M. Hervé Maurey. C’est vrai !
M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Nous avons été unanimes, en commission, à voir dans ce prélèvement une dangereuse remise en cause du principe consacré dans différents textes – notamment dans la directive du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau –, selon lequel l’argent de l’eau va à l’eau.
En outre, cette ponction – vous le savez également et mesurez parfaitement le risque que nous prenons en ne réalisant pas les travaux nécessaires – est susceptible de mettre à mal le respect de nos engagements à l’échelon européen. Malheureusement, ce ne serait pas la première fois que notre pays serait condamné par la Cour de justice de l’Union européenne pour ses manquements !
Le dernier point que je souhaite aborder concerne l’énergie.
Comme certains l’ont rappelé, nous faisons face à une grande inconnue au plan du financement de la transition énergétique qui n’est pas assuré par le présent budget. Mais il existe d’autres sujets d’alerte. L’un d’entre eux est particulièrement révélateur : il concerne le fonds chaleur, dont les crédits n’ont pas cessé de diminuer depuis 2010, alors même qu’on sait cet outil réellement efficace sur les territoires. Comment faire, madame la ministre, pour améliorer les moyens de ce fonds ?
Enfin, dans la perspective de la prochaine conférence de Paris, je suis convaincu de l’absolue nécessité d’articuler la lutte contre le changement climatique et la politique de préservation de la biodiversité. Dans un rapport du mois de septembre dernier, le Fonds mondial pour la nature indiquait que la terre a perdu la moitié de ses populations d’espèces sauvages en quarante ans, sous l’effet combiné, à l’échelle mondiale, de la dégradation des habitats, des pratiques agricoles, de la pollution et du changement climatique. Juste sur le territoire européen, ce sont 420 millions d’oiseaux d’espèces communes qui ont disparu en trente ans !
Pour conclure, je vous indique avec regret – je regrette non pas le vote, auquel je me suis associé, mais les raisons l’ayant motivé – que la commission du développement durable a émis un avis défavorable sur ces crédits. Certes, ceux-ci ont été préservés, mais nous déplorons les trois sujets d’alerte que j’ai mentionnés. Pas un signal positif qui soit à la hauteur des enjeux précédemment décrits ne nous semble avoir été donné.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter l’avis de la commission du développement durable relatif aux politiques de la prévention des risques et qui concerne les crédits des programmes 181, 170 et 217.
Je dirai tout d’abord quelques mots sur le programme 217, qui sert de support à la mise en œuvre des politiques du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ce dernier, je le constate, figure cette année encore parmi les grands perdants, comme le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la défense. Cela remet en cause à moyen terme la réalisation de ses missions. Or, de mon point de vue, il mérite beaucoup mieux !
Je ne vous présenterai pas en détail l’évolution des crédits. Au vu du temps qui m’est imparti pour la présentation de la position de la commission à l’égard de ce budget, je souhaite plutôt insister sur les quelques points m’apparaissant comme les plus problématiques.
Je veux parler de la situation budgétaire préoccupante de trois opérateurs, à commencer par celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.
Le projet de loi de finances pour 2015 lui alloue un budget quasiment stable de 94 millions d’euros, mais l’Agence avait dû fournir un gros effort en 2013, subissant la perte brutale de 50 équivalents temps plein.
Selon moi, ce budget traduit une très mauvaise prise en compte de la hausse significative des missions que l’ANSES devra à l’avenir assumer. L’application de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt la conduira effectivement à prendre en charge la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires, ainsi que l’instauration, sur le territoire national, d’un réseau de phytopharmacovigilance calqué sur notre réseau de pharmacovigilance.
Ces évolutions, plutôt positives, vont nécessiter une forte réorganisation en interne. Il manquerait à ce jour 4 millions d’euros à l’Agence pour boucler son dispositif. Une piste de financement évoquée est une taxe additionnelle à la taxe sur le chiffre d’affaires pour les metteurs sur le marché de pesticides proportionnelle au volume des ventes, sur le modèle de ce qui existe en matière de médicaments vétérinaires. J’aimerais, madame la ministre, connaître votre sentiment sur cette solution.
