M. Claude Dilain. Tout à fait !
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Notre pays n’a évidemment pas besoin de normes supplémentaires.
Enfin, ma cinquième et dernière observation concerne la fin de l’édition sous forme papier du Journal officiel au 1er janvier 2016. C’est un événement ! Une telle mesure était nécessaire, comme le montrent les chiffres. En 2000, il y avait 70 000 abonnés au Journal officiel sous forme papier ; aujourd'hui, il n’y en a plus que 2 500. Parallèlement, on constate une importante consultation sous forme numérique, laquelle permet de réaliser une économie de 1 million d’euros de matières premières. Cette économie est en réalité beaucoup plus importante si l’on prend en compte l’ensemble des économies indirectes réalisées.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera sur les crédits du programme 308, « Protection des droits et libertés ». Créé à l’occasion de la loi de finances pour 2009 dans un souci de lisibilité budgétaire, ce programme réunissait les onze autorités administratives indépendantes du programme « Coordination du travail gouvernemental ».
Plusieurs évolutions sont intervenues depuis : la création du Défenseur des droits par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, la transformation du CSA en autorité publique indépendante par la loi du 15 novembre 2013, la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.
Pour 2015, les autorisations d’engagement demandées s’élèvent à 98,4 millions d’euros, en baisse de 0,51 % par rapport à 2014, et les crédits de paiement à 98,85 millions d’euros, en hausse de 4,63 %.
Ces données globales doivent être nuancées par un examen détaillé des dotations de chaque autorité administrative : une forte hausse pour la CNIL et des baisses importantes – pour le Défenseur des droits et pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – au titre des autorisations d’engagement, conséquence du renouvellement des baux. On constate également une augmentation des crédits de paiement de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique due aux évolutions de son plafond d’emplois. Le CSA, quant à lui, bénéficiera d’une subvention en hausse, qu’il convient toutefois de relativiser par le fait que 1,5 million d’euros lui sont affectés pour couvrir la taxe sur les salaires qu’il est tenu de payer compte tenu de son nouveau statut. Il s’agit donc là d’un simple jeu d’écriture.
Certaines autorités administratives auditionnées ont mis en avant les difficultés qu’elles rencontrent pour accomplir leurs missions, lesquelles sont de plus en plus nombreuses, jugeant leur budget insuffisant et « biaisé » par l’application de la réserve de précaution de 0,5 % sur les dépenses de personnel et de 8 % sur les dépenses de fonctionnement. Des indicateurs de performance sont donc en berne compte tenu des moyens limités dont bénéficient ces autorités.
Les autorités administratives indépendantes tentent de répondre aux besoins en concentrant leur personnel sur leur cœur de métier et en étoffant leur effectif plafonné grâce à des collaborateurs missionnés – c’est le cas du Contrôleur général des lieux de privation de liberté – et à des bénévoles – c’est ce que fait le Défenseur des droits.
Il y a sans doute encore des progrès à faire. Ainsi, une délimitation plus claire entre les compétences du Défenseur des droits et celles du Contrôleur général des lieux de privation de liberté permettrait une plus grande cohérence. La convention conclue le 28 novembre 2011 par ces deux autorités a été un peu remise en cause par la loi votée en 2013, qui a étendu les compétences du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Les frontières ne sont donc plus très claires aujourd'hui. Le risque est que les rôles respectifs des deux autorités deviennent un peu moins lisibles, ce qui pourrait être source de litiges, de dépenses, mais aussi d’ambiguïtés pour les citoyens dans leurs démarches.
Je souligne également que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique figure dans le programme 308, mais que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est dans le programme 232. Ces deux autorités concourant à la transparence de la vie politique, il faudrait s’interroger sur l’intérêt et la cohérence de leur maintien dans deux programmes différents.
J’évoquerai aussi le rôle, essentiel pour la démocratie, de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui a besoin de moyens techniques et dont je souhaite souligner le travail. Alors qu’elle fait face à 6 000 demandes et qu’elle ne compte que deux magistrats, force est de constater que cette autorité ne chôme pas. Elle a besoin de compétences techniques, mais aussi de temps pour effectuer ses interventions.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté essaie, malgré son budget, de conserver le rythme de 150 visites longues par an et de faire face à ses nouvelles compétences.
La CNIL, quant à elle, doit non seulement se concentrer sur la protection des libertés et des données personnelles, mais également accompagner les entreprises qui exercent dans ces domaines. En outre plafonner les amendes à 300 000 euros, c’est insuffisant.
