M. Didier Guillaume. Ça marche mieux avec la gauche !
M. Roger Karoutchi. De deux choses l’une : soit le système fonctionne, et tout va bien ; soit il ne fonctionne pas, et nous avons un problème. Or force est de le constater, aujourd'hui, il ne fonctionne pas ! Nous perdons des parts de marché au profit de Londres, de Barcelone et des capitales qui ont fait le choix de l’ouverture dominicale. (M. David Assouline s’exclame.) Monsieur Assouline, je ne vous ai pas interrompu ; veuillez en faire autant !
Le débat pour savoir si les mesures envisagées sont de gauche ou de droite est proprement surréaliste !
Je souhaite rassurer mon collègue Alain Fouché. Je n’imagine naturellement pas que tous les magasins de Paris ouvrent le dimanche. Dans certaines boutiques, dans certains quartiers, ce ne sera évidemment pas utile. Le fait d’étendre l’autorisation d’ouverture dominicale permettra simplement à un commerçant ayant la capacité de vendre plus et de créer des richesses et des emplois d’ouvrir son magasin lors du passage de touristes, même s’il n’est pas dans une zone délimitée. Mais, dans les quartiers ou les secteurs d’activité où l’ouverture dominicale ne présente pas d’intérêt, elle n’aura évidemment pas lieu. Arrêtons de faire comme si c’était tout ou rien !
Laissons la possibilité d’ouvrir les magasins partout, et pas seulement dans les zones délimitées ! D’ailleurs, elles ne sont délimitées que pour l’instant. On nous parle d’un rapport pour évaluer le dispositif dans trois ans. Mais, dans deux ou trois ans, les zones touristiques ne seront plus les mêmes ! À Paris, tout bouge très vite ! Vous aurez bientôt des commerçants de quartiers en pleine expansion touristique qui viendront se plaindre de ne pas pouvoir ouvrir leur magasin le dimanche.
M. David Assouline. On verra bien dans trois ans !
M. Roger Karoutchi. Arrêtons de faire de la politique politicienne ! En l’occurrence, cela n’a pas de sens.
M. le ministre souhaite que l’ouverture dominicale s’accompagne d’un encadrement et de contreparties, par exemple des augmentations. Nous sommes d'accord ! Ce n’est pas le sujet. Mais n’empêchez pas les commerçants de quartiers qui se développent d’ouvrir leur magasin le dimanche sous le seul prétexte qu’ils ne sont pas en zone délimitée ! Laissez-les choisir : vous verrez qu’il n’y aura pas d’ouverture dominicale là où cela n’a pas d’intérêt.
Mon collègue Philippe Dominati a parlé de « liberté ». Honnêtement, je ne comprends pas que ce mot puisse faire peur à certains. Nous avons besoin de liberté, pas de ségrégation entre les quartiers !
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. L’objectif réel des auteurs de cet amendement, même s’ils invoquent l’argument du tourisme, c’est la banalisation du travail le dimanche.
M. Karoutchi vient encore une fois d’affirmer que le travail le dimanche serait encadré dans la loi. Mais il n’y a aucun encadrement !
M. Roger Karoutchi. Mais si !
Mme Annie David. Le texte mentionne juste des compensations salariales, mais en ne fixant aucun plancher.
Une compensation salariale, cela peut être une augmentation de 3 % pour les heures travaillées le dimanche ; cela peut être une heure de récupération ; bref, cela peut n’être pas grand-chose ! Tout dépendra d’un accord, et pas forcément d’un accord de branche : il pourra s’agir d’un accord d’entreprise ou local.
En réalité, le projet de loi ne fixe aucune compensation pour les salariés.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David. Le texte pourrait prévoir un doublement du salaire, une augmentation de 20 % ou même des heures de repos compensateur, mais il n’y a rien de tout cela. Le seul élément qui figure dans le texte est le fait que l’accord devra effectivement comporter des compensations salariales.
M. Didier Guillaume. Jusqu’à présent, il n’y avait rien !
Mme Annie David. Mais ces compensations salariales pourront être minimales, voire minimalistes.
M. Didier Guillaume. Nous croyons en la négociation sociale !
Mme Annie David. M. Karoutchi fait référence aux accords qui seront conclus à Paris pour l’ouverture des magasins le dimanche. Mais, entre deux rues, voire entre deux boutiques d’une même rue, les accords pourront être différents, selon les capacités respectives de négociation des salariés dans leur magasin. Parfois, il y a aura des compensations ; parfois, il n’y en aura pas. En matière d’inégalités, le texte se pose là !
