M. Daniel Reiner. C’est vrai !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ce capital d’estime est ancré dans notre capacité à défendre nos valeurs dites « universelles », plus que jamais menacées.
En Afrique et au Moyen-Orient, la diplomatie française est attendue au tournant. Nous ne pouvons, monsieur le ministre, mes chers collègues, laisser Daesh déstabiliser la région, exterminer les minorités, notamment mais pas seulement chrétiennes, et attiser ainsi le terrorisme mondial.
Monsieur le ministre, ce matin, lors d’une réunion avec les responsables politiques, religieux et associatifs consacrée aux chrétiens d’Orient, en préparation de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU du 27 mars, vous nous avez dit votre détermination à agir. Je vous en remercie.
Je veux saluer l’écoute dont vous avez fait preuve, notamment sur la question cruciale de la saisine de la Cour pénale internationale. En juillet dernier, des dizaines de parlementaires avaient cosigné ma lettre demandant au président Hollande d’initier une telle saisine. Sur ce dossier aussi, il nous faut accélérer.
Pour conserver un rang international à la hauteur de ses ambitions, la France doit faire entendre son approche singulière, conciliant la défense du droit international et des droits de l’homme et une stratégie de dialogue avec des États avec lesquels nos relations sont beaucoup plus difficiles – je veux parler de l’Iran, de la Russie, mais aussi de la Syrie.
Alors que la France préside, pour quelques jours encore, le Conseil de sécurité de l’ONU, notre responsabilité géopolitique est immense. Nous ne pouvons, monsieur le ministre, décevoir tous ceux qui attendent de nous des mesures fortes, qui attendent de la France qu’elle incarne ces valeurs qui sont les siennes et qui nous ont, pendant très longtemps, rendus si fiers, qui attendent que la France soit la voix de ces millions de gens vivant aujourd’hui dans la peur de la barbarie. Monsieur le ministre, nous comptons vraiment sur vous ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le texte sur la codification du tourisme, j’ai porté, en tant que rapporteur, le projet de loi sur le développement et la modernisation des services touristiques, avec comme disposition phare la création d’Atout France.
Cette agence résulte de la fusion de plusieurs organismes œuvrant dans le domaine de l’ingénierie touristique, de l’observation économique et de la promotion de la France – nous avons également ajouté le nouveau classement des hébergements. Christian Mantéi, directeur d’Atout France, a mené à bien cette fusion et a su installer entre ces entités différentes une culture d’entreprise commune. Il a notamment œuvré pour la mise en œuvre du nouveau classement touristique, permettant ainsi à l’hôtellerie française de s’aligner sur les standards internationaux.
Le second changement est intervenu avec le rattachement de la compétence « tourisme » à votre ministère. Ce premier anniversaire est l’occasion de faire un point d’étape.
Pour l’histoire, je rappelle que, ces trente dernières années, la compétence « tourisme » a été placée sous des tutelles diverses et variées : une seule fois un ministère de plein exercice, le plus souvent un secrétariat d’État rattaché à différents ministères.
Cette nouvelle et prestigieuse tutelle, inédite dans l’histoire de l’industrie touristique, est un signal fort et positif.
Trop longtemps, le tourisme a été considéré comme un sujet périphérique, comme si la richesse, la beauté et l’attractivité naturelle de la France nous dispensaient de tout effort. Les collectivités locales ne s’y sont pas trompées : il suffit de se reporter à nos nombreux débats, dans cet hémicycle, sur le bon niveau de compétences en matière de tourisme pour mesurer l’importance stratégique de ce secteur pour nos territoires.
Nous constatons tout d’abord que les chiffres sont ambivalents. Première destination touristique mondiale, la France n’est que troisième en termes de recettes. Nos visiteurs ne dépensent pas autant que nous le voudrions, et peut-être pas autant qu’ils le souhaiteraient.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
Mme Bariza Khiari. Élément nouveau : l’ouverture dominicale annoncée dans les zones touristiques internationales sera de nature à permettre de manière certaine une augmentation de la dépense par touriste. Extrêmement concentrés sur certaines provenances, nos flux touristiques sont également trop concentrés sur certaines destinations.
Nous avons donc deux défis à relever pour atteindre l’objectif des 100 millions de touristes par an que vous avez fixé, monsieur le ministre : il s’agit, premièrement, d’élargir notre zone d’influence à de nouveaux pays – 80 % des touristes internationaux viennent d’Europe – et, deuxièmement, d’allonger la durée des séjours en incitant les visiteurs à découvrir d’autres sites sur notre territoire.
En effet, la France n’est pas une simple destination, elle est une collection de destinations. Son identité se nourrit de la diversité de nos régions. L’attrait et l’influence qu’exerce la France à l’international tiennent également aux idéaux qui la fondent et qui l’inscrivent comme patrie universelle de ceux qui se réclament de l’esprit des Lumières. Cette dimension est essentielle pour comprendre en quoi la France reste une référence dans le monde.