Du fait aussi de l’intensification des productions animales et végétales, l’ANSES a de plus en plus de mal à remplir toutes ses nouvelles missions. Les représentants auditionnés nous ont fait part d’un retard très inquiétant dans l’examen de dossiers de réévaluation de certaines substances au plan européen. La médecine du travail, qui évalue avec l’ANSES le risque de cancer professionnel lié à certaines de ces substances, s’inquiète de plus en plus de ces retards accumulés.
Je pense qu’il nous faut être prudents et que des contraintes budgétaires supplémentaires imposées à l’ANSES pourraient conduire à perdre de vue certains risques sanitaires et, donc, menacer à terme la santé de nos concitoyens et la capacité de réaction de la France en cas de crise.
L’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, constitue le deuxième point du présent budget qui a attiré mon attention.
Ce sujet a été assez régulièrement évoqué ces derniers temps. Ainsi, l’actualité nous a montré que le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection était appelé à augmenter substantiellement dans les années à venir. Tels sont les faits, indépendants de la position que nous pouvons avoir, les uns ou les autres, sur le nucléaire. Que nous fermions certaines centrales ou que nous prolongions la durée de vie de centrales existantes, l’activité de l’ASN connaîtra un accroissement très significatif dans les années à venir.
L’enjeu consiste donc à permettre à l’Autorité d’y répondre, dans des délais acceptables, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sécurité des populations. Il est impératif d’examiner une réforme du financement de la sûreté nucléaire. Aujourd’hui, la piste de l’affectation directe du produit d’une taxe sur les opérateurs à l’ASN a été évoquée par beaucoup, notamment, dans cette enceinte, par notre collègue Michel Berson. Je rappelle que l’ASN et l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, reçoivent une dotation – stable, mais insuffisante – de l’État de 300 millions d’euros, alors que la taxe sur l’opérateur EDF en rapporte 576 ! Sans commentaire !
Madame la ministre, menez-vous une réflexion sur le sujet ? Dans un contexte contraint, une telle solution permettrait de doter l’Autorité de moyens supplémentaires et pérennes.
Pour finir, je m’arrêterai brièvement sur le cas de Météo France, déjà évoqué par Vincent Capo-Canellas.
Cet opérateur joue un rôle central en matière de prévention des risques dans notre pays. Pour la troisième année consécutive, sa dotation budgétaire est en baisse. Cet organisme se trouve aujourd’hui dans une situation financière extrêmement difficile et risque de ne pas pouvoir remplir correctement sa mission au-delà des deux ou trois années à venir.
Pour Météo France, satisfaire la demande qui lui est formulée d’augmenter ses recettes commerciales sera difficile eu égard à la concurrence, notamment celle des Britanniques : ceux-ci viennent de s’équiper d’un super calculateur de 120 millions d’euros – plus de la moitié du budget de Météo France –, alors que le nôtre souffre déjà d’obsolescence !
Je suis convaincu que l’écologie et la prévention des risques constituent aujourd’hui, en particulier au titre de la sûreté des personnes et des biens, une mission régalienne de l’État. Cette mission est malheureusement appelée à prendre une importance croissante du fait des dérèglements climatiques, générant des phénomènes de plus en plus violents, et de nos changements de mode de vie. À l’aune de ces enjeux, les crédits alloués en la matière sont très largement insuffisants.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission du développement durable, au vu de ces éléments, a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de ces programmes. Nous sommes conscients des efforts budgétaires à faire, alors, des économies, oui, mais pas dans des domaines aussi sensibles que la sécurité des personnes ou le nucléaire !
Une poursuite de la politique budgétaire actuelle pourrait avoir des conséquences désastreuses. On peut déjà parler d’une chronique de catastrophes annoncées ! Au-delà de notre vote et de nos convictions, je vous demande donc solennellement, madame la ministre, de tirer la sonnette d’alarme. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quatre rapporteurs pour avis de la commission du développement durable se sont penchés sur les crédits budgétaires consacrés aux transports.
