Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chose relativement rare dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, nos critiques s’adresseront non pas au Gouvernement, mais à la majorité sénatoriale, puisque cet article a été ajouté par la commission spéciale sur l’initiative de la corapporteur.
La droite saisit ici l’occasion de revenir sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Chacun se souvient des débats passionnés auxquels a donné lieu l’instauration de ce dispositif, pourtant outil de justice permettant à celles et ceux qui ont exercé un métier dit « pénible », de partir plus tôt à la retraite. La droite s’était en effet, à l’époque, fortement mobilisée contre cette mesure.
Il est intéressant de remarquer que les dispositifs se voient reprocher d’être des « usines à gaz », d’être trop difficiles à appliquer quand il s’agit de l’intérêt des salariés et que la question ne se pose pas pour des dispositifs destinés, par exemple, à exonérer les entreprises de cotisations sociales.
Bref, cet article tend à supprimer la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité, au motif que les entreprises ne disposeraient pas des moyens humains pour la remplir et la maintenir à jour.
Cependant, chers collègues, comment envisager le compte pénibilité sans cette fiche individuelle permettant de faire réellement le point sur la situation de chaque salarié ? Sous prétexte de complexité, en supprimant cette disposition, vous affaiblissez évidemment l’ensemble du compte pénibilité.
Vous souhaitez également, par cet article, limiter considérablement la portée du compte en ne retenant que trois facteurs de pénibilité, là encore en arguant que les autres ne seraient pas suffisamment faciles à mesurer.
Je l’ai dit au début de mon propos, nos critiques s’adressent avant tout à la majorité sénatoriale ; du reste, un amendement allant dans le même sens que le nôtre a été déposé par nos collègues socialistes. Néanmoins, des déclarations récentes du ministre du travail et du ministre de l’agriculture nous font éprouver quelques craintes. En effet, le jeudi 9 avril, François Rebsamen, devant les adhérents de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, a tenu des propos laissant entendre qu’il envisageait un abandon partiel du compte pénibilité et, plus précisément, la suppression de la fiche individuelle. On nous a affirmé que c’était un malentendu, mais Stéphane Le Foll a confirmé, quelques jours plus tard, les propos de son collègue.
Nous voudrions donc obtenir quelques précisions, monsieur le ministre, pour connaître la position réelle du Gouvernement. Considère-t-il qu’il faut effectivement supprimer ces fiches individuelles ?
Notre position, quant à elle, est claire et cohérente : nous sommes favorables à ces fiches.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 630.
Mme Nicole Bricq. Nous en arrivons à la deuxième bête noire de la droite : le compte pénibilité. La première, je le rappelle, était l’information des salariés en cas de possible reprise de l’entreprise.
Vous avez choisi, avec votre majorité, madame la corapporteur, de supprimer la fiche individuelle et vous avez réduit la prise en compte de la pénibilité à trois facteurs, ainsi que nos collègues du groupe CRC viennent de l’expliquer. Ce faisant, vous ne prenez pas en considération les autres facteurs déjà recensés par le décret du 9 octobre 2014.
Notre amendement vise à supprimer la disposition que vous avez introduite pour deux raisons.
Le Gouvernement a compris que ce compte pénibilité n’était pas facile à mettre en œuvre, trop tatillon, difficile à appliquer par les PME. Il a donc confié à M. Christophe Sirugue, député, et à M. Gérard Huot, chef d’entreprise, une mission sur le sujet. Un rapport sera rendu en juin 2015, donc dans un mois ; il comportera des propositions moins ciblées et plus faciles à mettre en œuvre sur l’exposition à la pénibilité, préservant mieux l’équilibre entre sa définition et son suivi individualisé, tout en prenant en compte les appréciations collectives de la pénibilité.
Il nous paraît donc préférable d’attendre quelques semaines, soit le temps qui nous sépare de la publication de ce rapport, après quoi les partenaires sociaux pourront se prononcer.
