M. le président. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Tout d’abord, je remercie le groupe CRC et le groupe écologiste de nous avoir fait passer une si belle journée. Les communistes ont réclamé tout l’après-midi la suppression des armes pour les policiers et les Verts nous ont expliqué que l’on doit pouvoir entrer dans nos centrales nucléaires comme dans un moulin : cela en dit long sur l’état de nos institutions et de notre République !
En tout état de cause, je salue évidemment, comme la plupart d’entre vous, mes chers collègues, la présente proposition de loi qui vient enfin mettre un terme à la totale impunité qui régnait jusqu’à présent à l’égard les individus coupables d’intrusion dans les centrales nucléaires. Il est tout à fait extravagant que forces de sécurité et tribunaux manquent d’un cadre législatif pour punir les auteurs de tels actes.
Je rappelle, pour mémoire, que le 5 décembre 2011 neuf militants s’introduisaient dans la centrale de Nogent-sur-Seine : ils ont écopé pour ce délit de six mois de prison avec sursis. Le 15 juillet 2013, vingt-neuf militants de Greenpeace – les amis des Verts – franchissaient l’enceinte de la centrale de Tricastin : ils ont été punis de trois mois d’emprisonnement avec sursis. Le 18 mars 2014, cinquante-cinq militants encore de Greenpeace s’introduisaient dans la centrale de Fessenheim – 290 gendarmes ont été mobilisés : ils ont écopé de deux mois de prison et de 1 000 euros d’amende. Et j’en passe !
Ces condamnations dérisoires ne sont évidemment pas à la hauteur des enjeux. Depuis quelques années déjà, nous demandons, sur ce sujet comme sur d’autres, une plus grande sévérité envers ceux qui enfreignent la loi, prouvant ainsi la vulnérabilité de nos centrales. Devant la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale déclarait que c’était faute de dispositions juridiques appropriées que ses hommes ne pouvaient pas protéger efficacement nos centrales nucléaires !
Je tiens néanmoins à préciser que si cette proposition de loi va dans le bon sens – c’est assez rare pour être souligné –, elle n’aura pas d’effets révolutionnaires. Certes, elle semble être dissuasive à l’égard des individus qui auraient des velléités de pénétrer dans une centrale – je vous en prie, chers collègues, cessez d’employer le terme grotesque « lanceurs d’alerte », perle supplémentaire insupportable de la novlangue actuelle –, mais, parallèlement, les juges doivent faire preuve de plus de sévérité.
En revanche, pour ce qui concerne la question terroriste, les choses ne bougent pas du tout. Pourtant, c’est essentiellement de cela qu’il s’agit. La responsabilité de la sécurité nucléaire est partagée entre l’État et les opérateurs du secteur. Or si l’arsenal judiciaire s’adapte, il est aussi nécessaire que les centrales en fassent de même.
C’est la raison pour laquelle la question du survol aérien de nos centrales est un enjeu absolument majeur. Je regrette, pour ma part, que nous n’allions pas plus vite sur cette question. À l’heure de la haute technologie, il me semble nécessaire d’être plus réactifs en l’espèce. Le rapport demandé à l’article 2 de la présente proposition de loi nous permettra, je l’espère, d’avancer efficacement.
L’espace aérien au-dessus des centrales nucléaires est formellement réglementé. Le survol d’une centrale nucléaire, dans un périmètre de cinq kilomètres et en dessous de 1 000 mètres d’altitude, est strictement interdit. Le risque terroriste exige une protection importante de l’espace aérien des centrales, surveillé par l’armée de l’air dans le cadre d’un protocole avec EDF.
Mais, nous le savons, avec les drones, nous avons affaire à une technologie nouvelle qui bouscule la sécurité traditionnelle. Ce phénomène, malheureusement, prend de l’ampleur : le chiffre de soixante-sept survols illégaux a été avancé. Nous devons aller vite sur ce sujet avant que nous n’ayons à le regretter.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans un contexte particulier. Xavier Pintat l’a très bien expliqué, les centrales nucléaires sont évidemment des cibles pour des projets terroristes.
