Mme Laurence Cohen. Comme je viens de le souligner, cet article vise à étendre le travail dominical aux commerces de détail non essentiels situés à proximité des gares.
Il est à noter que le droit actuel permet déjà aux commerces essentiels, comme les commerces de bouche, les cafés et les kiosques à journaux, d’ouvrir le dimanche dans l’enceinte et à proximité des gares.
En fait, cet article tend à permettre l’ouverture des commerces de détail de textiles situés dans l’enceinte ou à proximité des gares. Pourquoi vouloir étendre le travail dominical à une catégorie supplémentaire de commerces ? Selon nous, ce n’est pas nécessaire.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots concernant les gares. L’argumentation de la SNCF selon laquelle l’ouverture dominicale pourrait être non pas seulement un élément de confort pour les usagers de la gare, mais aussi un facteur de vie et de sécurité dans des lieux publics qui en ont besoin est quelque peu fallacieuse, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, cet argument ne repose pas sur des études indépendantes et sur des critères objectifs, comme le souligne le rapport sur le travail dominical et nocturne à Paris de la mission d’information et d’évaluation du conseil de Paris, lequel ne semble malheureusement pas être votre source d’inspiration.
Ensuite, humaniser les gares, ce qui est effectivement très important, passe de mon point de vue par l’arrêt des suppressions d’emplois à la SNCF. Telle est d’ailleurs la position que défendent de nombreux élus de la région Île-de-France, dont je fais partie, notamment auprès du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.
Pour ces deux raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 479.
M. Jean Desessard. Je fais partie, comme mes camarades communistes, des dinosaures qui luttent contre le travail le dimanche.
Cela étant dit, au début de l’ère industrielle, on travaillait le dimanche puisque l’on travaillait sept jours sur sept, dix ou douze heures par jour. Qui est donc le dinosaure ?
Pensez-vous que la situation des salariés était meilleure qu’aujourd'hui au XVIIIe ou au XIXe siècle lorsqu’on travaillait le dimanche ?
J’en viens à l’article 79, qui, dans la même logique que l’article précédent, prévoit d’étendre le travail dominical dans les emprises des gares, et ce pas uniquement pour les commerces alimentaires.
Madame Bricq, nous aurions pu tout à l’heure évoquer la qualité des produits alimentaires vendus dans les gares, cela aurait été intéressant, et les conditions de travail dans ces commerces, qui sont souvent des lieux clos, sans fenêtre.
L’article 79 prévoit d’autoriser l’ouverture le dimanche de tous les commerces de détail présents dans les gares. Le régime des compensations serait le même que celui qui a été retenu pour les commerces situés dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, dont l’ouverture est autorisée par le préfet : il prévoit au minimum un doublement du salaire et un jour de repos compensateur, un accord collectif plus avantageux étant possible. Force est de reconnaître que ces compensations sont meilleures que celles qui sont proposées dans les trois nouvelles zones créées, mais la logique à l’œuvre est toujours la même : il s’agit de travailler plus le dimanche. Et l’on créé une nouvelle catégorie !
Les arguments avancés pour justifier cet article sont d’une portée limitée. S’il est concevable qu’un commerce de boissons et de sandwiches soit ouvert le dimanche dans l’emprise des gares afin de permettre aux voyageurs de se restaurer, on comprend moins l’utilité d’ouvrir des magasins de chaussures ou de vêtements dans ces mêmes gares. Pourquoi ne pas autoriser l’ouverture de tels magasins partout ?
Indépendamment de la concurrence qui est faite aux commerces des centres-villes, il s’agit là encore d’ouvrir un espace supplémentaire à la consommation tous azimuts, sans répit, en mettant les travailleurs encore plus à contribution.
Les écologistes vous proposent donc, en cohérence avec leurs autres amendements, de supprimer l’article 79.
Mme la présidente. L’amendement n° 787 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 72 et 479 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a adopté l’article 79 après avoir procédé à des précisions rédactionnelles et corrigé une incohérence du texte.