Il n’est pas indispensable de recourir à une mesure législative dans ce domaine et je rappelle que le Gouvernement a promulgué un premier décret pour 2015 et qu’un deuxième décret est attendu pour 2016.
Voilà la première raison de notre proposition de suppression.
La seconde, c’est que plusieurs accords ont déjà été conclus dans des secteurs spécialement exposés, notamment aux troubles musculo-squelettiques. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, il n’est donc pas impossible de conclure des accords.
Dans la filière viande, où les travailleurs sont particulièrement exposés, un accord a été signé en février. Cet accord prend non seulement en compte les contraintes temporelles, mais aussi les efforts physiques, l’exposition au bruit et aux produits de nettoiement et les risques psycho-sociaux. Il comporte également des mesures de prévention, de développement des compétences pour accéder à des fonctions moins pénibles et de compensation de la pénibilité par l’accès au temps partiel.
D’autres secteurs, comme les transports ou la santé, peuvent mettre en place de tels accords.
Ce qui est en jeu, avec ce compte pénibilité, c’est l’adaptation des postes de travail, une meilleure ergonomie, des durées de travail adaptées : les postes de travail doivent évoluer, et c’est possible !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis de la commission spéciale est évidemment défavorable.
Si nous avons souhaité revenir sur le compte de prévention de la pénibilité et sur la fiche individuelle, ce n’est nullement parce que ce serait une obsession de la droite ; c’est parce que, sur le terrain, les chefs de petites ou très petites entreprises et les agriculteurs ont fait valoir que certains critères étaient ubuesques. D’ailleurs, lors de la discussion du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, j’avais défendu, au nom du groupe UMP, la suppression du compte pénibilité.
Depuis, le Gouvernement a réalisé des avancées, après la remise de travaux de réflexion. C’est pourquoi je n’ai pas souhaité supprimer le compte, dans le cadre du présent projet de loi, mais seulement la fiche individuelle, tout en limitant les critères pris en compte à trois, assez simples.
Je rappelle que le compte personnel de prévention de la pénibilité a été institué par le Gouvernement sans qu’aucune concertation préalable avec partenaires sociaux ait été organisée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On en parle depuis des années !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sans remettre en cause le principe même de la prévention et de la compensation de la pénibilité, qui est issu de la loi Woerth de 2010, nous avons, avec cet article additionnel, corrigé deux des principaux défauts de ce dispositif.
Tout d’abord, nous avons supprimé la fiche individuelle de suivi des expositions, formalité bureaucratique impossible à remplir pour le dirigeant d’une PME.
Ensuite, dans l’attente du résultat des travaux de simplification et à titre conservatoire, nous avons recentré le compte sur les trois facteurs de pénibilité pour lesquels des seuils d’exposition opérationnels ont été définis – travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et travail en milieu hyperbare. Pour les autres facteurs, les modalités de mesure issues du décret du 9 octobre 2014 sont véritablement ubuesques.
C’est bien le cas quand, par exemple, les postures pénibles sont ainsi définies : « maintien des bras en l’air à une hauteur située au-dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés au moins 900 heures par an ». Lorsque vous expliquez cela à un citoyen lambda normalement constitué, cela le fait beaucoup rire. Les seuls que cela ne fait pas rire, ce sont les chefs d’entreprise ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Catherine Génisson. Les gens qui travaillent dans de telles positions, cela ne les fait pas rire non plus, croyez-moi !
Mme Nicole Bricq. Et les chauffeurs-livreurs, comment travaillent-ils ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comment voulez-vous qu’un chef d’entreprise puisse compter pendant combien d’heures par an ses salariés effectuent une torsion du torse à 30 degrés ?
Mme Dominique Gillot. Ils doivent le savoir !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais non ! Comment vont-ils vérifier que leurs salariés sont le torse fléchi à 45 degrés plus ou moins de 900 heures par an ?
