M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que, parfois, une évolution de la situation familiale entraîne des conséquences fiscales qui rendent complexe l’accès à un certain nombre de droits sociaux. Pour les familles, il n’est pas facile de s’y retrouver. Ici encore, il existe probablement un vaste potentiel de simplification : celle-ci n’en est qu’à ses débuts.
Les bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux constituent une aide complémentaire à celle qu’apportent à l’étudiant ses parents. En effet, ces derniers sont soumis à une obligation alimentaire prévue par les articles 203 et 371-2 du code civil, qui leur imposent d’assurer l’entretien de leurs enfants, même majeurs, tant que ces derniers ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins.
Le dispositif d’aides sociales vise à aider en priorité les étudiants issus des familles les plus modestes. Les bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux sont ainsi accordées en fonction d’un barème national qui prend en considération les ressources et les charges de la famille de l’étudiant.
En cas de séparation, les revenus pris en compte sont ceux du parent ayant à charge le candidat, sous réserve qu’un jugement prévoie l’obligation du versement par l’autre parent d’une pension alimentaire.
En l’absence d’un tel jugement, ce qui est un cas fréquent, les ressources des deux parents sont prises en compte. Cette double prise en compte découle non seulement de l’obligation alimentaire, mais aussi du fait que, en cas de résidence alternée, chacun des deux parents peut bénéficier d’une majoration de ses parts dans le calcul de l’impôt sur le revenu.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a fait depuis 2012 un effort considérable pour lutter contre la précarité des étudiants. Pas moins de 450 millions d’euros ont ainsi été investis dans le système des bourses, dont 200 millions d’euros en faveur de nouvelles mesures d’aide à destination de 160 000 nouveaux étudiants.
En effet, afin d’améliorer les conditions de réussite des étudiants issus des familles les moins favorisées, il faut faire en sorte d’éviter que ceux-ci se trouvent dans la nécessité de travailler concurremment à leurs études. À cette fin, une réforme importante des bourses étudiantes a été engagée. Cette réforme vise un objectif politique de démocratisation de l’accès aux études supérieures. Elle concourt à l’ambition d’atteindre 50 % de diplômés du supérieur dans chaque classe d’âge.
Par ailleurs, en matière de logement étudiant, l’objectif de mon ministère est de permettre au plus grand nombre d’étudiants qui en font la demande d’accéder à un hébergement de qualité à un moindre coût. Aussi, conformément à l’engagement du Président de la République, un programme de construction de 40 000 logements étudiants pendant la durée du quinquennat est prévu, soit 8 000 constructions par an.
Par-delà la réponse que je vous ai faite quant aux modalités précises de calcul des aides en cas de séparation des parents, l’ensemble de ces mesures montre l’attachement du Gouvernement à l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Il ne compte pas s’en tenir là : hier, avec Mme la ministre de l’éducation nationale, nous avons reçu des propositions pour un nouveau plan d’amélioration de la vie étudiante. Parmi ces propositions, on peut relever un accès facilité à la connaissance de l’ensemble des droits sociaux des étudiants. Une telle mesure offrira peut-être aux étudiants issus de couples séparés qui sont l’objet de votre question et, au-delà, à tous les étudiants la possibilité d’améliorer leur situation, qui demeure parfois très précaire.
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse et des informations que vous nous avez données.
Il s’agit bien ici de la vraie vie. Notre objectif est de permettre au plus grand nombre de jeunes de s’insérer dans un parcours universitaire, en nous donnant les moyens de les accompagner dans ce parcours. La vraie vie, c’est aussi l’évolution sociétale : de nombreuses familles sont aujourd’hui recomposées. Or la lourdeur administrative dans l’attribution de ces fameuses bourses peut mettre en péril le parcours universitaire de certains jeunes et, partant, leur avenir.
Je veux aussi vous remercier dans ces mots de conclusion : il est clair que des pistes de travail sont sur la table pour permettre à de nombreux jeunes et de nombreuses familles de vivre cette étape de manière plus sereine.
occupation illégale de territoires
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 1145, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais quelque peu dépayser les questions orales. Parmi les conflits gelés du Caucase, celui qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan concerne deux pays avec lesquels – je ne vous apprends rien, monsieur le président – nous entretenons des liens d’amitié. Ce conflit porte sur le territoire contesté du Haut-Karabakh.
Or, au mois de mai dernier, le « président » de la république fantoche du Haut-Karabakh s’est rendu en visite « officielle » en France et a signé des « chartes d’amitié » avec un département, la Drôme, et plusieurs communes.