La commission spéciale n’a pas jugé déraisonnable que les voyageurs puissent trouver dans les plus grandes gares de notre pays – définies dans le texte sur l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale –, à l’instar de certains aéroports, des commerces ouverts le dimanche proposant un choix de produits, notamment culturels, plus large que celui qui est offert par les kiosques à journaux actuels, sachant que des garanties existent et que des contreparties sont prévues pour les salariés.
La commission spéciale est donc défavorable à la suppression de l’article 79.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme cela a été rappelé, les gares sont en effet des lieux de passage, y compris le dimanche, de touristes nationaux et internationaux. Je vais donc, comme vous me le demandez légitimement, vous donner précisément la liste des gares dans lesquelles, du fait de leur taux de fréquentation, l’ouverture des commerces le dimanche est justifiée, comme je l’ai d’ailleurs déjà fait à l’Assemblée nationale, ainsi que la liste des critères ayant permis de l’établir.
J’ajoute, pour répondre précisément à votre demande, madame la sénatrice, que pourront ouvrir le dimanche les commerces situés dans l’emprise de la SNCF. C’est le critère qui a été retenu. Les zones de chalandise situées à proximité des gares ne sont donc pas concernées par la réforme que nous proposons.
Figurent dans cette liste les gares satisfaisant au moins à deux, voire souvent à trois des critères suivants.
Le premier critère est l’importance du trafic. Il existe ainsi une quinzaine de gares par lesquelles transitent plus de 20 000 voyageurs par jour. Le deuxième critère est un taux de touristes supérieur à 30 %. Une quinzaine de gares ont une fréquentation constituée pour plus de 30 % de touristes. Le troisième critère est l’existence dans la gare d’une surface commerciale comptant au minimum dix boutiques. Une emprise de la SNCF n’ayant aujourd’hui aucune boutique ne justifie en rien une ouverture dominicale.
Quand on croise ces critères, on obtient une liste de douze gares comprenant les six gares parisiennes – la gare Saint-Lazare, la gare du Nord, la gare de l’Est, la gare Montparnasse, la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz –, plus la gare d’Avignon-TGV, qui est la plus touristique de France en proportion et qui dispose du minimum de dix boutiques, la gare de Lyon-Part-Dieu, qui répond aux trois critères, Marseille et Bordeaux, qui remplissent deux des critères, dont celui d’être très équipées en commerces, ainsi que Montpellier et Nice, qui sont très touristiques.
Ayant apporté ces précisions, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 72 et 479.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1772, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
dont la commune est membre, et
insérer les mots :
des représentants
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle : c’est l’avis des représentants des employeurs et des salariés des commerces situés dans les gares qui devra être recueilli par le Gouvernement lors de l’élaboration de la liste des gares au sein desquelles les commerces pourront être ouverts le dimanche, selon les critères que vient de définir M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1773, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les avis requis en application du premier alinéa sont réputés donnés à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la saisine des personnes et organisations concernées. »
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à préciser que le délai dans lequel doivent être rendus les avis prévus par la procédure de désignation des gares est de deux mois, à la fois pour les personnes et pour les organisations concernées.
En l’absence de réponse à l’issue de ce délai, ces personnes – le maire, le président de l’EPCI – et ces organisations seront réputées avoir été consultées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 79, modifié.
(L'article 79 est adopté.)
Article 80 (priorité)
I. – L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « prise après avis du conseil municipal » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« La liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l’année suivante. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.
3° Au second alinéa, les mots : « cette décision » sont remplacés par les mots : « la décision mentionnée aux deux premiers alinéas ».
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 80 prévoit de porter de cinq à douze le nombre de dimanches où, sur décision du maire, les commerces de la commune peuvent être ouverts – il s’agit de ce que l’on appelle communément les « dimanches du maire » –, cette disposition ne s’appliquant pas aux secteurs d’activité bénéficiant déjà d’une dérogation permanente de droit au repos dominical, comme l’ameublement ou le bricolage, ou d’un régime spécifique, comme l’alimentation.
Porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire » n’est pas qu’une question de chiffres. Cela signifie passer à une ouverture un dimanche par mois, soit d’une ouverture exceptionnelle à une ouverture régulière.
En outre, sur proposition de Mme la rapporteur, la commission spéciale a supprimé la disposition introduite à l’Assemblée nationale qui prévoyait que, dans les grandes surfaces alimentaires, trois jours fériés d’ouverture dans l’année devaient déduits des « dimanches du maire ». Le nombre d’ouvertures autorisées peut donc atteindre douze, en plus des jours fériés.
Or, bien que des contreparties soient accordées aux salariés travaillant les « dimanches du maire » – un salaire double et un repos compensateur –, travailler un dimanche par mois n’est selon nous pas acceptable.
À cet égard, je pense en cet instant aux salariées d’ED-Dia d’Albertville, que je suis allée rencontrer plus d’une fois sur le parking de leur magasin. Elles se sont opposées à leur direction deux années durant afin de ne pas travailler le dimanche matin. Elles souhaitaient – et je dis bien « elles », car ces salariées étaient toutes des femmes –, malgré leurs très faibles salaires, profiter de leurs dimanches pour voir leur famille et leurs amis, se livrer à des activités personnelles, qu’elles soient associatives, culturelles ou sportives, bref, avoir du temps pour elles.
Chacun s’accorde d’ailleurs à dire que les emplois dans le commerce provoquent fatigue et stress et que ces maux vont grandissants. Les salariés de ce secteur souffrent d’importants troubles musculo-squelettiques, les TMS, lesquels sont douloureux pour les hommes et les femmes qui les subissent. En outre, les conséquences économiques de ces troubles – cela vous intéressera, mes chers collègues, vous qui êtes soucieux de réaliser des économies dans le budget de la protection sociale – sont considérables : d’après l’assurance maladie, les TMS sont la première cause de maladie professionnelle.
À ces maux déjà importants s’ajoutera, pour bon nombre des salariés qui seront contraints de travailler le dimanche, la précarité économique et sociale.
Nous devons nous interroger sur le modèle de société que nous voulons : souhaitons-nous une société entièrement tournée vers le consumérisme, où aucun espace ni aucune temporalité n’échapperont aux activités marchandes ? Au contraire, voulons-nous préserver du temps pour la famille, l’amitié, la nature, en les mettant à l’abri – un jour sur sept seulement, mes chers collègues, puisqu’il s’agit uniquement de préserver le dimanche – de l’injonction de consommer ?
Bref, l’homme a-t-il été créé pour le commerce ou le commerce pour l’homme ?
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. L’article 80, qui prévoit d’augmenter le nombre de « dimanches du maire », participe des dispositions du chapitre Ier du titre III banalisant le travail le dimanche.
En effet, de cinq « dimanches du maire », nous allons passer à douze ! Certes, la disposition du projet de loi initial, qui prévoyait que cinq de ces dimanches seraient accordés de droit, a été supprimée afin de ne pas risquer de banaliser le travail le dimanche.
Le risque perdure néanmoins, car les commerces de détail pourront tout de même ouvrir un dimanche par mois. On est bien au-delà des ambitions affichées, l’étude d’impact visant les ouvertures lors des soldes et des fêtes de fin d’année, ces périodes étant déjà couvertes par les cinq dimanches actuellement autorisés.
Quel effet cette disposition aura-t-elle sur les petits commerces de proximité, notamment sur les commerçants présents sur les marchés le dimanche ? Alors qu’ils contribuent incontestablement au maintien du dynamisme des centres-villes, dont on a à plusieurs reprises parlé ici même, ils se verront concurrencer par les grandes surfaces.