Plus prosaïquement, il nous revient, en tant qu’hôte, d’assurer un accueil de qualité : l’accueil est une chaîne de production et il ne saurait y avoir de maillon faible si nous voulons que ces touristes, de retour chez eux, deviennent à leur tour des prescripteurs de la destination France.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Bariza Khiari. Il nous revient également de lever les différents obstacles qui sont de nature à « contrarier » la venue de visiteurs chez nous. Vous le savez, la liaison aéroport-Paris n’est pas satisfaisante. Je forme le vœu que le projet de liaison express entre Paris et Roissy aboutisse : c’est indispensable pour développer le tourisme de court séjour et le tourisme d’affaires lié aux congrès et aux salons.
D’autres actions sont mises en œuvre ou envisagées pour que les recettes du tourisme soient en adéquation avec notre rang de première destination mondiale. C’est dans cette perspective que vous avez facilité l’accès au territoire français grâce à l’opération « visas en 48 heures » pour les ressortissants chinois, visiteurs à forte contribution, ce qui a permis d’augmenter considérablement le nombre de ces touristes. Envisagez-vous, monsieur le ministre, une extension du plan « visas en 48 heures » à d’autres pays ?
J’aimerais saluer aussi l’opération Goût de France-Good France, que vous avez initiée, et qui a permis, dans plusieurs milliers de restaurants situés sur les cinq continents, et dans toutes nos ambassades, de célébrer le repas gastronomique français, élevé par l’UNESCO au rang de patrimoine immatériel. Cette opération a permis de valoriser notre savoir-faire et de contribuer, par ce moment de partage, au rayonnement de nos traditions, tout en montrant notre inventivité en matière de gastronomie.
La couverture médiatique internationale qu’elle a reçue prouve que cette opération a suscité intérêt, et même engouement, car vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que le rédactionnel généré par Good France vaut plus qu’une campagne de publicité payante à grande échelle. Envisagez-vous de reconduire cette opération inédite ?
Enfin, vous avez nommé Jacques Maillot, professionnel du tourisme reconnu par ses pairs, chargé de mission « tourisme fluvial et croisières ». Envisagez-vous de développer ce secteur, qui dispose d’une très grande marge de progression ?
J’aurais voulu, monsieur le ministre, vous interroger sur la conférence climat et vous demander comment le secteur du tourisme peut s’inscrire dans cette belle ambition, mais je crains que l’indulgence de Mme la présidente n’ait atteint ses limites ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Fournier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je voudrais commencer en félicitant le Président de la République et le Quai d’Orsay pour l’activisme dont ils font preuve, depuis le début du quinquennat, en matière de politique étrangère.
En cela, ils s’inscrivent dans la droite ligne de leurs prédécesseurs, qui ont toujours bataillé pour défendre les intérêts et l’influence de notre pays dans le monde. Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, la « parole » de la France sur les grandes questions internationales est souvent attendue avec intérêt et ses prises de position scrutées par les autres pays. De par son histoire, le rayonnement de sa culture et sa place dans les principales institutions internationales, notamment à l’ONU, la France est écoutée avec un intérêt tout particulier.
Depuis 2012, dans un climat international extrêmement dégradé, de nombreuses initiatives ont été prises par le Président de la République qui, en moins de trois ans, aura engagé nos forces armées sur quatre terrains d’actions principaux, au Mali, en Centrafrique, dans la zone sahélo-saharienne et, contre Daesh, en Irak. En outre, l’intensification de la crise ukrainienne ces derniers mois a amené notre diplomatie à prendre de fortes initiatives, en partenariat avec l’Allemagne. Les accords de Minsk 2, même s’ils restent très fragiles, sont une avancée.
Face à la réorientation de la politique étrangère des États-Unis, son désengagement de plus en plus marqué vis-à-vis du vieux continent, face aussi à l’inertie de l’Europe et à ses divisions en matière de politique étrangère, nous ne pouvons que saluer le rôle et le dynamisme de la diplomatie française.
Toutefois, cela ne veut pas dire que je suis personnellement d’accord avec toutes les positions internationales prises par le Président de la République – tant s’en faut ! Par ailleurs, lorsque l’on parle d’influence de la France à l’étranger, il faut bien évidemment la replacer dans le temps et analyser l’ensemble de ses composantes.
Et là, monsieur le ministre, mon avis sera sûrement différent du vôtre. Il ne s’agit pas ici de faire du « déclinisme », mais d’examiner notre position et notre influence de façon objective, réaliste.
En effet, aujourd’hui, qui peut réellement nier que notre capacité à influencer « les affaires du monde » s’estompe sérieusement ?
La première raison, et sans doute la plus importante, tient à la stagnation de notre économie, qui connaît des taux de croissance assez faibles depuis la deuxième moitié des années soixante-dix, et qui subit de plein fouet depuis 2008 la crise économique et financière. Pour prendre l’exemple européen, il est évident aujourd’hui que notre décrochage économique par rapport à l’Allemagne nuit à notre importance dans les institutions européennes et dans le monde. La France compte 121 000 entreprises exportatrices, alors que l’Italie en compte le double, et l’Allemagne le triple !
Je n’aurai malheureusement pas le temps de parler de nos grandes entreprises, qui, les unes après les autres, se font racheter en partie ou totalement par des groupes étrangers, et sont donc de moins en moins françaises : Alstom, le Club Med, Pechiney... Cela contribuera sans aucun doute, à moyen terme, à la perte d’influence de notre pays.