Nous le voyons bien, derrière cet amendement, il y a la volonté de généraliser le travail le dimanche à toutes les grandes villes, à toutes les métropoles, à toutes les boutiques, et sans compensation garantie par la loi. C’est vraiment détestable pour les salariés, qui seront obligés de venir travailler dans ces boutiques dès lors qu’elles seront ouvertes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. J’entends bien les arguments de notre collègue Karoutchi, mais les propos de Mme David ne sont pas inexacts.
À mon sens, le cas de Paris ne doit pas être traité à part. Il y a une continuité urbaine qui ne s’arrête pas aux limites de la capitale. De l’autre côté du périphérique, il y a des communes, comme Boulogne-Billancourt ou Neuilly-sur-Seine.
Nous risquons d’ouvrir la boîte de Pandore. Toute métropole dans une position similaire aura nécessairement la même revendication. On ne peut pas favoriser seulement Paris ; il y a aussi des lieux attractifs, par exemple sur le plan sportif ou culturel, autour. Il paraît difficile de modifier les limites seulement à Paris, sans tenir compte du reste.
Il paraît plus logique de s’en tenir à la position sage de la commission. Telle sera notre attitude.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le débat est fourni et intéressant. Je souhaite apporter trois précisions à ce stade.
D’abord, comme cela a été souligné, d’autres métropoles pourraient être concernées et, en cas d’adoption de cet amendement, il y aurait deux régimes distincts. Or la situation créée serait sans doute très compliquée à gérer. La possibilité d’ouverture dominicale de tous les magasins parisiens aurait également des conséquences extrêmement fortes sur le commerce en petite couronne et en grande couronne.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. En tant qu’élu de la petite couronne, j’y suis particulièrement sensible. D’ailleurs, comme le soulignait ce matin M. Karoutchi, nous ne pourrons pas, à mon avis, faire l’économie d’une réflexion à l’échelle métropolitaine lorsque la métropole existera. Il n’est pas possible d’avoir un régime très libéral sur Paris et de ne rien faire en petite couronne, dont le commerce déclinerait alors.
Ensuite, l’amendement me semble en totale contradiction avec l’article 72, que nous venons d’adopter. Le dispositif que nous avons voté définit clairement la possibilité pour l’État de créer des ZTI. Il serait donc pour le moins incohérent d’insérer un article additionnel indiquant que la ZTI, c’est Paris !
Enfin, les auteurs de l’amendement indiquent eux-mêmes que l’adoption d’un tel dispositif aurait pour effet de limiter les ouvertures dominicales à la tranche horaire de dix heures à dix-huit heures. Or, nous le savons tous, pour s’adapter au tourisme, notamment international, il faut aller au-delà de dix-huit heures.
Par conséquent, l’adoption d’un tel amendement, dont je comprends bien la logique, aurait trois effets collatéraux dommageables.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 705.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 73 (priorité)
(Non modifié)
Les deux premiers alinéas de l’article L. 3132-25 du code du travail sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article vise à remplacer dans le code du travail les « communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » par « des zones touristiques » dont la caractéristique commune est de recevoir « une affluence particulièrement importante de touristes ».
Si l’objectif était de simplifier, il n’est, me semble-t-il, pas atteint. La notion d’« affluence particulièrement importante de touristes » reste à définir, d’autant que rien n’est indiqué quant à la possible saisonnalité de la présence touristique.
Si la simplification n’est pas avérée, le risque d’élargissement des zones dans lesquelles les commerces seront autorisés à ouvrir le dimanche est particulièrement fort. En effet, auparavant, la liste des communes d’intérêt touristique ou thermales et le périmètre des zones d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente étaient établis par le préfet sur proposition du maire, mais aussi après recueil des avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, des communautés de communes ou d’agglomération, des métropoles et communautés urbaines. Ce n’est plus le cas dorénavant : la décision revient au préfet, sur demande du maire. Il semble que votre volonté de simplifier se fasse trop souvent au détriment de la démocratie, surtout de la démocratie sociale et locale.
Comme pour les zones touristiques internationales, l’ouverture dominicale des commerces est soumise à la conclusion d’un accord collectif. Or, en l’absence d’un tel accord, au lieu de se référer à un accord de branche, c’est la décision unilatérale de l’employeur qui prévaudra, après avis des instances représentatives du personnel – si elles existent – et approbation par référendum. Là encore, comment penser que des salariés précaires prendront le risque, même collectivement, de s’opposer à une décision de leur employeur, surtout s’il s’agit de petites structures ?
