M. Christian Favier. Nos institutions locales vont se transformer en outils au service de la concurrence entre les territoires, et les politiques publiques en marchandises.
Dans le même temps, le principe d’égalité des territoires, cher à la gauche, se dilue, celui de fraternité a toujours autant de mal à s’affirmer et les libertés locales sont toujours plus encadrées.
Dans une société de plus en plus inégalitaire se met en place une nouvelle organisation de l’action publique à son image, fondée sur les inégalités entre les territoires, où toute ambition pour les réduire a été de fait abandonnée.
Alors que les tenants de la pensée libérale ne cessent de clamer, contre toute réalité, qu’il faudrait plus de riches pour qu’il y ait moins de pauvres, nous sommes appelés, à partir de ce même précepte, à créer des institutions locales « riches », pour qu’il y ait prétendument moins de territoires « pauvres ». Or chacun sait qu’en nous éloignant d’un aménagement du territoire équilibré et harmonieux, construit dans la proximité, nous allons, au contraire, renforcer les poches de pauvreté en dehors et au sein de ces territoires dits plus favorisés que les autres.
C’est dans ce contexte que nous venons de terminer nos débats sur les nouveaux périmètres de nos super-régions et que nous entamons la discussion sur le projet de nouvelle organisation territoriale de la République. Seulement, depuis plusieurs mois, l’absence de lisibilité de cette réforme de nos institutions locales est sans cesse renforcée par des prises de position changeantes du Gouvernement. Ainsi, madame la ministre, après le discours du Premier ministre laissant entendre que la fin des conseils départementaux n’était plus d’actualité, vous avez déclaré devant notre commission : « La suppression des départements suppose la majorité nécessaire à une révision constitutionnelle. Nous avons cinq ans pour élaborer une solution ». Pour vous, l’objectif de suppression des départements demeure donc.
Une chose est sûre, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, dans sa version gouvernementale, organise bel et bien l’évaporation des départements, préconisée par la commission Balladur en son temps. Dans ces circonstances, nous nous félicitons que la commission des lois ait rejeté à la quasi-unanimité les articles qui prévoyaient de déshabiller les départements au profit des régions, tout en regrettant qu’elle n’ait pas fait de même complètement pour les transferts de compétences des départements vers les métropoles. Il est dommage qu’elle soit restée au milieu du gué dans sa défense de l’échelon départemental.
Par ailleurs, en renforçant la compétence économique des régions, objectif que nous pouvons entendre et même approuver, le Sénat s’apprête à remettre en cause le principe de libre administration pour les communes et les départements en les plaçant sous la tutelle des régions, mais la nouvelle majorité sénatoriale de droite n’a malheureusement pas l’exclusivité du double langage.
Ainsi, le Gouvernement a fait adopter en décembre dernier, avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, le rétablissement de la compétence générale, pour les régions et les départements. Vous disiez alors, madame la ministre, qu’il s’agissait là d’un « marqueur de gauche » et d’un engagement décentralisateur. Comment comprendre que vous proposiez aujourd’hui de leur retirer cette compétence générale ? Devons-nous en conclure que, désormais, le Gouvernement recherche des « marqueurs de droite » et un engagement recentralisateur ?
Toujours dans la loi MAPTAM, vous décidez de nommer les régions chef de file du développement économique. Cette loi n’est pas encore appliquée que vous revenez sur cette mesure et transformez, dans le projet de loi NOTRe, les régions en collectivités « responsables » du développement économique, concept juridique inexistant, non prévu dans notre Constitution.
On a parfois l’impression d’une navigation à vue, même si l’on doit reconnaître que vous gardez le cap : concentrer les pouvoirs locaux entre les mains de grandes intercommunalités, organiser l’évaporation des communes et des départements, renforcer les compétences régionales, réduire la libre administration des collectivités territoriales, tenter de les hiérarchiser, réduire leurs ressources et mettre sous contrôle leurs dépenses. C’est parce que l’ensemble de ces ingrédients sont tous contenus dans le projet de loi que nous le contestons, comme nous avons rejeté les précédents qui étaient de la même veine.
Nous aussi, nous gardons le cap. Nous continuons d’affirmer que le « millefeuille » est une grossière affabulation, que l’avenir appartient aux communes, aux départements et aux régions, travaillant avec un État stratège garant de l’égalité des citoyens.
