M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Ronan Dantec. Je crois que nous avons encore à rassurer les opérateurs, qui soulignent l’existence de quelques insécurités juridiques et arcanes administratifs inutiles.
Je soulignerai quelques avancées apportées par le Sénat en nouvelle lecture, qui mériteraient, selon moi, d’être conservées par l’Assemblée nationale.
Nous avons, par exemple, complété – je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur – l’accès aux données pétrolières pour la réalisation des plans climat territoriaux. Le fait d’avoir comblé ce manque permettra aux territoires de faire leur travail. Surtout, nous avons intégré dans cette nouvelle version l’augmentation progressive de la contribution climat-énergie, qui restait bloquée à 2016. C’est un vrai point d’accord entre pro-nucléaires et écologistes : c’est dire le niveau de consensus ! Il serait dommage de ne pas le conserver.
Le projet de loi sera bientôt adopté. En conclusion, madame la ministre, je voudrais insister sur deux points qui font écho à votre discours liminaire.
Tout d’abord, c’est bien maintenant la rapidité de mise en œuvre de ce texte qui doit nous mobiliser. Ce sera en particulier la responsabilité des territoires. Je crois qu’ils sont prêts à s’engager, c’est du moins ce qu’ils ont affirmé à Lyon la semaine dernière lors du sommet mondial, où nous avons eu le plaisir de vous accueillir ainsi que le Président de la République. C’est bien par les territoires que passera la transition énergétique. Le projet de loi contient d’ailleurs des avancées majeures en ce qui concerne la place des territoires et l’articulation des différents échelons : Europe, État, région et intercommunalité.
Ensuite, je rappelle que, à partir du moment où nous avons redonné à l’État la capacité de stratégie sur les grands choix énergétiques, à travers notamment la programmation pluriannuelle de l’énergie, cette PPE se doit de traduire cette volonté. Il s’agira d’un vrai moment de vérité. Il va bien falloir dire à un moment – c’est d’ailleurs le sens du travail engagé avec la PPE – quel sera le niveau de la puissance nucléaire installée à l’horizon de 2023, ce qui témoignera du caractère inéluctable de cette transition énergétique. Cela restera, j’en suis convaincu, l’une des grandes œuvres de ce quinquennat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, il nous faut évidemment encore apporter des améliorations au texte, éclairer les points de vue des uns et des autres et enrichir les dispositions qui restent en débat. Nous voulons aussi réaffirmer des oppositions fondamentales qui ne sont pas des postures, mais sont des alertes sur les dérives d’un système énergétique libéralisé.
Le temps du débat parlementaire ne peut être le temps médiatique. Il n’est pas anormal que la corédaction de projets de loi toujours plus techniques et volumineux prenne de nombreux mois. Je souhaite, madame la ministre, réaffirmer que notre groupe partage les objectifs affichés par votre projet de loi.
Bien sûr, il faut engager notre pays dans la transition énergétique, promouvoir des transports propres, l’économie circulaire, la rénovation énergétique des bâtiments, le déploiement d’énergies renouvelables, décarbonnées. Bien sûr, il faut encourager les comportements vertueux afin d’engager notre pays dans une lutte efficace et résolue contre le réchauffement climatique, poser les bases d’une nouvelle croissance plus économe en énergie ; cela ne fait aucun doute pour les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, qui soutiennent une transition énergétique raisonnée et raisonnable. Nous affirmons même, comme d’autres, que c’est une question de survie pour l’humanité et pour la planète.
Si la France a aujourd’hui une électricité parmi les moins chères d’Europe, il faut s’en féliciter et non utiliser cet argument pour légitimer des hausses du tarif du kilowattheure. Si la France a une énergie compétitive, c’est bien grâce aux choix fait à la Libération, avec la maîtrise publique de la production nucléaire dont il y aurait grand danger à sortir sans précaution. À cet égard, pour nous, l’Allemagne n’est pas un modèle, avec sa pollution record due au lignite.
Cela me conduit à une remarque sur l’éolien. Les évolutions législatives se sont multipliées pour en permettre le développement : il nous est proposé, dans ce projet de loi, de ramener à 500 mètres la distance minimale entre les éoliennes et les zones urbanisées. Bref, nous allons vers un mitage anarchique du territoire. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à porter la distance à 1 000 mètres.
