M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° 140 rectifié.

M. Vincent Delahaye. Mes chers collègues, à l’origine, les membres du groupe UDI-UC avaient l’intention de vous proposer la suppression de cet article. En effet, nous sommes, par principe, plutôt opposés à la non-déductibilité des taxes.

J’ai bien entendu les arguments de M. Bocquet, mais ils ne me convainquent pas du tout. Si l’on veut éviter que la collectivité n’ait à assumer la charge d’un tiers du produit d’une taxe, il suffit d’augmenter le taux de la taxe ! En agissant comme le Gouvernement le propose, on complexifie de plus en plus notre fiscalité, au point d’aboutir à des aberrations comme la CSG non déductible : je ne conçois pas que l’on doive acquitter des impôts sur un revenu que l’on n’a pas perçu. Ces dispositifs sont incompréhensibles pour le contribuable !

À mes yeux, une taxe doit, par nature, rester déductible, faute de quoi on fait prospérer le contrôle fiscal et, surtout, on fait les affaires des conseillers fiscaux, qui cherchent tous les arrangements et les optimisations possibles et imaginables. On ne peut pas lever un impôt sur une taxe ! Prenons le problème à la racine, relevons le taux des taxes, mais évitons de complexifier encore davantage notre droit fiscal.

M. le rapporteur général a invoqué à juste titre l’article 39 du code général des impôts : le principe général est la déductibilité des taxes. Cela me semble une évidence !

C’est pourquoi, je le répète, notre premier mouvement a été de demander la suppression de toutes les non-déductibilités proposées par le Gouvernement. Nous avons finalement décidé de nous ranger à la position de la commission, qui fait la part des choses entre les différentes taxes concernées.

M. le président. L'amendement n° 107, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après la référence :

235 ter X

insérer la référence :

235 ter ZD

II. – Après l’alinéa 12

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

E bis – L’article 235 ter ZD est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La taxe n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. »

III. – Alinéa 42

Remplacer la référence :

E

par la référence :

bis

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à l’amendement n° 107, pour les raisons que j’ai précédemment exposées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Delahaye, vous proposez de supprimer l’article 14…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement a été modifié !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. En effet !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En tout cas, certains membres du groupe auquel vous appartenez ont soutenu cette position.

Désormais, il est vrai, l’amendement n° 140 rectifié tend, comme l’amendement n° 34, présenté par M. le rapporteur général, à supprimer la non-déductibilité de la taxe sur le risque systémique et de la taxe sur les locaux à usage commercial et les bureaux en Île-de-France. (M. Vincent Delahaye opine.)

Souvenons-nous que la taxe sur le risque systémique a été mise en œuvre à la suite de la crise financière de 2008, afin de compenser les coûts supportés par les contribuables français pour renflouer les banques. Depuis, des négociations menées à l’échelle européenne ont permis la création d’un fonds de garantie, qui agit peu ou prou comme une auto-assurance des banques. Ainsi, à l’avenir, les conséquences d’une crise systémique ne seront plus supportées par la collectivité, mais bien par les opérateurs bancaires.

Autoriser la déductibilité de ce type de taxes, c’est mettre à mal la logique même du Fonds de résolution unique, c’est demander de nouveau aux contribuables de payer !

J’ajoute que cet article 14 forme un ensemble cohérent, qui concerne les banques, les locaux à usage commercial, ainsi que la question des emprunts toxiques des collectivités.

Enfin, je rappelle que toutes ces dispositions doivent assurer un gain budgétaire estimé à 400 millions d’euros pour la seule année 2015. Mesdames, messieurs les sénateurs, 400 millions d’euros, ce sont 1 000 emplois dans notre pays, par exemple 1 000 emplois de fonctionnaires, (M. Francis Delattre manifeste sa désapprobation.), 1 000 enseignants, 1 000 policiers ou 1 000 agents hospitaliers.

