région à l’autre. On pense naturellement au suicide des jeunes, mais le suicide des personnes âgées et très âgées devient un problème national.
Des programmes d’action ont été régulièrement mis en œuvre : l’un d’entre eux s’est achevé en 2014, auquel un nouveau programme lancé l’année dernière a succédé. Les résultats des actions menées ces dernières années sont en cours d’évaluation, et nous étudions toutes les pistes – modèles étrangers comme celui du Québec ou recommandations nationales – qui mériteraient d’être explorées.
Peut-on, dans le cadre de ce débat, demander l’instauration d’une grande cause nationale ?
Cela n’est pas possible parce que le principe de la grande cause nationale relève de l’appréciation exclusive du Premier ministre lui-même. Cela ne peut donc s’inscrire dans une loi.
Il appartiendra donc au Premier ministre, à la fin de cette année ou au tout début de l’année prochaine, de déterminer son choix pour 2016. Ainsi, comme M. le président de la commission l’indiquait, il n’appartient pas au Parlement d’adresser une injonction au Premier ministre quant au choix d’une grande cause nationale.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 724 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je vais le retirer, monsieur le président. En effet, j’ai bien entendu Mme la ministre ; si cela relève uniquement du Premier ministre, il n’y a pas d’intérêt à inscrire cette disposition dans le projet de loi dont nous sommes en train de débattre.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un sujet de santé publique, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, et que l’augmentation du suicide chez les personnes âgées doit être prise en compte. Nous examinerons bientôt un texte sur le vieillissement de la population ; peut-être sera-t-il alors à nouveau question du sujet.
Aussi je vous invite, madame la ministre, à tenter de convaincre M. le Premier ministre de réfléchir à l’idée de faire du suicide une grande cause nationale, car le mal-être grandit, tant chez les jeunes et les personnes âgées que chez les salariés ; le suicide apparaît alors, parfois, comme une fatalité et comme la seule solution ; il est donc nécessaire d’agir.
Pour l’heure, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 724 est retiré.
TITRE II
FACILITER AU QUOTIDIEN LES PARCOURS DE SANTÉ
Chapitre Ier
Promouvoir les soins primaires et favoriser la structuration des parcours de santé
Article 12
I à IV. – (Supprimés)
V. – Après l’article L. 1411-11 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1411-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-11-1. – Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours définis à l’article L. 1411-11 sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’un centre de santé ou d’une maison de santé.
« L’équipe de soins primaires contribue à la structuration des parcours de santé mentionnés à l’article L. 1411-1. Son projet de santé a pour objet, par une meilleure coordination des acteurs, la prévention, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. »
M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, sur l’article.
M. François Commeinhes. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, le système français de santé est un atout pour notre pays. Néanmoins, pour que ce système reste l’un des fondements de notre pacte social, il doit évoluer et s’adapter aux défis qui se posent à lui.
Or que constatons-nous à la lecture du projet de loi, sinon l’absence complète de réponse structurée face aux grands défis de santé que sont la désertification médicale, les contraintes budgétaires croissantes, le vieillissement de la population, le besoin d’une politique de prévention ambitieuse ou encore un cadre d’action pour une politique volontariste sur le handicap, et je ne suis pas exhaustif.
Au lieu de quoi, le Gouvernement répond par la mise en place d’un modèle standardisé de la médecine.
À l’article 12, il est projeté de développer les équipes de soins primaires, réunies dans des maisons de santé ou dans des communautés professionnelles de santé. Ce nouveau mode d’exercice de la médecine commence à se structurer mais reste marginal dans l’offre de soins sur le territoire. Dès lors, doit-on en faire un standard acté par la loi ?
En effet, à l’article 12 bis, ces nouveaux modes d’exercice sont déjà calqués sur un modèle unique, celui d’équipes de soins fermées, payées forfaitairement pour répondre aux besoins de la coordination, dont sont exclus tous les autres professionnels de santé libéraux assurant le parcours de soins de leur patient dans un mode de coordination non reconnu financièrement jusque-là.
Face aux défis, on préfère nous proposer l’étatisation progressive de la médecine en France,…
Mme Annie David. « Étatisation », carrément !
M. François Commeinhes. … ambition clairement exprimée à l’article 1er par la fameuse affirmation : « La politique de santé relève de la responsabilité de l’État ». Cela se traduit notamment par la montée en puissance des agences régionales de santé, à l’article 12 bis, et par la réduction du champ de la négociation conventionnelle, aux articles 39 et 40.
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, sur l’article.