Nos autres d’amendements concernent la réponse aux besoins de nos concitoyens, avec la garantie du maintien des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz, une fixation des prix de vente par l’État, des dispositions concrètes contre la précarité énergétique douze mois sur douze. Par ailleurs, il nous semble important d’afficher la nécessité d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie. Nous avions déjà mis en avant la nécessité d’une définition d’une planification énergétique nationale et européenne, qui flèche les moyens financiers alloués par l’État pour chacun des objectifs et chacune des actions de la politique de transition énergétique autour d’un pôle public de l’énergie incluant EDF, GDF, Areva et Total renationalisés. Nous persistons dans ces choix.
C’est ce qui nous conduit à dénoncer encore une fois la création d’un marché spéculatif, celui de l’effacement diffus en lieu et place d’un service public de l’effacement.
Nous reviendrons évidemment sur les concessions hydrauliques et sur l’ouverture à la concurrence. Comme le rappellent justement nos collègues de l’Assemblée nationale, les barrages représentent 2,5 millions d’euros d’excédents chaque année et ce qu’on appelle la « rente hydraulique » représente plus de 1 milliard d’euros. La logique de privatisation, sous quelque habillage que ce soit, risque d’entraîner une augmentation des tarifs de l’électricité.
L’acharnement à privatiser est d’autant plus grave que vous reproduisez ce faisant un schéma que nous avons déjà expérimenté lors de la privatisation des concessions autoroutières ou avec les privatisations d’aéroports : ayons en tête le scandale en cours de l’aéroport de Toulouse.
Plus largement, il faut rappeler que le transport routier est l’une des premières sources de pollution, quoi qu’en pense M. Macron, qui a fait le choix de généraliser le transport par autocar. Pour en rester au texte, nous n’y trouvons aucune véritable mesure pour limiter la circulation des véhicules. Le projet de loi, en particulier, n’aborde pas la généralisation du fret ferroviaire ou le développement du transport fluvial, sujets sur lesquels ma collègue Évelyne Didier a déposé des amendements.
Nous l’avons dit en première lecture, le projet de loi porte en germe un modèle de territorialisation rampante de l’énergie, une mise en concurrence entre les territoires à travers la régionalisation de la production et de la distribution : c’est la péréquation et l’égalité de traitement à l’échelle de l’ensemble du territoire national qui sont mises en danger.
Nous nous interrogeons également sur les moyens financiers pour soutenir les ambitions de votre projet puisque 10 milliards d’euros sont prévus sur trois ans alors que les besoins en investissement sont estimés à 14 milliards d’euros par an, voire à plus de 20 milliards d’euros par l’ADEME. Le compte n’y est pas ! L’économie participative et l’initiative privée ne pourront pas combler ce manque à gagner !
Enfin, un autre grand sujet est le bâtiment. L’objectif est d’atteindre en 2017 le rythme de 500 000 logements rénovés par an. C’est souhaitable, très ambitieux, mais là encore avec quels moyens ?
Pour les membres du groupe CRC, l’État stratège doit se donner les moyens de ses ambitions et soutenir les collectivités locales qui auront la mission de décliner sur l’ensemble du territoire les objectifs de la transition énergétique. Or ces moyens font défaut. Néanmoins, nous partageons les objectifs que le Gouvernement se fixe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de M. Mézard. Je suis donc une énergie de remplacement, sinon de substitution. (Sourires.)
Nous examinons une dernière fois l’un des principaux projets de loi du quinquennat, fortement enrichi par des avancées introduites en première lecture par le Sénat et maintenues, pour certaines, par l’Assemblée nationale. Comme d’autres avant moi, je tiens à saluer le travail des deux assemblées, qui nous a permis de converger sur un certain nombre de points, même si je regrette que le « temps de la réflexion » ait été perturbé par l’engagement de la procédure accélérée et les conditions d’examen du présent projet de loi en nouvelle lecture, sectionné sur deux semaines et amputé cet après-midi par la discussion de deux projets de loi.
Nous partageons la volonté de diversifier notre mix énergétique, d’y faire progresser la part des énergies renouvelables, de rénover les bâtiments pour en améliorer la performance énergétique ou encore de développer des modes de transports propres. Nous partageons aussi la plupart des objectifs du projet de loi, à commencer par la réduction des émissions de gaz à effet de serre en dépit de divergences d’appréciation, essentiellement sur le nucléaire.