En conclusion, les autorités administratives ne pourront pas être indépendantes tant qu’on leur appliquera une réserve de précaution les contraignant à négocier en permanence avec leur tutelle.
La commission des lois n’a pas émis un avis favorable sur les crédits de la mission, considérant qu’une hausse de 4,63 % était importante par rapport à l’ensemble du budget. À titre personnel, je ne partage pas cet avis, car je considère que l’octroi de 1,5 million d’euros supplémentaires au CSA n’est qu’un jeu d’écriture. Or, à un moment où l’administration se réforme, il me paraît essentiel que les autorités indépendantes, qui garantissent les droits et les libertés des citoyens, puissent exercer leurs missions en toute indépendance et avec des moyens suffisants. Je salue donc cette augmentation des moyens, même si je m’inquiète de l’application d’une réserve de précaution aux autorités administratives, car je juge qu’elle porte atteinte à leur indépendance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission que nous examinons à présent regroupe, comme on vient de le voir, des programmes très divers, tous essentiels au bon fonctionnement de l’État.
Si nous considérons qu’il faut bien utiliser l’argent public consacré à ces programmes, nous ne remettons pas en cause l’existence de ces programmes indispensables à la mise en œuvre de la politique gouvernementale et à la continuité de l’action de l’État, quelle que soit l’appréciation que, par ailleurs, nous portons sur eux.
Conscients de la crise politique qui frappe notre pays, nous ne pouvons que partager les objectifs énoncés de favoriser l’adoption dans les meilleurs délais des décrets d’application des lois et la transposition des directives européennes, ou encore d’améliorer l’information sur les actions du Gouvernement ou la coordination des actions interministérielles de lutte contre les drogues et les conduites addictives ; j’y reviendrai.
Nous partageons bien évidemment les remarques de notre collègue Jean-Yves Leconte sur le programme 308. Même si les budgets d’un certain nombre d’autorités sont souvent tendus, même si ces autorités ont du mal à mener à bien leurs différentes missions, nous ne faisons pas partie de ceux qui critiquent la hausse de leur budget lorsqu’elle est nécessaire à la bonne exécution de leur travail. Cependant, nous nous interrogeons sur l’utilisation excessive des mots « modernisation », « optimisation » et « simplification ».
M. Bruno Sido. Ils vous font peur ?
Mme Cécile Cukierman. Dans bien des cas, l’utilisation de ces mots, porteurs de dynamisme, de modernisme et de progrès, masque un recul de la présence de l’État – nous en avons parlé ce matin – ou une réduction des moyens humains.
Si la numérisation peut être facteur de progrès et d’efficacité dans la recherche, elle ne règle pas tout. Nous nous interrogeons ainsi sur la pertinence du passage au tout numérique pour les publications officielles, même si nous ne doutons pas de l’économie qu’il permettra de réaliser. Ici comme ailleurs, dématérialisation peut signifier non pas absence de papier, mais transfert du coût. De plus, comme l’a souligné Alain Anziani dans son rapport et devant la commission des lois, cela implique également de trouver des solutions pour certaines décisions individuelles en matière d’état civil.
Enfin, il faut anticiper ces évolutions avec les personnels concernés.
Au nom de mon groupe, je tiens également à dire quelques mots sur les crédits dédiés à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, une nouvelle fois en baisse cette année. Notre collègue Laurence Cohen, ancienne rapporteur sur le sujet, avait dénoncé les réductions de crédits successives, et bien sûr nous regrettons celle qui a été décidée cette année.
Le Gouvernement a lancé un plan d’action qui se veut ambitieux pour mieux cerner et prévenir les conduites addictives. Nous ne pouvons que nous interroger sur la mise en œuvre d’un tel plan, compte tenu de la diminution des moyens. Faire mieux avec moins, c’est finalement le point commun à toutes ces missions que nous examinons depuis plus d’une semaine. Au fond, toutes sont teintées de la logique d’austérité et d’acceptation du dogme de réduction de la dépense publique au lieu de travailler à la création de recettes nouvelles plus justes et solidaires pour répondre aux besoins nouveaux qui apparaissent.
