Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous sommes tout à fait prêts à être constructifs afin de prendre en compte les préoccupations exprimées par Jean-Yves Leconte et par Valérie Létard. Cela implique un travail rédactionnel fin. Je propose donc une suspension de séance de quelques minutes. À défaut, mon cabinet pourrait retravailler sur le sujet avec les parlementaires concernés ; dans ce cas, nous examinerions à nouveau l’amendement après qu’il aurait été rectifié pour correspondre aux préoccupations de tous.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’étais l’un des corapporteurs du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat. Par pitié, ne rajoutez pas constamment des obligations de désignation de parlementaires appelés à siéger dans des organismes ! Les parlementaires désignés ne peuvent pas forcément remplir leur office, de sorte que le bilan de la présence des parlementaires dans les organismes où le Parlement est représenté n’est pas toujours très glorieux…
Il faut essayer de trouver une solution pour que les désignations ne concernent que des organismes où les parlementaires siègent réellement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je partage totalement votre préoccupation, monsieur le sénateur, mais il ne s’agit pas d’ajouter une représentation parlementaire : cette représentation existe déjà. Nous refusons de priver les parlementaires de prérogatives qui leur sont actuellement reconnues. Vous pourriez nous le reprocher ! (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Leconte, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le ministre et de répondre également au souhait de Mme Létard ?
M. Jean-Yves Leconte. Je suis d'accord pour tenter de trouver un équilibre prenant en compte les différents souhaits, madame la présidente.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie d’un amendement n° 82 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2°bis Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président de l'Assemblée nationale pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente de l'Assemblée nationale à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
« 3° Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président du Sénat pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente du Sénat à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
II Alinéa 7, au début
Remplacer le mot :
Huit
par le mot :
Neuf
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. À l’issue de nos précédents échanges, j’ai donc décidé de rectifier mon amendement pour satisfaire l’ensemble des intervenants.
Aux termes de l’amendement n° 82 ainsi rectifié bis, le conseil d’administration de l’OFPRA comprendra quatre personnalités qualifiées, au lieu de trois dans le texte de la commission, nommées selon la procédure décrite par l’amendement. Par ailleurs, pour assurer l’équilibre, il y aurait neuf représentants du Gouvernement.
Cela étant, madame la présidente, je retire l’amendement n° 77 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 77 rectifié est retiré.
Madame Létard, qu’en est-il de l’amendement n° 27 ?
Mme Valérie Létard. Je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 27 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 82 rectifié bis ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois émet un avis favorable sur ce nouvel amendement n° 82 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 81 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 6
L’article L. 722-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « ainsi que, dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d’origine sûrs, mentionnés au 2° de l’article L. 741-4. Il » sont remplacés par le mot : « et » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence généralisée dans des situations de conflit armé international ou interne.
« Le conseil d’administration fixe la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs, dans les conditions prévues à l’article 37 et à l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.
« Il veille à l’actualité et à la pertinence des inscriptions. Il radie de la liste les pays ne remplissant plus les critères mentionnés au douzième alinéa et peut, en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l’inscription.
« Saisi par les présidents des commissions chargées des affaires étrangères et des commissions chargées des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, des associations de défense des droits de l’homme, des associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, des associations de défense des droits des femmes ou des enfants, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, le conseil d’administration peut inscrire ou radier un État sur la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs. »
3° (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 165, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Avec cet amendement, nous souhaitons ôter de la législation française la notion de pays d’origine sûr, introduite par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. En septembre 2014, dix-sept pays figuraient sur cette liste, établie par le conseil d’administration de l’OFPRA.
Les décisions d’inscription sur cette liste, souvent plus guidées par des préoccupations de gestion de flux de demandeurs d’asile que par le respect des droits de l’homme, ont fait l’objet de nombreux contentieux. En effet, les neuf listes successivement adoptées depuis leur institution en 2005 ont fait l’objet de six reprises, et ont donné lieu à cinq annulations, en tout ou partie, par le Conseil d’État.
De plus, au-delà de la fluctuation de la liste, nous déplorons l’interprétation subjective de cette notion, comme en témoigne l’absence de liste européenne commune aux différents États membres.
Par ailleurs, la catégorie des pays d’origine sûrs entraînant une appréciation des demandes d’asile qui diffère selon la nationalité des demandeurs, la loi française introduit donc une discrimination en raison de la nationalité et entre par conséquent en contradiction avec l’article 3 de la convention du 28 juillet 1951 relatif au statut des réfugiés, qui prohibe toute discrimination à raison de la nationalité.