Il y va de même pour la notion de volontariat, dont nous ne cessons de répéter qu’elle est illusoire. Le salarié et l’employeur, encore plus dans la situation actuelle de chantage à l’emploi, ne peuvent pas traiter sur un pied d’égalité. Le lien de subordination est réel : l’ignorer relève soit d’une véritable incompréhension du monde du travail, soit d’une approbation tacite du fait que des salariés devront travailler le dimanche contre leur gré et contre leur intérêt.
Par ailleurs, la solidarité et le tissu associatif qui font l’attrait de la France valent mieux qu’un dimanche après-midi de shopping dans un centre commercial, qu’il soit situé en zone touristique ou non.
M. Roger Karoutchi. Chacun fait ce qu’il veut, enfin !
Mme Laurence Cohen. Ces zones sont touristiques pour bien d’autres raisons que pour leur activité commerciale. Elles le sont, par exemple, pour leur patrimoine architectural, pour leurs paysages, pour leur dynamisme culturel, qui repose bien souvent sur l’action de bénévoles, laquelle s’exerce le dimanche justement. C’est ce que le groupe communiste républicain et citoyen choisit de valoriser en s’opposant à l’ouverture des commerces le dimanche et donc à l’article 73 du projet de loi.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 73 est inscrit dans le titre III du présent projet de loi et porte sur les exceptions au repos dominical et en soirée. Son principe, comme l’a rappelé notre collègue députée Jacqueline Fraysse, reste trop flou. On peut légitimement se poser la question de son objectif. Ne s’agit-il pas, en réalité, de banaliser tout simplement le travail le dimanche ?
Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous entendez écrire une nouvelle page de notre histoire du droit du travail. En réalité, le gouvernement auquel vous appartenez, au travers des propositions de transformation du code du travail que contient ce texte, s’engage dans une phase de recul social, car le principe même du repos dominical inscrit dans la loi du 13 juillet 1906 est l’une des pierres angulaires de notre pacte social. Comme le précise, à juste titre, l’historien Robert Beck, « cette loi reste en vigueur parce qu’elle est fondée autour de deux valeurs : le repos et la famille ».
Nous estimons que ce principe doit être préservé et non pas remplacé par une culture consumériste. D’ailleurs, les Français sont attachés à leur pause dominicale. Selon une récente enquête réalisée par BVA, si 60 % d’entre eux sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche, ils sont 62 % à être opposés à l’idée de travailler eux-mêmes ce jour-là.
M. Robert del Picchia. J’ai lu d’autres chiffres !
M. Dominique Watrin. Notre propos n’est pas d’interdire tout travail le dimanche. Les dérogations déjà existantes suffisent amplement à couvrir les contraintes qu’imposent certaines activités industrielles, notamment, ou la continuité des services publics. En revanche, quels impératifs peuvent justifier réellement l’ouverture le dimanche de commerces de biens et de services ?
Vous nous assurez que le projet de loi développera l’emploi et relancera la consommation. Dans les faits, il prépare seulement plus de précarité pour les travailleurs. Aucune étude à ce jour n’a réussi à établir de corrélation entre la flexibilité du contrat de travail et la création d’emplois. Si un tel lien existait, ça se saurait tant le travail a été précarisé ces dernières années !
Les études attestent, en revanche, de la disparition accélérée des petits commerces. Selon la DARES, 30 000 emplois seront perdus. Il convient également d’écouter l’inquiétude des petits commerçants à ce sujet.
Le recours au travail le dimanche sur la base du volontariat sera un leurre pour les salariés. Dans les faits, peu d’entre eux pourront exercer un libre choix. Afin de garantir leur emploi et de ne pas tomber dans la spirale du chômage, les travailleurs seront contraints d’accepter de travailler le dimanche malgré les difficultés d’organisation qu’ils rencontreront. Leur désir d’un meilleur salaire risque vite d’être rattrapé par un principe de réalité. Dans les futures zones touristiques, comme cela a été rappelé par ma collègue Annie David, la loi ne fixe pas de contreparties minimales en ce qui concerne le salaire ou le repos. Elle les rend obligatoires, mais renvoie leur fixation à des accords d’établissement, de branche ou de territoire, voire d’entreprise. Or, on le sait, les salariés seront en situation d’infériorité et ne parviendront pas à obtenir de véritables contreparties. De plus, aucune majoration n’est prévue pour les entreprises de moins de vingt salariés, majoritaires dans ces zones.
