M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’évoquerai d’abord la méthode, avant de parler du contenu du texte puis du positionnement des écologistes.
Je veux saluer une nouvelle fois la méthode utilisée par le secrétaire d’État Thierry Mandon pour coécrire – bien en amont – ce texte avec les acteurs concernés. Je souhaite que la même méthode préside à la rédaction des ordonnances – il y en aura un certain nombre–, à laquelle les parlementaires devront être associés plus étroitement.
Notre fonctionnement est aujourd’hui d’une complexité qui confine parfois à l’absurde. Nos méthodes législatives et réglementaires consistent trop souvent à additionner des réglementations, à les superposer sans prendre le temps suffisant pour abroger des normes devenues obsolètes. Malgré la réforme du Conseil national d’évaluation des normes, au sein duquel certains d’entre nous siègent, et le vote de lois de simplification du droit successives, notre processus de simplification est encore balbutiant et demande à être poursuivi avec énergie, conviction et, par-dessus tout, concertation.
En matière d’administration électronique, notre pays progresse très vite : en 2014, la France est passée directement de la seizième à la troisième place – sur 184 quatre pays – au classement Global Open Data Index. Nous sommes dorénavant quatrième au monde et premier en Europe ; il me semble important de le souligner. Toutefois, nos progrès en termes de transparence des données publiques et d’administration électronique ne doivent pas cacher notre relatif retard en matière de démocratie électronique. Je ne parle pas ici du vote électronique, lequel représente à mes yeux un danger pour notre démocratie, mais bien d’associer les citoyens aux décisions prises en utilisant ces nouveaux outils électroniques, ces nouveaux réseaux, du niveau le plus local jusqu’au niveau européen, voire même international.
Nous en avons déjà quelques illustrations : les citoyens se sont saisis du projet de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, lequel ne pourra plus être négocié et adopté dans l’opacité… Il doit en aller de même d’un autre traité, qui me tient particulièrement à cœur : le partenariat économique entre l’Union européenne et l’Afrique peut entraîner des conséquences graves, et je souhaite que les citoyens s’en saisissent à leur tour afin de mettre les politiques devant leurs responsabilités.
La plateforme « Faire simple », ouverte à tous les citoyens, est une bonne initiative. Toutefois, elle est loin de rencontrer le succès escompté, même si elle dénombre près de 4 000 contributions. Je vous invite donc, monsieur le secrétaire d’État, à vous rapprocher de la plateforme « Parlement et citoyens », qui a suscité en un an d’existence près de 12 000 contributions et enrichi deux lois adoptées par le Parlement, dont la loi « Labbé » sur l’encadrement des pesticides. Il s’agit de la première loi adoptée à l’issue d’un processus de concertation citoyenne. Ce caractère expérimental n’aura pas empêché de constater combien la force citoyenne pouvait nous aider.
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère vivement que votre démarche aura un effet pollinisateur – le terme est choisi – sur l’ensemble des ministères, afin que les citoyens puissent contribuer à enrichir nos débats de la manière la plus directe possible.
La commission mixte paritaire est parvenue à un accord en écartant les mesures les plus clivantes votées par le Sénat sur le compte pénibilité et l’information préalable des salariés. Abroger ces deux dispositions phares – proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement –, alors même qu’elles entraient à peine en vigueur, n’était pas vraiment de bonne pratique législative. Toutefois, la commission mixte paritaire a satisfait en partie la requête du Sénat en adoptant un amendement visant à demander au Gouvernement la publication d’un rapport sur l’application du compte pénibilité. Il est sans doute nécessaire d’adapter cette mesure pour la rendre applicable aux plus petites entreprises, notamment celles du secteur du bâtiment.
Par ailleurs, l’article 12 A a été supprimé par la commission mixte paritaire, ce qui permet de préserver l’information préalable des salariés avant toute cession d’entreprise. Nous y tenions.
Quant au contrat à durée déterminé à objet défini que le Sénat a pérennisé en première lecture, avant même que nous recevions l’évaluation du dispositif, vous aurez compris qu’il ne nous convenait pas.