La nécessité de prendre en considération, dans le secteur agricole, le faible potentiel d’atténuation des émissions de méthane entérique produites par les ruminants est désormais unanime,…
M. Ronan Dantec. Non !
M. Jean-Claude Requier. … et nous nous en réjouissons.
Si les objectifs sont in fine les mêmes, les moyens d’y parvenir feront toujours l’objet d’intenses débats, de prises de position tout à fait respectables et respectées. Leur expression est saine en démocratie, où la représentativité de tous les intérêts doit concourir à l’intérêt général, bien qu’en l’espèce nous n’ayons pas pu transcender nos clivages.
Comme vous ne l’ignorez pas, le groupe auquel j’appartiens reste profondément attaché à l’énergie nucléaire : sans elle, la France ne serait pas une puissance énergétique indépendante, elle pâtirait d’une baisse de compétitivité bien plus grave et le pouvoir d’achat des ménages serait fortement grevé. C’est pourquoi nous confirmerons notre soutien au compromis adopté par la Haute Assemblée visant à réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique française à terme et évitant de fixer une date incantatoire et irréaliste. La responsabilité politique qui est la nôtre nous impose un discours de vérité et le vote de dispositions tenant compte du réel.
Certes, la situation peut évoluer dans dix ans avec la maturation des filières d’énergies renouvelables ou la simplification du cadre juridique. Toutefois, des obstacles tels que la nécessité de développer les moyens de stockage de l’énergie ou la réalisation des réseaux intelligents rendent quelque peu illusoire l’échéance de 2025. Il convient également de tenir compte des coûts financiers et environnementaux d’une transition précipitée par la fermeture des centrales nucléaires. S’il convient de fixer une stratégie énergétique nationale avec des objectifs, ces derniers doivent être atteignables pour être pris au sérieux.
En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, l’insertion de toute une série d’articles additionnels au sein du chapitre portant sur la simplification des procédures est d’autant plus contestable qu’il s’agit, en réalité, de mesures qui complexifient paradoxalement le droit en vigueur, contrairement à l’esprit du présent projet de loi. Ces nouvelles dispositions visant les éoliennes terrestres constituent autant de mauvais signaux qui ne feront que raviver la crainte des investisseurs et engendrer de nouvelles brèches dans lesquelles se glisseront certaines associations représentant des intérêts particuliers dans un domaine où les recours abusifs sont légion. Elles vont à l’encontre du processus de modernisation du droit de l’environnement, de l’expérimentation de l’autorisation environnementale unique et du certificat de projet. Pourtant, le projet de loi allait dans le bon sens en introduisant, par exemple, le financement participatif et en renforçant ainsi l’acceptabilité des projets d’installations de production d’énergies renouvelables. Aussi, comme en première lecture, nous avons déposé des amendements dans un objectif de simplification, qui doit véritablement constituer un impératif catégorique.
En matière de mobilité durable, il est regrettable que l’hydrogène n’ait pas eu la place qui devrait être la sienne au sein de ce projet de loi qui ne garantit pas, à notre sens, la neutralité technologique en mettant uniquement en avant les véhicules électriques à batterie, avec notamment le déploiement de sept millions de bornes de recharge. Or l’hydrogène est intéressant sur le plan de l’autonomie des batteries et éviterait à nombre de nos concitoyens de faire plusieurs arrêts contraignants et rédhibitoires sur une longue distance afin de recharger leur véhicule. Les constructeurs japonais, allemands ou américains l’ont bien compris. C’est finalement à l’étranger que nos entreprises investissent, je pense en particulier à Total en matière de stations-service hydrogène.
On ne peut pas se contenter de la remise d’un rapport sur l’élaboration d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné prévu par l’article 28 bis. Je crains que nous n’ayons un jour à regretter ce non-choix de l’hydrogène, alors qu’on exploite depuis maintenant deux ans des émanations naturelles d’hydrogène.
Enfin, comme en première lecture, nous espérons que la fiscalité écologique sera à l’honneur lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Il convient cependant d’être vigilant pour que la valeur cible de la tonne carbone, adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat en nouvelle lecture, ne se traduise pas par une fiscalité supplémentaire pesant notamment sur les ménages les plus modestes.
Madame la ministre, qu’est devenue la grande réforme fiscale promise par le Gouvernement ? Une remise à plat s’impose sous peine d’accentuer la crise de légitimité de l’impôt.