Mme Cécile Cukierman. Parfait !
M. Christian Favier. Nous réaffirmons que chaque collectivité a sa place et son utilité, qu’elle doit disposer de compétences identifiées, des moyens d’agir pour des projets partagés et intervenir librement quand les intérêts de son territoire sont en cause. L’heure n’est donc pas à la caporalisation de nos institutions et de l’action locale.
Toutes les collectivités territoriales ne doivent pas s’aligner derrière un chef, fût-il « de filat ». Elles doivent au contraire travailler ensemble, se coordonner, coopérer entre elles, en réseau, en partenariat, dans le respect de la place et du rôle de chacun, dans le cadre de projets d’actions publiques partagées, pour décupler leurs actions et ainsi mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population.
L’heure n’est pas à l’austérité, mais au contraire au déploiement de l’investissement et de l’action publique. L’heure n’est pas venue, pour nos collectivités, de se recroqueviller sur elles-mêmes, sur leur pré carré. Il faut au contraire ouvrir en grand l’intervention publique partagée en associant toujours plus les citoyens.
Vous le voyez, nous ne nions pas le besoin de réformes, mais nous récusons des orientations qui ne constituent en rien une nouvelle étape de décentralisation. Vos réformes, madame la ministre, manquent singulièrement de clarté, ce qui est un comble quand vous présentez ce texte comme étant celui de la « clarification de l’action publique ».
Ainsi, ce texte porte globalement sur les compétences, mais il ne dit rien sur les moyens dont les collectivités territoriales disposeront réellement pour les mettre en œuvre. Pis, une réforme de la dotation globale de fonctionnement est annoncée pour 2016, donc plus tard, sans que l’on en connaisse les orientations. Nul ne sait si les régions et les intercommunalités disposeront des moyens nécessaires pour leurs nouvelles interventions ; nul ne sait si leur autonomie financière sera renforcée.
En cette période de diminution radicale des dotations publiques et de dégradation des capacités d’autofinancement, on peine à imaginer comment tout cela fonctionnera.
Le même manque de clarté caractérise la définition des compétences économiques des régions. Si nous avons bien compris le texte, il ne s’agit pas d’un transfert de compétences de l’État, mais d’un redéploiement. Comment vont s’articuler alors l’action des régions et celle de l’État, qui reste responsable de l’essentiel de la politique économique ? Comment vont se construire ces interventions régionales dans le cadre du développement de filières de production qui dépassent les frontières des régions, fussent-elles devenues plus grandes ?
Finalement, cette affirmation du rôle économique des régions ne vise-t-elle pas d’abord à mettre en place un guichet unique, distributeur quasi automatique d’aides et de subventions aux entreprises, sans réelles contreparties en termes d’emploi ?
Sachant que les petites et moyennes entreprises sont, pour près de 70 % d’entre elles, des sous-traitantes de grands groupes, comment allons-nous faire pour que ces aides régionales ne soient pas absorbées par les grands groupes, compte tenu de leur emprise sur l’activité de leurs sous-traitants ? Comment nous assurer que ces aides ne serviront pas, comme le CICE, à la restauration des marges des entreprises et non à la relance de la production, et donc au développement économique et social de nos régions ? Nous attendons des explications et des garanties sur ces points, et nous serons particulièrement vigilants sur le contrôle et la transparence dans l’utilisation de ces fonds publics.
On peut s’interroger également sur l’articulation de l’action économique des régions et des quatorze métropoles. Que se passera-t-il en cas de désaccord entre ces deux instances ?
Le deuxième aspect essentiel du projet de loi concerne l’élargissement contraint des intercommunalités, auquel nous ne saurions souscrire, pour deux raisons essentielles.
D’une part, il s’agit une nouvelle fois, dans la droite ligne de la loi de 2010, de contraindre les communes et leurs intercommunalités à des regroupements autoritaires. Or, pour nous, les intercommunalités doivent demeurer des outils de coopération volontaire, fondés sur des projets partagés au service du développement de nos communes, et non pas des outils de leur intégration visant à leur disparition.