Bien évidemment, cette république n’est reconnue par aucun État, pas même par l’Arménie. La France, quant à elle, joue un rôle diplomatique important dans ce conflit gelé : elle copréside le groupe de Minsk, qui cherche depuis des années une solution. Or la signature de ces chartes est en contradiction, non seulement avec la position prise par la France, mais encore avec le droit international.
En effet, elles tendent à avaliser une occupation. Imaginez seulement que, demain, le président autoproclamé de la Crimée, de l’Abkhazie ou de l’Ossétie du Sud vienne signer une telle charte d’amitié avec une ville française ! Cette affaire constitue un très mauvais signal.
Le président du groupe d’amitié France-Caucase, notre collègue André Reichardt, a écrit à Mme Lebranchu et à M. Fabius afin que les préfets soient informés de la conduite à tenir, dans le cadre d’un recours hiérarchique ou du contrôle de légalité. En effet, s’il est absolument normal de conclure des chartes d’amitiés avec l’Arménie, tel n’est pas le cas pour un territoire occupé et non reconnu en droit international.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai donc la question suivante : quelle est la position du Gouvernement face à cette situation proprement illégale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, M. Laurent Fabius m’a demandé de répondre à sa place à votre question de la manière la plus précise qui soit. Vous avez en effet raison d’insister sur la complexité tant juridique que politique – nous sommes à la lisière de ces domaines – de la situation que vous évoquez.
Comme vous l’avez rappelé, quatre collectivités territoriales françaises ont signé des « chartes d’amitié » avec des collectivités du Haut-Karabakh, un territoire majoritairement peuplé d’Arméniens qui a fait sécession de l’Azerbaïdjan. Elles ont été signées à l’occasion de la visite en France, du 18 au 20 mai dernier, de M. Bako Sahakian, soi-disant président de la « république du Haut-Karabakh ».
Comme vous l’indiquez, la France, coprésidente du groupe de Minsk en charge de la médiation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur ce conflit, n’a jamais reconnu le Haut-Karabakh comme entité indépendante, non plus que comme partie du territoire de la République d’Arménie. Nous ne reconnaissons pas l’indépendance du Haut-Karabakh et nous n’entretenons pas de contacts bilatéraux avec les autorités de fait de ce territoire.
Le Gouvernement regrette par conséquent l’initiative prise par ces collectivités territoriales. La signature de ces « chartes d’amitié » est d’ailleurs illégale au regard des dispositions de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. En effet, elle était clairement contraire aux engagements internationaux de la France, qui n’a pas reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh.
Le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, a donc écrit au ministre de l’intérieur pour attirer son attention sur ce problème. Les deux ministres ont adressé, en fin de semaine dernière, une circulaire conjointe aux préfets pour leur rappeler les règles en vigueur.
Vous avez raison de souligner, madame la sénatrice, que cette situation pourrait malheureusement se reproduire – sait-on jamais ? – concernant des collectivités situées dans d’autres parties du globe, comme la Crimée.
Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères et du développement international a d’ores et déjà adressé un courrier aux préfets de la région Rhône-Alpes et des départements de la Drôme, de l’Isère et du Val-d’Oise pour les saisir de cette question.
Soyez donc assurée, madame la sénatrice, que la France, en tant que coprésidente du groupe de Minsk, reste entièrement mobilisée pour la recherche d’une solution pacifique au conflit du Haut-Karabakh. Je veux insister, pour conclure, sur le fait que notre relation amicale et profonde avec l’Arménie n’altère et n’altérera en rien la position française traditionnelle d’impartialité au sein du groupe de Minsk.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cette réponse vraiment précise. Dans quelques mois, comme vous le savez, se tiendront à Paris les assises de la coopération décentralisée avec l’Azerbaïdjan. Ce pays fait beaucoup parler de lui, mais c’est un pays en mutation. Il faut absolument élargir nos coopérations avec l’Azerbaïdjan : c’est un moyen important pour faciliter l’évolution de ce pays vers plus de démocratie. Vous n’ignorez pas que le Caucase est une terre difficile.
Vous avez indiqué tout à l’heure que le Haut-Karabakh était majoritairement peuplé d’Arméniens. Cela est devenu vrai, bien évidemment, dans les années 1990, à la suite du conflit armé.
Nous avons absolument intérêt à conserver notre neutralité. Je vous remercie d’avoir insisté sur le fait que notre amitié avec l’Arménie ne nuisait pas à notre neutralité au sein du groupe de Minsk.