Enfin, les deux opérateurs de la MILDECA, le Centre interministériel de formation antidrogue et l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, subissent également une baisse de leur budget. Or l’Observatoire connaît déjà des difficultés pour faire paraître ses publications et mener des enquêtes sur les consommations. Nous craignons qu’une nouvelle diminution de ses crédits n’aggrave la situation, alors même que, comme Gilbert Barbier le rappelait, notre pays est confronté à une consommation importante et dangereuse de plusieurs substances, qu’elles soient illicites ou non.
Ces chiffres nous interrogent d’autant plus que, depuis plusieurs années, notamment quand la droite était au pouvoir, un important arsenal répressif avait été mis en place pour faire la chasse aux consommateurs. Les chiffres n’évoluant pas à la baisse, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette politique répressive.
M. Bruno Sido. Ce n’est quand même pas notre faute !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la nôtre non plus, et c’est vous qui nous aviez annoncé à l’époque que, avec de telles mesures, tous les problèmes seraient réglés !
M. Claude Dilain. C’est vrai !
M. Bruno Sido. Ce n’est quand même pas nous qui sommes au Gouvernement !
Mme Cécile Cukierman. Pour l’ensemble des raisons que j’ai exposées, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette mission regroupe trois programmes : le programme 129, « Coordination du travail gouvernemental », dont les crédits sont en hausse de 9,2 %, le programme 308, « Protection des droits et libertés », qui voit également ses crédits augmenter de 4,6 %, et le programme 333, « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui, lui, connaît une baisse de ses crédits de l’ordre de 0,6 %.
J’axerai mon intervention sur les arbitrages des deux premiers programmes. En effet, le programme 129 soulève de vives interrogations sur l’utilisation des crédits affectés aux personnels des cabinets ministériels ; le programme 308 pose, pour sa part, des difficultés quant à la répartition des crédits entre les autorités administratives indépendantes.
Les crédits affectés au personnel des cabinets ministériels nous posent des difficultés qui sont de trois ordres.
Tout d’abord, la consommation de ces crédits ne cesse d’augmenter. Quelques chiffres suffisent pour s’en convaincre : l’enveloppe des moyens de fonctionnement des cabinets ministériels était de 3,9 millions d’euros en 2013, à comparer aux 3,8 millions d’euros en 2012 et aux 3,7 millions d’euros en 2011. Il y a donc une hausse régulière des dépenses des cabinets ministériels depuis 2011.
Les éléments du RAP, le règlement d’administration publique, du printemps 2014 mettent en évidence une consommation de crédits de personnel des seuls cabinets ministériels supérieure aux montants prévus dans la réponse au questionnaire budgétaire de l’automne 2013 : 24,7 millions d’euros consommés, contre une prévision inférieure à 22 millions d’euros.
Certes, les dotations de rémunérations des cabinets ministériels sont en diminution, reculant de 24,6 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014 à 24,3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015. Toutefois, les écarts entre la consommation et les dotations ne permettent absolument pas d’affirmer qu’il y aura une baisse réelle des dépenses liées à la rémunération des membres des cabinets ministériels. J’ajoute que les mises à disposition en faveur des cabinets sont le plus souvent gratuites et ne donnent pas lieu à remboursement à l’administration d’origine, ce qui est dénoncé par la Cour des comptes.
Ensuite, toute la transparence n’a pas été faite sur l’évolution de ces crédits, malgré les engagements qu’avait pris le Gouvernement : les rémunérations des personnels mis à disposition ne sont pas connues, les éléments présentés ne reposant que sur les déclarations des administrations, ce qui est d’autant plus grave que les collaborateurs mis à disposition sont globalement mieux rémunérés que les contractuels. En outre, les conditions d’attributions des indemnités pour sujétions particulières sont totalement opaques. Et je ne reviendrai pas sur les difficultés qu’ont rencontrées les rapporteurs dans leurs travaux !
Enfin, dernière difficulté en ce qui concerne les crédits affectés au personnel des cabinets ministériels, des zones d’ombre subsistent sur les disparités de rémunérations et d’indemnités pour sujétions particulières.
J’en viens à la contestable répartition des crédits du programme « Protection des droits et libertés ».
Nous nous interrogeons sur l’augmentation des crédits affectés à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui, selon nous, est injustifiée. Les dotations de la CNCDH passent en effet de 583 429 euros dans le projet de loi de finances pour 2014 à 737 507 euros dans le projet de loi de finances pour 2015, soit une augmentation de 24 %. Or on peut légitimement se poser la question de l’intérêt de préserver une structure aux moyens si faibles, alors que son périmètre ignore l’existence du Défenseur des droits, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la CNIL et de la Commission d’accès aux documents administratifs, qui, par leurs actions, peuvent répondre à la mission de la CNCDH.