J’interviens, pour ma part, sur les transports routiers, c’est-à-dire sur les crédits de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, mais également sur certaines lignes du programme 203 et des deux comptes d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Comme cela a déjà été souligné, l’événement majeur de cette année est la suspension de l’écotaxe. Cette décision est lourde de conséquences, à court comme à moyen et long termes, notamment du point de vue financier.
À court terme, la résiliation du contrat conclu avec Ecomouv’ impliquera le paiement d’une indemnité, aujourd’hui évaluée à 840 millions d’euros. Des négociations doivent avoir lieu avec la société pour en déterminer le montant exact, en fonction du sort qui sera réservé aux différentes composantes du dispositif technologique. Ce montant n’a donc qu’un caractère prévisionnel, et c’est ce qui a conduit le Gouvernement à ne pas encore l’inscrire dans le budget. Cette dépense présente néanmoins un caractère certain. C’est la raison pour laquelle la commission du développement durable en a, tout comme la commission des finances, vivement dénoncé l’absence de budgétisation.
Sur les conséquences à moyen et à long terme de la suspension de l’écotaxe, la commission du développement durable a d’abord regretté l’abandon du principe de l’utilisateur-payeur. L’écotaxe possédait en effet l’avantage de viser l’ensemble des camions qui utilisent notre réseau routier, y compris les camions étrangers, dans la même mesure.
Toutefois, l’abandon de cette taxe crée surtout un manque à gagner important pour le financement des infrastructures de transport, de l’ordre de 700 millions à 760 millions d’euros.
Ce manque à gagner sera plus que compensé pour l’année 2015 par le relèvement de la fiscalité sur le gazole. L’AFITF va ainsi pouvoir bénéficier de 1,1 milliard d’euros du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Il s’agit d’une recette bienvenue, car l’Agence est confrontée, depuis quelques années, à de réelles difficultés budgétaires, en raison des reports successifs de l’entrée en vigueur de la taxe.
Cependant, une incertitude persiste sur l’après-2015. Le Gouvernement maintient un cap ambitieux en matière de transports, puisqu’il a réitéré son engagement à financer le scénario n° 2 de la commission Mobilité 21, le plus ambitieux en termes de développement et d’amélioration des infrastructures de transport, ce qui nous satisfait. Il a en parallèle annoncé le financement d’un volet « mobilité » des contrats de plan État-région, à hauteur de 6,7 milliards d’euros.
La commission du développement durable salue ces engagements, mais regrette l’absence de visibilité sur leur financement.
J’en viens aux deux comptes d’affectation spéciale, consacrés l’un aux aides à l’acquisition des véhicules propres et l’autre au contrôle de la circulation et du stationnement routiers.
Les évolutions du dispositif du bonus-malus automobile seront débattues très prochainement au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. La création d’une prime à la conversion est une bonne mesure. Nous souhaitons qu’elle puisse effectivement agir sur le parc de véhicules diesel existant, le plus nocif pour l’environnement, et soutenir la filière des véhicules propres.
Pour ce qui concerne le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, la commission a relevé qu’il allait devoir évoluer dès l’année prochaine, en raison de la dépénalisation des infractions au stationnement payant. Cette réforme, je le rappelle, a été adoptée sur l’initiative de la commission du développement durable du Sénat, en particulier de son rapporteur, Jean-Jacques Filleul, dans le cadre de l’examen de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
À ce sujet, la commission du développement durable se félicite du travail réalisé par la mission interministérielle présidée par le préfet Jean-Michel Bérard pour l’application de cette réforme ambitieuse.
J’ai essayé de terminer par une note positive, mais l’absence de budgétisation de l’indemnisation d’Ecomouv’ et l’abandon de l’écotaxe ont conduit la commission du développement durable à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés aux transports routiers.
À titre personnel, j’aurais préféré que ses membres émettent un avis favorable…
M. Roland Courteau. Nous l’avions compris !
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. … car, pour l’année prochaine, le budget est préservé et l’État a renouvelé ses engagements en faveur des infrastructures de transport. La commission en a décidé autrement… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’interviens, au nom de la commission du développement durable, sur les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux.
J’irai à l’essentiel sur les questions budgétaires et je reviendrai sur le dossier spécifique du ferroviaire ultérieurement.
J’ai porté mon attention sur quatre points.