Ces mesures assurent la cohérence de notre action par rapport à nos engagements européens. Elles relèvent de surcroît de l’équité fiscale : qui doit, aujourd’hui, supporter le coût des risques pris par les établissements bancaires ?

M. Vincent Delahaye. Il ne s’agit pas de cela !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. À nos yeux, ce ne sont pas les contribuables.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 34 et 140 rectifié.

M. Francis Delattre. Mes chers collègues, les précédents orateurs l’ont bien rappelé, le problème général, c’est la non-déductibilité des taxes. Dans ce domaine, le virage a été pris à la fin de l’année 2012, lorsqu’a été adoptée la non-déductibilité fiscale des intérêts de prêts souscrits par les entreprises pour investir. Le dispositif est monté en puissance et, aujourd’hui, le taux de déductibilité est plafonné à 75 %.

Souvenons-nous tout de même que l’on escomptait, de cette mesure, 4,5 milliards d’euros de recettes fiscales, soit presque la moitié des ressources consacrées au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Cette disposition a été adoptée dans une quasi-indifférence, puis les experts-comptables des entreprises ont dû l’expliquer aux entrepreneurs… Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne s’est pas révélée favorable à notre économie et à nos emplois.

Le présent article, qui relève de l’ingénierie fiscale, étend cette logique de non-déductibilité à quatre taxes.

Concernant les fonds de garantie mis en place en France à la suite de la crise bancaire de 2008, vous affirmez, madame la secrétaire d’État, que le contribuable français a payé. Il me semble pourtant que les banques ont entièrement remboursé ces prêts de l’État, et même avec des intérêts consistants.

Le système actuel conduit les banques, dont je rappelle qu’elles financent l’essentiel des investissements productifs dans ce pays, à acquitter une triple cotisation : au fonds de garantie pour les déposants, au budget, à travers la taxe, nationale, de risque systémique et maintenant au fonds européen. Telle est la situation.

Soutenir, comme vous le faites, que la déductibilité de ces différentes contributions représenterait un cadeau pour les banques, c’est oublier que les citoyens d’aujourd’hui effectuent des dépôts en banque et qu’ils sont garantis ! De même, le fonds de garantie européen présente tout de même un intérêt général, pardonnez-moi de le rappeler, car il contribue à fiabiliser l’ensemble du système bancaire européen.

Pour des raisons de disette budgétaire et financière, on l’oublie, mais enfin, après Bâle III, les banques ont également dû renforcer considérablement leurs fonds propres et, le résultat des courses, c’est qu’elles subissent une surfiscalité qui diminue les moyens disponibles pour prêter. Or elles prêtent aux particuliers, mais aussi beaucoup aux entreprises. Dans ce pays où il n’y a pas de fonds de pension, l’assurance vie collecte l’essentiel d’une épargne qu’il est très difficile de réorienter vers des dispositifs plus utiles à l’économie du pays.

Ces équilibres sont délicats et, à mon sens, ces dépenses imposées auront à terme des effets plus négatifs que productifs.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Cette affaire de taxe systémique nous occupe beaucoup !

L’accord entre le Gouvernement et les banques prévoit bien que cette taxe va progressivement être réduite et disparaître, conformément aux demandes des banques. Aujourd’hui, elle représente à peu près 900 millions d’euros par an et elle diminuera sur quatre ou cinq ans.

Je ne vois aucune raison de traiter différemment les contributions au fonds européen de garantie et la taxe systémique : c’est la même chose ! Les deux dispositifs ont pour fonction d’assurer un risque bancaire.

Vous ajoutiez à votre énumération, monsieur Delattre, le fonds de garantie des dépôts. En effet, il existe également. Il y a même un projet de fonds de garantie européen, qui vous conduirait à ajouter une quatrième catégorie à votre liste !

M. Francis Delattre. Et une quatrième taxe !

M. Richard Yung. Mais les Allemands ont refusé sa création, parce qu’ils ne veulent pas payer pour les banques italiennes. Pour le moment, il n’existe donc pas.

