Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Madame la sénatrice, je partage votre analyse : les ruptures conventionnelles ont connu un franc succès depuis leur mise en place en 2008-2009. Ce succès ne se dément pas, puisque celles-ci ont augmenté de 6 % en 2014, pour atteindre le chiffre record de 333 000.
Rappelons que, entre 2012 et 2013, – il n’y a donc pas de lien avec la politique menée – ces ruptures avaient baissé de 2 %.
Le chiffre moyen mensuel enregistré depuis 2009 oscille entre 25 000 ruptures les mauvaises années, si je puis dire, et 30 000 les bonnes années.
Vous le savez, les partenaires sociaux sont très attachés à ces ruptures conventionnelles.
Mme Catherine Procaccia. Moi aussi !
M. François Rebsamen, ministre. Elles permettent une certaine souplesse, que le ministre du travail peut regretter de temps à autre, mais qui existe. Ces ruptures traduisent la fin des CDI dans environ 20 % des cas, pour des raisons que vous avez évoquées, madame la sénatrice, et qui résultent non seulement de la conjoncture, mais aussi, bien souvent, de quelques rares licenciements et de très nombreuses démissions négociées. Je ne saurais en tirer des conclusions sans m’attirer immédiatement les foudres des partenaires sociaux. Aussi, je vous laisse le soin de formuler des commentaires.
M. Philippe Dallier. Qui ne dit mot consent !
M. François Rebsamen, ministre. Cette évolution est-elle le signe que le CDI est dépassé ? Même si la part des salariés embauchés en CDD continue d’augmenter en dépit des dispositions qui avaient été prises afin d’alourdir la fiscalité des entreprises y recourant de façon excessive, la proportion des employés en CDI a peu varié depuis quinze ans et reste largement majoritaire : 87 % des salariés.
Faut-il passer à un autre type de contrat, le contrat unique ? Je pense que nous avons en France tous les types de contrat nécessaires pour permettre la souplesse indispensable aux entreprises tout en apportant des garanties aux salariés.
Cette question, j’en suis désolé, mériterait une analyse plus approfondie. C’est pourquoi je suis prêt à reprendre cette discussion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, vous m’avez répondu d’une façon très globale sur les ruptures conventionnelles, sur les types de contrat de travail, les CDI. Or je vous interrogeais uniquement sur l’étude de la DARES au sujet de ces jeunes de dix-sept à vingt-cinq ans qui démissionnent, pour 40 % d’entre eux, dès la première année. Ma question portait donc sur un cas très spécifique, d’autant que je précisais bien que le taux de démission par rupture conventionnelle était marginal, à savoir 1,7 %.
Quant au contrat unique, j’évoquais ce contrat seulement pour les périodes courtes. Si 40 % des salariés démissionnent ou sont licenciés la première année, alors qu’ils sont employés en CDI, cela signifie qu’un tel contrat pose un problème. Ne serait-il pas lié à toutes les charges qui pèsent sur les CDD…
Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !
Mme Catherine Procaccia. … et aux contributions qui ont été augmentées très récemment dans la loi de sécurisation de l’emploi ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe du RDSE.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de chômeurs de catégorie A a augmenté de 714 000. À la moitié du quinquennat de François Hollande, l’augmentation est déjà de 610 000. Je vous fais grâce de l’évolution des chiffres du chômage de longue durée, des jeunes, des seniors et du sous-emploi chronique ; ces chiffres, vous les connaissez mieux que moi.
Ce ne sont pourtant pas les mesures fiscales favorables aux entreprises qui ont manqué – le CICE en est un bon exemple –, ni les mesures de « flexibilisation » du marché du travail, ou pour libérer « la croissance » et l’activité, pour reprendre l’intitulé d’un projet de loi qui fait l’actualité.
Après comme avant le changement, le diagnostic et les remèdes sont toujours les mêmes ; les résultats aussi, apparemment.
Pourtant, la conjoncture semble n’avoir jamais été aussi favorable. Comme le rappelait Michel Sapin dans un récent entretien, il n’y a plus d’excuses externes – taux de l’euro, coût du pétrole, politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne – ou interne – poids des charges et des impôts – à faire valoir pour expliquer l’absence de croissance en France. (M. Francis Delattre s’exclame.) Il concluait ainsi : « Il y a aujourd’hui plein de bonnes raisons pour que l’activité économique redémarre. »
Or, absence de raison, visiblement, n’est pas raison. D’où cette supposition : si, au lieu de s’acharner à libérer d’entraves imaginaires une mystérieuse croissance toute prête à bondir, on essayait de créer la croissance par l’investissement public, tout spécialement par celui des collectivités territoriales suspectes de trop dépenser ?