Dans le même temps, nous avons assisté à un développement sans précédent des pays émergents, qui représentent à eux seuls 40 % de la population de la planète et un cinquième du PIB mondial. La multiplication des acteurs mondiaux nous renvoie, hélas, à un rôle de puissance moyenne parmi d’autres.
Par ailleurs, l’Union européenne a quelque peu dilué la parole de la France, qui est souvent obligée de prendre des initiatives plus personnelles pour faire entendre sa voix ou entraîner les autres États derrière elle.
Concernant l’Afrique, il suffit de regarder le montant des investissements chinois pour mesurer à quel point l’influence de la Chine augmente pendant que la nôtre décline. Les parts de marché de l’Hexagone sur le continent sont passées de 16 % en 2000 à 8 % en 2010.
La paralysie de l’ONU dans de nombreux conflits majeurs récents pénalise également notre politique étrangère.
Enfin, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN en 2009 masque mal notre perte d’indépendance et l’affaiblissement de nos armées ; je salue à cette occasion le professionnalisme remarquable dont elles font preuve malgré des moyens de plus en plus réduits.
Personne ne peut ignorer la corrélation entre la puissance militaire d’un pays et son influence diplomatique. Il suffit, là encore, de mettre en regard le développement économique de certains pays – le Brésil, la Chine ou l’Inde – et l’augmentation de leurs budgets militaires.
Si elle veut garder un rôle international important, la France doit à tout prix sécuriser le budget de la défense, qui ne doit plus servir de variable d’ajustement. C’est d’autant plus nécessaire que, malgré les risques internationaux, l’Europe fait preuve de beaucoup de naïveté.
Pour résumer une question aussi vaste en cinq minutes, je dirai que nous faisons preuve de beaucoup d’« activisme » et de bonne volonté – c’est tout à l’honneur de notre pays –; mais que l’influence de la France dans le monde est malheureusement en recul. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble que les influences que l’on n’arrive pas à discerner soient les plus puissantes. À défaut de pouvoir les saisir, il est possible de les deviner grâce aux indices qu’un récent déplacement en Uruguay m’a permis de retrouver ; je désire vous les faire partager.
À suivre l’image que ce pays nous renvoie de l’influence française, celle-ci – je le dis non sans humour – s’exercerait au travers du béret basque, de l’imprimante 3D et de la loi de séparation de 1905. (Sourires.)
Je commencerai par la loi de séparation. Nous le savons, depuis les philosophes des Lumières et la révolution de 1789, la France est avant tout attendue pour ses idées. Suivant l’exemple français, la laïcité a été reprise dans la plupart des constitutions latino-américaines, dont la constitution uruguayenne de 1917. Je soupçonne Clemenceau, qui fit une tournée en Amérique du Sud en 1910, de ne pas y avoir été totalement étranger.
Cette influence des idées, qui est aussi celle du code civil ou du système éducatif, se retrouve symboliquement dans la devise du Brésil, « Ordre et progrès », inspirée par le philosophe Auguste Comte. Cela signifie que, depuis plus d’un siècle, les élites brésiliennes ont installé dans leurs systèmes de formation des références françaises dans toute une série de domaines.
L’influence de la France est naturellement aidée, on le devine, par la diffusion du français. Cette année, plus de 200 000 élèves étrangers, dans 135 pays, sont scolarisés au sein de nos établissements à l’étranger. Ce réseau unique au monde est un instrument essentiel de notre diplomatie d’influence, puisque les élèves étrangers effectuant leur scolarité dans notre langue, conformément aux valeurs de notre éducation, sont ainsi incités à poursuivre leurs études supérieures en France ; beaucoup d’entre eux deviennent ensuite des décideurs ou des personnes d’influence dans leur pays. Je me souviens ainsi d’un déjeuner officiel offert par le président guatémaltèque, Otto Pérez Molina, ancien élève du lycée Jules-Verne de Guatemala ville, qui se tint en français. Ces anciens élèves et étudiants constituent autant de partenaires naturels pour la France et autant de relais de son influence.
L’Alliance française, la Mission laïque française et l’Institut français contribuent également à notre influence. On peut penser que, si la notion d’« exception culturelle », selon laquelle la culture n’est pas une marchandise, a été reprise lors la réunion du GATT à Marrakech, en 1993, c’est peut-être aussi parce qu’un certain nombre de négociateurs, parlant la même langue, à savoir le français, partageaient les mêmes idées.
Mais l’influence par les idées n’a d’égale que l’influence du béret basque ! (Sourires.) L’Uruguay compte en effet une communauté française originaire du Pays basque et du Béarn. Au XIXe siècle, elle représenta presque 15 % de la population. Il en reste aujourd'hui le béret des gauchos. Cette communauté est à l’image des près de trois millions de Français établis hors de France, qui font vivre quotidiennement, dans leurs pays de résidence, notre langue et nos idées. Ce sont eux qui, directement et au travers de leurs conseillers consulaires – ces nouveaux élus de proximité les représentent localement –, sont nos meilleurs relais, voire nos ambassadeurs, pour reprendre un terme utilisé précédemment.