Le fonds de garantie des dépôts, comme la taxe systémique ou le Fonds de résolution unique, présente, certes, un coût pour les banques, mais c’est normal, puisque c’est la garantie d’un risque pour elles. En économie, le risque a un prix. Voilà le sens de cette mesure.

M. Francis Delattre. Cela vaut aussi pour les déposants !

M. Richard Yung. Le déposant est garanti jusqu’à 100 000 euros.

Pour toutes ces raisons, je ne vois pas pourquoi la taxe systémique et le Fonds de résolution unique européen seraient traités différemment.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Madame la secrétaire d’État, ce sont vos propos qui m’amènent à intervenir. Dans un souci de transparence et d’information du contribuable et du citoyen, on ne peut pas laisser accroire que le renflouement des banques par l’État aurait emporté un coût pour le contribuable.

M. Richard Yung. Ce n’est pas ce que nous disons !

M. Michel Bouvard. Je souhaite rappeler que deux sociétés ont été constituées à l’époque. La première était une société de prise de participations actionnariales dans l’ensemble des établissements de la Place. En vérité, seuls un ou deux d’entre eux avaient besoin à l’époque d’un renforcement de leurs fonds propres. Si tous les établissements ont été amenés à souscrire, c’est évidemment pour éviter d’affaiblir encore le « maillon faible » par identification spécifique d’un établissement. Ces prises de participations sous forme d’obligations ont été rémunérées et remboursées à l’État, qui y a trouvé un bénéfice.

Une deuxième société a été constituée, la société de financement de l’économie française, qui a fourni des avances, pour lesquelles l’État a également été rémunéré.

Le bilan financier pour l’État a été positif, comme l’attestent les lois de règlement ainsi que la certification des comptes de l’État établie par la Cour des comptes.

Ce n’est donc pas servir la confiance de nos concitoyens dans l’économie et dans le système financier français que de laisser accroire que le contribuable aurait, de sa poche, été amené à financer le renflouement des établissements financiers bancaires d’une quelconque manière.

Pour être tout à fait honnête et transparent, il y a un établissement qui, effectivement, a donné lieu à un coût pour le contribuable,…

M. Michel Bouvard. … c’est en effet Dexia. Son défaut est intervenu avant la mise en place des deux outils que j’ai cités et l’État, qui a été amené à entrer à son capital, y a malheureusement laissé quelques sommes, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations.

Soyons précis : le sujet de Dexia a été traité et réglé, avec un coût réel. On ne peut toutefois pas laisser croire que, d’une manière générale, le système bancaire vivrait à chaque crise sur le dos du contribuable et que l’État serait amené à renflouer toutes les banques, comme vous l’avez dit, avec l'argent du contribuable. Ce n’est pas exact !

Si l’on fait le bilan de ce qui a été financé à travers les avances et les prises de participation, en tenant compte du résultat de ce dispositif pour le budget de l’État, d’un côté, et du coût de l’opération de Dexia, de l’autre, les sommes en cause apparaissent presque équilibrées.

Cette crise financière, grâce à l’intelligence du pays et du gouvernement de l’époque, a été gérée d’une manière exemplaire. Cela n’a pas été le cas, c’est vrai, dans tous les pays. Chez nos voisins allemands, le coût du renflouement des Landesbanken a été beaucoup plus élevé pour l’État et pour le KfW. Il en est allé exactement de même en Espagne et en Italie.

Nos concitoyens nourrissent souvent des doutes sur l’action publique et l’efficacité de notre système économique, il est inutile d’en rajouter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Richard Yung. Nous n’avons rien dit de tel !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos34 et140 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 107 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 105, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – À la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, le pourcentage : « 3 % » est remplacé par le pourcentage : « 6 % ».

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 84, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 19

Supprimer ces alinéas.