M. Michel Le Scouarnec. Hélas !
M. Pierre-Yves Collombat. Qu’en pense le maire de Dijon, monsieur le ministre ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Merci, monsieur le sénateur, pour votre question et la note d’humour qui la conclut !
Il est vrai que le nombre d’inscrits à Pôle emploi a augmenté, entre 2008 et 2012, de 740 000. Ce n’est pas la peine d’en rajouter, monsieur le sénateur, car depuis le début de ce quinquennat la hausse atteint 550 000. Je ne le nie pas, les raisons en sont assez évidentes.
Dans notre pays, nous avons fait collectivement (M. le ministre se tourne vers les travées du groupe UMP.) le choix du chômage de masse. En effet, nous avons toujours privilégié la sécurisation la plus générale par rapport à la mise en compétition.
Je citerai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Dans les pays voisins, on constate un développement formidable du temps partiel, mais il n’est pas comptabilisé dans les chiffres de l’emploi. Soyons clairs : ce n’est pas ce que je suggère. Ainsi, en Grande-Bretagne, il existe le « contrat zéro heure ». Ce n’est pas ce que nous voulons, mais cela permet de ne pas compter comme chômeurs les personnes qui sont embauchées selon un tel contrat, notamment de quinze minutes. L’Allemagne, quant à elle, recense 7,5 millions d’employés dotés de « mini-jobs », qui ne sont pas comptabilisés comme demandeurs d’emploi.
En France, il existe la catégorie de ceux qui travaillent plus de 78 heures. Nous les considérons comme des chômeurs au titre de la catégorie C.
Par conséquent, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, comparaison n’est pas raison.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse de stricte observance libérale. (M. Vincent Dubois applaudit. – M. Philippe Dallier sourit.)
Le choix serait entre le chômage de masse et la précarité. Vous ne l’avez pas dit, mais c’est la réalité.
Mme Laurence Cohen. C’est exactement cela !
M. Pierre-Yves Collombat. Mon problème est le choix entre la politique de l’offre – poursuivie depuis le précédent quinquennat, mais je pourrais dire depuis vingt ans – et la politique de la demande. Keynes notait déjà qu’il avait fallu un certain temps pour que, à son époque, on réalise qu’une crise sérieuse se profilait à l’horizon. J’espère que cela durera moins longtemps, mais je crains que non. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Jean-François Longeot et Vincent Dubois applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, selon l’INSEE, le 31 décembre 1960, notre pays comptait 20 583 000 personnes en situation d’emploi. Cinquante-deux ans plus tard, le 31 décembre 2012, 26 319 000 personnes travaillaient, soit une augmentation de 27,9 %.
Durant la même période, toujours selon l’INSEE, le nombre d’heures travaillées dans la totalité des branches est passé de 43,501 milliards à 39,872 milliards, soit une diminution de 8,3 %.
Cela signifie qu’un travailleur de 2012 passe 28 % moins de temps au travail que son père en 1960. Comment l’expliquer ? Par un ralentissement de l’activité ? Non, car durant ces cinquante-deux ans le PIB par habitant a été multiplié par trois. (M. Alain Richard opine.)
Ainsi, un travailleur de 2012 crée autant de richesses en une heure que 3,8 travailleurs de 1960. Il y a besoin de moins de main-d’œuvre, ce qui entraîne deux conséquences majeures : la hausse du chômage et la précarisation des travailleurs – à la fin de 2014, plus de 83 % des embauches étaient réalisées en contrat à durée déterminée.
Aussi, je m’intéresse au mouvement de fond qui traverse nos sociétés depuis les Trente Glorieuses : l’augmentation de la productivité. Mécanisation hier, robotisation aujourd’hui et intelligence artificielle demain : ce processus n’est pas achevé ! Les moyens techniques optimisent sans cesse davantage le temps de travail, d’où la nécessité d’un partage du travail.
Dans les années soixante et soixante-dix, la diminution du temps travail salarié avait une connotation positive. Le véritable problème, c’est que le fruit de ces gains de productivité a été accaparé par le capital, au lieu d’être consacré à l’emploi. Entre 1978 et 2012, les dividendes versés aux actionnaires des sociétés non financières ont quasiment triplé, passant de 3 % à 9 % de la valeur ajoutée totale. Dans le même temps, la part de cette valeur ajoutée allouée à la masse salariale a chuté de 8 %.