Si le compte de pénibilité est aussi génial que vous le prétendez, pourquoi ne s’applique-t-il pas à la fonction publique ? Appliquez-le donc d’abord aux agents de la fonction publique ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas un argument !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Bien sûr que si ! Pourquoi ne s’applique-t-il qu’aux entreprises du secteur privé ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour que ces salariés puissent prendre leur retraite avant les autres !
Mme la présidente. Mes chers collègues, la parole est à Mme la corapporteur et à elle seule !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous n’allons pas recommencer ce débat !
Pour ces autres critères, nous souhaitons que le Parlement soit mis en mesure d’évaluer leur redéfinition avant de les inscrire dans la loi.
Il est vrai que des travaux de réflexion sur le sujet ont été engagés, notamment dans le cadre de la mission confiée à MM. Sirugue et Huot. Cet article 97 quinquies ne marque pas le rejet de principe du compte pénibilité puisque nous ne connaissons pas encore leurs conclusions. Nous serons tout à fait prêts à les examiner lors de prochaines échéances législatives, comme l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, afin que les droits des salariés soient garantis, sans pour autant placer les employeurs devant des difficultés insurmontables et les confronter à un risque contentieux inacceptable.
Nous ne sommes donc pas pressés, mais, à certains moments, des signaux doivent être donnés !
Plusieurs ministres ont d’ailleurs récemment pris publiquement position dans le sens de notre article 97 quinquies, nos collègues du groupe CRC y ont fait allusion. Ainsi, Carole Delga, tout d’abord, a rappelé l’engagement du Président de la République de mettre en place un dispositif « pragmatique et simple ». Puis notre ancien collègue François Rebsamen a laissé entendre que la fiche individuelle de pénibilité et les critères inapplicables pourraient être supprimés. Il ne s’agit pas de personnalités de droite, que je sache ! Enfin, Stéphane Le Foll, porte-parole du Gouvernement, dans une interview à la radio, le 12 avril dernier, a estimé que, « si l’on veut que ce compte s’applique », les fiches individuelles devaient être supprimées.
C’est exactement ce que nous proposons. Alors, pourquoi attendre ?
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La création du compte personnel de prévention de la pénibilité est intervenue dans le cadre de la réforme des retraites, ce qui explique d’ailleurs qu’elle ne concerne pas la fonction publique, qui n’entrait pas dans le champ de cette réforme. De toute façon, on le sait, la fonction publique n’est pas soumise au code du travail.
En octobre 2014, un aménagement réglementaire a permis, comme l’a reconnu Mme la corapporteur, d’améliorer plusieurs dispositifs.
La réflexion qui est en cours consiste à rendre applicables des droits qui sont ouverts. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable sur ces amendements de suppression, car il ne faut pas créer d’instabilité dans ce domaine.
La réforme du compte pénibilité a en effet ouvert des droits, parmi lesquels ceux qui concernent les principaux risques, c’est-à-dire les quatre premiers de la liste, sont ouverts depuis le 1er janvier 2015.
La difficulté qui se pose concerne la fiche individuelle. Le Gouvernement a reconnu à plusieurs reprises, ainsi que le Président de la République lui-même, le caractère complexe de ces fiches. Nous avons aussi confirmé que l’objectif de la réforme n’était pas de faire peser sur l’employeur une charge additionnelle, consistant à mesurer la pénibilité.
Il est des secteurs, Mme Bricq vient de le rappeler, où la mesure de la pénibilité est applicable, et certains d’entre eux sont même parvenus à signer des accords. Par ailleurs, des entreprises industrielles ont l’habitude d’effectuer de telles mesures.
Ces éléments ont conduit M. Michel de Virville à donner, dans un rapport commandé l’année dernière, un avis positif sur ces pratiques et à proposer un chemin de faisabilité. En tant qu’ancien directeur des ressources humaines d’une grande entreprise automobile, il sait en effet que la pénibilité est plus facile à mesurer, selon les différents critères définis, lorsque le travail est posté. En revanche, dans d’autres secteurs, comme le BTP ou l’agriculture, c’est beaucoup plus difficile, sans même parler des entreprises de petite taille, à qui ces mesures sont généralement tout à fait étrangères.