Cette augmentation des crédits alloués à la CNCDH est d’autant plus injustifiée que les moyens mis à disposition du Défenseur des droits, eux, diminuent de 0,8 %, alors même qu’il s’agit de la seule autorité du programme bénéficiant d’une reconnaissance constitutionnelle.
Certes, les travaux et donc les besoins en ressources de la CNIL ou du CSA vont croissant. Pourtant, ce chiffre doit être mis en perspective avec la hausse de 27,7 % de la dotation versée au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, alors qu’il ne consomme pas ses crédits de titre 2 depuis l’origine.
Il est étonnant que la seule autorité du programme bénéficiant d’une reconnaissance constitutionnelle soit la seule à ne pas voir ses crédits augmenter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ne possédant pas les grandes qualités de concision de mon collègue Alain Anziani,…
Mme Catherine Procaccia. Eh oui ! Ça va être dur !
M. Jean-Pierre Sueur. … je me contenterai de quatre remarques en cinq minutes.
Pour ce qui est des cabinets ministériels, les dépenses diminuent et la transparence est totale.
Mme Catherine Procaccia. Je viens de montrer le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. Il convient de saluer cette avancée tout à fait remarquable.
S’agissant du Service d’information du Gouvernement, il est vrai, comme l’a dit Alain Anziani, que le Gouvernement doit avoir les moyens de mener des campagnes d’information, en particulier sur des sujets d’intérêt général comme les grandes causes sanitaires, environnementales ou sociales. Reste que les documents que nous font parvenir les ministères pour exposer leur action sont très nombreux et très volumineux, à tel point qu’il est impossible d’en lire ne serait-ce que la moitié, le quart ou même le dixième.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Davantage de mutualisation et de concision – c’est à la mode – nous permettrait de faire des économies, notamment dans le propos. (Sourires.)
Toujours en ce qui concerne le Service d’information du Gouvernement, j’ai apprécié la grande clarté qui prévaut désormais en matière de sondages. Cela contraste avec une époque que chacun a encore en mémoire.
M. Claude Dilain. Tout à fait !
M. Bruno Sido. Allons, allons !
M. Jean-Pierre Sueur. À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a adopté il y a quatre ans une proposition de loi visant à réformer la législation relative à la publication des sondages d’opinion, qui est complètement archaïque. En effet, la publication et la diffusion des sondages d’opinion sont encore régies par une loi datant de 1977 qui ne correspond plus du tout à la réalité. Par exemple, elle n’impose pas de préciser les marges d’erreur des résultats publiés, de sorte qu’on ne les connaît pas toujours ; or, sans cette indication, un sondage n’a pas de sens. En tant que secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, vous pourriez peut-être faire en sorte que ce texte adopté à l’unanimité par le Sénat sur l’initiative de mon collègue Hugues Portelli et de moi-même fût inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Concernant les normes, de grands efforts sont accomplis. M. Mandon travaille d’ailleurs très bien. Ici, au Sénat, nous avons adopté une proposition de loi portant création d’un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Ce conseil dispose de larges attributions pour contrôler en amont les normes applicables aux collectivités locales de la République et pour proposer des simplifications. En particulier, lorsqu’il émet un avis défavorable sur un projet de texte – par exemple, parce qu’il estime qu’il aurait des effets négatifs sur les finances locales –, le Gouvernement doit lui transmettre un projet modifié ou des informations complémentaires en vue d’une seconde délibération.
Peut-être pourrait-on s’inspirer de ce dispositif pour les normes applicables aux services de l’État ? C’est une suggestion que je me permets de vous faire, tout en rappelant que nous avons déposé deux propositions de loi avec Jacqueline Gourault sur ce sujet : la première est devenue la loi portant création de ce conseil et la seconde, qui prévoit que les avis dudit conseil fussent joints aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, n’a toujours pas été votée par l’Assemblée nationale. Cette remarque m’offre l’occasion de vous soumettre une autre suggestion utile, monsieur le secrétaire d’État.