Je me suis intéressé tout d’abord, et en priorité, au financement des infrastructures.
Je vous confirme que l’abandon de l’écotaxe n’a pas été très bien accueilli par la commission – c’est un euphémisme, madame la ministre –, et pour cause ! Certes, le manque à gagner a été compensé pour 2015, mais qu’en sera-t-il les années suivantes, sachant que le budget n’est voté qu’annuellement et peut donc varier en fonction des contraintes du moment ?
De même, nous attendons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, une confirmation ferme des crédits, à hauteur de 450 millions d’euros, pour le troisième appel à projets des transports en commun en site propre. Je rappelle que cet appel concerne 103 dossiers, soit 6 milliards d'euros d’investissement, déposés par 79 collectivités locales candidates qui représentent près de 14 millions d’habitants. C’est dire l’attente qui est la leur depuis un an déjà !
Par ailleurs, le Gouvernement a confirmé son engagement à financer le scénario n° 2 de la commission Mobilité 21, le plus ambitieux, soit 30 milliards d’euros. Je ne peux que m’en réjouir. Mais comment va-t-on y arriver concrètement ?
Selon Philipe Duron, le président du conseil d’administration de l’AFITF, il lui faudrait un budget annuel de 2,5 milliards d’euros pour financer le scénario n° 2, somme à laquelle doit être ajouté le coût de deux chantiers d’envergure, le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord, sur lesquels le Gouvernement s’est engagé verbalement, mais qui ne sont pas budgétés à ce jour. Autant dire que nous sommes très loin du compte !
Que fait le Gouvernement ? La politique de l’autruche ! Alors qu’il faudrait prévoir au moins 840 millions d’euros dans le budget pour l’indemnisation d’Ecomouv’, sans compter la dette à l’égard de RFF, qui se chiffre à son tour à plusieurs centaines de millions d’euros, il refuse d’inscrire cette dépense, qui a pourtant un caractère inéluctable !
Pour traiter de l’écotaxe, le Gouvernement a fait appel à un groupe de travail restreint et confidentiel, dans lequel les fédérations de transport routier sont ses seuls interlocuteurs. Cette approche, madame la ministre, est très réductrice.
S’agissant de la question cruciale du financement, au plan national, de toutes nos infrastructures – c’est le deuxième point de mon intervention –, j’appelle de nouveau à la réunion d’un Grenelle III, auquel participeraient toutes les parties prenantes, afin de définir ensemble un système de financement dynamique et pérenne pour la mobilité dans notre pays.
Non seulement il faut compenser, sur le long terme, les recettes perdues avec l’abandon de l’écotaxe, mais il convient aussi de trouver les recettes supplémentaires permettant de financer la maintenance et la modernisation du système ferroviaire, le scénario n° 2, sans compter les deux grands projets que j’ai cités précédemment.
Parallèlement – troisième point –, les transports publics sont l’objet d’un effet de ciseaux catastrophique, pris entre des charges qui augmentent continuellement et des recettes qui baissent continûment en euros constants. Le modèle économique actuel n’est plus viable. C’est d’ailleurs, à ma connaissance, le seul service public à se retrouver dans cette situation anormale.
Ce sombre tableau ne pourra qu’entraîner prochainement un rééquilibrage entre la participation des usagers et celle du contribuable, que ce soit le contribuable public ou les entreprises.
Enfin, pour ce qui concerne l’AFITF – quatrième point –, je comprends que cette agence dérange sur le plan de l’orthodoxie budgétaire. Elle possède tout de même l’énorme avantage de sanctuariser les crédits consacrés aux transports, de plus en suivant une logique vertueuse de report modal.
J’invite donc le Gouvernement à ne pas lui porter atteinte, car nous courrons un risque énorme de perdre ces crédits, déjà très insuffisants, s’ils étaient noyés dans le budget général de l’État.
Vous l’aurez compris, pour l’ensemble de ces raisons, la commission du développement durable a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Aubey, rapporteur pour avis.
M. François Aubey, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission du développement durable émet un avis favorable sur l’adoption des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ainsi que sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » pour 2015.