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 213, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 16 à 19

Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :

« 0,45 % pour la taxe due en 2015 ;« 0,4 % pour la taxe due en 2016 ;« 0,35 % pour la taxe due en 2017 ;« 0,3 % pour la taxe due en 2018 ;« 0,25 % pour la taxe due en 2019 ;« 0,2 % pour la taxe due en 2020 ;« 0,15 % pour la taxe due en 2021 ;« 0,1 % pour la taxe due en 2022 ;« 0,05 % pour la taxe due en 2023. » ;

II. – Alinéa 44

Remplacer l'année :

2019

par l'année :

2024

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le Fonds de résolution unique a pour objet d’éviter que les finances publiques ne soient à nouveau mises à contribution pour réparer les erreurs d’établissements bancaires ou assurantiels privés.

Or, si l’on maintenait la déductibilité de ces contributions au titre de l’impôt sur les sociétés, c’est en réalité l’État – donc nos concitoyens – qui en financerait un tiers.

C’est pourquoi, lorsque nous avions étudié, en octobre dernier, la transposition d’un ensemble de directives économiques et financières, j’avais déposé un amendement en ce sens, sans grand succès. Si, à l’époque, je n’avais pas recueilli l’assentiment du Gouvernement, tant s’en faut, je suis assez satisfait aujourd’hui de constater que cette préoccupation a finalement été prise en compte, à l’instar – je l’ai fait savoir plusieurs fois, y compris au ministère – de ce qui se faisait en Allemagne et qu’alors nous ignorions.

Le Gouvernement a toutefois choisi d’accompagner cette mesure d’une extinction de la taxe systémique. Compte tenu de la faiblesse du niveau du Fonds de résolution, dont il est difficile de croire qu’il permettrait de faire face à une crise financière importante, supprimer très rapidement cette taxe revient à continuer d’accorder gratuitement aux banques une garantie d’État.

C’est d’autant plus vrai que le montant de la contribution des banques françaises au Fonds de résolution unique résulte d’une négociation diplomatique plutôt que d’une analyse technique.

Rappelons pourtant que, parmi les vingt plus grandes banques mondiales, figurent neuf banques européennes : une est espagnole, une est allemande, trois sont anglaises et quatre sont françaises !

La loi de séparation et de régulation des activités bancaires, que nous avons votée en 2013, n’a malheureusement pas permis de remédier au problème. Cette concentration du secteur bancaire français est à l’évidence un facteur de risque, facteur qu’il ne paye donc pas.

Même sans remettre en cause l’hypothèse d’une suppression de la taxe systémique, la question se pose donc du rythme de son extinction. Dans la présentation du projet de loi de finances rectificative par le ministère, il est surprenant de constater, au sujet des systèmes de compensation, que ce qui doit se passer entre l’extinction très rapide de la taxe systémique et la montée en puissance très progressive, sur une période beaucoup plus longue, du Fonds de résolution unique, n’apparaît absolument pas.

La taxe systémique décroît très vite pour disparaître complètement en 2019, alors que le FRU ne sera complètement abondé qu’en 2023, avec 55 milliards d’euros, ce qui paraît peu pour l’ensemble des banques européennes. En outre, le rythme de croissance de ce fonds semble avoir été conçu avec l’idée que « demain, on rase gratis », dans la mesure où l’essentiel des apports doit intervenir dans deux ou trois ans. C’est un peu inquiétant, mais croisons les doigts !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. André Gattolin. À la place des banques françaises, je me féliciterais de cette extinction de la taxe systémique. C’est une très belle affaire…

Selon le rapport, la non-déductibilité des cotisations au FRU et à la TRS aurait assuré 650 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires. Quand on fait le solde de ce qui est finalement proposé, il n’entre en 2015 que 280 millions de recettes au budget.