L’énergie nucléaire et sa production font partie des secteurs d’activités considérés comme d’importance vitale pour la France, notamment dans un contexte de raréfaction et de fluctuation des prix des ressources énergétiques fossiles. Dès lors, les centres nucléaires de production d’électricité, les CNPE, sont des sites stratégiques qui nécessitent une protection spécifique. Leurs accès sont très réglementés et leur survol par des aéronefs – cela vient d’être souligné – est strictement interdit.
Rappelons que la moitié de la population française vit à moins de quatre-vingts kilomètres d’un CNPE. La sécurité de ces sites est donc d’une importance capitale.
Dans un contexte national et international fortement marqué par la menace terroriste, la sécurité des CNPE et des installations nucléaires de base, les INB, est un enjeu primordial pour tous les opérateurs et acteurs du secteur.
D’ailleurs, j’attire votre attention sur une différenciation qu’il importe de prendre en compte. Si cette proposition de loi s’inscrit dans la volonté de renforcer la sécurité nucléaire dans sa globalité, il s’agit aussi d’adapter notre dispositif pénal et juridique à la multiplication des intrusions physiques illégales.
À cet égard, le rapport de Xavier Pintat est très clair. Il met en avant le décalage entre la gravité de ces intrusions dans l’enceinte des centrales nucléaires et la clémence des condamnations. Les amendes sont inférieures à 3 000 euros et s’accompagnent d’une peine d’emprisonnement avec sursis quasi systématique ou de la relaxe des prévenus. Il s’agit moins de laxisme que d’une inadéquation du dispositif pénal. Si ces intrusions sont motivées par un activisme politique destiné à dénoncer l’usage de l’énergie nucléaire, elles ont aussi pour objectif de démontrer les failles des systèmes de sécurité des centrales nucléaires. C’est l’un des leitmotiv de Greenpeace.
Donc, mes chers collègues, le vrai problème est la sécurisation des installations. Ce n’est pas la même chose que les problèmes inhérents à la sécurité nucléaire que certains ont évoqués, sécurité nucléaire qui est bien sûr essentielle. Il est grand temps d’embrasser la réalité et d’envisager le cas où ces intrusions pourraient être le fait de terroristes et non plus de militants très démonstratifs, transgressifs par rapport à la loi, voire agressifs, mais pacifiques dans leurs intentions.
Depuis 2009, ce sont les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie qui sont responsables des CNPE. La dernière loi de programmation militaire a rendu possibles quelques avancées, puisque son article 55 a permis au Gouvernement de légiférer par ordonnance et de créer un nouvel article L. 2215-10 dans le code général des collectivités territoriales. Mais le dispositif instauré, donnant compétence aux préfets pour réglementer la circulation et le stationnement autour des installations nucléaires, est largement insuffisant.
Il m’importe de rappeler fermement que les installations nucléaires civiles ne sont pas des sites de production énergétique classiques. Nous comprenons qu’elles soient la cause d’un militantisme politique. Elles en sont le sujet, mais en aucun cas elles ne doivent en être le moyen ! Les intrusions sont illégales et doivent faire l’objet d’une réponse judiciaire adaptée ainsi que d’une sanction pénale proportionnée.
Le groupe UMP se félicite du dispositif juridique créé par le présent texte grâce auquel les personnes chargées de la sécurité obtiendront de meilleures conditions de surveillance et donc d’intervention, le cas échéant. Ainsi, ces personnes pourront se concentrer sur l’essentiel : les intrusions potentielles d’individus véritablement malintentionnés et la menace terroriste. Il conviendra, d’ailleurs, certainement lors de l’examen d’une proposition de loi à la rentrée, de revenir sur le statut et les compétences des personnels de sécurité de ces installations.