Quoi qu’il en soit, cette réponse devrait à mes yeux apaiser une situation qui était devenue délicate. Rappelons-nous que, passé l’Oural, il est difficile de comprendre l’organisation territoriale de la France dans toute sa complexité, pas seulement pour ce qui concerne les territoires ruraux.
projet de réalisation d’un « central park » à la courneuve
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 1156, transmise à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Aline Archimbaud. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, mais je vous la pose bien volontiers, madame la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Depuis plusieurs semaines, des collectifs d’associations et des riverains se mobilisent en grand nombre pour protester contre le projet immobilier de réalisation d’un « Central Park » dans le parc départemental Georges-Valbon, situé sur les communes de La Courneuve, Stains, Dugny et Saint-Denis dans le département de Seine-Saint-Denis. Une pétition contre ce projet a été massivement signée.
Le parc départemental Georges-Valbon est aujourd’hui l’un des plus grands espaces de détente de la région parisienne. Avec plus de 400 hectares, il constitue la plus grande zone naturelle du département de Seine-Saint-Denis, un haut lieu de la biodiversité. C’est aussi un lieu de rencontre, de détente, de loisir, de sociabilité et de mixité sociale auquel les habitants sont très attachés.
La création de ce parc dans les années 1960 a été une très belle initiative visant à requalifier un territoire tellement décrié et a apporté un « plus » à la qualité de vie de ses habitants.
Or, en octobre dernier, l’Agence foncière et technique de la région parisienne a dévoilé un projet de construction de pas moins de 24 000 logements à la lisière et à l’intérieur du parc. Ainsi, ce parc classé zone Natura 2000 serait amputé de 77 hectares. La destruction d’une partie importante de cet espace naturel entraînerait la mort de près de 10 000 arbres et la partie boisée abritant des arbres vieux de plus de soixante ans serait notamment touchée. Cette opération constituerait une grave menace pour la biodiversité, alors que ce département connaît déjà de fortes fractures environnementales.
Par ailleurs, il se murmure que ce projet pourrait devenir une opération d’intérêt national : les élus locaux seraient déchargés de leur autorité au profit de l’État, ce qui pose un sérieux problème en matière de respect des partenariats déjà mis en place avec les collectivités locales, mais aussi, plus généralement, en termes de gouvernance démocratique, puisqu’un projet immobilier serait imposé aux élus et aux habitants de façon autoritaire. Une telle orientation semble contraire à la politique actuelle du Gouvernement qui encourage l’organisation de débats publics en amont des projets.
Madame la ministre, quelle garantie comptez-vous donner quant aux modalités de discussion et de décision sur ce dossier ?
À quelques mois de la COP 21, n’est-il pas écologiquement incohérent de mettre en danger un tel espace naturel dans un territoire que nous nous attachons à requalifier au bénéfice d’une population par ailleurs massivement frappée par la crise économique et sociale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice, vous me faites part de vos inquiétudes quant à l’avenir du parc Georges-Valbon concerné par le projet dit de « Central Park du Grand Paris ».
Avant toute chose, je veux rappeler que ce projet est une libre contribution au débat de l’architecte Roland Castro. Vous le savez, pour résorber la crise du logement qui frappe l’Île-de-France, le Gouvernement a lancé un grand plan de mobilisation pour la construction de logements, qui s’articule autour de l’extension et de la modernisation du réseau de transports en commun, notamment la construction de nouvelles gares du Grand Paris Express. Une phase de concertation avec l’ensemble des acteurs locaux a été engagée pour identifier, à l’échelle de la région, les territoires dotés d’un fort potentiel qui sont susceptibles de faire l’objet d’opérations d’aménagement. Ce projet doit permettre d’atteindre l’objectif de 70 000 nouveaux logements par an, inscrit au schéma directeur de la région Île-de-France, et de lutter contre les phénomènes de ségrégation spatiale qui existent au sein de la région capitale.
C’est dans ce cadre que s’est tenu, le 9 avril dernier, autour du préfet de département et avec l’Agence foncière et technique de la région parisienne, un atelier du Grand Paris du logement consacré aux potentialités d’aménagement des franges du parc Georges-Valbon.
Le dialogue avec les élus locaux doit se poursuivre tant sur le fond du projet que sur la méthode, afin que celui-ci soit mené à bien, comme l’a rappelé le Premier ministre dans un courrier adressé le 29 juin au président du conseil départemental.
Je veux vous rassurer, madame la sénatrice, il s’agit bel et bien – je veux être très claire sur ce point – de coconstruire, avec les élus locaux et à partir des intentions exprimées aujourd’hui par les communes, un projet qui tienne compte des enjeux et des problématiques du territoire, notamment le besoin de retisser des liens entre le parc, replié sur lui-même, et les villes alentour.
