M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-177 rectifié quater est présenté par MM. Lemoyne, Morisset, Vaspart, Gilles et Bonhomme, Mme Estrosi Sassone, MM. Bizet, Lenoir, Pierre, B. Fournier et Chasseing, Mmes Duranton et Canayer, MM. Longuet, Kennel, Milon, Dusserre, Mouiller, de Nicolaÿ, Perrin, Raison, Joyandet et Chaize, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Grand, Grosperrin et Danesi, Mmes Mélot et Imbert, MM. Bignon, Laufoaulu et Bonnecarrère, Mme Lopez, MM. Houpert, Courtois, D. Laurent, Saugey, Kern, Jarlier, Lefèvre, Genest, Darnaud et Commeinhes, Mme Gruny, MM. Bouvard, G. Bailly, Delattre, Revet, Pinton, Savary, Pillet, Mayet, Gremillet et Dériot et Mme Deroche.
L'amendement n° II-293 est présenté par MM. Mézard et Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 44 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 302 bis KH du code général des impôts, il est inséré un article 302 bis … ainsi rédigé :
« Art. 302 bis … - I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'au 31 décembre 2023, une contribution due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l'article L.33-1 du même code.
« II. - Cette contribution est assise sur le montant, hors taxe, du chiffre d'affaires de tous les opérateurs mentionnés au I.
« III. - Le montant de la contribution s'élève à 1% du chiffre d'affaires des opérateurs mentionnés au I.
« IV. - La contribution due au titre de l'année civile précédente est liquidée par les redevables lors du dépôt de la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 du présent code du mois de mars ou du premier trimestre de l'année civile. »
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l'amendement n° II-177 rectifié quater.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous abordons à présent la question de l’accès au numérique. C'est un point crucial pour l’attractivité de nos territoires, dans les zones rurales comme dans certaines zones urbaines.
Dans les zones rurales, les attentes sont très fortes. Nos administrés ont le sentiment que les choses vont beaucoup moins vite… que le débit annoncé par certains opérateurs. (Sourires.) Or il s’agit d’un enjeu majeur pour le développement de ces territoires. J’en veux pour preuve un des titres de L’Yonne républicaine du week-end dernier : « Internet à géométrie variable dans l’Yonne ».
L’Yonne n’est pas un cas isolé : malheureusement, bien d’autres départements ruraux sont dans le même cas.
Un plan a été lancé au niveau national, qui associe à la fois l’État, les opérateurs et un fonds stratégique du numérique permettant de contribuer au financement d’un certain nombre d’initiatives prises par les départements ou les régions. Néanmoins, nous ne sommes pas encore à niveau en termes de financement. Or l’argent est le nerf de la guerre.
C'est la raison pour laquelle, afin de mettre en place des dispositifs efficients, nous proposons de créer une surtaxe transitoire de 1 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques, afin d’abonder les programmes mis en place par les départements ou les régions. En effet, pour l’instant, le compte n’y est pas, eu égard à la situation financière dramatique d’un certain nombre de ces collectivités, garrottées par ce nœud coulant qui les empêche de procéder aux investissements nécessaires pour mener à bien ces programmes ambitieux.
Il s’agirait d’un dispositif temporaire, applicable de 2016 à 2023. Au regard des résultats affichés par les opérateurs en termes de chiffre d’affaires et de bénéfice, c’est certes une ponction, mais qui nous paraît justifiée par le fait qu’ils ne font pas l’effort d’investir dans les zones rurales.
Il y a urgence ! Bon nombre de nos concitoyens ont vraiment l’impression d’être des oubliés de la République en matière de desserte internet à haut ou très haut débit et de téléphonie mobile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° II-293.
M. Jean-Claude Requier. Le plan France Très Haut Débit, annoncé par le Président de la République en février 2013, prévoit une mobilisation en faveur du déploiement d’un réseau de fibre optique sur l’ensemble du territoire, à l’horizon 2022.
Je rappelle que, par le passé, il a fallu des années pour électrifier les campagnes. Or, en l’espèce, nos concitoyens veulent que les choses se fassent très rapidement.