Je souhaite maintenant dire à mon tour quelques mots sur la menace « dronistique ». Pour ce qui concerne les survols de drones, nous n’avons que peu d’informations. Les utilisateurs de ces appareils ne sont toujours pas identifiés et ces opérations sont non revendiquées.
En l’état, précisons-le, ces mini-drones civils ne nous apparaissent pas comme une menace réelle, même s’il faut apporter des réponses adaptées en la matière. Il n’en serait pas de même en cas de recours à des drones plus puissants de type tactique ou MALE, mais l’armée de l’air, dans le cadre de ses missions de police de l’air et de l’espace aérien français, a déjà prévu des réponses spécifiques pour ce type de survol.
Je constate que la présente proposition de loi n’élude pas ces drones. Le Gouvernement remettra au Parlement un rapport avant le 30 septembre prochain, et je sais tout le travail que réalise actuellement sur ce thème le SGDSN. Nous attendrons fermement ce rapport, d’autant qu’il complétera utilement celui de l’OPCST, présidé par Bruno Sido.
Publié au mois de novembre dernier, ce document dresse un premier bilan sur les drones et la sécurité des installations nucléaires. À ce sujet, je pense que nous pourrions intégrer un volet concernant les drones et un volet relatif à la spécificité des personnels de sécurité dans une même proposition de loi, afin d’être les plus efficaces possible.
Enfin, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur la cohérence de nos travaux. Entre le rapport du mois de novembre dernier et l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour réservé aux groupes, les délais étaient courts. Preuve en est, monsieur le secrétaire d’État, que nous cherchons à traiter chaque problème que soulève la sécurité nucléaire et à lui apporter une réponse législative : qu’il s’agisse d’intrusions physiques illégales ou de survols, nous souhaitons avancer et je sais que M. le rapporteur, Xavier Pintat, continuera à travailler sur le sujet.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le présent texte tel qu’il a été adopté par la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi que M. le rapporteur, Xavier Pintat, du travail qu’ils ont réalisé sur la présente proposition de loi. Je me réjouis bien entendu de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour réservé au groupe UMP : la sécurité, tant aux abords qu’à l’intérieur des installations civiles abritant des matières nucléaires, est en effet primordiale.
Ce sujet, souvent relayé par les médias, l’est plus encore depuis qu’ont eu lieu, à la fin de l’année dernière, des survols de drones non identifiés. Toutefois, ce phénomène, même s’il est récent et spectaculaire, ne doit pas nous faire oublier les enjeux actuels essentiels concernés par le texte qui nous est proposé.
Je tiens d’emblée à préciser que l’objet de notre débat n’est naturellement pas celui du recours à l’énergie nucléaire. Un débat sur ce thème serait certainement moins consensuel et relève du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que nous devrions examiner ultérieurement en nouvelle lecture. L’objet de la proposition de loi que nous examinons ce soir est simplement de pallier un vide juridique concernant les intrusions physiques illégales dans des installations abritant des matières nucléaires civiles.
Comme M. le rapporteur l’a expliqué, de telles intrusions comportent des risques tout à fait explicites, en particulier au moment où notre pays doit prendre en compte tous les paramètres et les impératifs inhérents à la lutte contre le terrorisme.
En qualité de coprésident de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, j’ai eu l’occasion, comme mes autres collègues composant la commission, de bien prendre la mesure de ces risques. De fait, il n’est point besoin d’être grand clerc pour imaginer avec quelle acuité les différents responsables chargés de la sécurisation des sites sont amenés aujourd’hui à faire face à l’éventualité d’une attaque terroriste.
Dans ce contexte de tensions accrues, leur tâche doit être facilitée, afin de leur permettre une meilleure appréhension et identification des risques, des personnes concernées, ainsi qu’une meilleure appréciation des motivations, s’il en est, de celles et ceux qui se livrent à de telles intrusions. D’ailleurs, l’une des revendications des militants antinucléaires lorsqu’ils pénètrent dans les installations nucléaires est précisément d’en dénoncer la facilité d’accès et d’en souligner les risques. C’est assurément un sujet sur lequel il faut encore travailler, c’est le moins que l’on puisse dire.