Je rappelle que la réflexion autour de la simplification s’oriente vers un contrat à durée indéterminée généralisé, dont le niveau de protection augmenterait avec l’ancienneté. Je ne dis pas que nous souscrivons pleinement à cette vision, mais elle nous paraît plus simple que la création d’un nouveau contrat de travail non pérenne. Elle est d’ailleurs défendue par M. le Premier ministre, ainsi que par le prix Nobel d’économie, M. Jean Tirole.
Le Sénat est également parvenu à transformer un certain nombre d’habilitations à prendre des ordonnances en articles de loi ; il en reste tout de même encore un certain nombre.
Nous ne pourrons voter contre un texte qui comporte autant d’aspects positifs, à commencer par la méthode. Toutefois, il comporte trop d’imprécisions et une grosse déception : la disposition relative aux motoneiges, adoptée en dépit de mon argumentaire fort. Je suis très déçu, et je pense qu’il vous sera difficile de rédiger le décret d’application d’une telle mesure, qui s’apparente à un cavalier législatif.
La nouvelle année qui s’annonce marquera-t-elle le début d’une nouvelle ère ? À mes yeux, la réhabilitation du lien entre les politiques que nous sommes et nos concitoyens est une nécessité absolue. Mes souhaits pour 2015, que vous recevrez bientôt, sont portés par une magnifique invitation à l’audace, signée René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront ».
Mme Nicole Bricq. Très belle citation !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises fait suite à un premier texte sur le même thème, présenté il y a peu de temps. Il est vrai qu’il est impératif de faciliter la vie des entreprises et de nos concitoyens. Les chefs de petites entreprises évoquent régulièrement la complexité administrative à laquelle ils sont confrontés. Il est également vrai que la législation est parfois si complexe que ces derniers doivent s’entourer d’experts-comptables et de juristes pour veiller à être dans la légalité. Leur intention n’est aucunement de contourner les textes : ils craignent d’être sanctionnés pour une simple erreur. Je pense en particulier aux artisans, aux commerçants et aux dirigeants de PME en général.
Cette démarche de simplification doit aussi être engagée en faveur de nos concitoyens. On a le sentiment, comme le rappelait ici même fort justement mon collègue Michel Le Scouarnec, que le Gouvernement donne du temps au temps lorsqu’il s’agit de simplifier la vie quotidienne des Français, alors qu’il accélère le changement lorsqu’il s’agit des entreprises.
La simplification est une démarche louable, mais elle traduit surtout le manque de cohérence et la précipitation du Gouvernement. À cet égard, le détricotage de la loi ALUR, votée il a moins de six mois, est un exemple topique. Cela démontre que nous sommes loin de remplir l’objectif auquel nous sommes tous tenus dans cet hémicycle : écrire des textes accessibles, intelligibles et faciles à appliquer. Cette remarque vaut également pour le Gouvernement, détenteur de l’initiative législative.
Au fil de l’empilement législatif, les démarches administratives sans fin sont devenues légion. Mais il s’agit aussi du résultat de la complexification de notre société et de la demande accrue de nos concitoyens pour plus d’encadrement de leur quotidien par le droit.
S’il est vrai que plus personne n’ose prétendre que « nul n’est censé ignorer la loi », ne nous trompons pas de combat : la complexité, ou le sentiment de complexité, les procédures administratives souvent trop longues, sont aussi le fait d’une législation européenne toujours plus précise, au mépris de la définition même de directive.
Quant aux lenteurs procédurales, faut-il rappeler les dégâts de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et de son prolongement, la modernisation de l’action publique, ou MAP ? Ces lenteurs sont souvent le fait de la baisse des moyens humains et matériels de nos administrations.
L’octroi de moyens de fonctionner, de contrôler, de conseiller aurait été la bonne solution, car cela garantit les droits et la sécurité de tous. Or vous ne vous attaquez pas aux racines du problème, mais simplement à ses manifestations. À cet égard, il serait bon de garder à l’esprit que le formalisme est bien souvent un facteur de protection des droits. En d’autres termes, la forme garantit le fond. Soyons attentifs à ne pas fragiliser les droits de nos concitoyens, entrepreneurs ou pas, sous couvert de l’utilisation de ce mot magique qu’est la « simplification ».