Enfin, l’application de cette notion revient à tirer les conséquences d’une situation générale d’un État donné pour l’examen d’une situation individuelle, alors même que la demande d’asile repose sur une appréciation avant tout individualisée de la situation de chacune des personnes demandeuses, de ses craintes de persécution ou d’atteintes graves en cas de renvoi dans son pays d’origine.
Ainsi, la notion de pays d’origine sûr réduit sérieusement les chances d’obtenir l’asile et participe de l’accélération des procédures d’examen des demandes, en évacuant les dimensions singulières propres à chaque cas individuel, qui devraient pourtant rester au cœur des procédures.
À l’instar de diverses instances internationales, avec, en tête, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, nous sommes fortement opposés à cette notion et souhaitons son retrait du texte. Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à remettre en cause l’existence même d’une liste des pays d’origine sûrs au motif que le placement en procédure accélérée de la demande d’asile émanant du ressortissant d’un pays d’origine sûr en vertu de la loi conduirait à nier le principe de l’examen individuel d’une demande d’asile.
Le V de l’article L. 723-2, dans sa rédaction issue de l’article 7 du projet de loi, réaffirme pourtant le principe de l’examen individuel d’une demande d’asile, en précisant que cela vaut tout particulièrement pour une demande d’asile émanant d’un ressortissant d’un pays d’origine sûr, puisque l’OFPRA peut également, dans cette hypothèse, décider à tout moment d’instruire la demande selon la procédure normale.
Il n’y a donc pas d’obligation, pour l’OFPRA, de traiter la demande d’une personne ressortissant d’un État d’origine sûr suivant la procédure accélérée. L’OFPRA peut parfaitement décider de traiter la demande au bénéfice de la procédure normale.
Aussi, à mon sens, il est absolument nécessaire de maintenir cette liste.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne reviens pas sur l’objet de l’amendement, qui a été expliqué très clairement par Mme Cukierman.
Je ne suis pas favorable à cette proposition sur le fond, car je n’ai pas été convaincu par l’argumentation qui vient d’être développée.
D’abord, je veux rappeler que le projet de loi a pour objet de rénover de façon significative le dispositif des pays d’origine sûrs, la définition étant plus exigeante que celle du droit actuel s’agissant de la stabilité politique et démocratique, ainsi que du respect effectif des droits de l’homme dans le pays considéré.
Cette définition est strictement conforme à nos obligations européennes et elle est de nature à éviter toute inscription contestable sur la liste des pays d’origine sûrs.
Par ailleurs, le texte introduit l’obligation, nouvelle, de veiller de façon permanente à l’actualité et à la pertinence des inscriptions, ainsi qu’un mécanisme de suspension en cas d’évolution rapide et incertaine dans un pays.
En outre, des modifications substantielles ont été apportées pour renforcer considérablement l’objectivité et l’impartialité du processus d’adoption de la liste des pays d’origine sûrs.
Enfin, les changements apportés à la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, le droit ouvert aux personnalités qualifiées de se prononcer sur l’inscription sur la liste des pays d’origine sûrs ou, au contraire, sur la radiation de la liste, ainsi que l’ouverture d’une possibilité de saisine du conseil d’administration au bénéfice d’autorités ou d’associations prévues à l’alinéa 7 vont indéniablement dans ce sens.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de minorer considérablement les garanties données, ce qui ne peut recevoir notre approbation, car nous souhaitons justement qu’elles soient maximales.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il est indispensable de rappeler en préambule que ce projet de loi vise à donner les mêmes garanties à tous les demandeurs, considérés de manière individuelle. Qu’ils fassent l’objet d’une procédure accélérée ou d’une procédure normale, ils ont droit aux mêmes prestations et à un recours suspensif. Il s’agit d’une nouveauté par rapport à ce qui avait cours jusqu’à présent.
Par conséquent, le fait, pour un demandeur, d’être originaire d’un pays d’origine sûr ne veut pas dire que ses droits seront minorés.
En revanche, nous le savons, il est des pays dont les ressortissants sont quasiment tous en danger lorsqu’ils s’y maintiennent. Chacun comprend bien que nous ne pouvons pas traiter de la même manière une demande émanant d’un ressortissant japonais et celle qui est présentée par un Syrien. À ceux qui ont un besoin impérieux d’être protégés, nous devons être en capacité de répondre rapidement. Il est donc logique de mettre en place une procédure permettant d’orienter les dossiers, tout en respectant les droits dans chaque cas.
En outre, le conseil d’administration de l’OFPRA, dont la composition a été rééquilibrée, comme nous venons de le voir, doit veiller à ne pas prendre de décision inadéquate en plaçant sur la liste des pays d’origine sûrs des pays qui représenteraient un danger pour certains de leurs ressortissants.