Sur ce point, permettez-moi d’ajouter que les opérateurs doivent prendre toutes leurs responsabilités pour faire en sorte que les intrusions ne soient tout simplement matériellement plus possibles, du moins pas aussi faciles.
Pour l’heure, en tant que membre de la commission des lois, c’est sur le volet strictement juridique que je voudrais insister. En effet, du point de vue du droit, la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement est totalement paradoxale. Avec cinquante-huit réacteurs et dix-neuf centres nucléaires de production d’électricité, la France est l’un des leaders mondiaux du nucléaire civil. Pourtant, son dispositif de protection juridique est inadapté et incomplet.
Face aux nombreuses intrusions physiques illégales, les exploitants des sites n’ont que peu de recours juridiques. Alors que ces sites sont considérés comme stratégiques, les personnes entrées illégalement ne sont poursuivies que pour violation de domicile, cela a été dit. Les suites judiciaires et les condamnations qui en résultent surprennent par leur disproportion au regard des conséquences que comportent de telles intrusions. Dans la plupart des cas, les peines prononcées n’excèdent pas six mois de prison avec sursis - et six mois, c’est souvent beaucoup.
Je le répète, ces intrusions physiques comportent d’importants risques, pour ceux qui les commettent, certes, mais aussi pour les personnels civils et militaires des sites, dont on parle moins.
Par ailleurs, nul ne peut dire qu’une tentative d’intrusion de deux cents militants, comme ce fut le cas pour le CNPE de Gravelines en 2012, ne perturbe pas les conditions de fonctionnement des installations. Un tel acte n’est donc pas non plus sans incidence pour les collectivités locales concernées et leur population ; il s’agirait, là aussi, de ne pas l’oublier.
En qualité de sénateur alsacien plus particulièrement intéressé par la centrale de Fessenheim - mais je ne suis pas le seul, puisque René Danesi est également présent ce soir -, permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler l’intrusion l’année dernière de cinquante-cinq militants, une action nautique et le déplacement de banderoles sur le dôme d’un réacteur de cette centrale. Il est clair que ces actions ressemblent plus à des coups de force qu’à des manifestations pacifiques. En réalité, il s’agit là non plus d’une forme de liberté d’expression, mais bien, j’ose le dire, d’un activisme politique musclé.
Pourtant, je voudrais le souligner, la présente proposition de loi n’est pas dirigée contre les militants antinucléaires, comme on l’a entendu dire tout à l’heure. Elle est une simple réponse législative à l’utilisation de méthodes illégales. Pour les législateurs que nous sommes, cette différence doit assurément être posée.
La liberté d’expression et de manifestation est un droit inaliénable de notre République – des orateurs précédents l’ont dit –, constitutionnellement reconnu et protégé, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir à l’heure où ces droits sont bafoués dans de nombreux pays. Cependant, en aucun cas le droit à manifester ne peut comporter le droit de s’introduire illégalement dans quelque établissement que ce soit. La liberté de manifester doit s’exercer naturellement dans le cadre de la loi ; cet autre principe fondateur vaut pour tous, peu importe la cause défendue.
Dans des pays aux parcs nucléaires moins développés, la législation est beaucoup plus claire et adaptée aux risques.
Au Canada, vous le savez, en application de l’article 51 de la loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, les amendes peuvent atteindre un million de dollars et, le cas échéant, cinq ans d’emprisonnement. Le code criminel prévoit même une incarcération allant jusqu’à dix ans.
Au Royaume-Uni, l’intrusion sur un site est punie de cinquante et une semaines d’emprisonnement, d’une amende de 5 000 livres.
Enfin, aux États-Unis, le caractère dissuasif de la réglementation repose moins sur le dispositif pénal que sur les modalités d’emploi des armes à feu par les forces de sécurité. En soi, cela peut être éventuellement plus dissuasif qu’une amende ou une peine de prison.