Le texte dont nous discutons aujourd’hui est un compromis, lequel, s’il n’est pas totalement satisfaisant, a le mérite d’avoir rétabli des dispositions essentielles à nos yeux et surtout d’avoir retenu certaines des avancées que les sénateurs avaient apporté au texte originel.
Sur le premier point, la majorité sénatoriale avait notamment supprimé le compte pénibilité et le dispositif d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise qui avait été voté, je vous le rappelle, en juillet dernier lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Ces dispositions ont été rétablies par la commission mixte paritaire, ce dont nous nous félicitons.
Sur le second point, le texte initial présenté par le Gouvernement comportait un nombre trop important de demandes d’autorisation de légiférer par voie d’ordonnance, ce que nous considérons comme une marque de mépris pour la représentation nationale, surtout s’agissant de domaines touchant à la fiscalité des entreprises – même s’il ne s’agit que de procédures de déclaration – ou à la démocratie sociale. Ainsi, par exemple, le Sénat a transformé une telle habilitation en disposition législative sur l’intervention des notaires contre les marchands de sommeil à l’article 7 ter. De manière générale, la Haute Assemblée a essayé d’encadrer au plus près le contenu de ces autorisations.
Enfin, autre exemple, même si nous restons opposés au plan local d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, les membres de la commission mixte paritaire ont adopté un article 7 bis A relatif aux conditions de mise en œuvre des PLUI dans la rédaction du Sénat. Pour rappel, cet article précise que, lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, engage une procédure d’élaboration d’un PLUI avant le 31 décembre 2015, les calendriers de mise en compatibilité du PLU avec le schéma de cohérence territoriale, du PLU au regard des dispositions du Grenelle de l’environnement, et de transformation des plans d’occupation des sols en PLU ne s’appliquent pas aux PLU en vigueur sur son territoire si le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable a eu lieu avant le 27 mars 2017 et que le PLUI est approuvé au plus tard le 31 décembre 2019.
Toutefois, certaines dispositions n’ont pas été remises en cause.
Il est ainsi du CDD à objet défini, qui porte le germe d’une précarisation accrue de nos jeunes chercheurs, de la définition du travail de jour, ou encore des mesures dérogatoires en matière de densité de construction.
Enfin, la possibilité offerte aux entreprises de transférer plus facilement leur siège social sur le territoire national, voire à l’étranger, même si elle est instituée par la modification du code de commerce plutôt que par la voie de l’habilitation législative, comme le souhaitait le Gouvernement, n’est, à notre avis, pas acceptable.
Par ailleurs, nous regrettons que l’encadrement, certes léger, du recours au partenariat public-privé ait été supprimé. Des pas timides avaient pourtant été faits dans la bonne direction, monsieur le secrétaire d’État, même si la route reste longue vers la remise en cause pure et simple de ce type de contrat, dont tous reconnaissent la nocivité, mais qui demeure encouragé par le Gouvernement et par la Commission européenne.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, bien que, mesurant le travail effectué par ses membres, nous ayons hésité à nous abstenir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si les membres du groupe du RDSE voteront ce texte de manière unanime, ils n’en pensent pas moins.
« Nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde [...]. Les lois les plus désirables, ce sont les plus rares », disait déjà Montaigne. Cette formule annonçait les siècles suivants, pour ce qui concerne la production législative.
Cela dit, j’ai en mémoire les diverses lois de simplification, chères à Jean-Luc Warsmann, et les fameux résultats qu’il avait obtenus, qui avaient contribué à mettre de côté, sans qu’il le veuille, bien sûr, les poursuites contre l’Église de scientologie. Il faut savoir se méfier des lois de simplification, mes chers collègues, surtout quand elles ne sont, en réalité, qu’une accumulation de nouvelles dispositions. Naturellement, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas le cas avec le texte dont nous discutons aujourd’hui…
L’inflation normative est un fléau redoutable, notamment pour le développement et la croissance de notre pays. Elle touche tout le monde : les entreprises, les entrepreneurs, mais aussi les élus locaux et l’administration.
Souvent, ce n’est pas le législateur qui est en cause, même si cela arrive, hélas, trop fréquemment ; ce sont les règlements d’application de la loi qui multiplient les détails et alourdissent les procédures. La loi relative à la transparence de la vie publique en est d’ailleurs une illustration récente.