Il s’agit donc d’opérer cette transition. Je crois qu’il existe une voie permettant, à la fois, de conserver les droits ouverts pour les salariés dans le cadre de cette réforme et de ne pas faire peser une charge insoutenable sur les employeurs en créant de la paperasse inutile.
C’est le sens de la mission qui a été confiée à MM. Sirugue et Huot. Nous souhaitons, sur la base de leur travail, parvenir à une situation satisfaisante, mais non pas réaménager ces droits. Le Président de la République, le Premier ministre ainsi que tous les ministres l’ont dit, et je veux le rappeler ici : il n’est pas question de revenir sur les droits ouverts depuis cette année, qui ont été consacrés dans la réforme de la pénibilité. Sur ce point, aucun compromis ne sera passé.
La prise en compte de la pénibilité est un droit qui existe et qui est reconnu. Il s’agit, maintenant, de trouver les bonnes mesures pour le faire appliquer. MM. Sirugue et Huot proposeront des solutions dans le rapport qu’ils rendront dans les toutes prochaines semaines. L’objectif est que François Rebsamen puisse, en lien avec Marisol Touraine, trouver les voies et moyens de les mettre en œuvre.
Je souhaitais rappeler les évolutions qui ont d’ores et déjà eu lieu, et surtout la volonté du Gouvernement de préserver ces droits favorables aux salariés, tels qu’ils ont été votés, et de trouver les moyens de les faire appliquer de manière simple par les employeurs.
L’avis est donc favorable sur ces deux amendements.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Mme le corapporteur l’a rappelé, le compte pénibilité tel qu’il avait été défini dans la loi Woerth reposait sur support idéologique tout à fait différent de celui qui sous-tendait la loi défendue par Marisol Touraine. En effet, la loi Woerth reconnaissait simplement l’invalidité consécutive à un travail pénible, ce qui existe depuis longtemps.
Au travers du compte pénibilité tel que nous l’avons défini, il est reconnu qu’un certain niveau de travaux pénibles entraîne une diminution de la vie en bonne santé. C’est totalement différent ! Nous sommes là dans une autre logique, qui doit entraîner des mesures compensatoires : exercice à temps partiel, formation professionnelle continue ou départ à la retraite anticipé.
Vous avez eu raison de dire, madame la corapporteur, que le compte pénibilité ne s’appliquait pas dans les fonctions publiques. Pour autant, en particulier dans la fonction publique hospitalière, des postes particulièrement pénalisants qui induisent une pénibilité, comme le travail d’aide-soignant, donnent droit à un départ à la retraite anticipé par rapport à celui d’autres acteurs de la santé publique.
M. le ministre l’a relevé très justement, pour que ce droit devienne une réalité, il faut prendre des mesures simples. Un certain nombre d’accords ont d’ores et déjà été signés. Il est essentiel d’attendre les conclusions du rapport commandé à MM. Sirugue et Huot afin de trouver les meilleures solutions permettant de reconnaître la pénibilité.
Le compte pénibilité est une avancée sociale remarquable et très importante. Il n’est pas concevable de l’écorner en acceptant les dispositions introduites, sur l’initiative de Mme la corapporteur, par le biais de l’article 97 quinquies.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je me suis demandé, à un moment donné, s’il ne fallait pas lancer maintenant le grand débat sur les retraites... (Rires sur les travées du groupe CRC.) Mais il faut être raisonnable ! Puisque le travail de nuit nous fait mourir plus jeunes, j’ai préféré préserver la santé de mes collègues présents ce soir. (Sourires.)
M. Robert del Picchia. C’est gentil !
M. Jean Desessard. Je ne lancerai donc pas de débat sur les retraites, mais je tiens tout de même à signaler que le groupe écologiste votera les amendements identiques nos 86 et 630 présentés par nos collègues communistes, d’une part, et socialistes, d’autre part.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 et 630.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 760 est présenté par Mme Cayeux, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bignon, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Chaize, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, MM. Doligé et Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L’amendement n° 908 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Loisier et M. Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites sont abrogés.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 760.