M. Jacques Cornano. L’article 12 organise un service territorial de santé dans lequel le malade est au centre des préoccupations et qui lui assure une prise en charge coordonnée par des équipes pluridisciplinaires.
Pour faciliter ce parcours de soins, il serait souhaitable que, dans les territoires ultramarins, les professionnels de santé libéraux concluent des protocoles de coopération, et ce au profit du malade. Force est de constater que, à l’heure actuelle, peu de protocoles ont été conclus.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les articles du chapitre Ier du titre II, que nous abordons, concrétisent la réorientation de notre système, en donnant la priorité aux professionnels de proximité et en leur offrant des outils plus complets pour assurer la prise en charge que rendent nécessaires, entre autres, le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques.
Les propositions de notre commission et certains des amendements déposés m'amènent à formuler trois observations.
La première tient au texte adopté à l’Assemblée nationale : les articles 12, 12 bis et 38 sont le résultat des conclusions d’un groupe de travail, d’une large concertation et d’un accord des professionnels de santé eux-mêmes. Je m’interroge donc sur le bien-fondé, pour ne pas dire sur la légitimité d’une remise en cause de ces dispositions.
En outre, et c’est ma deuxième interrogation, la mise en œuvre de parcours de santé est un impératif unanimement partagé, et la structuration, qui est proposée, d’équipes de soins primaires dans le cadre de communautés professionnelles territoriales de santé est laissée à l’initiative des professionnels ; elle leur permet ainsi d’y associer tous les autres acteurs de la manière la plus transversale qui soit. Pourquoi alors vouloir revenir aux pôles, plus restreints, alors qu’ils peuvent s’intégrer et s’étoffer dans ces communautés ?
Je sais le dévouement extrême des professionnels de santé, qui comptent rarement leurs heures. Mais, si nous admettons tous, et c’est le cas, l’absolue nécessité de transformer notre organisation de santé, il est de la responsabilité de l’État et de la nôtre, législateur, d’encourager, d’accompagner et d’organiser cette mutation de l’exercice des soignants et des accompagnants.
La structuration adoptée à l’Assemblée nationale et que nous vous proposons de rétablir répond à cette nécessité, de manière très souple, et elle préserve la liberté du soignant et du patient.
Enfin, troisième observation, je ne ferai qu’évoquer les limites de la politique conventionnelle ; c’est aussi une question que la Cour des comptes a déjà abordée et que le discours permanent de victimisation, plutôt que de responsabilité, nourrit forcément.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 885 rectifié, présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1411-11-1. – Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours définis à l’article L. 1411-11 et le cas échéant, de médecins de deuxième recours définis à l’article L. 1411-12, choisissant d’assurer leurs activités de soins de proximité sur un territoire et sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’une maison de santé libérale pluriprofessionnelle ou d’un centre de santé.
« Elle peut participer en lien avec l’agence régionale de santé, les universités, les établissements de santé et autres acteurs de santé à la recherche en santé.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 12 institue des équipes de soins primaires, forme de coopération souple entre les professionnels de premier recours, organisée autour des médecins généralistes.
La question se pose dès lors de la place des médecins spécialistes de proximité. Le schéma proposé dans cet article semble les oublier, alors qu’ils sont partie prenante de la coordination des soins et au suivi de patients atteints de pathologies chroniques sur nos territoires.
C’est pourquoi notre collègue Michel Amiel propose d’introduire explicitement dans les équipes de soins primaires, en sus des médecins de premiers recours, les médecins de deuxième recours, reconnaissant ainsi le rôle fondamental du médecin de premier recours, mais donnant aussi toute sa place à la médecine libérale spécialisée de proximité.
L’amendement n° 1137 rectifié va dans le même sens, puisqu’il vise à inclure explicitement les spécialistes en matière de pathologie mentale.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Commeinhes, Mme Hummel, M. Houel, Mmes Mélot et Deromedi et MM. Charon et Calvet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
autour de médecins
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
traitants choisissant d’assurer leurs activités de soins dans le cadre conventionnel sur la base de parcours de santé qu’ils proposent aux patients
La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. Cet amendement a presque le même objet.
L’article 12 du projet de loi définissant l’équipe des soins primaires n’est pas acceptable en l’état. Cette définition, qui semble mettre le généraliste au centre du dispositif, traduit une vision rigide de ce praticien, considéré ici comme un simple « aiguilleur de santé », enfermé dans une fonction de premier recours. Tous les médecins à expertise particulière, ou MEP, qui ont investi dans leur formation en se spécialisant dans la médecine du sport, dans la nutrition ou la gériatrie, se retrouvent exclus de cette définition.