La simplification doit d’abord passer par un changement de l’esprit administratif, aujourd’hui tatillon et pointilleux à l’excès. En tant qu’élu local, je peux témoigner des contraintes administratives qui pèsent sur les collectivités territoriales pour tout dossier d’investissement. Ces contraintes prolongent non seulement de mois, mais parfois d’années, la réalisation de leurs investissements. Il en est de même, malheureusement, dans le monde de l’entreprise.
De ce point de vue, le drame de Furiani n’a pas arrangé les choses. Ce type de catastrophes, certes rares, mais insupportables, amène à la multiplication de procédures, l’utilisation du parapluie, pour ne pas dire du parasol, administratif étant malheureusement pensée comme un moyen – souvent inefficace, d’ailleurs – de protéger tant les élus que l’administration.
En première lecture, nous avions déposé des amendements tendant à la simplification du droit des sociétés, mais il nous avait alors été opposé qu’ils visaient, de manière sous-jacente, à abroger des règlements. Là est le nœud du problème : la surtransposition réglementaire des lois. Nous devons comprendre que l’assouplissement des normes est synonyme non pas de laxisme, mais bien plutôt d’encouragement à l’initiative et à l’innovation pour les entreprises.
Quant à l’inflation normative, les raisons de ce biais sont bien connues ; elles sont analysées, décriées, dénoncées, sans toutefois que des solutions efficaces soient apportées. Je veux parler, bien sûr, de l’usage de la procédure accélérée à tout-va, du mépris pour le travail législatif et de son corollaire, le dogmatisme gouvernemental, de la surtransposition des directives européennes qui ajoute de nouvelles obligations à d’autres, de l’absence d’études d’impact sérieuses, y compris pour des textes fondateurs – nous avons eu l’occasion de le souligner encore récemment, notamment pour le projet de loi relatif à la délimitation des régions –, du manque de concertation avec les parties prenantes lors de l’engagement de grandes réformes, et enfin de la simplification par des lois de simplification sans vision d’ensemble, autant dire des sources nouvelles de complexité.
Ce qu’il nous faut, monsieur le secrétaire d’État, c’est une nuit du 4 Août des normes, qui sont remplies de détails et de précautions inutiles.
M. Charles Revet. C’est une certitude !
M. Jacques Mézard. Comme le faisait remarquer le rapport Lambert-Boulard, « pour chaque question, pour chaque problème, la réponse a été trop souvent l’instauration d’une loi nouvelle plutôt que la recherche d’une action plus efficace dans le cadre des lois existantes ».
M. Jean-Jacques Hyest. Exactement !
M. Jacques Mézard. L’heure est aujourd’hui au défrichage de notre champ normatif ; la forêt, monsieur le secrétaire d’État, est épaisse et étendue !
Nous déplorons ainsi – nous avions déjà eu l’occasion de le dire en première lecture – que ce nouveau texte de simplification s’attaque indifféremment à divers sujets pourtant essentiels à la vie de notre pays, sans jamais permettre une réflexion approfondie. Il constitue certes un progrès, raison pour laquelle le groupe du RDSE le votera de manière unanime, mais une logique sectorielle aurait en l’espèce été plus appropriée, puisque nous considérons que tous les domaines du droit et de la vie de nos concitoyens méritent une simplification.
Comment ne pas voir que ce genre d’habitus législatif, découlant des lois de simplification, peut créer de la confusion chez nos concitoyens, qui ne savent plus à quelle norme se fier, et qui vont se perdre dans le jeu multiple des abrogations et des entrées en vigueur repoussées, puis avancées, à l’origine de nombreuses discussions ?
Un exemple révélateur tant de la volatilité de la loi que de son imperfection est le compte personnel de prévention de la pénibilité. La commission mixte paritaire est finalement parvenue à un accord raisonnable sur cette question ; nous le saluons. Le Sénat avait supprimé les dispositions afférentes de la loi sur les retraites du 20 janvier 2014, alors même que les décrets d’application ont été publiés au début du mois d’octobre dernier. Les membres du groupe du RDSE ont voté contre cette suppression, au nom de l’impératif de sécurité juridique. Mais nous ne pouvons qu’admettre que l’application de cette disposition entraîne un nombre incalculable de difficultés pour les petites et moyennes entreprises, parce que ses modalités d’application n’ont sûrement pas été assez réfléchies. Il en va de même de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise.
Dématérialisation des démarches administratives, accessibilité du droit, coordination des divers services, circulation de l’information : tels sont les chantiers urgents et reconnus par tous, y compris, je le pense, par le Gouvernement. Quatre amendements déposés par mon groupe ont été adoptés et les dispositions qu’ils prévoyaient ont été maintenues par la commission mixte paritaire, ce dont nous nous félicitons. Comme je l’ai indiqué, monsieur le secrétaire d’État, en dépit de mes observations sur le schéma général de ce texte, nous voterons le présent projet de loi de façon unanime.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous parvenons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. La commission mixte paritaire, en effet, a finalement approuvé un texte commun au Sénat et à l’Assemblée nationale. Au départ, ce résultat semblait peu probable, si l’on se réfère aux débats animés, et parfois tendus, auxquels nous avons assisté lors de la discussion du texte en séance publique. À ce stade, peu d’entre nous auraient pronostiqué une issue consensuelle.
Cet accord, que je salue, et qui a requis des concessions importantes de part et d’autre, prouve que, sur des dispositions concrètes, même si elles sont sans doute d’importance inégale, il est possible de trouver des voies de dialogue entre l’Assemblée nationale et le Sénat et de faire œuvre de co-production législative en bonne intelligence.
Cette qualité de dialogue et ce travail constructif sont dus en particulier aux rapporteurs de la commission mixte paritaire, Mme Sophie Errante pour l’Assemblée nationale et M. André Reichardt pour le Sénat, dont je veux souligner, au terme de ce parcours législatif, la capacité à allier à la fois la ténacité et l’effort de conciliation pour aboutir à un texte commun, qui fait œuvre de simplification.
Ce résultat est heureux ; comment ne pas souscrire en effet à une démarche de simplification concernant la vie des entreprises ? Avant d’en arriver là, nous avons dû néanmoins surmonter quelques obstacles.
Le premier portait sur la nature même du texte, qui semblait bien pâle au regard du fameux « choc de simplification » annoncé depuis plus de deux ans. Ce projet de loi de simplification, comme j’ai eu l’occasion de le souligner lors du débat en séance publique, restait tout à fait classique par rapport à ses prédécesseurs : un texte autorisant le Gouvernement, dans des domaines extrêmement variés, à recourir aux ordonnances, procédure à laquelle nous sommes toujours, par principe, assez réticents, parce qu’elle dessaisit le législateur. Il nous paraît possible de procéder autrement, effectivement, comme l’illustrent les améliorations apportées par le Sénat, qui a substitué des dispositions législatives directes – par exemple pour le prélèvement SEPA – à une habilitation par ordonnance contenue dans le texte présenté initialement par le Gouvernement.
Le deuxième obstacle résidait dans le côté fourre-tout de ce projet de loi de simplification qui en fait un véritable catalogue hétéroclite de mesures concernant aussi bien le code rural et de la pêche maritime que le code général des impôts, le code du travail, le code forestier, le code de l’énergie, le code de la santé publique, le code de l’urbanisme, et j’en passe. Ajoutons que le titre du projet de loi n’est pas en adéquation avec son contenu, puisque le texte touche en fait aussi bien les particuliers et les collectivités que les entreprises. Tout cela nuit bien évidemment à la lisibilité de la future loi, ce qui est pour le moins paradoxal lorsqu’on veut faire œuvre de simplification.
Le troisième obstacle concernait les points de désaccord entre le Gouvernement, sa majorité à l’Assemblée nationale et le Sénat. Je reviendrai brièvement sur deux d’entre eux, qui ont donné lieu à de longs débats dans cet hémicycle.
Il s’agissait, en premier lieu, du compte personnel de prévention de la pénibilité, mesure phare de la réforme des retraites, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et même suscité quelques manifestations. Comme vous le savez, mes chers collègues, Olivier Cadic avait déposé un amendement tendant à la suppression de ce dispositif, afin d’en concevoir une mise en œuvre plus simple.
