Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le secrétaire d’État, je mesure la difficulté qui est la vôtre. Il n’est en effet pas facile de défendre un budget présenté comme sanctuarisé et prioritaire, lorsque Bercy guette la moindre source d’économies en ces temps de disette budgétaire. Au demeurant, je ne tiens pas à diaboliser ni à accabler la direction du budget, qui, sous la pression intense de la Cour des comptes comme de Bruxelles, cherche à rétablir l’équilibre de nos finances publiques, au prix de sacrifices souvent douloureux.
À deux reprises, le monde universitaire s’est demandé si le Président de la République avait été sincère dans les déclarations d’amour qu’il lui avait adressées.
Fin octobre, d’abord, la Conférence des présidents d’université, ou CPU, s’est émue que le dernier versement par l’État aux universités de leur dotation annuelle ne corresponde qu’à 80 % du montant qui leur avait été initialement notifié, engendrant le risque que les établissements ne soient pas en capacité d’honorer la paie des personnels de décembre. Même si le ministère a finalement obtenu de Bercy le déblocage des 20 % restants, il reste que le prochain collectif budgétaire prévoit désormais 202 millions d’euros d’annulations de crédits sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ensuite, la seconde délibération demandée par le Gouvernement à l’Assemblée nationale nous a réservé un petit coup de théâtre assez navrant, qui a démoralisé l’ensemble du secteur. Un amendement du Gouvernement tendant à minorer le budget de la MIRES de 136 millions d’euros a été adopté par les députés, dont 70 millions d’euros sont retirés directement aux opérateurs du programme 150, donc à nos universités.
Mais quels établissements vont-ils payer le plus lourd tribut ? Va-t-on faire porter la plus grande partie de l’effort sur nos quelques universités dont l’activité de recherche est intensive, qui sont les seules à pouvoir s’insérer difficilement dans les classements internationaux ? Va-t-on punir les universités les plus vertueuses dans leur gestion, qui sont parvenues à maintenir leur équilibre budgétaire au prix de lourds sacrifices ? Va-t-on « taper » dans des fonds de roulement ?
Dans ces conditions, la commission de la culture a décidé de réagir et d’envoyer un signal fort au Gouvernement et à nos collègues députés, pour leur rappeler l’urgence qu’il y a à rétablir les crédits de la MIRES, à tout le moins le montant initialement annoncé dans le projet de loi de finances. Sans préjuger le vote final du Sénat sur le projet de budget de l’État pour 2015, elle a voulu montrer, par un amendement adopté à une belle unanimité, sa détermination à ce que l’État respecte sa parole en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Notre commission a également adopté un amendement invitant le Gouvernement à faire toute la transparence sur la méthode et l’échéancier qu’il entend mettre en œuvre pour assurer la compensation intégrale des charges qu’il transfère aux universités. Afin que ces dernières soient en mesure d’exercer leur autonomie, il est normal que l’État applique rigoureusement le principe « décideur-payeur », en leur transférant les ressources équivalant à l’accroissement de leurs charges, lorsque celui-ci résulte de décisions nationales sur lesquelles elles n’ont aucune prise.
Soyons clairs, nous assumons tous une part de responsabilité dans le fait que les gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédé depuis la mise en œuvre de l’autonomie des universités ne sont pas parvenus à compenser systématiquement à l’euro près les augmentations de charges des universités découlant de décisions nationales. Cette remarque vaut pour la compensation du solde positif du GVT des universités, de la contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » au titre des titularisations de la loi Sauvadet, comme du manque à gagner pour les universités de l’exonération des droits d’inscription pour les étudiants boursiers. Même si le Gouvernement a annoncé une contribution en hausse de l’État pour couvrir ces dépenses, on s’aperçoit que son montant n’est pas précisé dans certains cas ou qu’il se révèle insuffisant en fin de gestion, soit parce que les crédits pouvant être dégelés sont limités, soit parce que le ministère et la CPU ne sont pas d’accord, en définitive, sur l’évaluation du coût réel de l’accroissement de ces charges.