Selon le plan que j’évoquais, les réseaux de fibre jusqu’à l’abonné concerneront environ 80 % des foyers en 2022 ; pour les autres, la partie finale du réseau demeurera en cuivre ou en câble coaxial. Bien sûr, la question du financement est essentielle. L’enveloppe globale est évaluée à 20 milliards d’euros.
Dans les zones conventionnées, le déploiement des réseaux privés nécessitera un investissement des opérateurs de l’ordre de 6 milliards à 7 milliards d’euros. Dans les zones non conventionnées – les zones rurales –, les collectivités seront mises à contribution pour participer aux investissements, estimés à 13 milliards ou 14 milliards d’euros. L’État, quant à lui, apportera au total 3 milliards d’euros.
L’ambition de ce plan est noble. Néanmoins, notre enthousiasme est modéré par notre souvenir du déploiement des réseaux de télévision – il fallait que les conseils généraux payent les émetteurs –, de la téléphonie mobile et de l’ADSL. En effet, les inégalités continuent de se creuser entre les territoires urbains ultra-connectés et les territoires ruraux, qui ont du mal à avoir des services de ce type.
Résorber la fracture numérique entre territoires est un enjeu crucial. Pour que le développement du territoire soit équilibré et durable, la fibre doit arriver à peu près partout.
Nous craignons que les moyens déployés ne soient insuffisants. C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à instaurer, entre 2016 et 2023, une contribution de 1 % assise sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le financement du numérique est un vrai sujet. On peut donc partager l’intention des auteurs de ces deux amendements identiques.
Comment financer concrètement le déploiement du très haut débit, notamment dans les zones rurales ? Il est vrai qu’aujourd’hui le système est un peu fou : c'est par la fiscalité, tant nationale que locale, donc par l’impôt payé par tous les contribuables, que l’on finance des investissements publics extrêmement lourds. Cela vient d’être dit, l’État et les collectivités font de gros efforts pour permettre le déploiement du très haut débit dans les zones rurales, là où cela coûte évidemment le plus cher, pour des raisons de distance.
On ne peut donc qu’être favorable à d’autres modes de financement. Par le passé, un certain nombre de pistes ont été explorées. Je me souviens de la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey, qui suggérait de créer un fonds du numérique financé par une petite taxe sur les abonnements téléphoniques ou les abonnements internet à très haut débit. Cette voie aurait mérité d’être examinée plus avant ; elle aurait permis de diminuer les subventions de l’État et des collectivités.
Au final, c’est tout de même le contribuable local qui paye l’équipement numérique là où il y a, de fait, faute de marché ou compte tenu des coûts, défaillance des opérateurs.
Pour autant, pouvons-nous souscrire à l’idée d’une taxe de 1 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications électroniques ?
Cette contribution soulève quand même une vraie difficulté, car certains opérateurs sont déjà très fragilisés, comme le prouve la baisse de leur chiffre d’affaires : le secteur dans son ensemble a vu, en trois ans, son chiffre d’affaires global reculer de 11 % et ses résultats, de 42 %. Le contexte est celui d’une concurrence extrême, voire d’une guerre tarifaire, qui laissera sans doute des victimes. Certains opérateurs pourraient être amenés à se regrouper, voire à disparaître.
Dans ce contexte, une taxe sur le chiffre d’affaires risque d’être pénalisante pour ce secteur en pleine mutation et en plein doute. Une taxe portant sur les résultats serait sans doute plus acceptable.
Alors que les collectivités connaissent une baisse de leurs dotations, je suis tout à fait d’accord pour étudier avec les collègues intéressés par ce sujet les solutions qui pourraient être envisagées pour que les investissements nécessaires dans le numérique soient réalisés sans que lesdites collectivités se voient par trop mises à contribution.
Compte tenu de la guerre tarifaire existant sur les abonnements téléphoniques, l’idée d’ajouter quelques dizaines de centimes pourrait aussi être une piste, mais la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires ne paraît pas la voie la plus opportune.
C’est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de ces amendements, non pour évacuer le sujet, mais pour réfléchir à d’autres modes de financement plus adaptés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce qui est proposé là, c’est un nouvel impôt…
Il existe déjà une taxe assise sur les abonnements. L’adoption de ces amendements aboutirait à multiplier par trois, ou presque, la contribution de ces entreprises. Le Gouvernement n’y est donc pas favorable.