On le sait, les motifs de l’expatriation sont nombreux. Par leur capacité à tendre des passerelles avec le monde, celles et ceux que j’ai rencontrés repoussent les frontières de la France. Les jeunes actifs se montrent de plus en plus mobiles. Ils constituent une richesse pour notre pays, ainsi qu’une source de compétitivité, notamment à leur retour.
L’expatriation est une liberté, même si certains se plaisent aujourd'hui à la contester ou à la stigmatiser en parlant de « fuite » et d’« exil ». C’est surtout une nécessité pour toute nation ambitieuse aspirant à conquérir de nouveaux marchés. La mobilité internationale des Français est un précieux levier pour le redressement économique de la France.
L’influence française s’incarne également dans l’imprimante 3D développée par quarante ingénieurs français, qu’utilise un jeune entrepreneur français –je l’ai récemment rencontré à Montevideo -, pour produire des drones civils. C’est bien ce dynamisme de la science, récompensé par prix Nobel et médailles Fields, c’est bien ce dynamisme des créateurs autant que des penseurs qui est essentiel à l’influence de la France.
Notre pays doit aussi son influence à la grande qualité de ses professionnels et de son éducation. On trouve des ingénieurs et des chercheurs français dans le monde entier. Ils sont particulièrement compétitifs dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l’énergie, ainsi que dans l’industrie agronome et agroalimentaire, l’informatique, les télécommunications et les nouvelles technologies.
À l’heure où la France cherche à redresser un déficit commercial de 70 milliards d’euros, qui faisait partie de l’héritage légué en 2012, la présence de Français à l’étranger est une chance pour notre pays. Ce levier de développement économique n’est pas toujours perçu à sa juste valeur.
Certes, mes chers collègues, j’aurais pu rappeler, plus simplement, que la France reste la deuxième économie d’Europe et la cinquième du monde, qu’elle demeure le sixième exportateur mondial de biens, qu’elle est attendue et appréciée à l’étranger, que son image est renforcée par votre action, monsieur le ministre, et surtout que les Français sont présents et actifs dans tous les domaines.
Cependant, il manquerait encore à cette énumération ce qui, selon moi, fait l’influence de la France.
Cette influence n’est pas le fait de l’État ni de quelques-uns, même lorsqu’ils y participent activement. Non, je crois qu’elle est le fait de ceux qui transforment leurs rêves en actions.
C’est pour les encourager et les accompagner que, sous votre impulsion, monsieur le ministre, le Gouvernement s’est attaché, depuis trois ans, à assurer la mise en réseau de tous les acteurs de notre présence afin de démultiplier notre influence.
Sachez que vous pouvez compter sur notre soutien pour vous aider à mobiliser tout notre potentiel dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs et, si vous me le permettez, chers amis, je tiens d’abord à vous remercier d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat sur l’influence de la France à l’étranger. Je remercie également les orateurs de la tonalité de leurs propos, qui ont porté sur le fond et dont je remarque qu’ils n’ont pas été cruels, pour employer une expression qui ne serait pas désavouée par les fonctionnaires du Quai d’Orsay, dont, comme vous le savez, le parler est spécifique. (Sourires.)
Je reprendrai chaque intervention en m’efforçant – j’espère que vous me pardonnerez cette méthode quelque peu schématique – d’en tirer une leçon particulière sur un point particulier, étant entendu que, comme il est naturel, vos observations respectives se sont souvent recoupées.
Je remercie Jacky Deromedi de son intervention. Je m’associe à l’hommage qu’elle a rendu à Lee Kuan Yew, que j’ai bien connu ; cela ne me rajeunit pas… Cet homme tout à fait extraordinaire a vraiment contribué à porter Singapour à son niveau actuel. Ce qui m’a toujours frappé chez lui, c’est sa qualité de visionnaire : parmi les hommes d’État que j’ai rencontrés, c’était l’un de ceux qui avaient la vision la plus juste et la plus tournée vers la prospective, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir le souci du détail et du concret.
Vous avez tous souligné – et ce n’était pas une complaisance de langage – la fierté des Français de l’étranger. Bien entendu, il leur arrive parfois, dans un moment d’égarement, d’être légèrement critiques à l’égard des gouvernements français successifs (Sourires.), mais ils expriment une vraie fierté. Et nous mesurons la force de leur sentiment d’appartenance et l’intensité de leur fierté à chaque fois que nous nous rendons à l’étranger.
Je voudrais rappeler, comme l’ont fait à juste titre beaucoup d’entre vous, que nous n’avons pas assez de Français à l’étranger. Certains soutiennent, en prenant appui sur je ne sais quelle considération fiscale, qui peut exister, que le départ de Français à l’étranger est une catastrophe. Je ne suis absolument pas d'accord. L’un d’entre vous a souligné que, dans un monde globalisé, il était tout à fait normal que beaucoup de Français aillent à l’étranger – beaucoup reviennent ensuite – et que, de la même façon, beaucoup d’étrangers viennent en France ; ils sont les bienvenus lorsqu’ils ont, comme c’est le cas, beaucoup à lui apporter.
Il est donc très important que les parlementaires représentant les Français de l’étranger, et plus largement l’ensemble des parlementaires, redressent la perception que l’on a de la réalité des Français de l’étranger.