Par conséquent, la commission de la culture propose que, grâce à un rapport remis au Parlement et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, avant la fin du premier semestre 2015, les universités puissent disposer d’une vision transparente, rigoureuse et pluriannuelle des efforts consentis par l’État pour garantir la compensation de leurs dépenses obligatoires additionnelles.
J’en viens à la question du renouvellement des contrats de projets État-région, les CPER, pour la période 2015-2020. La baisse significative des enveloppes dédiées à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation, enveloppes qui ne représentaient que de 25 % à 50 % des montants exécutés dans le cadre des précédents CPER 2007-2014, inquiète profondément les milieux universitaires et les élus locaux. Les présidents d’université des régions Bretagne et Pays de la Loire ont d’ailleurs dénoncé les risques majeurs de la baisse drastique des crédits de l’État et des reports d’arbitrage, et la région Nord-Pas-de-Calais a jugé « très humiliante » la proposition de l’État.
Rassurez-nous, monsieur le secrétaire d’État, sur l’engagement de l’État à poursuivre son soutien à la mise en place d’une politique de sites universitaires ambitieuse, à laquelle seront pleinement associées les collectivités territoriales, et en particulier les régions.
Enfin, je regrette que le Gouvernement s’obstine à vouloir supprimer l’aide au mérite, qui bénéficie aux étudiants boursiers sur critères sociaux ayant obtenu leur baccalauréat avec une mention « très bien » ou s’étant distingués par leurs résultats en licence. Il s’agit d’un signal extrêmement négatif et décourageant envoyé à des milliers d’élèves, qui voient dévaloriser leurs efforts pour réussir, en dépit de leur origine modeste.
En conclusion, vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission de la culture a estimé que les incertitudes et les inquiétudes sur le budget des universités étaient bien trop nombreuses, en particulier depuis l’épisode de la seconde délibération intervenue à l’Assemblée nationale et la défiance qu’il a suscitée au sein du milieu universitaire. Par conséquent, elle a décidé d’émettre un avis défavorable sur les crédits de la MIRES. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis.
Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de la recherche au sein de la MIRES s’établissait à 7,8 milliards d’euros dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2015. Toutefois, cela a été dit, ces crédits ont été réduits de 65 millions d’euros, ce qui soumet les organismes de recherche à une pression difficilement soutenable, alors même qu’ils redoublent d’efforts pour dégager des marges d’efficience sur leur fonctionnement.
Déterminée à soutenir ces secteurs essentiels et structurants pour le redressement et l’avenir de notre pays, la commission de la culture a adopté à l’unanimité un amendement visant à rétablir les crédits de la MIRES dans leur montant initialement prévu dans le projet de loi.
Jusqu’ici, les organismes de recherche ont bénéficié de taux de mise en réserve dérogatoires, généralement réduits de moitié par rapport aux taux applicables. Mais, en 2014, ces taux ont été « semi-réduits ». Je plaide donc pour le retour à des taux de mise en réserve réduits de moitié, afin de redonner un peu de souffle aux organismes de recherche et au fonctionnement de leurs unités.
Le secteur de la recherche connaît une crise de confiance. Plusieurs mouvements ont placé au cœur du débat l’avenir de l’emploi scientifique, réclamant des efforts pour sortir nos jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens d’une précarité jugée insupportable et pénalisante.
Pour dessiner des perspectives réalistes et opérationnelles, cette question doit faire l’objet d’un diagnostic rigoureux : tous les scientifiques n’ont pas vocation à occuper un emploi statutaire dans la recherche publique.
L’effort de la nation en termes de postes statutaires dans le domaine de la recherche n’a pas fléchi. Néanmoins, à effectifs constants, la masse salariale des organismes de recherche est amenée à progresser mécaniquement en raison de facteurs liés à la pyramide des âges de leurs personnels.
Or la plupart de nos établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, entendent, par souci de bonne gestion, maintenir leur masse salariale à un niveau constant. Si le stock d’emplois est maintenu, le flux entrant diminue nécessairement, ce qui explique la baisse de mise au concours de nouveaux postes au sein des organismes de recherche. Le fait est que le mouvement des départs à la retraite de la génération des baby-boomers semble achevé, réduisant d’autant les marges de manœuvre pour recruter.