Mme Pascale Gruny. Dans le cadre de mes activités professionnelles, j’ai eu l’occasion de mettre en place les fiches individuelles de pénibilité prévues dans la loi Woerth. À cette époque, déjà, alors que les critères retenus étaient relativement simples, le dispositif était très compliqué. Je pense notamment au calcul du nombre de fois où le salarié porte des charges supérieures à 20 kilos. J’ai alors fait appel au médecin du travail, qui a rencontré les mêmes difficultés.
C’est non pas la pénibilité que je remets en cause, mais bien ces critères très difficiles à appliquer, y compris pour des professionnels.
Par ailleurs, il nous faut être vigilants, car les critères qui ont été ajoutés, sans être forcément critiquables en soi, posent des problèmes de mesure. Nous devons donc veiller à l’accompagnement des plus petites entreprises, qui ne disposent pas forcément d’un service des ressources humaines. Je le répète, les médecins du travail sont confrontés aux mêmes difficultés !
Cela étant dit, je retire cet amendement, car le texte de la commission spéciale répond globalement à nos souhaits.
Mme la présidente. L’amendement n° 760 est retiré.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 908 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Pour favoriser la croissance, l’activité et l’égalité des chances, il faut faire confiance aux entrepreneurs, comme à tous ceux qui ont envie de diriger des entreprises, et libérer les initiatives. C’est le sens de cet amendement, qui vise à simplifier la vie des chefs d’entreprise, rendue difficile par l’ajout de contraintes supplémentaires.
Je vais cependant retirer mon amendement, à l’instar de Mme Gruny, afin d’accélérer le débat.
Mme la présidente. L’amendement n° 908 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 97 quinquies.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 151 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, cette séance doit être levée à minuit. Nous avons donc le temps de commencer la discussion de l'article 98 A, notamment d’entendre l’intervention sur l'article d’un de nos collègues du groupe CRC, voire d’examiner les amendements de suppression…
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je pense qu’il serait préférable de poursuivre nos travaux jusqu’à minuit, comme c’était convenu, mais c’est surtout à Mme la présidente du groupe CRC de nous dire si elle est d’accord pour que son collègue s’exprime dès ce soir sur l’article 98 A. Nous pourrons ensuite, éventuellement, comme vous l’avez suggéré, madame la présidente, examiner au moins les trois amendements tendant à la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je suis tout à fait d’accord pour que nous puissions nous exprimer sur l’article et présenter en même temps notre amendement de suppression, de manière que la séance ne se prolonge pas au-delà, ou guère au-delà de minuit.
Mme la présidente. Nous poursuivons donc nos travaux.
Section 6
Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi
Article 98 A (nouveau)
Le titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé :
« Développement, maintien et sauvegarde de l’emploi » ;
2° L’intitulé du chapitre V est ainsi rédigé :
« Accords de développement et de maintien de l’emploi » ;
3° L’article L. 5125-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
- Au début, les mots : « En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, » sont supprimés ;
- Après le mot : « maintenir », sont insérés les mots : « ou développer » ;
b) Au second alinéa du I, les mots : « dans l’analyse du diagnostic et » sont supprimés ;
c) Le deuxième alinéa et le 1° et le 2° du II sont supprimés ;
d) La première phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
« La durée de l’accord est fixée par les signataires. » ;
e) Le second alinéa du III est supprimé ;
4° Le troisième alinéa de l’article L. 5125-2 est supprimé ;
5° Après le II de l’article L. 5125-4, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. - À défaut d’un accord conclu dans les conditions prévues au II, l’accord peut être conclu avec les représentants du personnel, ou approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral. » ;
6° L’article L. 5125-5 est abrogé ;
7° À l’article L. 5125-6, les mots : « consécutive notamment à la décision du juge de suspendre les effets de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1, » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Ma collègue Éliane Assassi vient de l’indiquer, cette intervention sur l’article vaudra également présentation de l'amendement de suppression n° 87.