Dès lors, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que tout le monde ait accès à l’emploi dans une société où l’emploi, dans sa globalité, sera moindre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, vous posez là une question de fond à laquelle, vous en conviendrez, il est difficile de répondre en deux minutes.
La durée annuelle du travail s’est réduite dans tous les pays développés depuis 1950, et même depuis le début du XXe siècle. On faisait travailler les ouvriers la nuit, y compris les enfants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui,…
M. Claude Dilain. Et heureusement !
M. François Rebsamen, ministre. … même si, sur un tout autre plan, je vais prendre des dispositions afin de permettre aux jeunes d’avoir accès à l’apprentissage pour un certain nombre de travaux.
Ce mouvement de réduction du temps de travail s’est opéré de diverses manières. Tout d’abord, vous l’avez rappelé, il résulte de l’effort de productivité accompli dans tous les pays développés. Ensuite, en France et dans l’Europe entière, il procède de la réduction de la durée collective du travail. Enfin, le temps partiel s’est développé.
Vous le savez, il faut distinguer le temps partiel choisi du temps partiel subi. Nous avons essayé de lutter contre le temps partiel subi tout en facilitant le temps partiel choisi. Mais, dans ce domaine comme dans les autres, les solutions varient beaucoup selon les pays.
Il y a quelques instants, j’ai cité le cas de l’Allemagne, où le taux d’employabilité – pardonnez-moi ce terme technique, qui n’est pas très élégant – est bien moins élevé pour les femmes qu’en France.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. François Rebsamen, ministre. Pour l’heure, faute d’un nombre suffisant de crèches ou d’aides à domicile, les Allemandes, pour élever leurs enfants, optent souvent pour le travail à temps partiel, qu’il soit choisi ou subi – je ne me prononcerai pas sur ce point.
La baisse tendancielle du temps de travail est-elle un mouvement inéluctable ? Voilà la question de fond que vous posez.
Si, malgré « l’alignement des planètes » que l’on observe actuellement en matière économique – sur ce front, la situation générale devrait s’améliorer en 2015 –, la croissance ne redémarrait pas dans notre pays, la question que vous posez devrait sans doute être soumise à tous.
Mme Laurence Cohen. Et la réduction du temps de travail ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour la réplique.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous avez compris ma question même si, vous l’avez dit vous-même, vous ne pouviez pas y répondre réellement en deux minutes. En définitive, ne courons-nous pas derrière une croissance qui ne reviendra pas ? Aussi, plutôt que de distribuer l’argent au capital en demandant aux salariés de travailler plus, ne pourrait-on pas privilégier la masse salariale et partant embaucher davantage ? Voilà la question ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. La solution, c’est de travailler moins longtemps !
M. Jean Desessard. Dès lors, quelles mesures prendre pour rétablir un équilibre, pour que les salariés disposent d’une masse salariale plus large et pour que cette somme soit répartie plus équitablement entre eux ? Tel est le sujet dont nous pourrons débattre, lorsque nous disposerons d’un peu plus de temps… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Vincent Dubois applaudit également.)
M. Dominique Watrin. D’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste.
M. Alain Richard. Monsieur le ministre, pour ma part, je tiens à insister sur un sujet qui, je l’espère, peut être évoqué en deux minutes. Il s’agit de l’évolution des chiffres du chômage en tant que tels.
La définition du chômage retenue par le Bureau international du travail, le BIT, fait référence dans l’Europe entière pour les comparaisons internationales. Or, en observant les statistiques, j’ai fait le constat suivant : par le passé, les chiffres du BIT étaient très proches de ceux de Pôle emploi. En 2010, un écart s’est fait jour entre les deux modes de calcul. Cette différence s’est creusée au point que le BIT recense aujourd’hui, pour la France, quelque 2,8 millions de demandeurs d’emplois, tandis que nos services publics en dénombrent 3,4 millions.
Certes, les deux définitions retenues pour déterminer la catégorie des demandeurs d’emploi divergent quelque peu. Mais, à mon sens, les différences ne sont pas suffisantes pour expliquer un écart aussi grand. Dans un cas comme dans l’autre, on considère l’ensemble des personnes disponibles pour l’emploi et n’exerçant aucune activité. L’absence d’indemnisation ne conduit-elle pas tout simplement le BIT à ignorer un certain nombre de demandeurs d’emploi ?