Plusieurs pistes peuvent être exploitées pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes scientifiques.
La première consiste à faciliter l’accès des docteurs aux grands corps de la fonction publique par la mise en œuvre des dispositions de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche tendant à favoriser la prise en compte du doctorat comme expérience professionnelle dans le concours interne et le troisième concours de l’ENA.
La piste qui consisterait à inscrire le doctorat dans le répertoire national des certifications professionnelles va dans le bon sens.
Mais ce n’est évidemment pas seulement dans la fonction publique que nous parviendrons à insérer durablement l’ensemble de nos scientifiques. C’est en matière d’insertion professionnelle des chercheurs dans le secteur privé que les efforts doivent être démultipliés. À mon sens, il faut saisir les opportunités ouvertes par la recherche partenariale. C’est par le renforcement des collaborations entre les universités, les organismes de recherche et les entreprises, notamment dans le cadre des SATT, les sociétés d’accélération du transfert de technologies, que nous parviendrons à valoriser le potentiel des jeunes chercheurs dans le secteur privé et à permettre la montée en puissance des embauches en CDI de droit privé.
C’est pourquoi je me réjouis de la reconduction des crédits consentis aux contrats CIFRE – convention industrielle de formation par la recherche –, à hauteur de 53 millions d’euros en 2015.
L’insertion professionnelle des docteurs dans le secteur privé suppose aussi d’agir sur la formation doctorale et sa capacité à préparer les doctorants aux enjeux de la recherche en entreprise et du monde de la Recherche et développement, ou R&D, privée.
Je tiens à saluer, à cet égard, l’accord-cadre qu’a signé Mme la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche avec l’entreprise Schneider Electric afin de développer des accords de partenariat territoriaux entre l’entreprise et les établissements d’enseignement supérieur.
Je salue également l’initiative prise par l’université de Lyon et le MEDEF ou l’organisation annuelle des Rencontres universités entreprises, qui rapprochent les futurs doctorants des laboratoires de recherche et des entreprises.
De même, saluons la belle réussite de la recherche française à la suite de la récente décision de l’Agence spatiale européenne d’engager une nouvelle étape d’Ariane 6. Voilà qui confirme la pertinence pour l’Agence nationale de la recherche d’être, au travers de ces appels à projets annuels, une force d’impulsion et de coordination dans la promotion de la recherche partenariale et la constitution d’équipes pluridisciplinaires de façon à renforcer la capacité de nos laboratoires à solliciter des financements sur projet européen.
Enfin, la réforme de la gouvernance de la CSTI, la culture scientifique, technique et industrielle, conforte l’État dans son rôle de stratège en la matière, et celui des régions dans leur rôle de coordination et d’animation territoriales.
La promotion de la CSTI relève d’un triple enjeu : démocratique, culturel et économique. Les citoyens doivent s’approprier les enjeux de la science et des technologies contemporaines afin de participer de manière éclairée aux débats et aux choix démocratiques, mais aussi d’accéder à un niveau de formation susceptible de les rendre acteurs, dans leur activité économique, y compris dans la compétition mondiale.
L’État s’impliquera directement dans la coordination des acteurs, notamment à travers la stratégie nationale de la recherche. Nous pouvons nous féliciter de la création d’un département de la culture scientifique et des relations avec la société au sein du ministère.
En conclusion, j’ai proposé à la commission de la culture de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la recherche au sein de la MIRES, dès lors que l’on peut compter sur un budget qui résiste globalement et qui peut être considéré comme protégé des rigueurs budgétaires pourtant nécessaires. Toutefois, la commission ne m’a pas suivie en ce sens : après avoir adopté à l’unanimité le retour des crédits au niveau du projet de loi de finances initial, elle s’est majoritairement montrée défavorable à l’adoption des crédits de la MIRES. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Cyril Pellevat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Jean, rapporteur pour avis.
Mme Geneviève Jean, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’avis de la commission du développement durable sur les crédits du programme 190 relatif à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables.