Encore une fois, c’est une très bonne chose qu’il y ait beaucoup de Français à l’étranger. Les Français de l’étranger sont nos ambassadeurs dans tous les domaines. Ils sont fiers de ce que fait la France ; laissons de côté les questions d’appartenance politique.
Vous avez d'abord souligné, madame Deromedi – d’autres sénateurs l’auraient sans doute fait si vous ne les aviez pas devancés – notre situation spécifique en matière de défense. Jean-Claude Juncker déclarait récemment sur une radio française – je reprends l’esprit, non la lettre, de ses propos – que la défense européenne était très largement assurée par l’armée française. Au sens propre, ce n’est pas exact, mais la réalité – je le constate lorsque j’en discute avec les uns et les autres –, c’est que tout le monde félicite la France et se félicite de ce que fait la France, sans pour autant en tirer exactement les conséquences financières que l’on pourrait attendre.
Autant le gouvernement français, pour des raisons que chacun comprendra, s’abstient justement d’insister sur cet aspect – cela pourrait être perçu comme une volonté de contourner nos obligations, alors qu’il n’en est rien –, autant il me paraît tout à fait salutaire que les parlementaires cherchent à convaincre leurs groupes respectifs au Parlement européen de la réalité de notre action et s’expriment sur ce sujet. Il est tout à fait vrai que nous assumons des dépenses considérables, que nous consentons des sacrifices considérables, et, disant cela, je pense aux hommes et à leur courage. Cet effort pourrait être davantage reconnu.
Je ne m’attarderai pas davantage sur l’intervention de Jacky Deromedi, mais je tenais à la remercier de ses propos.
Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez abordé beaucoup de sujets, mais il en est un sur lequel je voudrais revenir en particulier, car je sais qu’il s’agit d’une interrogation que partagent plusieurs de vos collègues. Je veux parler du bien-fondé de la position que le Gouvernement adopte à l’égard de la Syrie, sujet qui revient dans beaucoup de conversations.
Au préalable, je tiens à vous remercier, monsieur le sénateur, des propos que vous avez tenus sur l’action de la diplomatie française concernant l’Ukraine. Les diplomates français sont sensibles aux compliments, comme d’ailleurs tout un chacun. Sachez que je ne les prends pas pour moi, mais pour eux, et pour le travail remarquable qu’ils font.
Sur la Syrie, nous pouvons avoir des points de vue différents, mais je voudrais expliquer la logique de la position que nous avons prise, et que nous assumons.
C’est une certitude, le groupe terroriste Daesh est d’une dangerosité absolue. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec beaucoup d’autres au sein de la coalition, de le combattre. Nous le faisons notamment en Irak, avec notre aviation, et nous le ferons partout où sa menace s’étend, à savoir sur de nombreux territoires.
En passant, je souligne un paradoxe, qui dit beaucoup sur l’influence de la France : au Nigeria, pays confronté aux attaques redoutables de Boko Haram, ce n’est pas la Grande-Bretagne qui s’est portée au secours des autorités - son Premier ministre vient de dire des choses fort aimables sur la France (Sourires.), auxquelles je ne répondrai pas. Qui a-t-on appelé ? La France ! Cela signifie, comme beaucoup d’entre vous l’ont dit, que l’influence française en matière de politique internationale est reconnue.
Mais revenons à la Syrie. Daesh est un groupe terroriste totalitaire. Comme nous le disions ce matin avec ceux d’entre vous qui étaient présents à la réunion que j’ai animée sur les chrétiens d’Orient, cette organisation ne laisse aux populations que trois solutions : soit vous êtes avec nous, soit vous partez, soit nous vous tuons. Ils ne sortent pas de cette mécanique.
Il est donc tout à fait normal, logique, nécessaire, de participer à la lutte contre Daesh. Encore faut-il le faire dans des conditions efficaces. En Irak, c’est le cas, mais, en Syrie, la situation est plus complexe, car nous considérons qu’il n’y a pas un péril, mais deux. Si nous décidions, comme certains le proposent, de soutenir M. Bachar El-Assad, nous rendrions un signalé service au groupe Daesh.
Pourquoi ?
Il y a d’abord des raisons morales, que, pas plus qu’aucun d’entre vous, je n’écarterai d’un revers de la main, même s’agissant de politique internationale. Non pas que la morale puisse dicter tous nos choix : si nous ne devions discuter qu’avec les grands démocrates, le ministre des affaires étrangères aurait beaucoup de loisirs…
Mais il y a aussi des limites à soutenir un dirigeant qualifié par le secrétaire général des Nations unies, homme mesuré s’il en est, de « criminel contre l’humanité », un dirigeant qui, ne l’oublions pas, à partir d’une révolte de quelques jeunes en Syrie, a agi de telle manière qu’aujourd’hui il y a plus de 200 000 morts et des millions de personnes déplacées, un dirigeant, enfin, qui a utilisé l’arme chimique et qui est à l’origine de la création de Daesh, puisque c’est en libérant des prisonniers qu’il a favorisé le terrorisme.