Pour conclure, mes chers collègues, j’indique que le groupe du RDSE, favorable à la transition énergétique, qu’il conçoit comme un passage progressif – j’insiste sur cet adjectif – de notre modèle actuel de production d’énergie centralisé et limité vers un modèle moins émetteur de gaz à effet de serre, décentralisé et interconnecté, et s’appuyant sur la force et l’excellence de sa filière nucléaire, prendra une nouvelle fois toute sa part dans la discussion qui s’ouvre devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis toujours très partagée sur les discours qui suivent les commissions mixtes paritaires. Aujourd’hui, c’est une certaine déception qui nous réunit.
Nous sommes déçus par l’échec de la CMP et déçus de ne pas avoir retrouvé le consensus du Grenelle de l’environnement.
Nous sommes déçus, car les oppositions ne sont bien souvent que politiques. Si le Gouvernement n’avait pas eu besoin d’un accord avec Europe Écologie les Verts, je suis à peu près certaine que nous aurions trouvé un accord sur la date à laquelle la part du nucléaire doit être réduite à 50 %.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est tout à fait exact !
Mme Chantal Jouanno. En réalité, ce n’est qu’une partie de la droite qui est opposée à une partie de la gauche. Cette date de 2025, nous savons à peu près tous qu’elle est une illusion.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Absolument !
Mme Chantal Jouanno. Jamais en 2025, la part du nucléaire ne sera réduite à 50 %. C’est impossible techniquement, en tout cas sans augmenter à court terme les émissions de gaz à effet de serre.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
Mme Chantal Jouanno. À l’UDI, nous sommes favorables à la réduction de la part du nucléaire à 50 % dans le mix énergétique. Nous avions d’ailleurs déposé une proposition de résolution sur ce sujet voilà environ un an. Nous avions proposé la date de 2040, qui nous semblait plus raisonnable. Nous étions cependant tout à fait prêts à en discuter, car cela ne doit pas constituer un point de blocage au consensus. Malheureusement, c’en est un aujourd’hui.
Nous sommes donc de nouveau réunis. Je ne doute pas que des corrections seront apportées, mais je pense que ce texte ne sera pas à la hauteur du débat ni en tout cas des enjeux.
Les rapports, qui sont toujours plus inquiétants et plus consensuels, se multiplient sur l’impact des changements climatiques. Ainsi, les dix pays les plus pauvres de la planète seront les plus touchés par les dérèglements climatiques. Ce sera aussi le cas de notre grand voisin l’Afrique. Des millions de personnes seront contraintes de migrer, les fameux « déplacés environnementaux », qui aujourd’hui n’ont aucun statut. Les rendements agricoles vont baisser de 25 %, alors même qu’ils devraient augmenter de 60 % d’ici à 2050 si nous voulons faire face à l’augmentation des besoins de la population. Inégalités accrues, crise alimentaire mondiale et frein à la croissance : ces quelques mots devraient parler aux oreilles des sceptiques, et il s’en trouve encore.
Mais laissons les sceptiques de côté, dont certains sont à mon avis indécrottables, et parlons plus aux modérés, aux raisonnables, à ceux qui plaident la mesure. Ce sont, par exemple, ceux qui, bien que pas trop défavorables aux éoliennes, disent que l’on pourrait revoir les distances.
Si vous vous intéressez un peu à l’histoire de notre planète, qui est passionnante, car les choses se répètent, vous devriez savoir que la troisième grande crise d’extinction, la plus importante, a vu 96 % de toutes les formes de vie disparaître de la planète. Il ne restait donc presque plus rien et il a fallu dix millions d’années pour que réapparaisse l’état de diversité originelle. Cette grande crise était corrélée à une forte hausse des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, tout particulièrement du méthane, en raison de la fonte du permafrost.
Nous sommes sur une trajectoire à peu près comparable. Ce qui est très étonnant, c’est que nous ne changions pas de trajectoire. La consommation d’énergies fossiles va augmenter de presque 40 % d’ici à 2040.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Elle augmente, on est bien d’accord !
Mme Chantal Jouanno. Nous ne nous inscrivons nullement dans la perspective d’un développement des énergies, notamment renouvelables, à l’échelle mondiale, qui est pourtant nécessaire. Et pourquoi une hausse des énergies fossiles ? Parce qu’elles sont dans le monde cinq fois plus subventionnées que les énergies renouvelables.