À la lumière de ce qui existe à l’étranger, vous me permettrez de penser, mes chers collègues, que le dispositif qui nous est proposé est équilibré, M. le secrétaire d’État l’a souligné tout à l’heure. La création d’un régime spécifique me paraît également cohérente. Ainsi, je me félicite d’observer la mise en place de « peines de base » qui seront complétées par des peines plus sévères répondant à divers niveaux de circonstances aggravantes. Je voudrais saluer tout particulièrement la mise en place de ces différents niveaux de peine qui traduit bien la volonté d’une réponse adaptée et proportionnée.
Pour toutes ces raisons à la fois d’opportunité mais également de contenu du dispositif proposé, je vous suggère, mes chers collègues, de soutenir avec nous cette proposition de loi. En tout état de cause, les membres de l’UMP vous remercient du temps que vous avez consacré à l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires
Article 1er
(Non modifié)
La sous-section 3 de la section 1 du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la défense est ainsi modifiée :
1° Le paragraphe 2 est complété par des articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18 ainsi rédigés :
« Art. L. 1333-13-12. – Est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 € le fait de s’introduire, sans autorisation de l’autorité compétente, à l’intérieur des locaux et des terrains clos délimités pour assurer la protection des établissements ou des installations abritant des matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion ou des matières nucléaires dont la détention est soumise à l’autorisation mentionnée à l’article L. 1333-2.
« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable aux terrains et constructions affectés à l’autorité militaire ou placés sous son contrôle, mentionnés à l’article 413-5 du code pénal.
« Les limites des locaux et des terrains clos mentionnés au même premier alinéa sont fixées dans des conditions prévues par décret. Elles sont rendues apparentes aux frais de la personne morale exploitant les établissements ou installations concernés.
« Art. L. 1333-13-13. – Le fait de provoquer, d’encourager ou d’inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à commettre l’infraction définie à l’article L. 1333-13-12, lorsque ce fait a été suivi d’effet, est puni des peines prévues pour cette infraction.
« Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas suivis d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur, les peines sont de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.
« Art. L. 1333-13-14. – L’infraction définie à l’article L. 1333-13-12 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende :
« 1° Lorsqu’elle est commise en réunion ;
« 2° Lorsqu’elle est commise par une personne qui prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ;
« 3° Lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, de dégradation ou de détérioration.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les faits sont commis dans deux des circonstances prévues au présent article.
« Art. L. 1333-13-15. – L’infraction définie à l’article L. 1333-13-12 est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende :
« 1° Lorsqu’elle est commise soit avec usage ou menace d’une arme, soit par une personne porteuse d’une arme soumise à autorisation, à déclaration ou à enregistrement ou dont le port est prohibé ;
« 2° Lorsqu’elle est commise en bande organisée.
« Art. L. 1333-13-16. – La tentative des délits prévus aux articles L. 1333-13-12, L. 1333-13-14 et L. 1333-13-15 est punie des mêmes peines.
« Art. L. 1333-13-17. – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions définies aux articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-15 encourent les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
« 2° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ;
« 4° L’affichage et la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal ;
« 5° L’interdiction de séjour, prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-31 du même code ;
« 6° L’interdiction du territoire français, prononcée dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 dudit code.
« Art. L. 1333-13-18. – Les personnes morales coupables de l’une des infractions définies aux articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-15 du présent code encourent, outre une amende calculée en application de l’article 131-38 du code pénal, les peines mentionnées aux 8° et 9° de l’article 131-39 du même code. » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 1333-13-7 et L. 1333-13-8, la référence : « au présent paragraphe » est remplacée par les références : « aux articles L. 1333-9 et L. 1333-11 à L. 1333-13-6 » ;
3° L’article L. 1333-14 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « applicables aux » sont remplacés par les mots : « applicables lorsque sont en cause des » ;
b) Le second alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « applicables aux » sont remplacés par les mots : « applicables lorsque sont en cause des » ;
– le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les limites qu’ils fixent, les articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18 sont également applicables lorsque sont en cause des matières nucléaires mentionnées au premier alinéa du présent article. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. La loi prévoit déjà qu’il soit interdit d’entrer dans les centrales nucléaires. La présente proposition de loi, sous couvert d’un renforcement de la sécurité des installations civiles abritant des matières nucléaires, vise en réalité à criminaliser les militants en prévoyant des peines extrêmement lourdes. La réécriture complète de ce texte lors de son examen par la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a mené à une stigmatisation d’un certain type de militantisme.
