Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Michel Raison et moi-même étions pleins d’espoir après la première lecture, compte tenu du travail d’enrichissement et de coconstruction accompli par notre assemblée, travail que vous aviez tenu à saluer, madame la ministre.
J’ai d’autant plus mal vécu la commission mixte paritaire, le travail du Sénat ayant été complètement bafoué par nos collègues députés. Le texte examiné en nouvelle lecture ne fait que rajouter des contraintes dont on n’a pas la certitude que la population pourra les respecter. J’ai beaucoup apprécié le débat sur les coupures d’eau, car je redoute que de nombreuses familles soient dans l’incapacité de supporter les charges que nous allons leur imposer à un horizon non pas de vingt ou de trente ans, mais de dix ans ; 2025, cela arrivera très vite. C’est le premier point qui nous conduit à adopter une posture différente de celle que nous avions retenue en première lecture.
Le second point est d’ordre économique. Nous avons à nouveau eu des débats très approfondis en la matière, mais je crains que nous ne soyons en train de signifier à tous ceux qui souhaiteraient venir s’implanter dans notre pays qu’il vaut mieux qu’ils ne soient pas consommateurs d’énergie ou sinon qu’ils aillent s’installer ailleurs…
Mes chers collègues, nous avons besoin de reconquérir des emplois et de l’activité industrielle, ce qui exigeait d’adresser un message autrement plus fort que cette ambition de réduire de 50 % la consommation énergétique à l’horizon 2050. Les bases ne sont pas bonnes. On ne peut pas continuer ainsi à donner des signes de décroissance pour notre pays, notre économie, nos territoires.
J’ai donc le regret de dire à nos rapporteurs que, Michel Raison et moi, nous voterons contre ce projet de loi. On est allé un peu trop loin dans la création de charges, et elles menacent d’être insupportables ! (M. Michel Raison applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Comme nous en sommes convenus avec le président et le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je dirai quelques mots.
Il ne s’agit pas de revenir sur le débat. Nous nous sommes accordés sur un nombre important de dispositions. Je crois que le Sénat a particulièrement bien travaillé, dans le sens souhaité par l’ensemble des sénateurs, c'est-à-dire en faveur de la protection de l’environnement et du développement durable. Chacun pourra mesurer l’apport du Sénat, indépendamment du parcours un peu chaotique du texte après la première lecture, avec notamment une commission mixte paritaire dont on reparlera, malgré tout, car je suis encore heurté par la façon dont les institutions ont fonctionné à cette occasion – mais ce n’est pas l’objet de mon propos.
Je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques qui ont travaillé sur ce projet de loi. Ce travail a nécessité beaucoup d’heures de réunion. Chacun a pu, quelle que soit sa place dans l’hémicycle, contribuer de manière extrêmement utile à l’élaboration de propositions dont beaucoup ont été retenues par la Haute Assemblée.
Je remercie tout particulièrement notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, qui a accepté de prendre en charge un texte lourd. Notre collègue a dû y consacrer beaucoup de temps. Son talent et sa connaissance de l’activité économique lui ont permis d’affronter le texte avec succès, en surmontant les obstacles qui pouvaient surgir. Il a ainsi contribué très utilement à l’éclaircissement des données du débat. Je pense que chacun a pu y trouver son compte.
Madame la ministre, je vous remercie du dialogue que nous avons eu. Nous regrettons presque que l’examen du projet de loi arrive à son terme (Sourires.), car nos rencontres ont été empreintes d’une très grande courtoisie. Nous avons pu apprécier votre écoute et votre capacité à contribuer, dans la mesure du possible, à l’obtention d’un accord.
Un moment, j’ai même pensé que nous allions l’emporter vis-à-vis de l’Assemblée nationale, avec votre concours et celui du groupe socialiste et républicain du Sénat. Je pense que nous aurions pu y parvenir. C’eût été mieux. C’eût été un très beau résultat que de pouvoir afficher un vrai consensus de la classe politique en prévision de la COP 21 qui nous réunira à la fin de l’année.
J’estime, en tout cas, que le projet de loi est à la hauteur des ambitions que, les uns et les autres, nous placions en lui, même si elles étaient en partie divergentes. J’adresse à nouveau mes remerciements à tous et à toutes.
Madame la présidente, nous demandons un scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai quelques mots à mon tour.
Je souhaite d'abord remercier Mme la ministre, qui a fait preuve de beaucoup d’écoute et d’un grand respect à l’égard de notre institution, ce qui n’est pas toujours le cas de la part des ministres. Je salue ces bonnes conditions de travail.
Je regrette, moi aussi, l’achoppement sur la question de l’échéance de 2025, un achoppement dont les causes sont assez dogmatiques et théoriques, puisque, comme cela a encore été souligné ce soir sur toutes les travées, nous savons très bien que nous n’arriverons pas à changer fondamentalement la politique nucléaire de la France d’ici à 2025. Cet achoppement est – je le regrette – l’arbre qui cache la forêt du consensus auquel nous sommes parvenus sur de très nombreuses dispositions du projet de loi.