En réalité, ces dispositions risquent de précariser davantage l’emploi des femmes, singulièrement des mères célibataires, qui sont les plus représentées dans les secteurs d’activités des zones touristiques. En outre, les multiples mesures de dérégulation déjà mises en place sont sans effets positifs sur l’économie puisque le chômage continue à progresser. Concrètement, la France compte déjà 17 % d’emplois précaires. Si la précarité aidait à développer l’emploi, cela se saurait !
D’autres pistes de réflexion sont possibles. Dès 2011, ma collègue sénatrice Annie David proposait de revenir sur le texte de loi du député Richard Mallié afin d’apporter de nouvelles garanties et protections aux salariés qui travaillent le dimanche.
Pour aller plus loin dans la modernisation du droit du travail, il conviendrait plutôt de sacraliser ce temps de repos essentiel pour les activités familiales, culturelles ou sportives. Garantir à nos concitoyens ce jour de repos est un objectif qui devrait nous rassembler. Ce sont les valeurs fortes du vivre ensemble, que nous avons rappelées il y a quelques mois à l’unisson, qu’il nous faut ici réaffirmer face à tous les lobbies qui œuvrent en faveur du travail le dimanche, mais uniquement pour les autres !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 67 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 706 est présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Lefèvre et Mme Primas.
L'amendement n° 782 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 1445 est présenté par M. Bouvard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 67.
Mme Annie David. L’article 73 vise à permettre aux établissements situés dans des zones caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes d’ouvrir le dimanche. Au-delà des arguments déjà exposés par mes collègues, les critères énoncés sont extrêmement flous. À partir de quand pourra-t-on considérer que l’affluence est particulièrement importante ? Le critère déterminant est-il fonction du nombre de touristes, des périodes de consommation ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises ? Encore une fois, il n’y a aucun critère objectif.
Comme pour les zones touristiques internationales dont nous venons de débattre, nous craignons que l’absence d’éléments d’appréciation objectifs et chiffrés ne nuise à la pertinence des délimitations. Pour notre part, nous aurions souhaité, afin de garantir les droits des salariés et réduire les inégalités de situation, en revenir à une logique analogue à celle qui prévalait avant la loi du 10 août 2009, la fameuse loi Mallié, en recherchant prioritairement une proportionnalité entre les dérogations au repos dominical et les droits des salariés.
Pour permettre d’accueillir la clientèle touristique dans de bonnes conditions, nous avions proposé en 2011 de retenir les critères de mise « à disposition du public des biens et services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ». Voilà des critères qui nous semblent adéquats à la réalité d’une zone touristique ! Telle est la raison pour laquelle nous voulons supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 706.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement est identique au précédent, mais les motivations qui le sous-tendent ne sont pas les mêmes.
Aujourd'hui, dans un certain nombre de zones, ceux qui travaillent le dimanche obtiennent des majorations de salaire ou éventuellement des congés supplémentaires. Si l’article 73 était adopté, ces avantages ne leur seraient plus accordés, car le régime commun s’appliquerait. Dans les trois ans à venir, si les commerçants en question ne sont pas couverts par une convention collective, ils se retrouveront dans une situation extrêmement difficile. Ils seront conduits soit à fermer le dimanche, pour ceux d’entre eux qui ouvrent aujourd'hui leur commerce, soit à ne plus recourir à l’emploi saisonnier.
Il est assez curieux de prévoir une évolution somme toute assez positive en ce qui concerne le travail le dimanche tout en adoptant dans le même temps une réaction restrictive sur les majorations de salaire aujourd'hui accordées à ceux qui n’ouvrent qu’un certain nombre de dimanches par an, en accord avec le chef d’établissement. Selon moi, le signal envoyé n’est pas extrêmement positif.
Je précise que si l’article 73 était adopté, l’amendement n° 1665 rectifié que j’ai déposé à l’article 76 deviendrait sans objet.
M. le président. L'amendement n° 782 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 1445.
M. Michel Bouvard. Je souhaite approfondir la difficulté qui a été évoquée à l’instant par Roger Karoutchi. L’intelligence du texte est de considérer que le tourisme n’est pas uniforme sur le territoire et de gérer les dérogations et les exceptions.
Le texte comporte de nombreuses mesures positives, que nous approuvons, bien évidemment. Néanmoins, il ne prend pas suffisamment en compte certaines situations. Je pense notamment aux stations touristiques, singulièrement aux stations dont l’activité est saisonnière. C’est toute la différence avec le tourisme urbain. Paris est une ville touristique toute l’année, contrairement à certaines stations de montagne ou du littoral qui ne le sont qu’une partie du temps.