L’objectif majeur restant le développement des pratiques de coordination et l’incitation à la formation continue des médecins, il convient de réécrire cet article pour ne pas enfermer ces praticiens dans une vision fermée et restrictive des équipes de soins et des parcours de santé proposés aux patients.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Avant de vous donner l’avis de la commission sur ces deux amendements, je voudrais revenir rapidement sur ce qu’a dit M. Daudigny à propos de la large concertation à l’Assemblée nationale. Sans doute celle-ci a-t-elle eu lieu, mais nous en avons organisé une nous-mêmes, dans nos locaux, et nous avons reçu les médecins ; vous étiez d’ailleurs présent.
Je vous rappelle qu’à cette occasion les syndicats médecins ont tous, sans exception, indiqué qu’ils avaient accepté en désespoir de cause les propositions qui leur étaient faites à l’Assemblée nationale ; cela figure dans le rapport.
En ce qui concerne l’amendement n° 885 rectifié, l’objet de l’article 12 est précisément de créer une forme d’exercice en coopération spécifiquement dédiée aux professionnels de premier recours, autour du médecin généraliste. Les spécialistes de deuxième recours n’ont cependant pas été oubliés, mon cher collègue, puisqu’ils peuvent coopérer avec le premier recours dans le cadre des pôles de santé prévus par l’article 12 bis.
Nous souhaiterions donc que vous retiriez cet amendement, faute de quoi nous émettrions un avis défavorable, car il compromettrait, s’il était adopté, la lisibilité et l’équilibre de ces dispositions.
Quant à l’amendement n° 74 rectifié de notre collègue François Commeinhes, il remet en question la logique même des équipes de soins primaires, dans la mesure où le médecin traitant peut être un médecin spécialiste de deuxième recours.
Il ne paraît pas souhaitable de revenir sur l’organisation de ces équipes autour du médecin généraliste, dont il s’agit de réaffirmer clairement le rôle d’acteur de référence dans les soins primaires, d’autant que cet équilibre a été atteint dans le cadre du groupe de travail réuni sur ce sujet.
Je souligne tout de même que nous partageons les inquiétudes esquissées dans l’objet de l’amendement quant au statut et au rôle du médecin généraliste, qui ne peut pas être, vous l’avez dit, un simple « aiguilleur de santé » faisant face à des contraintes et à des tâches administratives croissantes.
Comme nous l’avons indiqué dans notre rapport, la nette désaffection dont souffre aujourd’hui la profession doit conduire à engager sans tarder une réflexion d’ampleur sur la profession de médecin généraliste.
Nous vous demandons donc de retirer votre amendement, mon cher collègue, sans quoi nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je veux rappeler en quelques mots la philosophie de cet article 12, car je ne peux pas laisser dire que cet article serait l’exemple même d’une volonté politique d’imposer un modèle unique d’exercice de la médecine et de la pratique des soins dans notre pays. Ce discours ne correspond à aucune réalité, ni au texte, du reste.
Précisément, les communautés professionnelles proposées par cet article sont instaurées à l’initiative des professionnels de santé, elles prennent la forme que souhaitent ces professionnels et elles répondent à des enjeux locaux, à des enjeux territoriaux.
On peut donc faire l’hypothèse que, dans une région, dans un département ou dans un territoire infradépartemental, les organisations retenues différeront de celles de la région, du département ou du territoire d’à côté, soit parce que des initiatives préexistent et qu’il faut leur trouver un prolongement, soit parce que, au contraire, il faut les inventer. Cette démarche part ainsi des besoins des territoires et des attentes des professionnels de santé eux-mêmes.
Je ne peux donc pas laisser dire que nous avons là une espèce de modèle étatique qui – à l’instar de la dictée qui avait lieu à la même heure dans tous les lycées de France sous Napoléon – instaurerait, dans tous les territoires, la même organisation des professionnels de santé.
M. Daudigny a parfaitement raison de souligner qu’il s’agit de mettre en place des parcours. Les défis que M. Commeinhes a évoqués sont précisément ceux que nous relevons : la nécessité de la coopération et de la coordination entre les professionnels, autour de patients souvent vieillissants, souffrant de pathologies chroniques et qui attendent d’être pris en charge de manière globale et non cloisonnée, comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous avons choisi l’expression de « communauté territoriale de professionnels de santé » à la suite d’échanges avec les professionnels. Elle nous paraît répondre à l’enjeu du moment et je regrette le choix de la commission de revenir au terme de « pôle », présent dans la loi HPST. Celui-ci est issu d’un certain état de la réflexion et de la mise en place de politiques, mais ne me semble plus conforme aux défis présents.