Pour évaluer ce que donnent ou non nos politiques économiques, nous sommes appelés à dresser à tout moment des comparaisons avec nos partenaires européens, lesquels utilisent tous la même statistique. Aussi, il serait utile de déterminer s’il existe un biais d’une part ou de l’autre. (M. Claude Dilain opine.) Le cas échéant, cette réflexion pourrait conduire à une concertation destinée à faire évoluer notre propre méthode de dénombrement. (M. Claude Dilain opine de nouveau.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, vous posez là une question de fond, qui suscite d’ailleurs bien des quiproquos et des incompréhensions.
Le nombre de demandeurs d’emploi recensés par le BIT sert aux comparaisons internationales. Il est actuellement, pour la France, de 2,880 millions environ. Quant au nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A inscrits à Pôle emploi, il est de l’ordre de 3,480 millions. En conséquence, on observe un écart de plus de 600 000 personnes entre ces deux chiffres.
Cette situation m’a interpellé, comme elle interpelle toutes celles et tous ceux qui cherchent à dresser des comparaisons chiffrées dignes de ce nom. En effet, en 2009-2010, on n’observait pas d’écart entre ces deux chiffres : le BIT dénombrait alors 2,5 millions de chômeurs en France, et ce chiffre correspondait exactement au nombre des demandeurs d’emploi de catégorie A inscrits à Pôle emploi.
Parmi les phénomènes expliquant l’écart actuel, qui, je le répète, s’élève à 600 000 personnes, je relève deux facteurs en particulier.
D’une part, je songe à la suppression de la dispense de recherche d’emploi dont bénéficiaient auparavant les seniors : les personnes concernées se sont retrouvées inscrites à Pôle emploi, alors qu’elles ne l’étaient pas avant ! Leur situation n’a pas changé, mais elles représentent 180 000 demandeurs d’emplois supplémentaires pour les années 2008 à 2012. S’y sont ajoutés 200 000 seniors depuis 2012. Au total, près de 400 000 personnes sont entrées, sans changer de situation, dans la catégorie des demandeurs d’emploi au sens de Pôle emploi.
D’autre part, la réduction de six à quatre mois de la durée de travail nécessaire pour bénéficier des droits au chômage a sans doute eu pour effet d’augmenter le nombre d’inscriptions.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, il faut conclure.
M. François Rebsamen, ministre. Il s’agit là d’un véritable sujet, et je ne manquerai pas d’y revenir dès que l’occasion se présentera.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour la réplique.
M. Alain Richard. Pas de commentaire dans un échange aussi bref !
Monsieur le ministre, nous devons précisément nous poser la question de l’avenir et de la pertinence de cette catégorie particulière « dispense de recherche d’emploi ».
Les personnes concernées sont potentiellement employables. Certaines d’entre elles souhaitent retrouver une activité. Qu’elles soient dispensées de recherche d’emploi, au regard de leur droit à indemnités, pour des raisons de nature sociale ou pour éviter l’engorgement des services concernés, cela peut se concevoir. Mais il s’agit bien de demandeurs d’emploi ! Je peine à concevoir que des personnes employables n’ayant pas atteint l’âge de la retraite et ne disposant pas de droits complets ne soient plus comptabilisées comme demandeurs d’emploi. Procéder ainsi, ce serait une manipulation statistique.
Aussi, il me semble nécessaire d’approfondir cette question. Pour sa part, le BIT ne dénombre que les personnes recherchant activement un emploi. À mon sens, il faut commencer par se demander si cette notion de dispense définitive de recherche d’emploi ne mérite pas d’être revue.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le ministre, nous connaissons malheureusement tous, dans nos départements, des entreprises en difficulté, des femmes et des hommes, de l’ouvrier au chef d’entreprise, qui désespèrent de pouvoir sauvegarder leur activité.
Les chiffres sont là, ils sont durs, très durs : 3,5 millions de chômeurs en décembre et la poursuite de la chute de l’apprentissage.
Ils sont plus alarmants encore pour la Bourgogne, que nous avons en commun : au troisième trimestre, l’emploi salarié marchand se dégrade, avec un recul deux fois plus important que la moyenne de la France métropolitaine.
Peut-être me direz-vous, monsieur le ministre, que la hausse ralentit. Mais l’horizon de la baisse s’éloigne un peu plus chaque mois ! Vous venez de constater un certain « alignement de planètes » avec la baisse conjointe du prix du pétrole et de l’euro. Nous ne pouvons pourtant pas attendre éternellement le salut de conditions extérieures !