Dans le projet de loi déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, ces crédits étaient en légère hausse par rapport à ceux qu’avait ouverts la loi de finances pour 2014. Malgré l’adoption d’amendements en seconde délibération par les députés, qui ont diminué quelque peu les dotations, je constate avec satisfaction que les crédits sont globalement préservés.
Je rappellerai que ces crédits ont vocation à financer six opérateurs de l’État : l’IFP Énergies nouvelles, ou IFPEN, l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, ou IFSSTAR, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, ou IRSN, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ou ANSES, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, ou CEA, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, ou INERIS.
Je vous livrerai quelques observations sur ces organismes.
Le budget est marqué cette année par la suppression de la subvention versée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME. Celle-ci recevait jusqu’à présent une subvention pour charges de service public au titre du programme 181, « Prévention des risques », et du programme 190. La subvention accordée au titre du programme 181 a été supprimée en 2014 ; celle du programme 190 l’est cette année.
L’ADEME ne bénéficiera donc plus d’aucune subvention budgétaire et sera, pour l’essentiel, financée par une fraction des produits de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.
Monsieur le ministre, cette débudgétisation a suscité des inquiétudes au sein de notre commission. Pouvez-vous nous garantir que l’ADEME pourra continuer à exercer ses missions dans de bonnes conditions, et notamment à soutenir les projets innovants des collectivités territoriales ? Nombre de réalisations n’auraient pu voir le jour sans le soutien de cet organisme.
Le maintien d’un niveau suffisant de crédits est d’autant plus nécessaire que le programme 190 contribue au financement de plusieurs projets accompagnant le défi de la transition écologique et énergétique, auquel notre commission attache la plus grande importance.
Je souhaiterais notamment évoquer le projet, actuellement mené par l’IFPEN, de développement d’un « véhicule pour tous » ne consommant que deux litres de carburant aux cent kilomètres. C’est une véritable prouesse dont on comprend tout l’enjeu, alors que les transports sont à l’origine de 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France !
L’IFSTTAR œuvre lui aussi à l’essor de transports durables. L’un de ses projets porte sur la conception d’une route de « cinquième génération », qui sera, à terme, capable de récupérer de l’énergie pour alimenter ses propres équipements, voire les véhicules ; elle pourrait même être en mesure d’absorber du CO2 ! On comprend aisément tous les bénéfices que de telles infrastructures permettraient d’obtenir.
Je voudrais également évoquer le projet Sense-city, auquel participe l’IFSTTAR, autour du concept de ville intelligente. Ce projet se concrétise par la création d’une « mini-ville » climatique et permettra de tester des microcapteurs et des nanocapteurs inventés pour instrumenter et piloter une ville moderne, plus durable et plus humaine.
Enfin, notre commission a été très sensible au fait que ces crédits, à l’heure des débats sur la transition énergétique, servent aussi aux recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération menées par le CEA et à l’expérimentation de biocarburants de deuxième génération capables de produire du biodiesel pour les moteurs de véhicules routiers ou maritimes, et du biokérosène pour l’aviation.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’ensemble de ces recherches est susceptible de constituer une réponse aux défis énergétiques de la France à l’horizon 2020.
Le soutien à la recherche est fondamental pour permettre à nos opérateurs de maintenir leur niveau d’excellence.
En conclusion, les crédits du programme 190 étant globalement préservés, dans un contexte financier contraint, la commission du développement durable a émis un avis favorable à leur adoption.
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les six rapporteurs ont finalement rapporté de façon très convergente sur les masses et les enjeux budgétaires qui nous réunissent ce matin.
Dans sa version initiale, les crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur » par le projet de loi de finances pour 2015 présentaient l’avantage d’être à peu près constants par rapport aux autres années. Même si une augmentation réelle de ce budget aurait été souhaitable, on ne pouvait que saluer l’effort de stabilité dans le contexte de plan d’économies qui est le nôtre et dont nous ne nions pas l’utilité.
Seulement, force est de constater que nos collègues de l’Assemblée nationale, avec l’appui de fait du Gouvernement, n’ont pas entendu poursuivre cet effort et ont amputé – cela a déjà été dit à plusieurs reprises ce matin – de 136 millions d’euros les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Face à l’importance, au potentiel et aux enjeux majeurs que représentent l’enseignement supérieur et la recherche, il est impossible d’accepter une telle amputation. Ce constat a d’ailleurs été souligné à l’unanimité des membres de la commission de la culture, quelles que soient les sensibilités politiques.
Mme Maryvonne Blondin. Exact !
Mme Corinne Bouchoux. Nous n’avons pas la même vision de l’enseignement supérieur, mais nous avons tous la conscience aiguë qu’une telle amputation n’est pas possible. J’insiste tout particulièrement sur cette unanimité, au-delà de nos divergences d’opinions.
Les économies à réaliser en matière de finances publiques doivent être raisonnées et raisonnables. Il ne nous paraît pas envisageable de faire des économies sur la jeunesse, pourtant désignée comme une priorité du quinquennat du Président de la République. Pour cette raison, nous nous sommes montrés et nous montrerons favorables à l’amendement visant à rétablir les crédits initialement prévus pour les universités et la recherche.
À cette diminution des crédits alloués à la MIRES s’ajoute par ailleurs la diminution, soulignée par Valérie Létard, du montant des contrats de projets État-région pour la période 2014-2015. Nous avons en particulier attiré l’attention de Mme Fioraso sur la situation très alarmante des CPER Pays de la Loire et Bretagne, dont les universités se rapprochent, et avons tiré la sonnette d’alarme quant au véritable massacre des sciences humaines, qui sont totalement ignorées de ces prochains CPER.
S’agissant de l’enseignement supérieur, il convient de saluer la priorité accordée en faveur de la réussite de tous les étudiants. À cet égard, l’augmentation des crédits alloués à la vie étudiante, notamment l’extension du nouvel échelon des bourses, en constitue un outil nécessaire, que nous saluons.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, nous appelons de nouveau votre attention sur le fait que les étudiants en université sont une fois de plus moins bien traités que les étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles. La différence reste en moyenne de 4 000 euros par étudiant. Cette disparité n’est à notre avis ni souhaitable ni tenable : il ne nous semble pas logique de donner plus de moyens aux étudiants les mieux dotés sur le plan scolaire, de surcroît souvent issus de milieux privilégiés, et de donner moins aux étudiants qui entrent à l’université.
À cela s’ajoute, malgré la volonté affichée de réussite de tous les étudiants, une inquiétude de la Conférence des présidents d’université. En effet, d’après une estimation de cette dernière, les universités vont manquer de 200 millions d’euros. Or, depuis la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui a instauré l’autonomie des universités françaises, ces dernières ont toutes fait de très importants efforts de gestion et de rationalisation de leurs modes de fonctionnement et de modernisation. Il n’est donc pas possible de leur demander plus, alors qu’elles ont le sentiment d’être très mal récompensées de ces efforts en raison des coupes claires opérées à l’occasion de la seconde délibération à l’Assemblée nationale.
S’agissant de la recherche, à l’instar de ce qu’a dit notre collègue député Isabelle Attard, je ne peux que souligner le décalage persistant entre l’intention affichée et la réalité.
Lorsque l’on examine en détail les restrictions budgétaires, on constate un traitement relativement favorable pour le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables, ou CEA, et le Centre national d’études spatiales, le CNES, pour des raisons symboliques et louables – cela a été dit tout à l’heure – ; néanmoins, nous déplorons que le Centre national de la recherche scientifique ne soit pas davantage soutenu et que son budget soit moins bien traité que celui des acteurs précédents en proportion du nombre des actifs occupés.
Enfin, je voudrais revenir sur les difficultés rencontrées par les doctorants dans leur insertion professionnelle.
Notre collègue André Gattolin, dont je salue le travail, avait déposé au nom de notre groupe un amendement visant à restreindre le crédit d’impôt recherche accordé au personnel déclaré comme « chercheurs et techniciens de recherche » non titulaire d’un doctorat. Cette restriction se serait appliquée dans la limite de cinq fois le montant des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs diplômés d’un doctorat. Cette proposition nous semblait encourageante et nous regrettons qu’elle n’ait pas connu de suite.
Les chercheurs français, malgré certains progrès, se heurtent également à un obstacle : la diffusion de leurs travaux de recherche. Alors que certains souhaitent rendre accessibles ces travaux au plus grand nombre par le biais d’archives publiques, la conciliation est encore très difficile avec les gros éditeurs privés.
Enfin, nous voudrions vous alerter, monsieur le secrétaire d'État, sur les limites du big is beautiful. Si les regroupements, tels qu’ils s’opèrent actuellement, ont pour seul but la réalisation d’économies d’échelle, ils risquent à long terme d’épuiser les acteurs et de décourager ceux qui croient en l’avenir de la recherche publique et de l’université. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. –Mme Mireille Jouve applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le mouvement des connaissances, dont l’enseignement supérieur et la recherche scientifique constituent une dimension essentielle, est fondamental pour l’humanité. Dans un monde qui évolue de plus en plus vite, d’une complexité croissante, la transmission et le partage des savoirs sont en eux-mêmes des défis. Il convient donc de donner à toute la société la capacité d’accéder aux formes les plus élaborées de ce savoir.
S’interroger, comprendre, inventer et, pour cela, former, se former, chercher : ce sont là plus que jamais des enjeux vitaux et il faut donner à tous la possibilité de les saisir, sans limitation d’ordre social ou financier, afin que chaque citoyen soit en mesure de comprendre le monde et d’inventer le futur. C’est vers cette nouvelle étape de démocratisation de l’enseignement supérieur et de la recherche que doit tendre toute politique publique : donner à tous les étudiants la possibilité d’appréhender des savoirs complexes en garantissant un enseignement supérieur de qualité et une recherche de haut niveau.
Ainsi, ce que nous abordons aujourd’hui, par le biais de cet exercice budgétaire, a bien à voir avec la conception de la société que nous voulons. Malheureusement, je dois le dire d’emblée, notre vision du monde et de son avenir ne s’incarnent pas dans ce budget, pas plus que dans ceux des années précédentes.
Ce projet de budget est en effet soumis à l’injonction d’économie : une économie de 1,6 milliard d’euros sera réalisée sur 2015-2017, amputant d’autant la capacité d’investissement.
La qualité de l’enseignement supérieur, les conditions d’études des étudiants et les capacités de recherche des grands organismes publics sont les premières affectées par ces baisses successives, dans un contexte général de développement de la précarité de l’emploi, notamment scientifique.
Le budget pour l’enseignement supérieur s’établit cette année à 23 milliards d’euros, soit une hausse de 0,17 % – ce qui, en tenant compte de l’inflation, signifie en réalité une baisse.
Ainsi, la situation des universités, qui n’a cessé de se dégrader depuis la mise en œuvre de la LRU, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, adoptée par la droite mais sur laquelle le Gouvernement actuel n’est pas revenu, ne pourra évidemment pas s’améliorer. Dans un contexte budgétaire en berne, l’autonomie des universités et le passage aux responsabilités et compétences élargies a renvoyé aux universités la gestion de la pénurie, les amenant à réduire leurs actions pour éviter de se trouver en situation de déficit, ce qu’elles ne parviennent pas toujours à faire.
La dotation budgétaire de l’État, censée compenser ce transfert de responsabilité, se révèle, comme chaque année, insuffisante. Or, malgré cette insuffisance notoire, évaluée à 200 millions d’euros pour 2015, le Gouvernement a fait adopter à l’Assemblée nationale un amendement supprimant un total de 136 millions d’euros sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont 70 millions ponctionnés sur le budget des universités et un peu plus de 65 millions sur les organismes de recherche.
Cet amendement vient contredire la volonté affichée du Gouvernement d’œuvrer pour l’emploi scientifique, qui est supposée s’incarner notamment dans la création de 1 000 postes pour les universités en 2015. Le coût cumulé des deux mesures est au final négatif, d’une dizaine de millions en moins pour les universités. Cela suscite, je dois le dire, un grand émoi sur le terrain, d’autant que de nombreuses réformes ont été réalisées.
Faute de moyens, les universités sont contraintes non seulement de fermer des formations mais aussi, pour certaines, de geler une part importante de leurs postes afin de tenter de juguler leur déficit. La Cour des comptes l’a démontré, et Mme Fioraso elle-même l’a reconnu devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, la moitié des postes annoncés depuis 2012 sont, en fait, gelés.
Sur le fond, rien ne vient donc résorber les difficultés et la précarité de la situation de l’enseignement supérieur.
C’est la raison pour laquelle je me félicite que la commission de la culture du Sénat ait adopté à l’unanimité un amendement rétablissant l’ensemble de crédits de la MIRES, les 70 millions pour les universités et les 65 millions pour la recherche. Je souhaite évidemment qu’il soit adopté en séance publique. J’ai d’ailleurs déposé un amendement similaire.
La situation des organismes de recherche est aujourd’hui devenue intolérable, comme l’illustre le fait que 8 000 personnes aient manifesté le 17 octobre dernier à l’appel de « Science en marche ».
Néanmoins, aux 4,2 millions d’euros d’économies réalisées sur leurs moyens de fonctionnement, le Gouvernement a souhaité ajouter cette ponction de 65 millions d’euros supplémentaires par le biais de son amendement.
Un comble quand on sait que la précarité atteint des records au sein des universités : elle touche environ 90 000 personnes, soit 30 % à 35 % des emplois, contre 17 % en moyenne dans le reste de la fonction publique ! Son reflux doit être une priorité et un des piliers de toute politique de l’enseignement supérieur et de la recherche, et faire l’objet d’une véritable programmation pluriannuelle d’emplois permettant une vision et une gestion à long terme.
Prenons l’exemple du CNRS : il a perdu 2 600 emplois, dont plus de 600 titulaires, depuis 2008 ; il en perdra 130 en 2015. En fin de compte, il fonctionne aujourd’hui avec 12 000 personnes non titulaires, soit l’équivalent de 8 000 équivalents temps pleins de titulaire.
Vous comprendrez que, face aux 6 milliards d’euros que représente le crédit d’impôt recherche – CIR – pour la seule année 2015, l’argument du manque de moyens ne tienne pas. Il résulte d’un choix politique que nous ne partageons pas.
Alors même que l’efficacité du CIR est remise en cause par la Cour des comptes, son maintien au détriment de l’emploi scientifique et du financement des organismes de recherche est incompréhensible. Il serait plus qu’opportun d’en réévaluer, au minimum, le montant, d’encadrer les conditions de l’obtention de ce financement public à destination des entreprises privées et d’en contrôler non seulement la légitimité mais aussi l’efficacité sur la recherche, l’innovation et, bien sûr, l’emploi scientifique. Car ces milliards sont autant d’argent soustrait à la recherche publique au profit d’entreprises comme Sanofi ou Thalès, entre autres, qui n’hésitent pas à licencier et à fermer des centres de recherche en France, alors même qu’elles font largement usage de ce dispositif.
Ce choix, tout comme le financement de la recherche par les investissements d’avenir, est la traduction d’une vision de la recherche utilitariste, au service de débouchés économiques de court terme, et non de la connaissance. Dans ce cadre, le développement des CDD n’a rien d’étonnant : il n’est que le corollaire de cette logique et du financement de la recherche sur projets incarnés par l’Agence nationale de la recherche. Je regrette que cette vision ait été reprise par le gouvernement actuel.
Il en découle implicitement une hiérarchisation des savoirs et des travaux de recherche, privilégiant la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale et marginalisant les sciences humaines et sociales.
Nous pensons, au contraire, qu’il est important de maintenir toute forme de connaissances, sans hiérarchie, et de permettre à toute forme de recherche d’exister, surtout celle qui a besoin de temps pour aboutir, avec son personnel scientifique propre, relevant de la fonction publique. Parce que nous savons que les défis à relever pour les générations futures sont immenses, il ne faut fermer aucune porte en cédant aux tentations de profitabilité à très court terme.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)