D’autre part, la carte intercommunale issue de la loi de 2010 vient seulement de s’appliquer. Il faut donc laisser à ces nouvelles structures le temps de se mettre en place, d’apprendre à travailler ensemble, de mettre en œuvre les compétences dont elles viennent, pour la plupart, d’hériter.
Le nouveau paysage intercommunal a besoin de stabilité. Il n’y a donc aucune urgence à le bouleverser à nouveau, avec de nouveaux périmètres et compétences élargis. Pour ma part, je me félicite que la commission des lois se soit prononcée à une très large majorité, pour ne pas dire à l’unanimité, pour le maintien à 5 000 habitants du seuil des intercommunalités.
Par ailleurs, le projet de loi, usant de la confusion des mots et des concepts, met en place un « schéma départemental des services au public » à la place des « schémas de services publics », sous l’égide de l’État, qui est là dans son rôle, mais en zappant au passage les départements, qui sont pourtant les mieux placés pour intervenir en ce domaine. Si le changement visait à examiner l’ensemble des services utiles à la population, nous ne pourrions que le soutenir, mais il est en fait l’instrument de la création de maisons de services « au public », pouvant être gérées par le secteur privé.
Dans le même temps, il met en place, pour les services pouvant revêtir des missions de service public, l’équivalent des partenariats public-privé : c’est la privatisation des services locaux qui se dessine ; c’est la casse de la place et du rôle spécifique de nos administrations locales, de nos services municipaux, sur des périmètres d’intervention qui n’auraient plus rien à voir avec nos délimitations administratives et qui s’apparenteraient en fait à des zones de chalandise.
Enfin, pour terminer, le projet de loi confirme le vaste plan social qui se prépare dans nos collectivités territoriales appelées à concentrer leurs services et à réduire leur voilure.
Mutation et transfert d’office, éloignement, perte de responsabilités, changement de poste, carrière réduite, plan de licenciement des contractuels et vacataires, non-remplacement des départs à la retraite, telles sont les sombres perspectives de ce bouleversement institutionnel pour les agents de la fonction publique locale. Tout cela se met en place sans concertation réelle et sans négociation sociale à la hauteur des enjeux. Aussi comprenons-nous et partageons-nous les inquiétudes des personnels qui se manifestent actuellement. Dans ce domaine, il ne s’agit pas pour nous de défendre des corporatismes, car c’est bien l’avenir de l’emploi local et des services publics, partout sur le territoire national, qui est en cause.
Aussi comprendrez-vous, pour toutes les raisons que je viens de développer, qu’il faudrait de profondes modifications de ce projet de loi pour que nous puissions le soutenir. Nous défendrons donc de nombreux amendements pour tenter d’en infléchir certains aspects et nous serons sensibles au débat qui va s’ouvrir et, je l’espère, aux avancées qui pourront être obtenues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Nous ne pouvons que conclure de cet adage que le projet de loi dit « NOTRe » procède pour le moins d’une conception à géométrie variable, et c’est un euphémisme ! Commencer par découper de grandes régions avant de parler de leurs ressources et de leurs compétences était en effet original…
Mme Françoise Férat. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jacques Mézard. Quel est le fil conducteur de cette réforme ? Là est la question ! Quelle est aujourd’hui la position réelle du Gouvernement ? Nous attendons des réponses claires, madame la ministre.
En dépit de tous les atermoiements, des changements de cap, il semblerait que votre idée d’origine était de supprimer l’échelon départemental, de renforcer les régions et les intercommunalités au détriment des communes. En fait, où en êtes-vous ?
La Haute Assemblée, saisie la première de ce texte en vertu de la Constitution, est placée dans une situation originale, peut-être inédite. Le texte du Gouvernement est resté le même que celui validé par le conseil des ministres du 18 juin dernier. Contrairement à d’autres projets de loi, on l’a vu encore récemment, il ne semble pas que le Gouvernement ait déposé d’amendements modifiant significativement son projet initial.