On dit que l’écologie doit être raisonnable, qu’elle ne doit pas faire peur, qu’elle ne doit pas être « punitive ». Pourtant, quand on tape « écologie » sur Google, « punitive » est le premier terme qui apparaît. Quel beau succès… Il me semble pourtant que ce qui est punitif, c’est l’absence d’écologie, qui est une grande source d’inégalités, un frein à la croissance. Ce qui est punitif, c’est de plaider la mesure pour laisser la facture à nos enfants. C’est d’ailleurs ce que bon nombre de politiques font depuis des années.
Je comprends tout à fait les craintes. La peur du changement est toujours plus forte que les habitudes, même si elles sont délétères. Mais il ne s’agit pas, en réalité, d’un changement si profond. Il faut simplement revenir à ce qui a fait la richesse de nos civilisations : le primat des valeurs spirituelles sur celui de l’accumulation des richesses matérielles et d’habitudes ultra-consuméristes qui caractérisent notre époque. C’est d’ailleurs le message de la dernière encyclique, qui a été citée par Louis Nègre, comme celui de la plupart des grandes religions. Il n’y aura pas de changement sans spiritualité. Il n’y aura pas de grande transition sans remise à plat de nos valeurs, tout particulièrement notre conception du PIB, notre modèle économique, donc notre système fiscal.
Si nous voulons réellement nous engager dans une transition énergétique ou écologique, la première de nos priorités devrait être de mettre fin progressivement à toutes les formes de subventions aux énergies fossiles. Le projet de loi ne le fait pas.
Notre deuxième priorité devrait être de taxer le carbone, comme nous y incite la Banque mondiale, et de le faire de manière progressive selon une pente qui soit clairement affichée. C’est ce qui est fait dans le projet de loi, mais grâce uniquement au vote de la commission des affaires économiques, qui a effectivement fixé une pente à la contribution carbone. J’espère, cher Ronan Dantec, que le consensus trouvé au Sénat va perdurer à l’Assemblée nationale, car ce serait un message extrêmement positif.
Notre troisième priorité devrait être de taxer fortement les pollutions, ce que le texte ne fait pas non plus.
Notre quatrième priorité, parce que nous sommes décentralisateurs au sein de notre parti, devrait être de laisser une réelle liberté aux collectivités d’expérimenter, de développer leurs propres formes d’initiative – c’est ce qui nous différencie –, notamment énergétiques, ce que, là non plus, le texte ne fait pas. Il y a donc un certain cynisme à survendre ce projet de loi.
Cette dernière discussion sera certainement utile, des corrections seront apportées. Les débats au Sénat sont d’ailleurs souvent très riches et passionnants, car nous avons des présidents et des rapporteurs excellents,…
M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis de la commission des finances. Et d’excellents intervenants !
Mme Chantal Jouanno. … et aucun de nous n’aime la caricature.
Le projet de loi aura amélioré certaines dispositions techniques, je n’en doute pas, mais je n’y vois ni rupture ni grande transition. Je n’y vois surtout, même si elles sont nécessaires, que de simples adaptations. Notre groupe reste donc très ouvert à la discussion, mais sans excès d’illusions ni d’enthousiasme. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un sentiment d’amertume que je ressens aujourd’hui. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Nous étions en effet tous convaincus que la classe politique se retrouverait sur les objectifs et même les ambitions, quelle que soit la personne qui les aurait portés, affichés par le projet de loi. Naguère, la gauche, minoritaire, a apporté sa voix à des textes…
M. Didier Guillaume. Faites-en la liste !
M. Jean-Claude Lenoir. … qui, d’une façon très forte, ont confirmé l’engagement de notre pays sur la voie de la protection de notre planète et de notre environnement. De la même manière, beaucoup parmi nous ont apporté leur pierre à l’édifice de ce texte annoncé par le Président de la République, adopté en conseil des ministres et qui s’annonçait très consensuel.
Madame la ministre, lors du débat au Sénat, vous n’avez pas hésité, nous l’avons constaté, à convaincre les vôtres, c’est-à-dire les membres de l’opposition, à retenir leur élan de voter contre des dispositions que nous proposions. Je me souviens également que le président du groupe socialiste a participé à la recherche d’un consensus au Sénat. Nous avons en outre été marqués par l’abstention du groupe socialiste sur des points forts du texte.