Indépendamment donc de la morale, soyons pragmatiques et recherchons l’efficacité. Qui peut croire que, si nous mettions sur le pavois M. Bachar El-Assad en personne, la population syrienne, dans sa majorité, se rallierait à celui qui est le premier assassin de son peuple ?
Je le répète, une telle solution serait un signalé service à l’égard des groupes terroristes. Vous me répondrez : si ce n’est ni Bachar El-Asssad ni Daesh, qui donc ?
Tel est précisément l’objet de la recherche de la solution diplomatique à laquelle nous travaillons de façon à la fois ouverte et, chacun le comprendra, plus discrète, avec les Russes, avec l’envoyé spécial des Nations unies, M. de Mistura, avec les populations arabes, et aussi, je le dis à cette tribune, avec des éléments du régime de M. Bachar El-Assad. Nous voulons en effet éviter, et les représentants des chrétiens partagent ce sentiment, que l’État syrien, ou ce qu’il en reste, ne s’effondre, comme ce fut le cas dans le passé avec l’Irak, situation catastrophique à laquelle nous ne souhaitons pas aboutir.
Nous tentons donc d’établir une distinction, ce qui n’est pas facile, d’autant que nous ne pouvons pas parler de manière ouverte. En effet, si nous avouons négocier avec M. X ou avec M. Y, peu de jours s’écouleront avant que la personne n’ait disparu. Mais c’est bien la direction que nous empruntons, sur la base de Genève I, pour une formule incluant des éléments de l’opposition et des éléments du régime, ce que l’opposition modérée reconnaît dorénavant, étant observé que le point commun de tous les interlocuteurs doit être la reconnaissance de la diversité des communautés et de la nécessité de garanties pour chacune d’entre elles.
C’est évidemment très compliqué, mais il nous semble que c’est le chemin, indépendamment de l’aspect moral, qui permettra, nous l’espérons, d’aboutir.
Je ne veux pas être plus long, même si ce qu’a dit M. Pozzo di Borgo mériterait bien d’autres développements. Je voulais reprendre ce point, car j’entends bien l’argument qui monte dans l’opinion publique : Daesh et Bachar El-Assad sont horribles, mais prenons le moins horrible. Non ! L’un et l’autre sont l’avers et le revers d’une même médaille.
Monsieur Duvernois, vous avez également abordé beaucoup de sujets, et je vous en remercie. À mon sens, vous avez dessiné les contours du concept de « diplomatie globale ». Quand je regarde ce que nous essayons de faire, c’est ce concept qui me vient à l’esprit.
Pendant très longtemps, la diplomatie a été essentiellement stratégique. Sans remonter même à Talleyrand, si nous prenons les grands et moins grands ministres des affaires étrangères de la Ve République, nous constatons que l’essentiel tenait dans la stratégie. C’est ce qui était demandé à la fois aux ministres et aux ambassadeurs.
Aujourd’hui, le contexte est différent. Bien sûr, l’aspect stratégique compte toujours, mais n’est pas Metternich qui veut…
Alors, certes, vous l’avez suffisamment souligné, la France n’est pas la première puissance du monde. En passant, je vous conseille de ne pas trop insister sur le classement actuel de la France, notamment en matière économique, car, de toutes les manières, si vous vous projetez dans le temps, l’Inde, le Brésil, ou d’autres pays, ne resteront pas à la place où ils se trouvent aujourd’hui. Le classement évoluera donc certainement.
Cependant, la France est singulière, car elle peut, elle, jouer sur l’ensemble de la palette.
Il y a d’abord la dimension stratégique. À cet égard, nous pouvons remercier le général de Gaulle d’avoir fait de notre pays un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Sur 195 pays, il n’y en a que cinq dans ce cas, qui peuvent lever ou baisser le pouce. On peut trouver cela injuste, mais c’est ce qui a été décidé à l’issue de la guerre.
Nous sommes donc une puissance singulière, avec des moyens militaires que, comme vous l’avez rappelé, nous n’hésitons pas à utiliser, le cas échéant, alors que les théories à la mode actuellement sont que la politique extérieure n’a pas besoin de défense, laquelle n’a pas besoin de moyens militaires. Ce n’est évidemment pas la théorie de la France, ni sa pratique.
Nous avons aussi une langue, des principes, une histoire, une économie, des sciences. Nous avons beaucoup entendu parler du déclin français l’an dernier – c’est moins le cas aujourd’hui. Lorsque je m’adressais à des compatriotes à l’étranger, je disais avec humour qu’ils ne devaient pas oublier que la France avait obtenu le prix Nobel de littérature, la médaille Fields de mathématiques et le prix Nobel d’économie. Pour une nation en déclin…
Je le disais d’autant plus volontiers que le Gouvernement, reconnaissons-le, n’a qu’une faible responsabilité dans l’obtention de ces prix.
Nous sommes donc une puissance globale, avec des atouts nouveaux, auxquels nous n’aurions pas pensé autrefois, et qui peuvent faire sourire. Ainsi, plusieurs d’entre vous ont parlé du tourisme et de la cuisine, ce en quoi ils ont eu tout à fait raison. La gastronomie est un élément important de notre rayonnement.
Nous pourrions également parler du sport : les jeux Olympiques et les grandes compétitions internationales sont des éléments de puissance universelle.