Je remercie Louis Nègre, rapporteur pour avis, qui a effectué un travail formidable. Il s’est beaucoup investi, et l’a fait, comme à chaque fois qu’il prend un dossier en main, avec un grand pragmatisme, un grand sens de l’écoute et des réalités. Notre collègue a eu à cœur de s’assurer que le texte soit ambitieux, tout en cherchant à alléger autant que possible les différentes contraintes pesant sur les collectivités territoriales, les citoyens et les entreprises.
Je voudrais également remercier l’ensemble des fonctionnaires du Sénat, et tout particulièrement ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont réalisé un gros travail.
Je remercie également tous les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, oui, tous, car nous avons pu faire adopter des amendements issus de tous les groupes, avec des voix venant de toutes les travées, ce qui montre bien que nous avons réussi, dans la plupart des cas, à dépasser les clivages partisans ; cela me semble important, a fortiori sur des sujets comme celui-ci.
Nous avons inséré un certain nombre de dispositions importantes dans le projet de loi. Je n’ai pas le temps de toutes les rappeler. Je citerai simplement l’introduction d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, l’extension de la filière du recyclage du papier à la presse, la création d’une filière à responsabilité élargie des producteurs, ou REP, pour les navires de plaisance, ou encore la définition moderne et sécurisée de l’obsolescence programmée, chère à Louis Nègre.
En nouvelle lecture, nous avons encore permis certaines évolutions du texte, notamment en matière de tri mécano-biologique, de gestion des déchets et d’implantation des éoliennes. Madame la ministre, j’aimerais que vous puissiez nous aider à obtenir que ce que nous avons adopté à l’occasion de cette dernière lecture au Sénat soit repris, pour l’essentiel, par les députés. Ce serait la meilleure preuve du respect que vous avez pour le travail de notre assemblée. Je vous en remercie par avance.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au terme de l’examen d’un projet de loi essentiel. Essentiel, il l’est parce que – nous l’avons déjà dit longuement – il est urgent d’agir. L’adoption de ce texte sera incontestablement un signal fort envoyé par la France en vue des négociations de la COP 21, qui se dérouleront en décembre, à Paris.
Il s’agit d’un texte important à plusieurs titres. Il est d'abord important pour notre sécurité énergétique – au sens que le Sénat donne à cette expression, madame la ministre. Il est également important en faveur de la cohérence de notre engagement pour un nouveau modèle de développement. Nous devons nous engager pleinement vers une écologie décarbonée ; ce doit être notre nouvel horizon. Le texte est enfin important parce qu’il y va de l’avenir de nos enfants et de l’Humanité.
Le Sénat a été à la hauteur de l’enjeu. Je suis fier, à titre personnel, que la Haute Assemblée n’ait pas manqué au rendez-vous de l’avenir, préoccupant, de notre maison commune.
Tout au long de la navette parlementaire, nous avons enrichi le texte, sans jamais tomber dans la caricature. Nous avons su allier ambition et pragmatisme.
Je me félicite de ce que le titre relatif aux transports ait été consolidé pour aboutir, grâce à des apports venant de toutes les travées, à un ensemble de mesures ambitieuses, notamment dans la lutte contre la pollution de l’air.
Sur l’économie circulaire, je crois aussi que nous avons su faire preuve d’engagement, voire d’audace. Je pense, par exemple, à la « REP navires » ou à la hiérarchie des ressources.
J’entends çà et là certaines remarques, mais je choisis de me comparer avec les meilleurs, en l’occurrence avec les États, qui, dans le monde, sont non pas derrière nous, mais devant nous.
En ce qui me concerne, j’ai confiance dans l’industrie, notamment dans l’industrie automobile, qui a su avaler six « normes Euro » en dix-huit ans, quand personne ne l’en pensait capable. Or elle l’a fait, ce qui m’inspire beaucoup de respect.
Je me réjouis enfin de l’esprit constructif qui a prévalu sur toutes les travées lors de l’examen de ce texte. Au Sénat, on peut avoir des sensibilités politiques différentes, voire opposées, mais se retrouver largement pour défendre l’intérêt général.
Je conclus en remerciant M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de sa compétence éclairée, mon collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, Ladislas Poniatowski, avec qui j’ai eu d’excellentes relations, ainsi que les fonctionnaires de la commission, qui m’ont particulièrement aidé.
Enfin, madame la ministre, je vous remercie de la qualité du dialogue que vous avez su instaurer, dans le respect des parlementaires. (M. Didier Guillaume applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires économiques, l'autre, du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 230 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 212 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 26 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour de vous remercier de la qualité du travail accompli dans cette Haute Assemblée.
Sauf erreur de ma part, nous avons passé ensemble près de 82 heures,…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Combien de nuits ? (Rires.)