Il s’agit également de profiter de la future desserte offerte par le réseau du Grand Paris Express pour créer un nouveau pôle de développement et d’attractivité au nord de Paris.
Il s’agit, enfin, de construire un projet d’aménagement des franges du parc, en limitant ses conséquences environnementales, et non pas d’urbaniser massivement cet espace naturel remarquable. La préservation de la richesse écologique du parc doit figurer au cœur du projet.
L’éventuel recours à une opération d’intérêt national sur ce site n’est – je l’ai déjà indiqué à maintes reprises, mais je le répète – qu’un outil parmi d’autres dans les modalités d’accompagnement de ce projet par l’État. Le Gouvernement n’en fait pas un préalable et décidera, là encore avec les élus locaux, de la pertinence du recours à ce dispositif juridique à l’issue de la concertation en cours. Vous le savez, nous arrêterons ces décisions lors du prochain comité interministériel sur le Grand Paris, qui se tiendra en octobre prochain.
Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, la volonté du Gouvernement est de construire, avec les élus locaux et non pas contre eux, un projet susceptible de renforcer l’attractivité du territoire ayant vocation à devenir, demain, un pôle majeur du Grand Paris et de contribuer à la réduction des inégalités territoriales que connaît l’Île-de-France, un projet qui soit au service des intérêts du territoire et de ses habitants.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Parmi les points positifs que j’ai entendus et qui me rassurent, je retiendrai notamment la volonté forte du Gouvernement d’engager une concertation. Vous avez même parlé de « coconstruction » avec les élus locaux, et je mesure toute la force de ce terme.
En revanche, l’emploi du terme « franges » concernant ce parc continue de m’inquiéter. Autant il me semble intéressant d’envisager de désenclaver le parc, en construisant des gares et des logements à l’extérieur – je soutiens le plan de mobilisation pour le logement en Île-de-France –, autant je persiste à penser qu’il serait vraiment injuste et inacceptable de construire à l’intérieur de ce parc, qui a fait l’objet d’investissements importants.
Ce territoire est stigmatisé et il a besoin, au contraire – vous le savez bien, en tant que ministre chargée de l’égalité des territoires –, que l’on continue à le requalifier. Ce n’est pas en amputant un espace classé Natura 2000 que nous réglerons le problème.
Je le répète, construire « à la frange » du parc me gêne. Je suis d’accord pour aménager les alentours, mais il ne me semble pas juste, dans le contexte actuel, de toucher à ces 400 hectares.
recrudescence des cambriolages en milieu rural
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, auteur de la question n° 1141, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jacques Genest. Ma question s’adresse à M. Cazeneuve, ministre de l’intérieur, mais je ne doute pas que Mme Pinel, ministre chargée de l’égalité des territoires et de la ruralité, y soit particulièrement sensible.
Madame la ministre, les communes rurales de l’Ardèche, et plus particulièrement celles qui sont situées sur le plateau ardéchois, ont connu au cours de ces derniers mois une recrudescence des cambriolages.
Les habitants de ce territoire sont malheureusement de plus en plus nombreux à subir les agissements de bandes de malfaiteurs très bien organisées, qui peuvent enchaîner une dizaine de cambriolages en une nuit, sans être le moins du monde inquiétées.
Entre domiciles violés, garages pillés et outillages d’exploitants agricoles dérobés, le préjudice est de plus en plus important, et vient s’y ajouter un climat d’exaspération, qui fait redouter le pire aux élus.
Entre le massif du Tanargue et le mont Gerbier de Jonc, seuls huit gendarmes – c’est l’effectif théorique ! – en poste à Lanarce sont chargés de la sécurité de cette zone caractérisée par son isolement géographique et, disons-le, un certain abandon des services publics.
Or cet abandon se confirme avec l’annonce officielle, vendredi dernier, par la préfecture, de la suppression de quatre gendarmeries sur la montagne ardéchoise, à Burzet, Montpezat-sous-Bauzon, Saint-Étienne-de-Lugdarès et Saint-Martin-de-Valamas. J’ai déjà sollicité le préfet de l’Ardèche pour lui demander comment il comptait remédier à ce problème et, surtout, redéployer des effectifs de gendarmerie pour enrayer cette hausse vertigineuse de la délinquance, qui se déplace des villes vers les campagnes. Toutefois, je n’ai pas obtenu de réponse à ce jour.