Si la nécessité de la prise en compte des conséquences de la pénibilité en matière de santé ne fait pas de doutes et doit se traduire par un système de compensation, le mécanisme retenu entraîne une complexité excessive de la gestion des entreprises, en particulier des PME.
Le Gouvernement ne semblant pas opposé à concéder à l’avenir quelques assouplissements, nous avons obtenu qu’il remette au Parlement d’ici au 30 juin 2015 un rapport sur la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité.
En second lieu, nous avons constaté une approche totalement différente, entre les deux chambres, sur une mesure de simplification que le Sénat aurait voulu introduire : l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise de moins de 250 salariés.
En son temps, le groupe UDI-UC avait demandé la suppression de ce droit d’information lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, et avait déposé un amendement en ce sens. Nous estimons que cette traduction législative, dérivée d’une promesse présidentielle présentée au cours de la campagne électorale, s’avère complexe et même contraire aux objectifs partagés par tous pour assurer la pérennité des entreprises. En effet, on peut difficilement concilier le droit de propriété, le principe d’égalité, la liberté d’entreprendre et une forme de droit de préemption au seul bénéfice des salariés d’une entreprise.
Ce dispositif contenu dans la loi votée cette année est susceptible, par non-respect de la discrétion ou de la confidentialité, de mettre en péril la transmission ou la cession d’une entreprise. La révélation de certaines informations est à même de faire échouer des négociations ou de fragiliser une entreprise à l’égard de ses partenaires, tels ses clients, ses fournisseurs ou ses banquiers.
Le Gouvernement lui-même ne semble pas totalement convaincu de la portée effective et de la pertinence de ce dispositif. Le groupe UDI-UC suivra donc avec attention les décrets d’application de cette loi.
Au-delà de ces sujets, qui ont cristallisé quelques tensions, un large consensus doit être relevé sur une cinquantaine de mesures, parmi lesquelles une précision qui permet de régler une insécurité juridique liée aux dispositions relatives au travail à temps partiel, une mesure permettant de réduire le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes, l’assouplissement de certaines contraintes du droit des sociétés, la mise en place d’un régime de conservation identique pour les factures numériques et papier, et la suppression ou la simplification des régimes d’autorisation préalable remplacés par des régimes déclaratifs.
Bien entendu, une telle orientation ne doit pas conduire à une dégradation de la professionnalisation dans certains secteurs. Je pense, en particulier, aux guides conférenciers, déjà évoqués par M. le rapporteur, qui nous ont fait part de leurs inquiétudes eu égard à l’application du présent texte, et auxquels il serait bon, monsieur le secrétaire d'État, de donner quelques assurances sur le système envisagé.
Enfin, pêle-mêle, je salue la volonté d’harmonisation de la notion de jours en droit du travail, la pérennisation du contrat à durée déterminée à objet défini, l’encadrement du portage salarial, l’extension de la procédure de rescrit au droit du travail, la simplification des déclarations des honoraires ou commissions, et la mise en place de guichets uniques de déclaration des paiements de cotisations et contributions de protection sociale.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les collectivités, je note l’article 27, qui vise à simplifier, certes de manière partielle, le droit de la commande publique ou encore la validation des autorisations de mandat en cours.
Tous ces points constituent incontestablement des avancées. Les membres du groupe UDI-UC voteront donc le texte élaboré par la commission mixte paritaire et suivront avec attention les ordonnances qui seront prises dans la foulée de son adoption. Nous invitons le Gouvernement à en tenir informé les assemblées.
Cela étant, dans un monde hyper complexe, la simplification est une démarche difficile dès lors qu’elle dépasse le stade de l’incantation ou de l’effet d’affichage. Elle demande une forte volonté politique et sans doute, dans notre pays, un changement de méthode, afin que le « choc de simplification » annoncé à maintes reprises devienne, enfin, une réalité concrète.
Pour tendre vers cet objectif, il semble indispensable de passer de l’actuelle simplification parcellaire et horizontale à une simplification plus en profondeur qui s’inscrirait dans le temps, pour éviter les multiples changements législatifs, source d’incertitudes, mais aussi de coûts supplémentaires pour les entreprises, notamment pour les plus petites d’entre elles, afin d’introduire davantage de stabilité et de lisibilité.