Mme Ségolène Royal, ministre. … dont une bonne partie de nuit (Sourires.), sans compter, bien évidemment, les heures que vous avez passées en commission. Je remercie donc infiniment l’ensemble des membres des deux commissions, leur président et leur rapporteur respectifs, avec qui j’ai eu un dialogue très constructif, cherchant toujours à faire émerger la vérité de l’intérêt général dans ce que nous avions à accomplir, c’est-à-dire la transition écologique et énergétique.
J’ai évidemment apprécié le soutien du groupe socialiste et républicain, mais également des autres groupes. Sur toutes les travées, les attitudes ont été très positives.
J’ai été très sensible aux explications de vote, dans lesquelles vous avez souligné la qualité du dialogue républicain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous auriez pu faire de l’obstruction, mais vous ne l’avez pas fait. Vous auriez pu, pour des raisons politiciennes, refuser d’entrer dans ce débat qui engage l’avenir du pays, mais vous ne l’avez pas fait. Vous avez toujours cherché à construire, à comprendre, à améliorer le texte, à converger vers des exigences dont nous sommes comptables, aujourd’hui, du fait du dérèglement climatique. Vous avez également su percevoir l’importance de la question au regard de la création d’emplois et d’activités.
Tels sont, finalement, les deux grands piliers de ce texte : il s’agit de savoir comment, grâce à la croissance verte, nous allons pouvoir créer des activités et des emplois.
Nous voyons déjà que le mouvement est irréversible. Avant même la promulgation de la loi, les entreprises ont compris, les territoires se mettent en mouvement, les citoyens ont envie de progresser, souvent avec un temps d’avance. En effet, nombre d’orateurs ont déclaré avoir observé que, dans les territoires, les forces vives du pays sont souvent en avance par rapport à ce que nous faisons, même si nos débats contribuent à entretenir le mouvement en donnant une nouvelle impulsion.
C’est si vrai que l’expression même de « transition énergétique » qui, au départ, n’était pas comprise, est aujourd’hui intégrée, à la fois dans le discours des chefs d’entreprise, dans les médias, chez les citoyens. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez permis, par vos débats, d’engager un mouvement irréversible. Il suffit de se déplacer dans le pays pour s’en convaincre.
En première lecture, 1 000 amendements ont été déposés, 247 ont été adoptés. En nouvelle lecture, 299 amendements ont été déposés, et 51 adoptés. Ces chiffres illustrent bien l’effort de coconstruction que nous avons fait ensemble.
Cette loi n’est pas la loi du Gouvernement, c’est la loi de la France, c’est la loi que vous, représentants du peuple, avez contribué à faire émerger.
Bien sûr, il y a des divergences, notamment sur le nucléaire, pourquoi le cacher ? Cependant, comme je l’ai toujours dit, j’ai fait le choix de ne pas opposer les énergies les unes aux autres, et je respecte les convictions de chacun, telles qu’elles ont été exprimées.
J’irai même jusqu’à dire que, moi aussi, j’aurais souhaité que la commission mixte paritaire soit conclusive. Vous le savez, ce n’est pas un secret, j’estime que chacun avait fait des efforts pour faire un bout de chemin vers l’autre, de sorte que la Nation sente qu’il y avait un consensus national autour du nouveau mix énergétique.
Vous avez fait mouvement, sous l’impulsion notamment du groupe socialiste et républicain, mais les députés ont préféré faire prévaloir leurs choix. Cependant, je tiens à le dire après plusieurs d’entre vous, il ne faut pas se focaliser sur ce sujet-là, parce que, pour les Français, la transition énergétique, c’est tout le reste ! Ils sont attachés à leur modèle énergétique, dont le nucléaire reste une part, mais, en même temps, ils savent bien, quand ils voient le monde bouger, que nous ne pourrons construire cette social-écologie que vous avez évoquée et préparer l’avenir – on pense à des logements mieux isolés, à des factures moins élevées - que grâce à la montée en puissance des énergies renouvelables, grâce à l’efficacité énergétique, grâce à l’économie circulaire.
Pour conclure, j’espère que vous serez nombreux à participer au sommet de Paris sur le climat. En tout cas, je sais qu’à cette occasion sera organisée une manifestation avec les parlements du monde entier. Compte tenu de la qualité et de la densité de nos débats, je sais que les parlementaires français, dont les sénateurs, seront attentivement écoutés et regardés.
Nous allons nous rendre à cet événement mondial très important forts de cette œuvre législative qui, je le crois, fait honneur à notre pays et nous porte vers l’avant. Nous pourrons ainsi être exemplaires sur l’excellence environnementale lors de la conférence de Paris. Soyez-en chaleureusement remerciés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions.)
19
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
20
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 16 juillet 2015 :
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ;
Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 618, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 619, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 16 juillet 2015, à zéro heure quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART