M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur spécial.
M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme 147, « Politique de la ville », je commencerai par vous présenter le changement de maquette budgétaire qui concerne ce programme ; à cet égard, j’appuierai sans doute les remarques formulées par M. Jarlier au sujet du changement de périmètre de la mission « Politique des territoires ».
Le programme 147 a été déplacé de la mission « Égalité des territoires et logement » à la mission « Politique des territoires » à la suite de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Ce nouveau service, placé auprès du Premier ministre, regroupe les anciennes activités du Secrétariat général du comité interministériel des villes, le SG-CIV, de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, que nous connaissions tous, et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ.
Sans remettre en cause l’intérêt de la création du CGET, ni les synergies potentielles entre les anciens services qu’il réunit, je m’interroge sur la cohérence de ce changement de maquette, considérant que la politique de la ville avait toute sa place aux côtés des crédits consacrés au logement, en particulier au logement social.
L’article 57 ter, rattaché à la présente mission, prévoit le report d’un an, au 1er janvier 2016, de la dissolution de l’ACSÉ et du transfert de ses activités à l’État, compte tenu de la nécessité de sécuriser les circuits de financement de la politique de la ville, en plein renouvellement. Je présenterai d’ailleurs un amendement de coordination lors de l’examen de cet article.
Le programme 147 s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ; il tient compte de la géographie des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, les NQPV.
Ce programme est doté de 456 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 457 millions d’euros de crédits de paiement. Les crédits d’intervention de la politique de la ville sont préservés, puisqu’ils s’élèvent à 338 millions d’euros de crédits de paiement, dont 332 millions d’euros alloués à la seule action n° 1, Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville.
Les baisses de 10 % des autorisations d’engagement et de 8 % des crédits de paiement n’entament en rien les quatre actions que comprend le programme 147. En effet, elles s’expliquent principalement par la mise en extinction progressive de l’exonération de charges sociales applicable dans les ZFU, les zones franches urbaines, au 31 décembre 2014, et par les modes de calcul applicables depuis 2009 aux exonérations déjà accordées.
Même la coupe budgétaire opérée en seconde délibération à l’Assemblée nationale – le fameux coup de rabot – a épargné la politique de la ville, puisque la minoration de crédits de 6,83 millions d’euros ne porte en fait que sur le coût de ces exonérations sociales, compte tenu des dernières prévisions concernant leur montant.
Les dépenses fiscales associées au programme restent importantes, avec en particulier une prévision de 358 millions d’euros pour les impôts d’État en 2015, soit une hausse de 9,5 % par rapport à 2014.
En outre, le taux réduit de TVA pour les opérations d’accession sociale à la propriété, chères à notre collègue Marie-Noëlle Lienemann (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'esclaffe.), devrait être applicable dans l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en vertu de l’article 7 du projet de loi de finances pour 2015.
J’ajoute que le dispositif d’exonération des bénéfices réalisés par les entreprises en ZFU devrait être prolongé, tout en étant peut-être plus encadré, jusqu’en 2020, en vertu de l’article 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, actuellement examiné en première lecture à l’Assemblée nationale.
S’agissant des dépenses fiscales sur impôts locaux prises en charge par l’État, l’article 42 ter du projet de loi de finances pour 2015 prévoit également le prolongement, jusqu’en 2020 et sous certaines conditions, de l’abattement de 30 % appliqué à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont nous espérons que la liste sera publiée incessamment !
La mise en œuvre de la politique de la ville dépasse très largement les seuls crédits budgétaires inscrits dans le programme 147. En effet, les crédits de droit commun doivent être mobilisés en priorité, tant au niveau national que local. Les crédits spécifiques à la politique de la ville ne constituent qu’un complément permettant un effet de levier.
Dans tous les cas, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts en ce sens et, en particulier, signer des conventions avec les différents ministères qui gèrent les crédits dits « de droit commun ». Voilà un match que je vous souhaite de gagner ! Et je souhaite que les autres ministères n’en profitent pas pour lever le pied sur leurs crédits dans les quartiers concernés… (Mme la ministre et Mme la secrétaire d'État acquiescent.)
La situation financière de l’agence nationale pour la rénovation urbaine reste préoccupante pour l’avenir, compte tenu de la baisse annoncée de la contribution d’Action logement, avec 850 millions d’euros par an. Je regrette en particulier qu’Action logement doive contribuer pour 150 millions d’euros supplémentaires au financement du Fonds national d’aide au logement – le fameux FNAL – en 2015, plutôt qu’à la rénovation urbaine. Pour 2015, la participation totale aux dépenses du FNAL s'élève ainsi à 300 millions d’euros. Pour résumer, de l’aide à la pierre est transférée vers l’aide à la personne…
Je sais que le comité de surveillance de l'Union d'économie sociale pour le logement-Action logement, l’UESL-Action logement, a approuvé hier le projet de convention pluriannuelle pour 2015-2019, et je m’en réjouis. (M. Philippe Dallier s'exclame.) La question du financement des APL – les aides personnalisées au logement – par Action logement semble donc actée pour 2015. Mais quid de 2016 ?
En tout état de cause, j’espère que cette baisse du financement n’entraînera pas de blocage pour les opérations en cours de l’actuel PNRU, le programme national de rénovation urbaine, ni de retard pour le lancement du NPNRU, le nouveau programme national de renouvellement urbain. Peut-être, madame la ministre, pourrez-vous nous rassurer sur ce point.
Je rappelle également que quelque 600 millions d’euros pourraient être réclamés à tout moment à l’ANRU au titre d’opérations non soldées. Certes, le directeur de l’agence nous a indiqué que les montants concernés devraient se révéler inférieurs – autour de 400 millions d’euros –, d’une part, parce que les enveloppes initialement prévues sont généralement plus larges que les dépenses réellement constatées, et, d’autre part, parce qu’une incertitude porte sur l’achèvement des programmes de certaines collectivités en dépit des avances perçues.
Néanmoins, je fais là un procès d’intention : tant que le programme est en cours, on ne peut pas affirmer qu’il sera ou non exécuté… (Sourires.) Quoi qu'il en soit, suivant une recommandation de la Cour des comptes formulée dans le cadre de l’enquête demandée par la commission des finances du Sénat au titre de l’article 58-2° de la LOLF, la pratique des avances faites aux maîtres d’ouvrage pourrait être remise en cause dans le cadre du NPNRU.
Rejoignant la position déjà développée par notre collègue Jacques Chiron dans le rapport qu’il a publié au nom de la commission des finances sur la base de cette enquête, je crains que la fin des avances ne constitue un frein à l’engagement des collectivités territoriales dans les opérations de rénovation urbaine de leurs quartiers, d’autant qu’elles connaîtront par ailleurs – on l’évoque ici depuis plusieurs jours – une baisse importante de leurs dotations.
Conscient par ailleurs des difficultés pratiques causées par le système actuel, j’espère qu’une solution pourra être trouvée concernant ces avances. À cet égard, je formule une suggestion : ne serait-il pas possible que les avances ne puissent être débloquées qu’en contrepartie d’un ordre de service concernant l’ouverture des chantiers ?
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et sous cette réserve concernant le financement de la rénovation urbaine, j’avais évidemment proposé à la commission des finances d’adopter les crédits consacrés à la politique de la ville.
Toutefois, comme le programme 147 est rattaché à la mission « Politique des territoires », sur laquelle notre collègue Pierre Jarlier s'est déjà exprimé, je me borne à rappeler, comme ce dernier vient de l’indiquer, que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits globaux de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, rapporteur spécial.
M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je suis le rapporteur en séance publique, pour la première fois, des crédits pour 2015 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », autrement dit du FACÉ.
Je remarque que son ancêtre, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, a été créé en 1936, sous l’impulsion notable de Paul Ramadier, alors sous-secrétaire d’État aux travaux publics.
Ce fonds a été créé sur un principe simple de péréquation : les usagers des territoires urbains, mieux desservis, financent l’amélioration de la desserte des territoires ruraux – j’observe que ce principe aurait dû ou devrait être appliqué pour le très haut débit.
Il a changé de nom depuis 2012 en devenant le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », mais il a conservé jusqu’à aujourd’hui le même acronyme, FACÉ. Comme le fait dire Giuseppe Tomasi di Lampedusa à son personnage Tancredi dans le roman Le Guépard, « Il faut que tout change pour que rien ne change » ! (Exclamations.)
En tant que président du syndicat des énergies de l’Ardèche, fonction que j’occupe depuis sept ans, je pourrais vous parler très longuement du FACÉ. Toutefois, je m’en tiendrai aujourd’hui à une présentation synthétique des points marquants du présent projet de loi de finances pour 2015 concernant ce compte spécial, ainsi qu’à une série d’observations et de questions à l’attention de Mme la ministre.
Première remarque, les recettes du FACÉ ont beau être assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité – surtout ERDF, Électricité Réseau Distribution France –, son coût est au final imputé sur le consommateur d’électricité. Cette contribution, attendue à hauteur de 377 millions d’euros en 2015, soit un montant stable depuis 2012, est recalculée régulièrement, de manière à couvrir exactement les crédits prévus sur l’exercice.
Par exemple, les taux en vigueur à ce jour ont été récemment fixés par un arrêté du ministre chargé de l’énergie en date du 30 juillet 2014. Aux termes de cet arrêté, le taux de la contribution, calculé en centimes d’euros par kilowattheures, s'élève ainsi à 0,035119 en zone rurale et à 0,175593 en zone urbaine. Il est donc cinq fois plus élevé en zone urbaine, faisant du FACÉ, dès le stade de son financement, un dispositif de péréquation.
Pour ma part, j’estime que ce mécanisme de répartition des charges entre communes rurales et communes urbaines doit rester globalement inchangé. J’en profite donc, madame la ministre, pour vous interroger : le maintien d’un tel système de répartition des coûts entre zone rurale et zone urbaine est-il bien dans les intentions du Gouvernement ? On peut concevoir quelques craintes, compte tenu de toutes les attaques que subit la ruralité…
M. François Calvet. Ah oui alors !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. J’en arrive à ma deuxième remarque, qui porte sur les destinataires des aides du FACÉ. Ce sont les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité, ou AODE. Ces dernières peuvent être des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification, pourvu qu’elles soient les maîtres d’ouvrage de travaux d’électrification rurale.
Ces AODE sont le plus souvent des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification à l’échelle départementale. À cet égard, je me félicite que la tendance au regroupement des syndicats soit quasiment achevée en 2014. Seuls six départements – la Corrèze, la Côte-d’Or, l’Isère, la Manche, le Nord et l’Oise – n’ont pas pu faire aboutir ce regroupement, pour des raisons liées à des circonstances locales.
Madame la ministre, quels sont vos objectifs et vos stratégies en 2015 et 2016 pour avancer sur la voie de la départementalisation ?
Troisième remarque, le taux de prise en charge des travaux s'établit à 80 % de leur montant hors taxe, et les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés – les DMA – calculés par EDF.
J’attire votre attention sur la réforme de 2011, qui, avec des modifications unilatérales des critères, a réduit de façon très importante le nombre des clients mal alimentés. Par exemple, en Ardèche, on est passé sans faire de travaux de 4 845 à 2 778 clients mal alimentés, soit une baisse de 43 % ! Et cette diminution est encore en dessous de la moyenne nationale… C’est exactement comme si l’on cassait le thermomètre, plutôt que de faire baisser la température.
Alors que le taux d’aide est aujourd’hui uniforme, j’estime qu’une réflexion pourrait être engagée sur une variation des taux d’aide selon les collectivités et la nature des travaux.
À cet égard, j’aimerais connaître, madame la ministre, votre position. Que pensez-vous d’une variation des taux d’aide selon les collectivités ? Êtes-vous favorable à une variation du taux d’aide selon la nature des travaux ? Le cas échéant, pensez-vous pouvoir ouvrir une réflexion à ce sujet l’année prochaine ?
J’en viens maintenant à ma quatrième remarque, qui concerne la destination des dotations. Il agit de financer des travaux sur les réseaux de distribution d’électricité. En 2015, les investissements sur les réseaux de distribution publique d’électricité auront, comme à l’accoutumée, diverses finalités.
J’en citerai quelques-unes pour mémoire.
Tout d'abord, j’évoquerai les opérations de renforcement des réseaux, dont les dotations destinées à les financer s'élèvent à 184 millions d’euros. Cette action vise à améliorer la qualité de l’électricité distribuée, qui peut se dégrader en raison de l’augmentation du nombre d’abonnés raccordés sur un départ à basse tension eu égard à la capacité électrique de l’ouvrage de distribution.
Ensuite, je citerai la sécurisation des réseaux, avec une prévision de dépense de 81 millions d’euros dans la perspective d’évènements exceptionnels – tels que des tempêtes, ou d’autres intempéries – susceptibles de provoquer une interruption de la fourniture. Malheureusement, à cet égard, nous sommes particulièrement gâtés en ce moment, et je suis de tout cœur avec les départements qui sont touchés.
Enfin, je mentionnerai l’enfouissement, avec 55,5 millions d’euros d’aides destinées au financement d’importantes améliorations esthétiques, mais également d’opérations de fiabilisation – notamment en zone de montagne –, ou encore l’extension des réseaux, 47 millions d’euros devant permettre d’assurer le développement de ces derniers.
J’estime que les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer des axes prioritaires parmi les missions du FACÉ, mais qu’il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d’extension et d’enfouissement.
Madame la ministre, le Gouvernement partage-t-il ma préoccupation ? Est-il favorable à un accroissement progressif de la part des travaux d’extension et d’enfouissement ?
Ma cinquième remarque porte plus spécialement sur l’exécution budgétaire de l’année en cours, sachant que, en 2012, 2013 et 2014, on a constaté l’existence d’importants reports de crédits d’une année sur l’autre. Dans un tel contexte, j’invite le Gouvernement à veiller à ce que l’exécution de 2014 soit la plus élevée possible, à procéder aux paiements dans les délais les plus brefs et à faire preuve de bienveillance dans l’examen des dossiers.
Madame la ministre, j’en profite pour vous interroger de nouveau. Où en sommes-nous, en ce début du mois de décembre 2014, dans l’exécution budgétaire du FACÉ ? Quelles sont vos projections de consommation des crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement à fin 2014 ? Et quel sera le niveau des crédits reportés sur 2015, également en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ? Je sais que ce ne sera pas le cas, mais j’affirme avec force que les retards de paiement connus en 2012 ne doivent plus jamais se reproduire.
Je récapitule, pour conclure, mes recommandations.
Premièrement, les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer des axes prioritaires pour les missions du FACÉ, mais il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d’extension et d’enfouissement.
Deuxièmement, la répartition des charges et des produits entre zone rurale et zone urbaine doit rester identique.
Troisièmement, alors que le taux d’aide est aujourd’hui uniforme, une réflexion est à engager sur une variation de ce taux selon les collectivités et la nature des travaux.
C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances vous propose à l'unanimité, mes chers collègues, d’adopter, sans modification, les crédits pour 2015 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », qui est pour moi un remarquable instrument de solidarité entre les territoires. Notre pays a besoin, surtout dans la période difficile que nous traversons, de s’appuyer sur ce principe de solidarité, qui m’est cher.
Pour terminer, je voudrais mettre en garde ceux qui seraient tentés de bouleverser le système électrique français, comme d’ailleurs celui de l’eau et de l’assainissement, pour donner de nouvelles compétences et surtout de nouvelles marges financières à des collectivités qu’ils voulaient supprimer voilà quelques semaines. Ce serait un très mauvais coup porté aux communes et territoires ruraux déjà fragilisés.
Au nom d’une prétendue simplification, a-t-on le droit de laisser sur le bord de la route des pans entiers de territoires qui ne demandent qu’à vivre ? « Alors, pourquoi vouloir à tout prix casser ce qui fonctionne bien ? » Mes chers collègues, je n’ai pas inventé cette phrase, elle a été prononcée, en 2013, à Montpellier, lors du congrès de la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, par un éminent spécialiste, M. Jean Gaubert, alors député socialiste et aujourd’hui médiateur national de l’énergie.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, méditons cette sage parole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis.
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des crédits du programme 147, « Politique de la ville », intervient cette année dans un contexte particulier, puisqu’il s’agit du premier budget après l’adoption de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
En cet instant, permettez-moi de rendre hommage à Jacques Barrot, qui vient de s’éteindre. En tant que secrétaire d’État au logement, il avait lancé les fameuses opérations HVS, Habitat et vie sociale, qui préfiguraient la politique de la ville.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse plus particulièrement, les crédits du programme 147 diminuent certes de 9,8 % en autorisations d’engagement et de 7,9 % en crédits de paiement, mais cette baisse correspond à une « économie mécanique » résultant de la fin de l’entrée dans le dispositif des zones franches urbaines à compter du 1er janvier 2015 et de celle de l’expérimentation des emplois francs.
Le budget de la politique de la ville est donc pour l’essentiel préservé en 2015, ce dont je me félicite.
Les crédits à destination des quartiers de la politique de la ville sont stables à hauteur de 332 millions d’euros. Il s’agit, d’une part, des crédits à destination des quartiers prioritaires dans le cadre des nouveaux contrats de ville, qui bénéficieront de 173 millions d’euros, et, d’autre part, des dispositifs spécifiques, tels que le programme de réussite éducative ou les adultes-relais, qui recueilleront 159 millions d’euros.
À ces crédits, il convient d’ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,3 milliards d’euros, dont la loi Lamy a réaffirmé qu’ils devaient alimenter en priorité les crédits de la politique de la ville. Enfin, il ne faut pas oublier que le présent projet de loi de finances consacre 358 millions d’euros aux dépenses fiscales rattachées à ce programme, tel le taux de TVA réduit de 5 % pour les opérations d’accession sociale dans les quartiers de la politique de la ville ou l’abattement de 30 % de la taxe foncière pour la construction de logements sociaux.
Je dois cependant constater quelques retards dans la mise en œuvre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville.
La fusion de l’ACSÉ, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, avec le Commissariat général à l’égalité des territoires a été reportée d’une année, afin de finaliser les transferts de dispositifs budgétaires et financiers, ce qui est une bonne chose pour les associations. La liste définitive des quartiers prioritaires devrait être connue d’ici à la fin de l’année.
Permettez-moi également, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, d’attirer votre attention sur les difficultés auxquelles se heurtent nombre des communes les plus pauvres dans le cadre de la baisse des dotations. Il est nécessaire de les soutenir, car elles supportent des charges élevées et ne disposent que de ressources insuffisantes.
Je souhaiterais maintenant vous faire part de quelques observations sur le nouveau programme de renouvellement urbain, d’une part, et sur l’emploi des jeunes des quartiers prioritaires, d’autre part.
Le nouveau programme de renouvellement urbain pour la période 2014-2024 concerne en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, soit deux cents quartiers, dont la liste devrait être connue au cours de la première quinzaine de décembre.
Comme vous le savez, l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, va devoir poursuivre la mise en œuvre du PNRU, le programme national pour la rénovation urbaine, et dans le même temps lancer ce nouveau programme, ce qui n’est pas sans poser quelques interrogations sur la capacité financière de l’agence. Actuellement, l’ANRU décaisse 1 milliard d’euros chaque année. Fin 2013, il restait encore quelque 1,7 milliard d’euros à engager et 4 milliards d’euros à payer.
La loi Lamy a prévu que 5 milliards d’euros seraient affectés au NPNRU, le nouveau PNRU. L’État et Action logement étant parvenus à un accord, ce dont je me félicite, sur la convention quinquennale 2015-2019, le financement du NPNRU est désormais bouclé.
Je voudrais insister plus particulièrement, comme mon collègue Daniel Raoul, sur la suppression annoncée du système des avances pour le NPNRU, préconisée par la Cour des comptes. Ce système présente, il est vrai, quelques imperfections, mais sa suppression ne me paraît pas être une bonne chose. En effet, rares seraient les projets de rénovation urbaine, pour les villes les plus pauvres, qui pourraient voir le jour sans ces avances. La solution d’un versement d’une somme forfaitaire lors du commencement des travaux me paraît raisonnable.
J’en viens maintenant à mon second point, à savoir l’emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires.
Le taux de chômage des jeunes habitant dans les quartiers prioritaires atteint 45 %, contre 23 % sur le reste du territoire. Nous devons tous mesurer l’enjeu de cet écart et les conséquences sociales et territoriales de ce constat alarmant.
Je voudrais insister plus particulièrement sur deux dispositifs d’accès à l’emploi.
Grâce à la charte de l’ANRU, les clauses d’insertion dans les marchés publics sont une vraie réussite. Au 30 juin 2013, plus de 19 millions d’heures d’insertion ont été effectuées dans le cadre de 375 projets de rénovation urbaine par environ 50 400 personnes. On a relevé que 65 % des bénéficiaires habitaient dans les ZUS, les zones urbaines sensibles, ou les quartiers concernés par le PNRU. C’est un dispositif que l’on doit encourager, et peut-être même étendre à d’autres marchés publics de l’État ou des collectivités locales.
Quant à la garantie jeunes, elle offre aux jeunes sans emploi et sans formation un accompagnement renforcé des missions locales et une allocation de ressources. Ce dispositif expérimental, qui concerne 4 800 jeunes, devrait être généralisé, avec l’objectif d’atteindre 50 000 bénéficiaires en 2015.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’en remet à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 147, « Politique de la ville ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, en remplacement de M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.
M. Hervé Maurey, en remplacement de M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Rémy Pointereau, rapporteur pour avis, n’ayant pu être là aujourd'hui, j’ai souhaité le remplacer en tant que président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour vous faire part d’un certain nombre de réflexions, plus politiques que budgétaires, j’en conviens.
Sur l’aspect strictement budgétaire, vous le savez certainement, nous avons émis un avis défavorable sur les crédits proposés, parce que nous considérons que le budget n’est pas à la hauteur des enjeux.
Ce que nous critiquons, c’est non pas tant la baisse des crédits – même si 350 millions d’euros en moins sur trois ans, ce n’est pas rien –, mais bien davantage les choix effectués par le Gouvernement d’un point de vue qualitatif.
Il s’agit tout d’abord de la remise en cause de dispositifs qui, nous semble-t-il, ont fait leur preuve. Je veux parler des pôles de compétitivité, aucun nouvel appel à projets n’étant désormais envisagé, et des pôles d’excellence rurale, aucune reconduction de crédits n’étant prévue après 2016, car le Gouvernement évoque simplement une contractualisation encore très floue à ce stade.
C’est la même chose pour la politique des grappes d’entreprises, pour laquelle aucun financement opérationnel n’est prévu.
La suppression de ces dispositifs, lesquels, je le répète, ont largement fait leurs preuves, nous pose problème. Surtout, ce qui préoccupe notre commission, c’est que l’aménagement du territoire, rebaptisé par le Président de la République « égalité des territoires », est toujours le parent pauvre de l’action publique. Cette situation provoque, nous le voyons bien, une véritable désespérance de nos territoires et de leurs habitants, qu’ils traduisent dans leurs votes.
Les attentes des habitants de nos territoires sont pourtant connues. Ils veulent, on le sait, des services publics, un accès facilité aux soins, un accès à la téléphonie mobile et à l’internet, et même aux carburants. J’évoque ce dernier point, ce texte tendant à mettre à mal le dispositif d’installation des sociétés distributrices de carburant, alors même qu’une telle mesure aura un impact très fort sur l’attractivité commerciale d’un certain nombre de bourgs ruraux.
Je crois, madame la ministre, je le disais à l’instant, que les besoins de nos territoires et de leurs habitants sont largement connus. Il n’est donc plus temps de commander, comme vous le faites, une consultation nationale sur le numérique, des assises des ruralités ou un rapport sur la téléphonie mobile. Tout cela est déjà largement connu, et il est grand temps d’agir.
Je prendrai quelques exemples. Le plan France Très Haut Débit, c’est très bien, mais ce n’est pas cela qui donne un réseau de téléphonie mobile ou du haut débit aux territoires qui n’en ont pas ! Promettre du très haut débit à ces territoires, c’est pour le moins insuffisant. Notre collègue parlait voilà quelques instants du FACÉ : que ne mettons-nous en place un tel système pour financer le déploiement du très haut débit sur notre territoire !
Le Gouvernement évoque souvent le retour d’un État stratège. Celui-ci, à mes yeux, devrait se positionner pour suppléer les collectivités dans les domaines où elles n’interviennent pas. Surtout, il devrait se poser en régulateur, pour mettre fin à cette situation d’absence de régulation pour les opérateurs.
Nous avons le même problème de régulation pour ce qui concerne l’accès aux soins. Vous vous félicitez constamment de la réussite des maisons de santé pluridisciplinaires, mais combien de maisons ont-elles été installées, alors même qu’elles ne disposent pas de médecins ? Là aussi, comme le Sénat l’a proposé voilà un peu moins de deux ans dans un rapport adopté à l’unanimité, il faut envisager des dispositifs de régulation.
La régulation, madame la ministre, a un avantage énorme : elle ne coûte rien ! Cependant, elle nécessite, c’est vrai, du courage politique. Or force est de le constater, ce gouvernement en manque. La résultante, c’est que l’on a eu beau transformer le ministère de l’aménagement du territoire en ministère de l’égalité des territoires et la DATAR en Commissariat général à l’égalité des territoires, les inégalités territoriales se creusent, la réforme des rythmes scolaires n’ayant fait malheureusement qu’accroître une telle tendance.
Notre commission ne peut se résoudre à cette situation. C’est la raison pour laquelle nous serons extrêmement vigilants tout au long de l’année 2015. Nous souhaitons d'ailleurs profiter du vingtième anniversaire de la dernière loi d’aménagement du territoire pour proposer et mettre en œuvre des solutions fortes.
Vous nous avez annoncé voilà quelque temps la création d’un Comité interministériel pour l’égalité des territoires. Ce sera la première fois depuis le début de ce quinquennat. Nous observerons avec attention ce que le Gouvernement proposera pour montrer, enfin, qu’il se préoccupe vraiment de l’égalité des territoires.
Quoi qu’il en soit, soyez-en convaincue, madame la ministre, le Sénat, notamment la commission chargée de l’aménagement du territoire, sera extrêmement vigilant et déterminé en la matière. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)