Force est de constater que l’étude d’impact ne donne aucune indication sur les créations d’emplois que permettra cette mesure, et pour cause : des études montrent que, au contraire, elle entraînera la suppression d’emplois dans les commerces de proximité. Selon une estimation, le coût de ces nouvelles dérogations pourrait, à terme, concerner jusqu’à 200 000 emplois.
Les grandes surfaces développent de plus en plus les caisses automatiques. C’est une évolution dont il faut aussi tenir compte. En outre, des suppressions de postes interviennent également dans le secteur de la logistique. À titre d’exemple, 600 postes devraient être supprimés dans la filiale logistique d’Intermarché et six de ses trente-huit bases devraient être fermées d’ici à 2008.
Cette rupture d’équilibre entre le petit commerce et la grande distribution a d’ailleurs été relevée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Celui-ci a par ailleurs souligné, comme nous l’avons déjà dit, que l’ouverture dominicale entraînerait un transfert des dépenses et non une augmentation de la consommation.
Vous le voyez, on est loin de l’objectif affiché dans ce texte, qui est de « stimuler la croissance et la création d’emplois ».
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Après mes collègues Annie David et Dominique Watrin, je souligne que les douze « dimanches du maire » s’ajouteront aux dérogations déjà prévues pour les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales. Si le texte prévoit des améliorations par rapport à la loi Maillé, il est loin de mettre en œuvre la fameuse simplification défendue par M. le ministre. Des règles différentes s’appliqueront en effet à chacune de ces zones.
Par exemple, dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales, l’ouverture le dimanche requiert un accord collectif ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur. Les règles sont différentes pour les autorisations préfectorales ou pour les douze « dimanches du maire ». De plus, la réglementation est elle aussi différente pour les salariés.
De surcroît, nos collègues de droite ont jugé bon d’ajouter une nouvelle exonération applicable aux entreprises de moins de onze salariés, au motif que l’obligation d’être couvert par un accord collectif était de nature à « porter atteinte au pouvoir de direction de l’employeur, qui est une composante de la liberté d’entreprendre, dès lors qu’elle ne permettrait pas de prendre en compte la difficulté qu’auraient certaines petites entreprises dépourvues de représentation du personnel et de délégués syndicaux, de parvenir à la conclusion d’un tel accord dans les conditions de droit commun, les privant ainsi d’une modalité de l’exercice de leur activité économique ».
Or cette interprétation de la jurisprudence du Conseil d’État est totalement erronée.
D’une part, le droit à la santé des salariés justifie que l’on pose des limites au pouvoir de décision de l’employeur. C’est ainsi, par exemple, que les conventions de forfait-jours ne peuvent être mises en place qu’en présence d’un accord collectif, à l’exclusion du pouvoir unilatéral de l’employeur.
D’autre part, depuis la loi de 2008, la conclusion d’accords collectifs est permise dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux avec les représentants élus ou, à défaut, avec un salarié mandaté.
Par ailleurs, le projet de loi n’établit aucune hiérarchie entre les différents accords : on doit donc interpréter cette disposition à la lumière du droit commun, qui, depuis la loi du 4 mai 2004, permet à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche, sauf si ce dernier en dispose autrement au moyen d’une clause de fermeture.
Il en va de même des accords professionnels : s’applique celui dont le champ territorial et professionnel est le plus décentralisé, sauf si une clause de fermeture a été conclue dans l’accord de niveau supérieur.
Ainsi, faute de dispositions particulières, il conviendrait plutôt d’appliquer la règle de faveur.
Aux préventions contre cet article qui ont déjà été explicitées s’ajoutent celles que je viens d’exposer.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.
L'amendement n° 480 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 788 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 946 est présenté par M. Collombat.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.
Mme Annie David. Après nos trois interventions, vous aurez compris, mes chers collègues, que nous sommes défavorables à l’article 80 : il est donc logique que nous en demandions la suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 167 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 480.