Depuis des décennies, nous sommes organisés autour d’un modèle qui fait appel soit à des pluriactifs, soit à des saisonniers – la différence étant que le pluriactif se trouve en général sur place et cumule deux activités complémentaires en fonction des saisons, alors que le saisonnier est souvent issu de l’extérieur et se rend sur le territoire uniquement pour effectuer la saison. Dans ces stations touristiques, en particulier dans les stations de sports d’hiver, le travail est continu, avec des jours de repos. La loi Mallié a étendu, à l’époque, à l’ensemble des commerces de détail la possibilité de reporter le repos dominical des salariés, possibilité précédemment réservée aux seuls collaborateurs des magasins liés aux activités sportives ou directement touristiques.
Se pose le problème des conséquences de votre texte, à savoir respecter durant trois ans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 du code du travail, avec les compensations financières qui s’imposent. Dans la pratique, lors de l’embauche d’un saisonnier, la rémunération prend en compte cette situation. Prévoir d’appliquer le régime de droit commun dans ces stations touristiques, c’est pénaliser en quelque sorte ceux qui ont été les plus vertueux, c’est fragiliser l’organisation du travail et l’économie même de ces zones, notamment dans les stations de sports d’hiver qui supportent des charges annualisées, ne serait-ce qu’en termes de fiscalité, pour une activité qui n’est exercée que durant six à huit mois de l’année en fonction des situations et des territoires.
Je ne prétends pas que la situation des saisonniers est idéale. Nous savons, Michelle Demessine, Annie David et moi-même, les combats qu’il a fallu mener au sujet du douloureux dossier du logement des saisonniers et les conquêtes auxquelles nous sommes parvenus. C’est un problème crucial pour lequel nous avons créé des dispositifs d’accompagnement.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Michel Bouvard. Nous n’ignorons pas qu’il y a, ici ou là, certains excès. Mais nous considérons que, en l’état, ce texte aboutira à fragiliser l’économie touristique, alors qu’il a pour objet affiché de la soutenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 73 regroupe, sous la dénomination unique de « zones touristiques », dont le point commun est l’affluence particulièrement importante des touristes qu’elles reçoivent, des zonages existants, qui sont les communes d’intérêt touristique, les communes thermales, les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Ce regroupement sous un seul vocable de « zones touristiques » permet une simplification.
Si cette formulation peut, il est vrai, paraître imprécise, c’est parce qu’elle recouvre des situations extrêmement variées et qu’elle est le reflet de la grande diversité des communes touristiques et des attractions culturelles, ludiques ou balnéaires qu’elles offrent. Il s’agit donc d’un article de simplification. Je rappelle que ces zones touristiques sont décidées sur l’initiative du maire. C’est le pouvoir local qui demande la délimitation d’une zone touristique, et c’est le préfet qui, au regard des arguments qui seront présentés par la collectivité, accepte ou non le zonage.
L’article 73 nous apparaît opportun dans la mesure où il simplifie ce qui était l’accumulation de différentes zones. Reste que je partage tout à fait l’inquiétude de nos collègues sur les commerces situés dans ces zones touristiques, qui, jusqu’ici, n’étaient pas soumis à une obligation de contrepartie pour le travail dominical. C'est pourquoi, à l’article 76 du projet de loi, la commission a opéré des modifications en supprimant l’obligation de contrepartie pour les commerces de moins de onze salariés situés dans ces zones. C’était une préconisation du rapport Bailly.
Il a semblé à la commission que, au-delà de ce seuil, des commerces de plus grande taille pouvaient s’inscrire dans un accord collectif de branche, d’entreprise ou territorial. Par ailleurs, j’ai prévu, en l’absence d’un tel accord, la possibilité pour l’employeur, sous réserve que sa décision soit approuvée par référendum organisé auprès de la moitié des salariés, d’établir ces contreparties.
Donc, au-delà de onze salariés, les entreprises devront offrir des contreparties, qui peuvent être de tous ordres, notamment salariales. Souvent, le fait de travailler le dimanche dans ces zones se traduit par des contreparties qui sont déjà prévues dans les contrats de travail. Je pense que la commission spéciale, en fixant la limite à onze salariés pour les entreprises, en limitant cette dérogation aux zones touristiques et en rétablissant à trois ans le délai d’adaptation qui a été fixé, est parvenue à un équilibre.
M. Michel Bouvard. Et les employés d’un petit restaurant de montagne ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pour les autres, les contreparties existent. Donc, elles entreront forcément dans le cadre des accords.
L’article 73 apporte une vraie définition, une vraie simplification par rapport aux quatre zonages existants. C'est la raison pour laquelle la commission l’a adopté sans modification et qu’elle est donc défavorable aux amendements tendant à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?