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous pensions donc que la raison l’emporterait…
M. Bruno Sido. Eh bien non !
M. Jean-Claude Lenoir. … et, surtout, que le pragmatisme primerait, d’autant que ce texte, déjà très riche, a été étoffé par les apports de l’Assemblée nationale, que le Sénat a confirmés, et par ceux du Sénat, que l’Assemblée nationale a validés.
Nous aurions pu aboutir à un texte qui aurait été porté par l’ensemble de la classe politique. Il aurait d’ailleurs été bon que le Gouvernement et le Président de la République du pays qui accueille la COP 21, c'est-à-dire la conférence climat de décembre prochain, puissent afficher le consensus de leur classe politique sur de tels objectifs. Tout cela s’est effondré en raison de petits calculs politiciens…
M. Jean-François Husson. Mesquins !
M. Didier Guillaume. Vous n’en faites jamais !
M. Jean-Claude Lenoir. … et électoraux : les socialistes n’ont pas voulu rompre avec les écologistes à un moment sensible – j’en conviens –, quelques jours avant les élections départementales.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas à la hauteur du sujet !
M. Jean-Claude Lenoir. Je me permets de rappeler dans quelles conditions a travaillé la commission mixte paritaire. Nous étions venus avec les meilleures intentions, celles de trouver un accord. (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Or nous avons été confrontés à la position brutale et intransigeante du président de la commission mixte paritaire, par ailleurs président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Celui-ci nous a annoncé qu’il ne pouvait pas suivre notre orientation, car le Président de la République avait pris des engagements qu’il entendait suivre.
M. Ronan Dantec. Bravo au Président de la République !
M. Jean-Claude Lenoir. Quid de la séparation des pouvoirs ? Êtes-vous vraiment, mes chers collègues, tenus de mettre un mouchoir sur vos propres convictions, que nous connaissons bien ?
M. Didier Guillaume. Ne nous donnez pas trop de leçons ! Cela pourrait se retourner !
M. Jean-Claude Lenoir. Les protestations du président du groupe socialiste confirment que j’ai mis le doigt là où ça fait mal.
Il y avait – dois-je le rappeler ? – une majorité à la commission mixte paritaire pour approuver les dispositions du Sénat.
M. Bruno Sido. C'est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Si nous avions procédé au vote, la commission mixte paritaire aurait adopté des conclusions et un texte commun aurait pu être présenté à l'Assemblée nationale et au Sénat. Pourtant, au dernier moment, le président de la commission mixte paritaire s’est levé…
M. Bruno Sido. Au garde-à-vous !
M. Jean-Claude Lenoir. … en affirmant qu’il n’y avait pas d’accord possible et a refusé le vote. C'est un véritable coup de force auquel nous avons assisté.
M. Didier Guillaume. Vous n’avez jamais fait la même chose, peut-être ?
M. Jean-Claude Lenoir. Je pense d’ailleurs, et je le dis très sérieusement, que nous donnerons une suite à cette affaire, car, du point de vue institutionnel, nous ne pouvons pas accepter que la réunion d’une commission mixte paritaire ne se conclue pas par un vote.
Cela étant, et je m’en tiendrai à cette observation, le débat auquel nous assistons révèle une chose : les écologistes participent à une manœuvre d’acharnement contre le mot « nucléaire ».
Il faut rappeler les chiffres de la consommation d’énergie finale en France : le pétrole représente à peu près 45 %, le gaz 30 % et l’électricité à peine 25 %, au sein de laquelle – puisqu’il y a également des sources carbonées et de l’hydraulique – le nucléaire représente 16 %. On assiste donc à une chose incroyable, à un blocage politique lourd de conséquences dans le seul but de plaire aux écologistes, simplement parce que 16 % de l’énergie finale consommée en France provient des centrales nucléaires !
Mes chers collègues, je vous invite à vous intéresser aux trois quarts de l’énergie consommée qui provient de sources carbonées. Nos collègues écologistes et ceux qui, dans ces quelques parenthèses de la vie parlementaire, apportent leur soutien à ces thèses souvent utopistes et très éloignées du pragmatisme, ne pourraient-ils pas, enfin, s’attacher à examiner la façon de sauver la planète en réduisant la part d’énergie carbonée consommée ?