M. Jean Desessard. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 788 et 946 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 73 et 480 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 80 porte de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire ». Cette question a suscité de vifs débats à l’Assemblée nationale. Au vu des auditions qu’elle a menées, la commission spéciale a souhaité préserver l’équilibre que représente le nombre de douze dimanches. Il s’agit certes d’une augmentation du nombre de dimanches autorisés, mais elle reste modérée.
Certaines municipalités ont institué des zonages, car le nombre de cinq dimanches actuellement autorisé par la loi leur paraissait insuffisant : elles souhaitaient pouvoir autoriser un plus grand nombre d’ouvertures dominicales. Si elles ne voulaient pas toutes ouvrir au même rythme, le nombre de douze dimanches par an, soit un dimanche par mois, correspondait bien aux besoins qu’elles exprimaient.
Le pouvoir discrétionnaire du maire en la matière est maintenu. Le nombre d’ouvertures autorisées pourra varier entre zéro et douze, selon les municipalités. Le maire n’étant pas obligé d’accorder ces ouvertures, il pourra maintenir les pratiques actuelles.
Mme Évelyne Didier. Il subira des pressions !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons veillé à ne pas provoquer de déséquilibre entre les centres-villes et les zones commerciales, lesquelles sont très souvent situées en périphérie des villes. Il s’agit d’éviter par exemple que le maire d’une commune périphérique autorise largement l’ouverture des commerces de sa commune le dimanche au risque de déséquilibrer ceux de la ville centre. Aussi, à partir de la sixième ouverture – c'est un point qui nous semble important –, un avis conforme de l’EPCI sera exigé : une régularisation de la concurrence pourra ainsi s’opérer.
De plus, l’article 80 bis du projet de loi étend le principe du volontariat aux salariés qui travaillent lors des « dimanches du maire », ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
La commission a estimé que l’article 80 ne conduirait pas les maires à banaliser le travail dominical. Il leur offre simplement une plus grande marge d’appréciation leur permettant d’adapter les pratiques commerciales aux spécificités de leur territoire.
Ne souhaitant pas la suppression de cet article, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi de revenir sur les prémices de cet article. Jusqu’à présent, le régime en vigueur donnait au maire la possibilité d’accorder jusqu’à cinq ouvertures par an le dimanche, sauf à Paris, où cette décision relève du préfet.
Le présent projet de loi introduit le volontariat, qui n’existait pas dans la loi pour les « dimanches du maire ». Il règle également certaines difficultés qui sont apparues récemment.
D’abord, pour de nombreuses enseignes situées en périphérie de zones commerciales ou de grandes villes, les cinq dimanches du maire n’étaient pas suffisants. Certains secteurs ont donc demandé une dérogation sectorielle, qui relève du niveau « décrétal ». C'est le cas, par exemple, du secteur du bricolage. Après plusieurs mois, ces magasins se sont rendus compte que le nombre de dimanches auxquels ils avaient dorénavant droit – une cinquantaine – était trop élevé et qu’ils préféreraient un dimanche par mois, soit douze dimanches par an. Je pense notamment à une enseigne bien connue du secteur, qui a été très active sur cette question.
Ensuite, une dizaine de communes aimeraient pouvoir ouvrir un peu plus que les cinq dimanches auxquels elles ont droit parce qu’elles sont situées à proximité de zones touristiques ou de certains espaces ayant le droit d’ouvrir plus souvent. Ces communes – c’est le cas de Bordeaux, pour ne citer qu’elle – ont parfois été conduites à demander leur classement en zone touristique. Toutefois, l’expérience leur a montré que cela n’avait pas de sens pour elles d’autoriser l’ouverture de leurs commerces cinquante-deux dimanches par an. Bordeaux est ainsi en train de revenir à un dimanche par mois.
Au regard des difficultés sectorielles et des éléments de déséquilibre observés sur les territoires, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé en mars 2013 à M. Bailly de lui remettre un rapport sur ce sujet. À l’issue d’une concertation avec les représentants des territoires, les organisations professionnelles et les syndicats, M. Bailly a proposé le nombre de douze dimanches.