Pour en revenir aux amendements en discussion, proposer que les médecins spécialistes, c’est-à-dire les médecins de recours, intègrent les équipes de soins primaires me paraît tout de même un peu contradictoire !
Il ne s’agit pas de transformer le généraliste en « gare de triage », monsieur le président de la commission, mais d’en faire la colonne vertébrale de notre dispositif, le référent. Il devra évidemment nouer des contacts avec des professionnels spécialistes. C’est tout l’enjeu des communautés professionnelles territoriales !
Le médecin spécialiste, si les mots ont un sens, n’a rien à faire dans l’équipe de soins primaires ; en revanche, il a toute sa place dans les équipes territoriales des professionnels de santé, lesquelles résultent de la coopération entre des médecins généralistes, des kinésithérapeutes, des infirmières, des pharmaciens, des orthophonistes et, évidemment, des médecins de recours que sont les spécialistes.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Arnell, l’amendement n° 885 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 885 rectifié est retiré.
Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 74 rectifié est-il maintenu ?
M. François Commeinhes. Je vous faisais part de la perception des professionnels de terrain, mais, dans la mesure où le président Milon reconnaît la nécessité d’engager une réflexion sur ce sujet, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1202, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
mentionnés à l’article L. 1411-1
La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit plus exactement d’un amendement de conséquence, la commission ayant renommé « pôles » les communautés territoriales des professionnels de santé, conformément à sa logique.
Je regrette ce choix, mais il est cohérent d’en tirer les conséquences dans le texte. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat, malgré un avis défavorable de principe.
M. le président. Vous émettez donc un avis de sagesse contraint ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie Mme la ministre d’avoir évoqué un avis de sagesse « contraint ». Le groupe socialiste votera contre cet amendement, en se prononçant sur le fond plutôt que sur la forme.
Ce point a fait l’objet d’un large débat en commission, qui va se poursuivre dans l’hémicycle au cours des prochaines heures. Je l’avais dit dans mon propos liminaire, je tiens la position du président de la commission pour idéologique.
Pourquoi en rester aux pôles de santé, alors que le texte permet explicitement de les transformer très facilement en communautés professionnelles territoriales de santé ? Comme l’a très bien montré Mme la ministre, celles-ci découlent de la collaboration et de la concertation avec les acteurs des soins primaires locaux et offrent toute liberté d’organisation dans les territoires.
Je suis consciente que nos relations avec les communautés médicales pâtissent aujourd’hui d’un environnement particulier, je ne le conteste pas. Nous connaissons bien, nous-mêmes, ces périodes de campagne électorale, et je me refuse à tout dénigrement sur ce sujet.
Cette question me paraît très importante : il s’agit de l’organisation du système de santé, dont le médecin traitant, le généraliste, doit être le pivot, pour qu’enfin le parcours de soins du patient cesse de souffrir de l’organisation cloisonnée des professionnels de santé médicaux ou paramédicaux.
Il faut organiser ce parcours à partir du lien indissoluble entre le médecin généraliste et le patient.
Il est regrettable de s’arrêter à des mots – je ne veux pas dire à des postures – sans engager un débat de fond sur cette question primordiale. On connaît les enjeux ; on sait l’importance de l’organisation de notre système de santé et la force de notre protection sociale, qu’il convient de pérenniser alors que les déficits, même s’ils diminuent, restent élevés.
Il me semble donc déterminant d’adopter une approche qualitative de ces questions.
M. le président. L’amendement n° 1137 rectifié, présenté par MM. Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, en s’appuyant notamment sur le recours de proximité que constituent les équipes pluriprofessionnelles exerçant la mission de psychiatrie du secteur
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Au regard des propos de Mme la ministre et en citant un rapport de 2012 relatif à la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux, le président de la commission des affaires sociales rappelait que l’articulation entre psychiatrie et médecine générale était perfectible.
Comme pour tous les types de pathologies, les médecins généralistes se trouvent confrontés à une part importante de troubles mentaux. Cet amendement vise donc à inciter par la loi les équipes de soins primaires à coordonner leurs actions avec les spécialistes dans le domaine spécifique de la psychiatrie.
Même si cette proposition diffère sans doute de celles qui ont été précédemment défendues, pouvez-vous nous éclairer sur la spécificité que présenterait la psychiatrie ?