Or, si l’on résume le projet initial, il convient de relever que l’exposé des motifs, à sa page 5, annonce que « le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020 ». Face aux réactions fortes émanant de toutes les sensibilités, en particulier de la nôtre, l’exécutif a déclaré vouloir conserver les conseils départementaux, dans un premier temps uniquement dans les départements ruraux – terme assurément peu juridique. Dans un deuxième temps, il s’agissait de la moitié des départements et, ces derniers temps, Mme la ministre nous dit que cette question n’est plus à l’ordre du jour. Dont acte ! Mais il nous faut savoir aujourd’hui si le Gouvernement n’a pas l’intention, dans quelques mois, après les prochaines échéances électorales locales, de reposer la question sous une forme ou sous une autre.
À ce niveau de la discussion, nous ne pouvons que déplorer le recours à la procédure accélérée, dans le doute que nous éprouvons sur les motifs véritables qui ont motivé l’utilisation de cette procédure.
Pour être clairs, madame la ministre, nous souhaitons que le Gouvernement s’en tienne à la position exprimée par le Président de la République le 18 janvier 2014, à Tulle. Il déclarait à cette occasion : « Les départements gardent donc leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale. Et je ne suis donc pas favorable à leur suppression [...]. Car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d’ailleurs générer d’économies supplémentaires […]. » Depuis, d’autres annonces sont intervenues, y compris celles sur les économies de 20 milliards, 15 milliards ou 10 milliards d’euros attendues de la suppression du département.
Si l’on revient à la sagesse, c’est-à-dire à cette excellente citation, c’est le cœur même de votre projet de loi qui n’a plus de raison d’être, madame la ministre. Ce constat a justifié le travail de réécriture totale réalisé par les rapporteurs de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, qui ont accepté de le réaliser dans des conditions extrêmement difficiles.
Si l’on revient au texte initial, il organise l’évaporation des conseils départementaux en leur enlevant d’importantes compétences de proximité : transfert aux régions des compétences en matière de voirie départementale, de collèges et de transports scolaires. La commission des lois propose de supprimer ces transferts, et nous partageons son avis. Il n’est pas raisonnable de faire gérer de telles compétences par de grandes régions éloignées de la proximité. Tout le débat est de savoir si le Gouvernement a oui ou non définitivement renoncé à ces trois transferts de compétences.
Nous sommes non dans un projet de décentralisation, mais dans un projet de centralisation régionale. D’où l’excellente expression d’un député frondeur : « Vous avez aimé le jacobinisme national, vous allez adorer le jacobinisme régional ! » Plus objectivement, car le propos cité est un peu provocateur, ce texte se veut de clarification des compétences, un objectif partagé par une grande majorité de notre groupe. Je rappelle que nous avions voté majoritairement contre le rétablissement de la clause de compétence générale lorsque vous l’aviez proposé, madame la ministre. Cette clause a véritablement un sens pour le bloc communal. Pour les autres strates, une clarification des compétences est souhaitable en préparant une compétence partagée pour la culture, le sport et le tourisme – sans chef de filat de la région.
Concernant le développement économique, la compétence renforcée de la région n’a de sens qu’avec une articulation précise de son intervention vis-à-vis des métropoles et des intercommunalités. Il est évident que ce sont les métropoles et les agglomérations qui portent sur leur territoire l’action économique, l’innovation, les projets concrets. Les interventions en commission des lois de notre excellent collègue Gérard Collomb ont été frappées au coin du bon sens.
Contrairement à ce qui nous a été rabâché depuis des mois, la mise en place de très grandes régions ne va pas faciliter l’aménagement stratégique du territoire.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Hélas !
M. Jacques Mézard. En tout cas, nous tenons fondamentalement à ce que la compétence exclusive de la région ne soit pas dans les faits en contradiction avec les dispositions de l’article 72 de la Constitution sur la libre administration de chaque collectivité et l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre. Malheureusement, je pense que l’on n’en prend pas le chemin, en tout cas, on ne prend pas le bon chemin ! Vous essayez, par tous les moyens, par les schémas prescriptifs, par toute une série de mesures, d’imposer votre volonté. En effet, qui aura l’argent, sinon les grandes régions, ce qui va leur permettre d’exercer une forme de tutelle sur un certain nombre de collectivités, répondant ainsi au souhait ardent de quelques hiérarques présidents de région !
La commission des lois a également fait œuvre utile en supprimant l’action récursoire de l’État envers les collectivités territoriales en cas de manquement à une obligation européenne. Qu’une telle disposition figurât dans le texte était quand même fort de café !