Je n’ai pas une approche fétichiste de ce nombre, qui a tant fait couler d’encre. Il constitue juste le point d’équilibre auquel est parvenu une personnalité reconnue pour sa pondération, après une concertation ayant duré plus de six mois et un examen de la situation des villes et des secteurs concernés. Les uns et les autres souhaitaient que les élus aient la possibilité d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, un maire pouvant tout à fait décider de n’accorder aucune ouverture. Nous augmentons les possibilités d’ouverture, sans néanmoins déstabiliser le système.
Dans son rapport, M. Bailly faisait toutefois une proposition quelque peu différente de la nôtre : il souhaitait que l’initiative d’ouvrir certains dimanches soit laissée aux commerces eux-mêmes. Nous n’avons pas retenu cette solution, car elle aurait été difficile à mettre en œuvre : quelles associations sont en effet représentatives ?
Nous avons par ailleurs créé une instance de régulation afin d’éviter les comportements non coopératifs à l’échelon local. À compter du sixième dimanche travaillé, les avis conformes de l’EPCI et du SCOT seront nécessaires pour éviter les passages en force. Ainsi, le maire d’une petite commune limitrophe sur le territoire de laquelle serait implantée une grande surface pourrait ne pas obtenir l’ouverture douze dimanches par an dans le cas où l’EPCI considèrerait que cela fragiliserait les commerces du centre-ville. Une cohérence entre les territoires est nécessaire.
Tel qu’il est rédigé, l’article 80 permet d’octroyer plus de liberté aux élus de certains territoires, tout en faisant de la non-ouverture des commerces le dimanche la règle. Les élus pourront même, je le répète, décider de n’accorder aucun dimanche s’ils n’en éprouvent pas le besoin. Les maires sont les meilleurs juges. Il faut bien reconnaître que, dans certaines zones très rurales, l’ouverture des commerces le dimanche n’a pas beaucoup de sens.
Cet article accorde donc de la confiance aux élus, tout en prévoyant de la flexibilité et des instruments de régulation. C'est la raison pour laquelle il est, me semble-t-il, équilibré.
Pour terminer cette intervention, je répondrai à l’interpellation de Mme Lienemann ce matin : je ne suis pour ma part signataire d’aucune motion du parti socialiste.
M. Roger Karoutchi. Moi non plus ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Je considère que lorsqu’un ministre de la Ve République présente un texte, il le fait au nom du Gouvernement, et non en tant que signataire d’une motion A, B ou C. C’est en tout cas dans cet esprit que je défendrai ce projet de loi jusqu’à la fin de son parcours parlementaire. Il est le fruit d’un équilibre rationnel et il vise à défendre l’intérêt général.
L’article 80 prend en compte les expériences menées sur le terrain et le travail effectué par M. Bailly. Donner aux maires la liberté d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, j’y insiste, est le bon point d’équilibre.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous félicite non pas de n’avoir signé aucune motion, mais d’avoir fait preuve d’une grande habilité ! Les ministres des gouvernements précédents étaient comme vous : à les entendre, ils avaient toujours trouvé le point d’équilibre !
Ainsi, cinq dimanches, ce n'était pas assez, mais cinquante-deux, c'était trop : douze, c’est un nombre raisonnable. C’est ce que tout le monde veut ! C’est plus que ce qui est autorisé aujourd’hui, cela permet d’offrir une certaine liberté, mais c’est moins que si on autorisait l’ouverture tous les dimanches. Vous avez trouvé le bon nombre et vous nous demandez de l’adopter !
Toutefois, la commission spéciale n’est pas tout à fait d’accord sur ce nombre puisque, si j’ai bien compris, elle souhaite ajouter trois jours supplémentaires pris sur les jours fériés.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais non !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas cela ? Peu importe...
À vous entendre, monsieur le ministre, on a envie d’être d’accord avec vous. On se dit en effet que, après tout, on n’est pas à un dimanche près.
M. Roger Karoutchi. Allez, un beau geste ! (Sourires.)