Je vous rappelle que le numérique fait l’objet d’un plan d’investissement, auquel l’État participe à hauteur de 3,3 milliards d’euros, sur une masse évaluée à 20 milliards d’euros. Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà, compte tenu des équilibres en termes de concurrence, mais aussi de tarifs pour les usagers. En effet, on ne sait pas quelles pourraient être, pour ces derniers, les conséquences tarifaires de la « ponction » – pour reprendre le terme de M. Lemoyne – que ces amendements visent à opérer.
Pour autant, nous n’avons aucun doute sur la noblesse des intentions des auteurs de ces amendements. L’inégalité numérique entre les territoires est incontestable et il est effectivement nécessaire de la réduire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote sur l’amendement n° II-177 rectifié quater.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’entends bien les remarques du rapporteur général et du secrétaire d'État.
Néanmoins, nous devons bien avoir en tête que la « tuyauterie » actuelle ne permet pas de rassembler les 20 milliards d’euros d’investissement que l’on nous annonce.
Voilà deux mois, un opérateur français a mis 3 milliards d’euros sur la table pour acheter un concurrent espagnol. Je peux vous dire que cette nouvelle a fait réagir dans nos campagnes, où l’on aurait préféré que cette somme serve à améliorer et à compléter le réseau national… Pour nos concitoyens ruraux, cette opération est proprement incompréhensible !
Certes, la compétition est mondiale, mais nous devons prendre garde au sentiment d’abandon qui devient vraiment très prégnant dans nos territoires et contribue à expliquer certains résultats électoraux, comme celui d’hier soir.
Dans ces conditions, on ne peut laisser le sujet en l’état ni se dire que tout va très bien et que le plan d’investissement de 20 milliards d’euros permettra de résoudre les difficultés.
Pour leur part, les collectivités essaient cahin-caha de mettre en place des schémas en faveur du développement du numérique, à l’échelle départementale ou régionale.
Pour prendre l’exemple du département que je connais le mieux, l’Yonne va engager un plan de 60 millions d’euros sur cinq ans, qui permettra que 40 % de la population soit couverte en haut ou en très haut débit. Autrement dit, 60 % des habitants de ce département ne seront toujours pas couverts ! Pourtant, on est en 2014, et ceux qui, dans mon entourage, se déplacent beaucoup à l’étranger me disent que la question y est souvent mieux traitée, y compris dans des pays dont le niveau de développement est censé être moins élevé que chez nous. On le voit, nous avons encore des marges de progression.
En tout état de cause, je veux saisir la main tendue par le rapporteur général, qui propose de poursuivre la réflexion. Je souhaite vraiment que, sous une forme ou sous une autre, un groupe de travail soit constitué, rassemblant des sénateurs de toutes commissions et de tous bords, pour mettre au point un système permettant d’abonder les financements dédiés, notamment, au déploiement de la fibre, à la montée en débit, etc. Sinon, les inégalités vont s’accroître, et l’on va se retrouver avec une France périphérique « au carré », des territoires ultra-urbains projetés dans la compétition internationale et d’autres en déprise majeure.
Or, pour les territoires délaissés, le numérique est une occasion de rebondir, d’attirer un certain nombre de professions libérales. Avec de bons réseaux numériques, Villon, commune de 40 habitants située au fin fond du Tonnerrois, pourrait attirer un architecte qui souhaiterait jouir d’une certaine qualité de vie. Hélas ! ce n’est pas envisageable à l’heure actuelle. En effet, pour gens qui doivent remplir un certain nombre de télédéclarations, le fait de s’installer dans un territoire qui n’est pas suffisamment couvert par des réseaux de qualité constitue un vrai handicap.
L’enjeu n’est pas mineur, et la cause est noble.
Cela dit, l’adoption de nos amendements aurait des incidences financières certaines. Nous pouvons peut-être peaufiner et compléter notre dispositif. On pourrait ainsi imaginer que la taxe que nous proposons d’instituer soit diminuée à proportion des investissements consentis par les opérateurs dans les zones rurales, la carence d’investissement dans ces dernières étant véritablement le problème auquel nous devons nous attaquer.