J’en viens à la question du développement de l’intercommunalité.
Fusionner les intercommunalités à marche forcée au mépris de la concordance de ces EPCI avec les bassins de vie n’est pas conforme à un aménagement du territoire raisonné.
M. Henri de Raincourt. Exact !
M. Jacques Mézard. La fixation d’un seuil à 20 000 habitants est condamnée de toutes parts, car c’est une mesure totalement déconnectée des réalités du terrain.
M. Bernard Fournier. Eh oui !
M. Jacques Mézard. C’est arbitraire – absurde, oserai-je ajouter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Bernard Fournier. Absolument !
M. Jacques Mézard. Nous ne saurions nous contenter des dérogations que vous nous promettez, car elles sont souvent délivrées sur un mode arbitraire.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je n’ai pas parlé de dérogations : j’ai dit qu’il y aurait des adaptations !
M. Jacques Mézard. Certes, il convient de favoriser le regroupement des EPCI, mais pour qu’ils soient davantage en adéquation avec les bassins de vie. Ce qui compte, ce n’est pas seulement le nombre d’habitants, c’est le bassin de vie. On a déjà des cantons binominaux le plus souvent en décalage total avec les intercommunalités, ce qui est dommageable. La bonne solution, c’était de faire concorder le mieux possible carte cantonale et intercommunalités, y compris pour élire les conseillers départementaux.
M. Henri de Raincourt. Évidemment !
M. Jacques Mézard. Le seuil de 20 000 habitants n’a aucun sens si ce n’est dans la vision d’une suppression des départements. Il y avait une cohérence que nous ne partagions pas, mais qui était évidente. Les amendements de la commission des lois sont donc les bienvenus, et nous les voterons.
Reste la question des délais donnés aux intercommunalités pour réaliser la nouvelle carte intercommunale. Compte tenu du fait que ces EPCI sortent tout juste d’une procédure de nouvelle carte intercommunale, du temps que va encore prendre le vote définitif du présent projet de loi, des difficultés concrètes pour harmoniser des compétences différentes, la prolongation d’un an de tous les délais nous paraît indispensable et de nature à favoriser les regroupements.
In fine, au-delà des territoires dans lesquels une métropole existe et irrigue sa grande périphérie, territoires qui disposeront – nous l’avons voté avec la loi MAPTAM – des moyens directs d’action, de développement et d’innovation, reste la question préoccupante de ce que je nomme régulièrement les territoires « interstitiels sans métropole ».
Nous avons constaté que nombre de villes et d’agglomérations moyennes ont perdu de la population et des emplois, aspirés par les métropoles régionales actuelles – cela risque d’ailleurs d’être le sort des métropoles régionales déchues par la fusion des régions.
M. Jacques Mézard. Pour renverser cette tendance, ces territoires ont besoin de liberté, d’accessibilité et de matière grise.
La liberté, c’est de mettre fin à la multiplicité de schémas nationaux, régionaux, départementaux plus ou moins prescriptifs qui sont devenus une entrave au développement. Le seul schéma qui nous manque, mes chers collègues, c’est un schéma national d’aménagement du territoire par l’État !
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Jacques Mézard. Les élus locaux sont accablés par ces schémas, par les multiples comités de pilotage, les fameux COPIC, les commissions préfectorales de toutes sortes. Ils n’ont plus assez de temps pour faire de la prospective, pour sortir du quotidien. Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, les administratifs profitent d’un système électoral qui éloigne l’élu régional du citoyen et prennent souvent le pouvoir dans les régions.
De la même manière, nous souhaitons une action législative plus forte vers la suppression de nombre de syndicats mixtes et d’agences, dont la création nous est souvent imposée de fait par la loi.
Ce qui importe, ce n’est pas de supprimer l’un des trois étages de l’organisation territoriale. Vous n’y arriverez pas ! Ce qui importe, c’est de simplifier leur fonctionnement, d’élaguer les structures parasites, de favoriser la concertation entre les strates sans porter atteinte à la libre administration de chaque collectivité.
Mes chers collègues, le projet de loi NOTRe ne sera pas un texte fondateur. N’en faisons pas un texte de déménagement du territoire ! C’est l’espoir qui est le nôtre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
(Mme Jacqueline Gourault remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)