Les entreprises ont besoin de se projeter dans la durée et de consacrer l’essentiel de leur énergie à créer de la richesse, et non à s’adapter en permanence à de nouvelles règles ou contraintes.
Monsieur le secrétaire d'État, ne serait-il pas plus productif de procéder à un toilettage global de chaque domaine législatif, comme l’a d’ailleurs demandé M. le rapporteur, en les prenant un par un, et d’avoir ainsi le courage de s’attaquer aux sujets les plus essentiels ?
Aussi, nous vous invitons à changer de méthode et vous demandons de nous proposer à l’avenir des textes mieux ciblés, lisibles, cohérents et portant sur un même sujet, afin d’accélérer la simplification indispensable à l’émergence dans notre pays d’administrations plus performantes et d’entreprises plus compétitives. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. –M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis que le Gouvernement cherche à trouver des moyens pour lever les contraintes pesant sur les entreprises. Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, légiférer sur ces questions ne l’autorise pas à ignorer les prérogatives du Parlement ! Je veux bien entendu parler du recours en l’espèce à la procédure accélérée, qui implique un examen précipité des textes,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et qui devient systématique !
M. Jean-Jacques Hyest. … et de l’usage des ordonnances.
Mme Nicole Bricq. C’était pas mal non plus avant !
M. Jean-Jacques Hyest. Madame Bricq, les choses vont en empirant, je peux vous en faire la démonstration !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous connaissez le principe nemo auditur, ma chère collègue !
M. Jean-Jacques Hyest. Ainsi a agi le Gouvernement à l’occasion de l’examen d’un projet de loi d’habilitation dont on ne voit pas très bien la colonne vertébrale !
Je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à suivre les suggestions de mon éminent collègue Alain Richard : procéder par thème permettrait de régler un certain nombre de problèmes, et rendrait plus lisible à la fois le travail du Parlement et l’action du Gouvernement.
De surcroît, la tenue des élections sénatoriales ne nous a pas permis d’examiner le présent texte dans les meilleures conditions malgré les efforts des rapporteurs.
Je rappelle que le projet de loi initial comptait dix-huit habilitations – ce n’est pas rien ! – et que, dans la plupart des cas, des zones d’ombre subsistaient quant à la finalité des mesures que le Gouvernement se proposait de prendre et aux domaines d’intervention.
À ces dix-huit ordonnances initiales, il faut ajouter toutes celles qui se sont agrégées au texte au cours de son examen, ordonnances qui n’ont donc pas été analysées dans l’étude d’impact. Or certaines d’entre elles concernent des sujets très sensibles, qui auraient mérité une analyse plus approfondie : le portage salarial ; les mesures prévues par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dans le domaine des transactions immobilières – même si je ne suis pas opposé à ces ajustements, je relève néanmoins que le Gouvernement revient discrètement sur certains textes difficilement applicables – ; les modalités d’application des plans de prévention des risques technologiques, que vise à définir l’article 8 bis introduit au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental et que nos collègues députés ont découvert lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Ce grief relatif au recours aux ordonnances doit être replacé dans un contexte où le Gouvernement ne semble plus hésiter face à cette pratique, que nos institutions considèrent pourtant comme exceptionnelle.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Je note, par ailleurs, l’apport incontestable du travail sénatorial.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. À ce titre, il convient de saluer le travail effectué dans cette enceinte, plus particulièrement par les rapporteurs des différentes commissions saisies au fond, qui, grâce à leurs amendements, ont pu convertir de nombreuses habilitations en modifications directes du droit.
En effet, de telles conversions – je ne les citerai pas en cet instant – ont été rendues possibles en raison de la justification que le Gouvernement a donnée à ces habilitations. Ainsi, sans que leur esprit soit aucunement dénaturé, celles-ci pouvaient se traduire directement par une disposition légale, ce qui est préférable.
M. Jean-Jacques Hyest. Heureusement, monsieur le secrétaire d'État, mais c’est grâce au Parlement, car vous n’ignorez pas la paresse des administrations !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oh ! (Sourires au banc de la commission.)