Enfin, je rappelle que, sur cette question, l’Union européenne a encore beaucoup de chemin à faire. Le droit européen reconnaît en effet la notion de pays d’origine sûr, mais chaque pays européen a sa propre définition. Compte tenu des enjeux actuels pour l’Europe, il me semble qu’il vaut mieux défendre ce principe et avoir des discussions avec nos partenaires pour qu’une liste existe à terme au niveau européen, plutôt que de la remettre en cause, ce qui reviendrait à remettre en cause l’ensemble du droit d’asile.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il faudra bien, un jour, remettre à plat la question des pays d’origine sûrs. On vient de nous le dire, suivant les pays, les gouvernements ou les périodes, la définition varie. En réalité, la limite entre l’immigration économique et le droit d’asile restera toujours floue, tant que l’on ne se décidera pas à donner une définition claire du droit d’asile et des pays qui en relèvent véritablement.
Permettez-moi de citer un exemple. En 2014, monsieur le ministre, le Gouvernement a considéré que les ressortissants du Kosovo ne relevaient plus automatiquement du droit d’asile, parce que des institutions démocratiques avaient été mises en place et que les populations ne faisaient plus l’objet de persécutions. Cette décision a d’ailleurs contribué à faire baisser le nombre des demandeurs d’asile, mais le Kosovo a fini par être retiré de la liste, en raison des recours engagés.
Cet exemple en dit long sur l’absence de critère objectif, en France et en Europe, permettant de définir les pays dont les ressortissants peuvent se revendiquer du droit d’asile. Si le Kosovo figure sur la liste ou en disparaît en fonction des recours des associations, c’est bien la preuve qu’il n’existe pas de critère objectif. Je comprends les explications de M. Leconte : je suis d’accord pour qu’une définition européenne soit établie, mais il faut que l’Europe se décide à dire ce qui relève du droit d’asile et ce qui n’en relève pas. Ce non-dit constant est insupportable, parce qu’il crée une incertitude totale.
Je suis très attaché au droit d’asile et je ne veux pas qu’il soit dilué, c’est pourquoi il faut adopter une définition claire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je serais plutôt enclin à suivre votre raisonnement, monsieur le sénateur. Je souhaite cependant faire le point sur le cas du Kosovo.
Le Gouvernement avait demandé l’inscription du Kosovo sur la liste des pays d’origine sûrs, parce qu’il pensait que, compte tenu de l’évolution de la situation politique, les conditions étaient réunies. Un recours a été engagé devant le Conseil d’État, qui a annulé la décision du conseil d’administration de l’OFPRA. Ce n’est donc pas le Gouvernement qui a retiré le Kosovo de la liste, mais le Conseil d’État.
En effet, sur le plan conventionnel, le fait qu’un recours soit intenté devant une juridiction contre la liste des pays d’origine sûrs est une garantie que nous devons respecter. Par conséquent, au regard des règles européennes, nous n’avons pas d’autre choix que de laisser statuer une instance juridictionnelle, dûment saisie par des associations, sur l’opportunité d’inscrire ou non un pays sur cette liste.
Quoi qu’il en soit, la position du Gouvernement reste la même. Il considère que le Kosovo doit désormais figurer sur la liste des pays d’origine sûrs, le Conseil d’État estime que les conditions ne sont pas réunies, mais nous continuerons à discuter de ce sujet.
Mme la présidente. L’amendement n° 55, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
uniformément
insérer les mots :
pour les hommes comme pour les femmes
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à revenir sur une suppression opérée par la commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, et qui nous semble résulter d’une mauvaise interprétation de l’article 6.
Si cet amendement n’est pas adopté, nous aurons au moins eu l’occasion d’une discussion nous permettant d’indiquer dans quel état d’esprit nous avons voté cet article.
La commission a supprimé les mots « pour les hommes et pour les femmes », sous prétexte que cette mention aurait un effet contraire à l’effet recherché, ce dont nous ne sommes pas convaincus. Avant la suppression opérée par la commission, le texte prévoyait que, pour entrer dans la catégorie des pays d’origine sûrs, il devait être démontré qu’un pays ne recourt jamais ni à la persécution ni à la torture, respectivement à l’égard des hommes et des femmes. Le texte requérait donc que la démonstration du non-recours à la persécution ou à la torture soit faite, à la fois, pour les hommes et pour les femmes. En conséquence, en posant cette double exigence pour qu’un pays figure sur la liste des pays d’origine sûrs, le texte du projet de loi était plus protecteur.