Qui peut légitimement croire que les peines prévues dissuaderont les terroristes les plus déterminés ? Par essence, l’action terroriste n’a que faire des peines encourues. Résolus et par nature indifférents aux sanctions, souvent prêts à mener ces actions au péril de leur vie, les terroristes sont peu sensibles à la répression pénale.
L’objet de l’article 1er est donc non pas tant de dissuader une éventuelle menace que de réprimer très sévèrement les actions militantes qui démontrent la porosité de certaines de ces installations. Plutôt que de renforcer effectivement la sécurité, il est proposé de s’attaquer à ceux qui en révèlent les failles.
La finalité réelle, à savoir cibler les actions militantes, rend cet article inique. Celui-ci ne répond ainsi en rien aux réels enjeux liés à la sécurité des installations nucléaires. En conséquence, nous en proposons la suppression pure et simple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Xavier Pintat, rapporteur. La suppression de l’article 1er anéantirait l’objet même de la proposition de loi. S’il est vrai que les sanctions ne dissuaderont pas les terroristes éventuels, elles caractériseront en revanche l’intrusion malveillante. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l’adoption de cet amendement, qui touche au cœur du texte.
Il faut considérer celui-ci pour ce qu’il est : il n’est pas acceptable de dire qu’il aurait pour unique objet de sanctionner des militants ou des lanceurs d’alerte et qu’il ne serait pas opérationnel au motif qu’il n’empêcherait pas les terroristes d’agir. Mais qui a dit le contraire ?
Le raisonnement est faux ! C’est justement pour être plus efficace dans la lutte contre le terrorisme, face à un danger reconnu sur toutes les travées de cet hémicycle, qu’il faut écarter ces actions de citoyens – elles sont extrêmement difficiles à gérer pour les forces de sécurité – qui ont imaginé d’exprimer leur opposition à l’énergie nucléaire – ils ont tout à fait le droit d’y être opposés – non pas par des manifestations dans la rue, des rassemblements ou des pétitions, mais par une occupation illégale des lieux dans lesquels est produite cette énergie.
Dans un certain nombre de circonstances, les mêmes en appellent au droit pénal avec beaucoup de conviction afin d’éviter des errements. Ainsi, je me souviens d’un débat concernant les parcs nationaux au cours duquel on m’avait expliqué qu’il fallait prévoir une sanction pénale à l’encontre des chasseurs pour les dissuader d’y pénétrer. Je partageais plutôt ce point de vue.
On ne peut pas, un jour, s’élever contre la pénalisation, et, le lendemain, se servir de la sanction pénale comme d’un outil de dissuasion légitime ayant toute sa place dans l’arsenal d’un pays démocratique.
Cette proposition de loi n’a pas d’autre objectif que de protéger nos centrales contre le risque terroriste dans la situation particulière que nous connaissons aujourd’hui. Nous n’avons pas de dispositif pénal approprié, et tout l’intérêt de l’article 1er de ce texte est de répondre à cette lacune. J’en profite pour saluer le rapporteur, Xavier Pintat, et le travail qu’il a effectué.
La discussion générale a montré que ce texte recueillait un large consensus républicain. Il ne faut pas se tromper sur son objectif, lequel, me semble-t-il, devrait nous rassembler plutôt que nous entraîner dans un débat que ne souhaitent pas les auteurs de la proposition de loi, non plus que le Gouvernement, qui la soutient.