Mes chers collègues, l’objet de ces amendements était simplement d’attirer et votre attention et celle du Gouvernement sur ce sujet important. Nous ne demandons qu’à pouvoir continuer à travailler sur ce dossier de façon constructive.
Je le répète, la « tuyauterie » existante ne permet pas de satisfaire toutes les attentes, qui sont légitimes ! Si nous n’agissons pas, nous risquons vraiment de nous retrouver dans une France à deux vitesses, avec des foyers dont le pouvoir d'achat est rogné parce qu’ils sont obligés de souscrire à trois ou quatre abonnements pour pouvoir accéder à internet depuis plusieurs ordinateurs en même temps, compte tenu de la faiblesse du débit. J’aimerais que nous ayons cela en tête, même si nous sommes au cœur du VIe arrondissement de Paris !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je vais abonder dans le sens de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'État sur un certain nombre de points.
Cher collègue Jean-Baptiste Lemoyne, permettez-moi de vous indiquer que, dans cette enceinte, nous sommes un certain nombre à réfléchir à ces questions depuis plusieurs années.
On veut que le très haut débit soit installé tout de suite et partout. Mais le très haut débit peut faire l’objet d’un usage récréatif aussi bien qu’économique ! Au reste, pour remplir des déclarations en ligne, le très haut débit n’est pas nécessaire. La France est déjà l’un des pays les mieux équipés en Europe en matière de haut débit. Les collectivités territoriales se retrouvent engagées dans une espèce de course-poursuite parce qu’on a promis aux électeurs qu’ils auront la possibilité de télécharger des films très rapidement !
L’économie du secteur doit être prise en compte. S’il est normal que les opérateurs de téléphonie ou de communications électroniques soient taxés – c’est déjà le cas – et participent à la construction et au développement du réseau, il faut se fixer un plan.
À cet égard, je considère que, d’un point de vue financier, le plan du Gouvernement n’est pas raisonnable dans le contexte actuel. Ne nous engageons pas aujourd'hui sur le très haut débit pour tout le monde ! Il faut concentrer l’effort sur les villes-bourgs, où une activité économique peut se développer, dans le respect des territoires. En revanche, il ne faut pas promettre la « lune électronique » à tous les Français !
Par ailleurs, ces amendements témoignent d’une mauvaise connaissance de l’économie du numérique. De ce point de vue, cette taxe appliquée aux opérateurs, c’est n’importe quoi ! En effet, les premiers bénéficiaires du développement du très haut débit, ce sont Google et les grands organismes qui tirent l’essentiel de leurs ressources de la publicité en ligne.
Une étude publiée la semaine passée montre qu’aujourd'hui, en Grande-Bretagne, plus de 50 % des investissements publicitaires utilisent le support numérique. La vraie question est là ! Les opérateurs téléphoniques ou électroniques créent des emplois et des activités en France, même s’ils se développent à l’étranger. Mais que développent Google et les sociétés qui prennent l’argent ?
Nous devons à la fois avoir une réflexion plus approfondie sur le plan de développement du très haut débit et prendre conscience que celui-ci sert d'abord à télécharger de la musique et des films et à regarder des vidéos en streaming. Je le répète, il n’est pas besoin du très haut débit pour remplir une déclaration !
Identifions les zones mal équipées et traitons-les de manière prioritaire, mais donnons-nous du temps. Je me souviens que, quand j’étais enfant, mes parents ont dû attendre cinq ans pour avoir le téléphone… Aujourd'hui, il faut tout tout de suite, pour tout le monde et partout, sans moyens de financement ni logique économique.
Je vous invite à relire l’excellent rapport de Pierre Collin et Nicolas Colin sur la fiscalité de l’économie numérique, qui explique précisément que le développement du très haut débit et les grands discours théoriques tenus par les collectivités territoriales et l’État sur la nécessité d’un très haut débit généralisé pour l’avenir bénéficieront en premier lieu à ceux qui vendent des contenus et, surtout, accaparent la valeur d’attention créée par ces derniers pour devenir les premières agences publicitaires au monde, sans payer d’impôts dans notre pays.