La situation actuelle confirme d’ailleurs la nécessité de faire figurer dans le projet de loi cette double exigence. En effet, il peut arriver que les décisions du conseil d’administration de l’OFPRA concernant l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs ne semblent pas tenir compte de la situation des femmes dans un certain nombre de pays. Ainsi, le Conseil d’État avait annulé, en juillet 2010, une décision du conseil d’administration de novembre 2009 ajoutant plusieurs pays à la liste des pays d’origine sûrs, dont le Mali. Cette liste a dû être révisée, puisque, si le Mali était à l’époque un pays d’origine sûr pour les requérants du sexe masculin, la forte prévalence des mutilations sexuelles féminines devait conduire à ne plus le considérer comme tel pour les femmes.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est nécessaire d’assortir le recours à la notion de pays d’origine sûr d’indicateurs ou de critères relatifs à la situation des droits des femmes, afin de ne pas oublier celles-ci lors de l’examen de la liste des pays d’origine sûrs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement prolonge un débat que la commission a eu en son sein sur le meilleur moyen d’assurer la protection des femmes.
Deux questions se posent. Vaut-il mieux laisser la faculté au conseil d’administration de l’OFPRA de ne considérer un pays comme sûr que pour ses ressortissants hommes, ce que permet le droit en vigueur et le texte de la commission ? Ou bien, comme le propose notre collègue Leconte, faut-il empêcher toute inscription d’un pays sur la liste des pays d’origine sûrs, dès lors que les droits des femmes n’y sont pas assurés ?
Mme Éliane Assassi. Il y a bien un problème !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette seconde solution présente l’inconvénient de nous priver de cet outil à l’égard de certains pays, dont on sait pourtant pertinemment que les demandes d’asile émanant de ressortissants masculins masquent une immigration économique. C’est la raison pour laquelle la commission a préféré s’en tenir à l’état du droit et a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, parce qu’il est sensible à la nécessité de prendre en compte la situation particulière des droits des femmes dans certains pays lors de l’examen de la demande d’asile.
Mme Esther Benbassa. Nous sommes d’accord au moins sur ce point !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette préoccupation doit guider le conseil d’administration de l’OFPRA dans le cadre de ses délibérations sur l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit adopté.
Mmes Esther Benbassa et Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
inhumains ou dégradants
insérer les mots :
, qu’il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95/UE
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a pour objet de préciser que la notion de pays d’origine sûr doit prendre en compte le risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95 de l’Union européenne, qui mentionne également la peine de mort.
Cet amendement est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à la jurisprudence constante du Conseil d’État. Par exemple, dans un arrêt du 19 novembre 2009, Kaboulov contre Ukraine, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé l’interdiction pour les États parties d’extrader une personne si elle est « exposée à un risque réel d’être passible de la peine capitale dans l’État de réception ».
Bien que la jurisprudence prenne en compte ce critère de manière constante, il semble important de le consacrer au niveau législatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le texte adopté par la commission tient compte de la demande formulée par nos collègues, puisqu’il mentionne les « peines ou traitements inhumains ou dégradants », ce qui inclut la peine de mort.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. La loi transpose la directive qui répond à vos préoccupations, monsieur le sénateur, et vous donne donc satisfaction. Je vous suggère également de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 23 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 est retiré.
L’amendement n° 227, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Remplacer le mot :
douzième
par le mot :
huitième
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
et du Sénat,
insérer les mots :
soixante députés ou soixante sénateurs,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 4 et 5.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
et du Sénat,
insérer les mots :
le président d’un groupe parlementaire,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le groupe RDSE est favorable à l’établissement d’une liste de pays d’origine sûrs, comme moyen de rationalisation des flux de demande, dans la mesure où cette liste ne porte pas atteinte au droit des demandeurs d’asile d’être entendus.
L’établissement de cette liste de pays d’origine sûrs doit faire l’objet d’une actualisation en temps réel, de manière à réagir aux événements dans ces pays. Ainsi, les présidents des commissions chargées des affaires étrangères et des commissions chargées des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, les associations de défense des droits de l’homme, les associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile et les associations de défense des droits des femmes ou des enfants pourront saisir le conseil d’administration de l’OFPRA d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un État sur cette liste.
Le groupe RDSE propose qu’un président de groupe parlementaire, mais aussi soixante députés ou soixante sénateurs – sur le modèle de l’article 61 de la Constitution –, puissent également saisir le conseil d’administration. Il s’agit d’ouvrir les conditions de la saisine, afin de garantir l’actualité de la liste des pays d’origine sûrs au vu de l’importance qu’elle revêt.