Quant aux hautes autorités, sujet sur lequel Jean-Yves Leconte s’est exprimé avec talent, je pense parfois qu’elles sont trop nombreuses et que l’on diverge des saines conceptions de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs en créant des organismes dont le statut est quelque peu obscur. À cet égard, je me permets de vous faire une observation, monsieur le secrétaire d’État, qui donnera lieu à ma troisième et, je vous rassure, dernière suggestion.
Avant de quitter le Sénat, notre collègue Patrice Gélard, dont chacun connaît les qualités,…
M. Bruno Sido. Oh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. … a présenté deux propositions de loi portant réforme du statut des hautes autorités, parce que leur statut actuel n’est pas clair. Ces propositions de loi sont le fruit de plusieurs années de travail, et je les ai cosignées sur sa demande pour qu’elles puissent prospérer. Il serait néfaste que ces textes restent dans un tiroir. Aussi, là encore, je compte sur vous.
Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux interventions de chacun des orateurs, beaucoup a déjà été dit sur l’architecture et l’évolution de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
Je me félicite que, à l’exception de la commission des lois sur le programme « Protection des droits et libertés », tous les rapporteurs se soient prononcés en faveur de l’adoption des crédits de la mission, en proposant, dans le cas de la commission des finances, des modifications. Ces avis favorables témoignent de la bonne gestion de la mission, qui participe pleinement à l’effort de réduction des dépenses publiques, et d’augmentation de son efficience.
Pour le programme « Coordination du travail gouvernemental », l’année 2015 sera marquée par l’amélioration des systèmes informatiques de l’État, tant en matière de sécurité des réseaux que de performance et d’interopérabilité. Des travaux importants pour la modernisation des réseaux seront menés, en 2015, par la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État ; j’aurai l’occasion, lors de nos débats sur l’amendement déposé par votre rapporteur spécial, de les exposer en détail.
L’augmentation des crédits accordés au programme traduit principalement la montée en puissance attendue, dont vous avez souligné l’importance, de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. Cet effort témoigne de l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre les « cyber-menaces », dans le prolongement du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale d’avril 2013 et de la loi de programmation militaire.
L’ANSSI disposera ainsi, en 2015, de moyens supplémentaires pour renforcer la résilience des réseaux informatiques de l’État face aux attaques informatiques et aux tentatives d’intrusion. Elle poursuivra, de même, le travail qu’elle a engagé pour diffuser ses travaux et son expertise dans l’ensemble de la société civile, en partenariat avec les entreprises, le Commissariat général à l’investissement et Bpifrance.
Quant au programme « Protection des droits et libertés », il permettra en 2015 de stabiliser ou de renforcer les moyens dont disposent les autorités administratives indépendantes. Je reviendrai sur ce point dans quelques minutes.
Après cette rapide présentation, j’en arrive au cœur de nos débats.
J’ai noté que certains orateurs avaient émis des doutes, posé des questions ou affiché des désaccords avec les orientations définies par le Gouvernement. Je vais tenter, pour utiliser au mieux le temps dont je dispose, de concentrer mes propos sur les points qui ont suscité le plus d’interrogations.
Pour commencer, je dirai quelques mots sur les organismes rattachés au Premier ministre que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur spécial.
La diminution du nombre de commissions consultatives auprès du Premier ministre est en cours : trois d’entre elles ont été supprimées en 2014. De plus, sur les vingt-huit instances rattachées au Premier ministre, huit présentent des coûts de fonctionnement nuls.
Plus généralement, le Gouvernement mène, depuis 2013, un important travail de rationalisation des commissions consultatives. Pour 2013 et 2014, plus de cent trente d’entre elles ont été supprimées. De nouvelles suppressions auront lieu en 2015, et le Gouvernement en rendra compte devant le Parlement.
Le rapporteur spécial a également plaidé pour la fusion de l’Institut des hautes études de défense nationale et de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice. Le Gouvernement, vous le savez, n’est pas favorable à cette fusion, car les deux instituts ont des publics, des positionnements et des cultures différents. La création d’une structure unique ferait disparaître leurs spécificités et entraînerait un appauvrissement de notre expertise et de notre offre de formation. C’est également la position qui a été celle des deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret. Ainsi, je m’associe à eux pour rappeler la nécessité de « conserver la personnalité propre, l’ADN de chacun des deux instituts ».