Pour l’ensemble de ces raisons, les sénateurs du groupe écologiste ne voteront pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je veux témoigner que ces amendements traitent d’un vrai sujet, qui concerne également les territoires urbains et périurbains. Contrairement à ce que l’on peut penser, ceux-ci rencontrent aussi d’extrêmes difficultés à intéresser réellement les opérateurs – je parle notamment pour mon département de la Seine-Saint-Denis,…
M. Philippe Dallier. Eh oui :
M. Vincent Capo-Canellas. … mais c’est également vrai d’autres départements dits « de banlieue ». Bien évidemment, le plan de développement du très haut débit incitera les opérateurs à engager les travaux les plus rentables et les plus faciles à réaliser, remettant le reste à plus tard… D'ailleurs, nous avons d’autant plus de difficultés à expliquer à nos concitoyens qu’ils ne peuvent pas être bien connectés que nous sommes proches de la métropole.
Néanmoins, je suis en désaccord avec la solution proposée par les auteurs de ces deux amendements, même si je comprends leur intention. La contribution de 1 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques me paraît compliquée à mettre en œuvre et assez largement disproportionnée.
Le rapporteur général a proposé de se remettre au travail, sur la base d’un certain nombre de propositions de loi déposées sur le sujet – je pense notamment à celle d’Hervé Maurey. Cette voie me paraît la bonne.
Dans ces conditions, même si nous estimons qu’il faut faire preuve de volonté sur ce sujet, nous ne voterons pas en faveur de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je suis totalement convaincu par les arguments de nos collègues Jean-Claude Requier et Jean-Baptiste Lemoyne et par leur excellent plaidoyer en faveur de l’accès au très haut débit dans nos campagnes. Aucun territoire n’est épargné par ce problème : même dans le Nord, certains secteurs sont très mal couverts.
J’adhère donc complètement à la philosophie de ces amendements, à une exception près : je préférerais, comme notre rapporteur général, que la contribution temporaire soit appliquée sur les bénéfices, les dividendes, plutôt que sur le chiffre d’affaires, dont on sait qu’il peut varier selon le contexte.
Cela dit, notre collègue André Gattolin a eu raison de soulever le problème de Google et des géants du numérique, qui sont partout et ne paient l’impôt nulle part, mais je ne vois pas pourquoi cette situation ne pourrait pas être remise en question. La semaine dernière, nos collègues britanniques, qui ne sont pas des révolutionnaires invétérés, se sont attaqués au sujet avec beaucoup de détermination. Le combat à mener est de nature politique !
M. André Gattolin. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Nous nous retrouvons dans les arguments avancés par André Gattolin.
Un autre collègue vient d’appeler, si j’ose dire, les parlementaires de tous les pays à s’unir… (Sourires.)
Chers collègues, imaginez que ce soit de nos travées qu’ait surgi la proposition de créer une taxe de 1 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques ! Si j’avais été le porteur d’une telle proposition, je n’aurais même pas eu le temps d’achever mon propos qu’on se serait écrié, en face : « Encore une taxe ! Les socialistes ne savent régler les problèmes qu’en créant des taxes ! Les entreprises sont étranglées ! » Et j’en passe…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très juste !
M. Jean Germain. Permettez-moi d’être encore un peu plus provocateur : l’adoption de ces amendements pourrait avoir pour effet de déséquilibrer la concurrence, et Bruxelles pourrait alors nous reprocher le niveau de nos aides publiques aux opérateurs…
Rappelons-nous que la France est insérée dans l’Europe et dans le monde !
Pour trouver des solutions, les déclarations de principe ne suffisent pas.
Pour toutes ces raisons et pour celles qu’ont exposées M. le rapporteur général ainsi que notre collègue André Gattolin, nous voterons contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Pour en revenir à l’exemple de l’électricité, en quoi consistait le fonds d’amortissement des charges d’électrification – le FACÉ –, créé en 1936 sur proposition de Paul Ramadier, député de l’Aveyron ? On a fait payer la consommation électrique cinq fois plus cher dans les zones urbaines que dans les zones rurales et, grâce à l’argent ainsi collecté, on a amené l’électricité partout sur le territoire, par l’intermédiaire des syndicats intercommunaux. C’est un parfait exemple de péréquation : ceux qui consommaient le plus ont payé pour ceux qui n’avaient pas l’électricité !