Des négociations serrées sont intervenues entre les banques et Bercy depuis la transposition, mauvaise, de cette directive européenne. Nous avançons maintenant vers un objectif significatif, mais nous n’avons fait que la moitié du chemin, et nous ne disposons pas de garanties pour ces trois années, durant lesquelles il faudra serrer les dents en espérant qu’aucune crise bancaire grave ne se produira en Europe !

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 44 et 45

Supprimer ces alinéas.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 84, 213 et 85 ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 213 que vient de défendre notre collègue André Gattolin vise à étaler dans le temps, sur huit ans au lieu de quatre ans dans le texte actuel, la disparition progressive de la taxe de risque systémique. Cela reviendrait à demander aux établissements de crédit de contribuer deux fois pour un même objectif. Ils abonderont en effet en même temps le Fonds de résolution unique européen.

Il ne paraît pas justifié d’attendre quatre ans de plus, soit jusqu’en 2023, pour que cette taxe s’éteigne, et ce pour plusieurs raisons.

Le Fonds sera largement doté en 2019, avec 20 milliards d’euros. On peut évidemment toujours demander plus de moyens pour assurer la crédibilité d’un mécanisme de sauvetage…

En outre, le mécanisme de résolution réduit dès maintenant le risque d’appel au contribuable, et pas seulement à terme. Des mécanismes de renflouement internes permettent de faire appel aux créanciers des banques.

Par ailleurs, une telle mesure poserait un problème de compétitivité aux banques françaises, notamment par rapport à leurs concurrentes allemandes. Nos banques seraient en effet conduites à payer deux fois plus que leurs concurrentes qui, elles, ne contribueraient plus, dès le début de l’année prochaine, qu’au Fonds de résolution unique européen.

La commission est donc défavorable à cet amendement. D’une part, le système qui se substituera à la taxe de risque systémique assure une garantie suffisante ; d’autre part, l’adoption de l’amendement placerait les banques françaises dans une situation défavorable par rapport à leurs concurrentes européennes.

L’avis est également défavorable sur les amendements nos 84 et 85, car il n’est pas envisageable de supprimer la taxe de risque systémique en 2019.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur général sur ces trois amendements.

Soyons logiques : si nous n’acceptons plus la déductibilité de la taxe de risque systémique, celle-ci doit tout de même s’éteindre progressivement, au fur et à mesure de la montée en puissance du FRU.

Il s’agit là – vous l’aurez bien compris – d’un équilibre délicat à trouver, mais la démarche est tout à fait cohérente. La contribution du secteur bancaire français au fonds européen, mise en œuvre à partir de 2014, augmentera progressivement jusqu’en 2020, selon le barème suivant : 1,1 milliard d’euros en 2015, 1,5 milliard en 2016, 1,6 milliard en 2017, 1,7 milliard en 2018, etc.

Nous avons fait le choix d’une extinction progressive, sur quatre ans, de la taxe de risque systémique, pour deux raisons : pour faire écho à l’augmentation progressive des contributions au FRU, dont je viens de donner le détail, et pour atténuer l’impact budgétaire de la suppression de cette taxe sur les finances publiques.

L’équilibre était, je le répète, très délicat à trouver. Nous ne voulons pas toucher à celui que nous avons obtenu, à une exception près que nous maintenons : celle de la taxe sur les emprunts toxiques.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Monsieur Bouvard, personne ici n’a dit que les contribuables avaient payé pour les banques.

M. Michel Bouvard. Si, Mme la secrétaire d'État l’a dit !

M. Richard Yung. Nous connaissons tous le dispositif que vous avez rappelé. Mais pensez à l’Irlande et au coût induit pour les banques anglaises et le gouvernement britannique ! Au moins deux points de PIB ! Si leur déficit est aujourd'hui de 5,3 %, c'est en bonne partie à cause de la crise irlandaise. Il n’est pas normal que les contribuables britanniques – cela vaut pour ceux des autres pays – aient à payer !