« Que faire ? », alors, pour reprendre une célèbre interrogation.
Vous avez recours aux emplois aidés, comme tous les gouvernements avant vous. C’est juste, mais il s’agit d’une réponse partielle. Nous savons que 60 % des personnes ayant occupé un emploi aidé non marchand se trouvent malheureusement en situation d’inactivité six mois après la fin de ce contrat.
Vous avez mis en place le CICE, certes, mais son impact est ralenti par le décalage d’un an inhérent à son caractère de crédit d’impôt. De plus, il ne s’impute pas directement sur la feuille de paie. Le lien avec le coût du travail n’apparaît donc pas clairement aux yeux de certains.
Face à cette situation, nous devons continuer à alléger un certain nombre de contraintes, de toutes natures, qui pèsent sur le travail. Hausse des points de cotisation retraite, complémentaires santé, impact du dispositif de pénibilité, de nombreux retours du terrain nous permettent d’affirmer que beaucoup de contraintes supplémentaires ont au contraire été introduites.
Il y a le chantier de la simplification de l’environnement de l’entreprise et la négociation sur les instances représentatives du personnel, les IRP. Vous reprenez la main sur ce dernier sujet, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer qu’il ne conduira pas à faire peser de nouvelles contraintes sur les très petites entreprises ?
Il y a également le chantier de la remise en route de l’apprentissage et la revalorisation de la voie professionnelle.
Monsieur le ministre, quel est votre plan d’action pour les six prochains mois ? Les réunions de programmation du travail gouvernemental ont eu lieu, quel est, de votre point de vue, le plan de match ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, nous partageons le fait d’être élus d’une belle région où, heureusement, le taux de chômage est inférieur à la moyenne nationale. Je me permets de le rappeler car vous savez que, de région à région, les variations sont importantes : 8,5 % en Bretagne, 13 % dans les zones industrielles les plus touchées. Tel n’est toutefois pas le sens de votre question.
Nous avons entrepris un certain nombre de réformes structurelles, que je cite sans les développer.
Nous avons mis en place des réponses pour aider les publics les plus fragiles à retrouver un emploi. On peut en penser ce que l’on veut, mais les emplois d’avenir sont aujourd’hui un succès.
Nous avons amélioré, avec les partenaires sociaux, les incitations à la reprise d’emploi. Ainsi, les droits rechargeables constituent un dispositif intéressant pour rendre de l’attrait au fait de reprendre un emploi.
Nous avons réformé la formation professionnelle, de manière substantielle, à travers la mise en place du compte personnel de formation. Il va permettre à des chômeurs de se former, ce qui n’était pas le cas auparavant et c’est pourquoi je disais que tout le monde avait fait le choix du chômage de longue durée.
Malgré des difficultés initiales, nous avons relancé l’apprentissage. J’ai donné l’exemple des décrets qui vont être publiés et du regain d’inscriptions pour septembre et octobre. Nous constaterons les effets positifs de ces mesures l’année prochaine.
Les partenaires sociaux ont également mis en place la loi de sécurisation de l’emploi.
Enfin, nous avons entamé la réforme du conseil des prud’hommes, afin de garantir plus de sécurité.
Je prends devant vous l’engagement que vous me demandez de prendre : il n’est pas question d’alourdir les contraintes qui pèsent sur les PME et les TPE. Au contraire : ce qu’il faut faire, tout en garantissant les droits des salariés, auxquels il n’est bien entendu pas question de toucher, c’est donner à ces petites et moyennes entreprises, où se trouvent les gisements d’emplois, plus de souplesse, de facilité et d’agilité, afin qu’elles puissent embaucher.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le Président de la République évoquait ce matin, au cours de sa conférence de presse, la revalorisation de la voie professionnelle, avec ses lycées, et de l’éducation prioritaire. Il faut passer des mots aux actes.
Permettez-moi à ce sujet de regretter que le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, ait retiré, par exemple, Brienon-sur-Armançon des zones d’éducation prioritaire ou que la région Bourgogne ait fermé un lycée professionnel à Migennes.
Vous le voyez, si nous nous retrouvons sur un certain nombre de pétitions de principe, encore faut-il que les actes suivent ! C’est vraiment crucial. Je suis persuadé que c’est à l’échelon « micro », et non pas à l’échelon « macro », que résident les solutions. C’est parce qu’un artisan ou une PME vont créer un emploi de plus que, petit à petit, nous réussirons à gagner ce combat !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la situation de l’emploi.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)