Madame la ministre, nos concitoyens n’en peuvent plus de voir chaque jour l’insécurité gagner la ruralité, sans que la moindre solution soit apportée par les pouvoirs publics. Ils ont l’impression d’être des citoyens de seconde zone, habitant dans des villages oubliés et dont l’isolement fait le bonheur des cambrioleurs qui s’y déplacent comme s’ils faisaient du tourisme. Le jour où la cristallisation de cette colère montante nous conduira au drame, il sera trop tard pour imaginer ce qui aurait pu l’empêcher.
Voilà pourquoi je vous demande aujourd’hui si le Gouvernement souhaite prendre toute la mesure du problème et augmenter les forces de gendarmeries sur le plateau ardéchois.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, qui m’a chargée de vous transmettre sa réponse à une question relative à un sujet qui m’est cher.
Le Gouvernement est particulièrement attaché au maillage territorial fort et efficace de la police et de la gendarmerie nationales, lesquelles poursuivent en permanence un nécessaire processus de rénovation de leurs dispositifs. Il s’agit, en effet, de prendre en compte les évolutions des bassins de vie et de délinquance, tout en garantissant un haut niveau d’efficacité opérationnelle et une coordination optimale entre les deux forces.
Le ministre de l’intérieur sait bien sûr que des manœuvres de redéploiement ont suscité les préoccupations légitimes que vous avez évoquées. Ces redéploiements sont réalisés au cas par cas, et toujours en étroite concertation avec les élus locaux et les autorités administratives et judiciaires.
Nous le savons, la dissolution d’une brigade de gendarmerie peut être vécue comme un renoncement ou un abandon de l’État. Toutefois, il s’agit en fait d’une adaptation indispensable visant à limiter au maximum les charges administratives pesant sur nos gendarmes. La création d’unités plus importantes permet alors de démultiplier la présence de la gendarmerie sur le terrain pour être aux côtés des élus locaux. L’objectif est donc clair : préserver la qualité de la relation qu’entretiennent les policiers et les gendarmes avec les élus et la population et proposer en permanence un véritable service de proximité. En témoigne d’ailleurs la création, chaque année depuis 2013, de 500 postes de gendarmes et de policiers supplémentaires, ainsi que les plans nationaux mis en œuvre en matière de lutte contre les cambriolages ou les vols et trafics de véhicules et de pièces détachées.
Permettez-moi de revenir tout particulièrement sur le plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée lancé en septembre 2013.
Le dispositif mis en place par la gendarmerie pour occuper le terrain dans les plages horaires particulièrement criminogènes a rapidement prouvé son efficacité. L’effort combiné des escadrons de gendarmerie mobile et des pelotons de réservistes déployés dans les départements les plus touchés, associé aux actions de prévention engagées en partenariat avec les élus et l’ensemble des acteurs de sécurité comme les polices municipales, ont permis de confirmer cette dynamique. Parallèlement, de nombreuses enquêtes diligentées par les unités territoriales, en lien régulier avec l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante, ont abouti ces derniers mois au démantèlement de plusieurs structures criminelles organisées, spécialisées dans les cambriolages en série qui pouvaient sévir sur l’ensemble du territoire national.
Ainsi, en 2014, les cambriolages dans la zone gendarmerie ont diminué de 4,8 %, une tendance qui s’est prolongée sur les cinq premiers mois de cette année, avec une baisse de 7,4 %. Cette évolution favorable concerne soixante-six départements métropolitains, dont celui de l’Ardèche, qui voit le nombre des cambriolages en zone rurale diminuer de près de 5 %.
Le Gouvernement reste mobilisé pour la sécurité de tous, en tous points du pays. Avec le ministre de l’intérieur, nous avons annoncé, lors du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu en mars dernier, la modernisation prochaine des conventions de coordination entre les polices municipales et la gendarmerie, pour toujours aller dans le sens d’une plus grande proximité et d’une meilleure efficacité, au service des habitants de nos territoires ruraux.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Je vous remercie de votre réponse tout à fait théorique, madame la ministre, à l’image de l’effectif théorique d’une brigade de gendarmerie !
Je ne conteste pas les chiffres que vous avez avancés quant à la baisse des statistiques de la délinquance. Permettez-moi seulement de vous rappeler que, lorsque les victimes de cambriolages habitent à quarante kilomètres de la gendarmerie la plus proche, sont âgées et ne disposent pas d’un moyen de transport, elles ne font pas l’effort de se déplacer pour porter plainte. Au regard des lois actuellement adoptées, je me demande si le Gouvernement aime vraiment les ruraux.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.