Notre amendement est un amendement d’appel, invitant à réfléchir pour faire en sorte que les zones rurales – peut-être pas les moins densément peuplées, mais au moins les chefs-lieux de canton et les principaux bourgs – soient également couvertes par l’internet à haut débit.
Nous avons proposé un taux de 1 % du chiffre d’affaires des opérateurs... C’est un chiffre que nous lançons ! Mais il faut essayer, malgré tout, de trouver une solution pour que ceux qui consomment beaucoup et disposent de tous les services paient un peu pour ceux qui n’y ont pas accès.
Je fais appel à l’ingéniosité fiscale de notre pays – je ne dis pas « de Bercy » : cela pourrait vexer M. le secrétaire d’État. (Sourires.) Nous avons inventé la TVA, nous avons inventé la CSG… Si nous ne sommes pas capables d’inventer un dispositif permettant de financer le développement numérique, c’est à désespérer de Bercy !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est un peu plus compliqué !
M. Jean-Claude Requier. J’en appelle donc, pour une fois, à l’imagination des élus, des techniciens et des administrateurs – j’allais dire : des technocrates ! –, afin qu’une solution puisse être trouvée à ce problème bien réel des campagnes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a effectivement compris ces amendements comme des amendements d’appel et elle n’entend aucunement évacuer le sujet d’un revers de main, en arguant que la question du déploiement de l’internet à très haut débit en zone rurale pourrait être résolue par le simple biais du financement public.
Les difficultés iront effectivement en se multipliant dans l’avenir. On sait ce qu’il en est du budget de l’État et ce qu’il adviendra du budget des collectivités, qui vont devoir financer des investissements avec des ressources particulièrement contraintes. Dans un tel contexte, tout système qui permettrait, à l’image du FACÉ – effectivement un bon exemple de solution mise en œuvre, par le passé, pour favoriser l’électrification du pays –, une forme de péréquation tarifaire ou une participation des opérateurs à l’investissement pourrait apporter une véritable réponse.
Seulement, aujourd'hui, on ne peut pas instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs sans tenir compte de leurs résultats ou des investissements qu’ils consentent par ailleurs.
Si la commission a demandé le retrait de ces amendements, sans émettre d’avis défavorable, c’est bien qu’elle considère que le sujet est sérieux et mérite d’être étudié. Mais ces amendements n’offrent pas une solution opérationnelle et leur adoption pourrait contribuer à déséquilibrer un secteur dont j’ai évoqué tout à l'heure la situation en citant quelques chiffres. Nous devons donc travailler sur la question en sachant bien qu’il ne sera pas possible de résoudre l’équation en faisant appel au seul financement public.
M. le président. Monsieur Lemoyne, l'amendement n° II-177 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’accepte de le retirer, monsieur le président, au bénéfice du travail annoncé par M. le rapporteur général.
M. Jean-Claude Requier. Je retire également l'amendement n° II-293, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos II-177 rectifié quater et II-293 sont retirés.
L'amendement n° II-423, présenté par M. Saugey, Mme Di Folco et MM. Buffet et Forissier, est ainsi libellé :
Après l’article 44 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui exercent la compétence tourisme ou les établissements publics mentionnés aux articles L. 5211-21 et L. 5722-6 du code général des collectivités territoriales percevant la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire, peuvent instituer le prélèvement direct sur le produit brut des jeux dans les conditions fixées à l'article L. 2333-54 du même code, sauf opposition de la commune siège d'un casino régi par la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos. Les établissements publics de coopération intercommunale préexistants à la date d’entrée en vigueur de l’article 7 de la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme et compétents en matière de casino peuvent également instituer le prélèvement direct sur le produit brut des jeux. Ils peuvent, par convention, reverser tout ou partie du prélèvement aux communes membres de la structure intercommunale.
Cet amendement n'est pas soutenu.