Les accords de maintien dans l’emploi ont pour but de permettre à l’entreprise de passer un cap difficile, en évitant des suppressions d’emplois pour motif économique. Le principe est le suivant : en échange de modifications de leur contrat de travail, principalement en termes de temps de travail et de rémunération, les salariés voient leur emploi maintenu.
Ces accords ne peuvent être acceptables pour les salariés que parce qu’ils revêtent un caractère exceptionnel et sont une réponse à une période particulière pendant laquelle l’entreprise traverse des difficultés économiques conjoncturelles. Aussi, l’argument avancé dans le rapport de la commission spéciale sur le faible nombre d’accords établis ne tient pas : ces accords doivent, par essence, rester exceptionnels.
Il faut surtout souligner que la mesure proposée dans cet article, introduit par la commission spéciale, dévoie le principe des accords de maintien de l’emploi. En effet, les rares accords de maintien de l’emploi conclus ont fait la preuve de leur inutilité sur le maintien de l’emploi, voire de leur contre-productivité. Pour s’en convaincre, il suffit de citer quelques exemples d’entreprises concernées par ces dispositions.
Un accord de maintien de l’emploi a été conclu en 2013 au sein de l’entreprise alsacienne Mahle Behr, filiale d’un groupe allemand. Plus de 1 000 salariés étaient concernés. Après un référendum favorable, un accord est intervenu, prévoyant la suppression de cinq jours de RTT et un gel des salaires pendant deux ans. En échange, l’entreprise s’engageait à investir, à ne supprimer aucun emploi pendant deux ans et à transférer deux contrats en provenance d’autres sociétés du groupe.
La législation en vigueur prévoit que chaque salarié peut, individuellement, refuser l’accord. Dans ce cas, il doit être licencié, sans toutefois bénéficier des avantages d’un plan social. Au sein de l’entreprise alsacienne, désagréable surprise, 162 salariés, au lieu des 50 prévus, ont refusé l’accord et l’entreprise n’a embauché que 57 salariés pour remplacer les partants, tout en imposant de nombreuses heures supplémentaires et en ayant recours à de nombreux intérimaires.
Ainsi, alors que l’accord avait pour avant tout pour objet d’éviter 102 licenciements, l’affaire se termine, pour l’instant, par une réduction de personnel plus importante que celle qui était initialement prévue...
De la même manière, les accords dits de « compétitivité emploi » ont déjà fait la preuve de leur inutilité sur l’emploi. Chez Federal Mogul, la direction a invoqué les accords de compétitivité pour maintenir l’emploi. Bilan : elle a fermé des sites et divisé les effectifs par trois !
Toute la presse s’est fait l’écho de l’accord conclu chez Bosch, à Vénissieux : les effectifs sont passés de 800 à 200 salariés !
L’accord Continental a eu les effets sur l’emploi que chacun connaît : la fermeture définitive de l’usine !
Les exemples similaires se multiplient : General Motors, PSA, Goodyear, Dunlop, etc.
Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que l’employeur, en signant un accord de maintien de l’emploi, s’engage uniquement à ne pas licencier pour motif économique les salariés visés par l’accord. Il ne s’engage pas pour autant à maintenir le niveau de l’emploi dans l’entreprise : les ruptures conventionnelles, les plans de départs volontaires, les départs à la retraite anticipés, les licenciements pour motif personnel, le licenciement économique des salariés de l’entreprise non visés par l’accord, le licenciement économique des salariés ayant refusé l’accord, sont toujours autorisés, et ce sans obligation de remplacement des salariés partis.
Pour toutes ces raisons, la suppression des possibilités de sanction de l’employeur qui ne respecte pas ses engagements en termes d’emploi est très grave. Disparaissent ainsi la clause pénale et la possibilité pour le juge de suspendre l’application de l’accord en cas de non-respect par l’employeur de ses engagements.
Tout cela est, à nos yeux, absolument inacceptable. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.