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Richard Yung. On ne peut donc pas se contenter d’avancer que sauver les banques françaises n’a rien coûté. Cela a été le cas il y a quelques années, mais il pourrait en aller tout à fait différemment demain. Nous devons garder cela à l’esprit.

Je rappelle aussi que nous avons créé, dans la loi bancaire, un fonds de résolution national que vous pouvez, monsieur Delattre, ajouter à votre liste. Le fonds européen monte progressivement en biseau avec une partie qui correspond au versement au fonds national – le fonds français pour les Français, le fonds italien pour les Italiens, et ainsi de suite – et une partie spécifique au fonds européen.

À mon sens, la proposition de M. Gattolin ne peut être acceptée, car elle remettrait en cause cette montée progressive en biseau. Or ce fut l’un des points importants de la négociation, qui a abouti à ce que les banques françaises payent environ 15 milliards d’euros, soit à peu près autant que leurs homologues allemandes.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. J’aimerais apporter une précision à M. Bouvard. Je ne parlais pas d’équilibre financier. Après la crise bancaire, les prêts ont été remboursés à l’État, mais les prêts aux entreprises ont été stoppés.

Monsieur Delattre, je ne sais pas si vous avez été chef d’entreprise dans votre vie – moi, je l’étais encore récemment ! –, mais je puis vous assurer que les conditions posées depuis cinq ans par les banques pour obtenir un crédit sont absolument surréelles ! Alors, dire qu’elles font tourner l’économie et que tout est formidable…

Nous avons payé la crise économique, avec l’alourdissement de la charge de la dette. Si vous examinez les chiffres de l’endettement de notre pays depuis la crise de 2008, il y a bien de l’argent qui a été pris à l’État ! Cela ne s’est pas fait directement : les banques ont tout simplement arrêté de faire leur travail pour pouvoir payer leurs dettes. Il faut dire la réalité des comptes et la réalité des prix.

Je ne suis pas satisfait de la réponse qui m’a été apportée. Non, le système en biseau ne fonctionne pas, entre l’extinction, rapide, de la taxe systémique et la montée en puissance du FRU. On me dit que j’ai tort, mais vous verrez bien dans trois ou quatre mois !

On me critiquait déjà il y a deux mois lorsque je soulignais l’aberration de la déductibilité s’agissant de la participation à un fonds collectif de secours…

Il va bien falloir prévoir une réglementation au niveau européen, car tous les autres pays n’appliquent pas cette déductibilité.

Nous devons nous interroger : voulons-nous aller vers la convergence fiscale ou continuer à nous « tirer dans les pattes » ?

Mme la secrétaire d'État a parlé d’harmonisation fiscale. On en est très loin, puisqu’il ne s’agit aujourd’hui que de convergence. Mais, de toute manière, il faudra bien que nous adoptions tous les mêmes règles pour ce qui concerne les fonds collectifs de secours.

Les banques ont été défaillantes dans leur gestion. Et l’idée n’est pas seulement de les faire payer, mais bien de les rendre un peu plus prudentes dans leur manière d’investir. On ne va certes pas empêcher les banques de spéculer, nous n’en sommes pas là, mais au moins les empêcher de spéculer excessivement, si je puis dire.

Si un tiers des 55 milliards d’euros est pris en charge par l’État, que reste-t-il de cette pédagogie ?

Si les banques assumaient mieux les risques qu’elles prennent, il y aurait davantage de régulation. Avec le Crédit Lyonnais, nous avons vu ce que cela donnait de laisser les traders faire absolument tout ce qu’ils veulent, en maniant des sommes dix fois supérieures aux capacités réelles de financement…

Si la responsabilité est prise en charge par l’État ou par l’ensemble de l’économie, nous n’aurons jamais de régulation financière !

Intéressez-vous, mes chers collègues, aux produits spéculatifs qui sont actuellement mis au point pour remplacer ceux que nous sommes parvenus à réguler un tout petit peu : ils font froid dans le dos !