En effet, il lui est apparu que la situation financière du budget annexe s’améliore en 2015. Le niveau de la dette de la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, qui atteint presque 1,3 milliard d’euros en 2014, est une préoccupation de la commission depuis de nombreuses années. Or la DGAC parvient enfin à amorcer un début de désendettement, tout en maintenant le niveau de ses investissements. Cette opération est rendue possible par une hausse des redevances de navigation aérienne.
La commission du développement durable salue cet effort de désendettement, tout en déplorant l’absence de confirmation à moyen terme de cette trajectoire. Il y a fort à parier que la Commission européenne finisse par contraindre la DGAC à réduire le taux de ses redevances dans les années à venir. Il faudra alors insister davantage sur la maîtrise des dépenses de personnel. Il n’y a pas d’autre gisement d’économies. Le plus difficile reste donc à faire, car les négociations avec les contrôleurs aériens sont loin d’être évidentes.
Je dirai quelques mots, à présent, sur les enjeux et les perspectives du secteur. Le transport aérien bénéficie toujours, à l’échelon mondial, d’une solide croissance, tirée par les besoins de mobilité d’une population sans cesse plus nombreuse. On estime que 50 millions de personnes dans le monde accèdent chaque année au pouvoir d’acheter un billet d’avion.
La France possède des atouts incomparables pour capter cette croissance, grâce au « triple A » qu’elle a obtenu : un grand constructeur d’avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire du monde. Le revers de la médaille est que ce secteur suscite énormément de convoitises, au risque de s’affranchir parfois des règles de la concurrence. Le pavillon français souffre et il est contraint de s’adapter à un nouvel environnement. La récente grève à Air France n’est que la manifestation symptomatique de ce phénomène.
En effet, la concurrence s’est d’abord renforcée « par le bas » avec les compagnies low cost. Ce marché représente déjà 40 % du trafic en Amérique du Nord et 45 % en Europe. Aujourd’hui, Ryanair transporte 80 millions de voyageurs en Europe, soit autant qu’Air France-KLM dans le monde entier. Cette tendance va se prolonger, puisqu’elle répond à la demande des consommateurs pour les vols court et moyen-courriers. Le problème tient surtout au fait que certaines compagnies n’appliquent pas le droit local lorsqu’elles s’implantent.
Plus récemment, la concurrence s’est également renforcée « par le haut » avec les grandes compagnies du Golfe qui proposent une offre de grande qualité sur les vols long-courriers, répondant à une stratégie géopolitique. Ainsi, depuis deux ans, la première compagnie en nombre de liaisons intercontinentales est non plus Air France-KLM, mais Emirates. Cette concurrence est d’autant plus rude qu’elle n’est pas équitable. Les compagnies du Golfe ne paient pas de charges d’infrastructures dans leur pays, alors que celles-ci pèsent lourdement sur les compagnies européennes et américaines.
Le subventionnement des plateformes du Moyen-Orient menace directement la position des hubs européens. En 2013, l’aéroport international de Dubaï est devenu le septième plus grand aéroport mondial devant celui de Paris Charles-de-Gaulle. Il faut donc que la France se mobilise pour obtenir des conditions de concurrence équitable à l’égard des compagnies tant du Golfe que low cost.
Pour le moment, ce sujet progresse beaucoup trop lentement au plan européen. Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous comptez mettre en œuvre pour accélérer les choses à Bruxelles ?
À cela s’ajoute un problème de compétitivité-coût analysé par le récent rapport du député Bruno Le Roux intitulé Compétitivité du transport aérien français. Les auteurs de ce document proposent plusieurs pistes allant de la simplification administrative à la limitation des droits de trafic pour les compagnies du Golfe, en passant par une révision de la fiscalité du secteur. Ces pistes ne sont d’ailleurs pas nouvelles, comme le reconnaît Bruno Le Roux, mais font l’objet d’un fort consensus au sein de la profession.