En revanche, il est indispensable de développer les synergies entre les deux instituts. Des mutualisations ont déjà été réalisées depuis 2011 : l’informatique, la logistique, l’immobilier et la commande publique ont ainsi été mis en commun. En 2015, nous franchirons une nouvelle étape avec la création d’une agence comptable unique et d’une plateforme commune pour les déplacements. Grâce à cette politique, ce sont trente postes qui seront économisés sur la période 2011-2017.
Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois, a salué « l’effort de sobriété » conduit par le Gouvernement sur le programme « Coordination du travail gouvernemental », et je tiens à l’en remercier. Il s’est cependant interrogé sur la diminution des crédits du Service d’information du Gouvernement, qui ont été divisés par deux entre 2010 et aujourd’hui.
Comme vous le savez, cette diminution résulte d’une action volontariste pour mutualiser les dépenses, pour mieux « cibler » les campagnes de communication et pour rationaliser la présence du Gouvernement dans la presse et sur internet. Ces efforts ont été productifs, car tout en étant moins coûteuse la politique de communication du Gouvernement est devenue plus efficace : pour n’en prendre qu’un exemple, l’audience des sites gouvernementaux a progressé de 23 % en 2013, soit un total de 900 millions de visites.
Je tiens à saluer le travail approfondi de Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, sur les crédits de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
Sur ce sujet, je peux vous apporter deux précisions, monsieur le sénateur.
En premier lieu, pour éviter le « saupoudrage » des crédits, la coordination des actions territoriales supervisées par la MILDECA sera améliorée dès 2015. En particulier, l’évaluation ex ante et ex post de chaque projet sera désormais systématique.
En second lieu, vous vous êtes inquiété de l’ouverture, à titre expérimental, d’une salle de consommation à moindre risque. Sans préempter les débats qui auront lieu sur ce thème dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, je tiens à souligner que ce dispositif fera l’objet d’un encadrement précis et que les acteurs locaux sont et seront étroitement associés à la prise de décision.
J’aimerais, à présent, dire quelques mots sur le programme « Protection des droits et libertés ».
Je l’évoquais au début de mon propos : en 2015, les moyens des autorités administratives indépendantes seront préservés, et même accrus, puisqu’ils augmenteront de plus de 4 %. Quatre autorités bénéficieront d’une augmentation de leurs effectifs : trois postes supplémentaires seront attribués au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sept à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et dix à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. La seule baisse d’effectifs touche le Défenseur des droits, qui perdra un poste en 2015 ; cette baisse peut toutefois être relativisée au vu du nombre important de postes dont dispose le Défenseur, soit 227.
Deux questions ont été soulevées sur ce programme.
La première, posée par le rapporteur pour avis de la commission des lois Jean-Yves Leconte, est vaste ; elle concerne en effet le degré réel d’indépendance des autorités comprises dans le champ du programme.
En la matière, je me contenterai de rappeler que ces autorités ont prouvé, à de multiples reprises, qu’elles exerçaient librement les missions qui leur avaient été confiées par la loi. Pour sa part, le Gouvernement a montré qu’il était respectueux de cette indépendance et qu’il n’interférerait pas, même par des moyens indirects, dans le fonctionnement des autorités. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont les moyens sont en hausse alors même qu’il est souvent critique à l’égard de la puissance publique, en est un exemple.
Dès lors, je suis étonné que soit mise en cause « la volonté du Gouvernement de garantir réellement l’indépendance de ces autorités administratives », d’autant plus dans un contexte où les crédits du programme augmentent en dépit de l’impératif de réduction des dépenses publiques. L’affirmation selon laquelle le Gouvernement mettrait à mal l’autonomie des autorités administratives indépendantes me semble dénuée de tout fondement.
La deuxième question, soulevée par le rapporteur spécial, Michel Canevet, concerne l’amélioration de la coordination entre le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Comme vous le savez, le législateur organique n’a pas souhaité intégrer le Contrôleur au Défenseur lors de la création de ce dernier, car il a voulu préserver un traitement spécifique pour les questions pénitentiaires. Certes, des recoupements de compétences sont possibles entre ces deux institutions, a fortiori depuis la loi du 26 mai 2014, qui a étendu les prérogatives du Contrôleur. Dans ce contexte renouvelé, un travail de clarification pourrait sans doute être mené, mais il doit se faire dans le respect de l’autonomie de chacun. Il appartient donc aux deux instances concernées, si elles l’estiment nécessaire, de définir avec précision, et en lien étroit l’une avec l’autre, leurs champs de compétences respectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
direction de l’action du gouvernement