Vous le voyez, nous avons la totalité de la palette à notre disposition, et je demande à nos diplomates d’en jouer. Il n’y a pas beaucoup de pays qui peuvent en faire autant.
Pourquoi, en ce moment, la France a-t-elle une influence peut-être plus grande qu’elle même, si je puis dire ? Il y a à cela des raisons structurelles et d’autres qui le sont moins.
Pour ce qui est des raisons structurelles, je vais me référer à un concept, avec lequel j’ai déjà ennuyé beaucoup d’entre vous. Il est, certes, un peu schématique, mais il permet de clarifier la pensée.
À l’issue de la guerre, le monde est bipolaire, avec l’URSS et les États-Unis : ce sont eux qui font la loi, et, lorsqu’il y a une crise, ils la règlent entre eux, même s’ils sont ennemis ; ils sont adversaires et en même temps amis.
Ensuite, pendant quelques années après la chute du mur de Berlin, le monde est unipolaire : les États-Unis font la loi, car ils sont la seule grande puissance sur le plan technologique, culturel, militaire, etc.
Aujourd’hui, en schématisant un peu, je dirai que nous sommes dans un monde apolaire ou « zéropolaire », c’est-à-dire qu’aucune puissance, ni à elle seule ni en s’alliant avec une autre, ne peut résoudre toutes les crises.
Or nous voulons aller vers un monde multipolaire organisé, objectif que nous avons en commun avec beaucoup d’autres nations. Pour le moment, ce n’est pas le cas, et c’est la raison pour laquelle les crises ont tant de mal à se résoudre. Voilà deux ou trois décennies, la crise syrienne n’aurait pas duré quatre ans, et nous n’aurions pas à constater une évolution qui tourne, comme au Yémen, à l’affrontement sunnites-chiites, Iran-Arabie Saoudite, Al-Qaida - Daesh, ou que sais-je encore…
Dans ce monde apolaire, la France, puissance globale, a donc une influence plus forte qu’elle-même.
Monsieur Duvernois, vous avez exprimé cela d’une autre manière, tout en rappelant qu’une loi de 2010 avait créé l’Institut français, ce qui est tout à fait exact.
À ce sujet, je voudrais vous présenter en passant un des objectifs que nous sommes en train d’atteindre : je souhaite que, dans chaque domaine de la compétence extérieure de l’État, et lorsque c’est nécessaire, il y ait un seul opérateur.
C’est ce que nous avons fait avec Business France. Il y avait avant plusieurs opérateurs, l’un pour l’exportation des PME, l’autre pour les investissements étrangers, l’AFII. Nous avons tout regroupé, et, avec les dirigeants que nous avons nommés, qui peuvent compter sur la détermination des leurs collaborateurs, nous commençons à enregistrer des progrès, notamment s’agissant du nombre d’exportateurs.
Nous pouvons faire les mêmes constats pour l’Institut français et pour l’expertise. Avant, chaque ministère avait sa petite expertise, ce que certains d’entre vous ont connu. C’était commode, à divers égards, mais, lorsque nous avions à faire face à l’expertise allemande, nous ne faisions pas le poids. Ce n’est plus le cas : grâce à vous, et je vous en remercie, nous avons créé au 1er janvier une expertise, au travers de Campus France.
Donc, pour chaque domaine d’action, nous avons dorénavant un opérateur, ce qui permet de clarifier les choses.
Madame Pérol-Dumont, vous avez été assez incisive, suscitant quelques remarques sur telle ou telle travée. Je ne dirai pas, comme l’autre, du passé faisons table rase, car il ne faut jamais procéder ainsi, mais je reconnais qu’il y a eu des évolutions.
Prenons un exemple qui n’est pas polémique : la façon dont le Président de la République parle de l’Afrique et agit sur ce continent n’est pas la copie conforme de celle de son prédécesseur… En même temps, ce n’est pas non plus le jour et la nuit sur tous les plans.
En ce qui nous concerne – le Président de la République, le Premier ministre et moi-même –, nous nous fixons quatre objectifs, et, à chaque fois que nous avons une décision à prendre, nous essayons de la rapporter à ces objectifs. Sinon, face aux nombreuses crises internationales, nous risquerions, dans notre politique étrangère, de tomber dans l’anecdote ou dans le pointillisme.
Nous devons adopter une vision d’ensemble et, à cette fin, nous assignons quatre objectifs principaux à notre action. Permettez-moi de les rappeler.
Premier objectif : la paix et la sécurité. La paix n’est pas le pacifisme, car il faut parfois recourir à la force, malheureusement. Cela étant, chaque fois qu’un conflit se présente, nous nous demandons ce que la France doit faire pour aller dans le sens de la paix et de la sécurité.
C’est cette considération qui nous a déterminés dans le cas de l’Ukraine, ce qui ne veut pas dire que la solution ait été trouvée, car la situation reste très fragile, notamment ces derniers jours. Nous avons pensé, alors que la Russie et l’Ukraine ne se parlaient plus, qu’il incombait à la France d’essayer, avec l’Allemagne, de rétablir le lien entre ces deux pays. Les accords de Minsk 2 n’auraient évidemment pas été conclus sans cette médiation.