Parmi celles-ci, je me félicite que l’Assemblée nationale ait retenu l’idée d’affecter la totalité de la taxe de l’aviation civile au budget annexe, afin que ce prélèvement spécifique au transport aérien reste affecté à ce secteur. À l’heure actuelle, 20 % de son produit, soit 90 millions d’euros, alimente le budget de l’État sans raison apparente autre que financière. Le dispositif introduit dans le projet de loi de finances prévoit d’utiliser cet argent pour exonérer les passagers en correspondance du paiement de la taxe, car cette spécificité française détourne des flux du hub parisien au profit de l’aéroport d’Amsterdam.
Enfin, la commission du développement durable a longuement débattu de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac désormais largement amorcée avec la vente de 49,99 % du capital au consortium chinois Symbiose. Même si l’on occulte la proximité du siège d’Airbus et le risque d’espionnage industriel, même si l’on évacue la polémique autour de la domiciliation fiscale des investisseurs chinois, veillons au moins à nous interroger sur l’opportunité de privatiser nos aéroports, qui sont des monopoles naturels. Il ne faudrait pas commettre les mêmes erreurs qu’avec les concessions autoroutières. Après Toulouse, on parle déjà de Lyon, de Nice et de Bordeaux, et je crains malheureusement que la privatisation d’Aéroports de Paris ne s’invite prochainement à l’ordre du jour.
Nous sommes en train de céder progressivement des infrastructures critiques, qui ont une valeur inestimable pour la compétitivité et l’attractivité de nos territoires, bien au-delà des quelques centaines de millions d’euros qu’elles permettront aux caisses de l’État, à court terme, de récupérer.
De surcroît, la cession susvisée s’effectue au profit de la Chine, laquelle a notamment déployé sa stratégie d’acquisition en Grèce depuis la prise de contrôle emblématique du port du Pirée en 2010.
Attention, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas envoyer le signal d’une capitulation des intérêts économiques de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, en remplacement de Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
M. Jérôme Bignon, en remplacement de M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace notre collègue Charles Revet, momentanément indisponible et désolé de ne pouvoir être parmi nous. Je vais donc vous exposer le plus scrupuleusement possible ce qu’il aurait dit s’il avait pu monter à la tribune.
Je ne vais pas entretenir de suspense inutile : la commission du développement durable, me charge-t-il de vous dire, a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits relatifs au transport maritime figurant dans le projet de loi de finances pour 2015. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
La raison en est simple : il s’agit, une fois de plus, d’un budget de gestion et non d’un véritable programme d’action visant à développer une stratégie maritime pour la France. Nous sommes bien loin des annonces sur la stratégie nationale de relance portuaire ou sur le redressement nécessaire de la compétitivité du pavillon français.
L’actualité nous démontre chaque jour à quel point ces effets d’annonce ne trompent plus personne. Il ne suffit pas de proclamer que le désenclavement des ports et la modernisation de leurs outils sont une préoccupation forte de l’État : il faut qu’une telle déclaration soit suivie d’effets concrets.
Chez nos concurrents, l’heure est aux investissements à grande échelle et à l’aménagement du territoire au service d’une économie maritime forte : Rotterdam mobilise 3 milliards d’euros pour le projet Maasvlakte 2, et Hambourg 1 milliard d’euros d’ici à 2016. En comparaison, les ports du Havre et de Marseille, pourtant mieux placés géographiquement, peinent à réaliser des investissements beaucoup plus réduits.
Les effets de cette politique désastreuse sont immédiats : Marseille et Le Havre font partie des rares ports européens dont le trafic a régressé en Europe, à l’inverse de leurs concurrents. Le tonnage du seul port de Rotterdam représente presque le double de celui de nos sept grands ports maritimes réunis. Et le port d’Anvers, qui traite plus de conteneurs que l’ensemble des ports français, est devenu, aux yeux de nombreux acteurs économiques, le « premier port français » par le nombre de conteneurs à destination ou en provenance de l’Hexagone.
Quoi qu’il en soit, le fait même que des ports étrangers, notamment ceux de la mer du Nord, soient en capacité de concurrencer nos ports sur leur propre hinterland en dit long sur le chemin qui reste à parcourir.
Personnellement, nous dit Charles Revet, je rêve toujours de l’électrification de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors – pour ma part, ne la connaissant pas, je ne peux en rêver… (Sourires.) –, qui ouvrirait Le Havre et Rouen au centre de l’Europe,…