Deuxième objectif : la planète, envisagée à la fois sous l’angle de son organisation – globale, avec l’ONU, mais aussi régionale, avec l’Union africaine, par exemple – et de sa préservation. Deux d’entre vous ont abordé ce sujet en évoquant la COP 21, qui va être la grande affaire diplomatique de ce quinquennat.
Pour le moment, cette conférence semble encore lointaine, puisqu’elle doit se tenir à la fin de l’année. Nous travaillons tous à son succès, que je ne peux pas actuellement vous garantir, puisqu’il faudrait, sur un sujet aussi difficile, obtenir que les 196 parties lèvent ensemble la main pour dire « oui » à l’issue de leurs travaux ! Personne ne pourrait le garantir, mais cette unanimité reste notre objectif, vraisemblablement le plus important au regard de l’histoire, parce que la question qui est posée, sans employer de grands mots, consiste à savoir si l’humanité va encore pouvoir vivre correctement sur la planète.
Troisième objectif : l’Europe. Il en a malheureusement été peu question aujourd’hui, et c’est peut-être significatif, mais la relance et la réorientation de l’Europe - car nous ne séparons pas ces deux aspects - sont, certes, un objectif difficile à atteindre, mais restent une préoccupation permanente.
Enfin, le quatrième objectif est le redressement et le rayonnement de la France, notamment dans le domaine économique, mais pas uniquement.
Chaque fois que nous devons prendre une décision, nous essayons de la rapporter à l’un de ces quatre objectifs.
Mme Aïchi a évoqué, en particulier, la COP 21, ce dont je la remercie. En effet, comme je le disais à l’instant, il s’agit de la première tâche de la diplomatie française. Lorsque vous vous rendez à l’étranger, je pense que vous pouvez constater que la préparation de cette conférence est devenue une dimension importante de la mission de nos ambassadeurs.
Si la présidence de la France peut apporter un plus – il n’est pas question d’imposer nos vues, car le rôle de la présidence est d’écouter chacun, susciter des synthèses et des compromis et maintenir un niveau d’ambition suffisant –, c’est grâce à son réseau diplomatique et à son expérience de la négociation, beaucoup de mes interlocuteurs étrangers me le disent. Si la présidence de cette conférence a été confiée au ministre des affaires étrangères, c’est parce que son rôle même consiste à trouver des accords ; en revanche, la position de la France sera défendue, comme le veut la logique, par sa ministre de l’écologie.
Enfin, Mme Aïchi a également souligné, ce dont je la remercie, le caractère nécessaire de notre décision de renforcer notre présence en Asie et en Afrique notamment, parce qu’il a fallu adapter notre réseau diplomatique à la réalité du monde d’aujourd’hui, comme il faudra le faire pour le monde de demain.
M. Billout, dans une intervention très maîtrisée, s’est interrogé sur la notion même d’influence. S’il avait disposé de plus de temps, il aurait sûrement abordé une série d’autres sujets, mais il a centré son intervention sur la question des moyens financiers, qu’il juge insuffisants, ce qui nous renvoie à nos discussions budgétaires.
Sans manquer à la solidarité gouvernementale, mais sans vouloir paraître non plus manquer de lucidité, je me dois de constater que les moyens nous sont mesurés. Compte tenu de nos contraintes budgétaires, l’action devient très difficile dans certains secteurs. Comme on le dit familièrement, on ne peut pas aller « au-delà de l’os » – quand on s’approche de l’os, la situation devient déjà dangereuse !
Quoi qu’il en soit, nous avons les moyens de travailler, mais il faut évidemment rechercher beaucoup plus d’efficacité et améliorer notre organisation. Je reconnais que cette contrainte est forte.
M. Billout a également évoqué la question de l’aide au développement : si nos chiffres n’atteignent pas le niveau qui pourrait être le leur dans une période plus prospère, la France reste malgré tout un des grands apporteurs d’aide, et c’est nécessaire.
Enfin, M. Billout, comme la plupart des autres orateurs, a bien voulu souligner nos efforts en matière de diplomatie économique et de tourisme.
M. Hue a insisté, en particulier, sur la priorité que nous accordons à l’Afrique, et je sais qu’il est très attaché à ce continent. Il nous aidera à développer nos relations économiques avec un pays qu’il connaît très bien, l’Afrique du Sud, ce dont je le remercie. Il a souligné à juste titre tout ce que nous faisions, en Ukraine, au Mali, en Irak et en Centrafrique, et rappelé que les événements dramatiques que nous avons vécus en janvier avaient révélé une solidarité mondiale extraordinaire.
Il est vrai que la France est ce pays singulier qui, touché par un drame tel que celui que nous avons vécu, voit cinquante chefs d’État et de gouvernement répondre présent et se rassembler dans les rues de sa capitale. C’est une singularité de la France - elle n’est pas liée au gouvernement actuel, ce serait absurde de le prétendre -, qui témoigne de la place spécifique de notre pays dans la conscience mondiale.
Mme Garriaud-Maylam a abordé de nombreux sujets, notamment la défense de nos valeurs et le décalage constaté entre la morosité intérieure et l’estime extérieure.