M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour les raisons que j’ai déjà développées et sur lesquelles je ne reviendrai pas, il n’est pas souhaitable de vouloir sans cesse remettre en cause le CIR, qui, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, est un dispositif reconnu conférant à nos entreprises un véritable avantage compétitif. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le Gattolin, vous proposez d’augmenter les dépenses du CIR, dont vous souligniez pourtant que le coût avait explosé en quelques années.
M. André Gattolin. Oh !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rassurez-vous, je ne cherche pas à vous mettre en contradiction avec vous-même, ce qui n’arrive jamais, bien entendu, mais à vous répondre en vous donnant quelques données chiffrées.
En 2014, la créance acquise par les entreprises au titre du CIR s’élève à 6,2 milliards d’euros ; en 2015, elle sera de 6 milliards d’euros. Il y a donc une baisse. Quant aux dépenses budgétaires, elles atteignent 5,55 milliards d’euros en 2014 et seront de 5,3 milliards d’euros en 2015. S’il est vrai que les dépenses au titre du CIR ont connu une augmentation importante ces dernières années, il semblerait qu’elles se stabilisent, voire qu’elles diminuent légèrement.
Pour en venir à votre amendement, vous proposez de multiplier par cinq les dépenses concernant les jeunes docteurs, alors qu’elles sont déjà multipliées par deux. Pourquoi les multiplier par cinq et non par dix ? On peut toujours faire de la surenchère…
Tout le monde est attaché à ce que l’on puisse développer et accompagner la montée en puissance des doctorants dans le secteur privé. À cet égard, je relève, d’une part, que le montant des dépenses engagées au titre du CIR a été multiplié par deux et, que d’autre part, d’après le bilan établi en 2012 par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses relatives à l’embauche de jeunes docteurs a été multiplié par trois entre 2007 et 2012, pour atteindre 1 305 entreprises.
Le Gouvernement avait déjà proposé une mesure de simplification, qui consistait à subordonner le bénéfice du crédit d’impôt au maintien de l’effectif salarié global de l’entreprise. Nous avons décidé d’assouplir cette condition en la restreignant au maintien de l’effectif du seul personnel de recherche salarié, ce qui me semble plus adapté et qui, je crois, a permis de mieux cibler le dispositif tout en encourageant son utilisation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° I-188, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les e, e bis, f, g, h, et j du II de l'article 244 quater B du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement tend également à revenir sur l’article 244 quater B du code général des impôts relatif au crédit d’impôt recherche.
Comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous dénonçons un dispositif d’optimisation fiscale dont l’impact sur la recherche est, malgré un montant exorbitant, extrêmement limité. Depuis la réforme du dispositif en 2007, ce montant n’a d’ailleurs cessé d’augmenter – même si je prends note de la modulation évoquée par M. le secrétaire d’État à l’instant – pour atteindre cette année 6 milliards d’euros. Somme qu’il est d’ailleurs intéressant de comparer aux crédits que le budget de l’État consacre à la recherche publique, qui, eux, sont en diminution. Ainsi, de fait, le CIR rivalise depuis plusieurs années avec le budget consacré à la recherche, qui s’élèvera à 7,7 milliards d’euros en 2015, et il est d’un montant équivalent au budget global des organismes de recherche.
Si les PME constituent l’essentiel des entreprises déclarant des dépenses éligibles, ce sont les plus grandes entreprises, déjà fortement défiscalisées, qui ont tiré le meilleur parti de la réforme du CIR, ce qui ne les empêche pas en parallèle de fermer leurs pôles de recherche et développement. En effet, si le montant des aides reçues par les entreprises de plus de 5 000 salariés a augmenté de 130 % entre 2007 et 2011, elles n’ont pas pour autant accru leur effort de recherche, et le nombre d’emplois créés dans le secteur de la Recherche et du développement est limité, quand il n’est pas nul. Je vous assure qu’une telle appréciation ne tient malheureusement pas du fantasme…
Je prendrai le cas emblématique de Sanofi, l’une des premières entreprises à avoir bénéficié du CIR. Cette entreprise a obtenu 130 millions d’euros de réduction d’impôt en 2012, alors même qu’elle réalise 8 milliards d’euros de profits par an. En outre, le groupe détenait pour son activité pharmaceutique treize centres de recherche en France avant 2008. À la fin de 2012, après avoir fermé les sites de Rueil-Malmaison, Bagneux, Évry, Labège, près de Toulouse, et vendu le site de Porcheville au laboratoire Covance, il n’en reste plus que six, où ne travaillent plus que 4 900 personnes en CDI, contre 6 300 personnes en juin 2008.
Le débat que nous appelons de nos vœux est bien sûr celui de l’efficacité du CIR. Je sais que le Gouvernement conteste notre diagnostic et oppose des chiffres démontrant prétendument une création d’emplois et des bénéfices en termes d’investissement, mais sans jamais citer la source d’où sont tirés ces chiffres ! Or nous avons besoin d’une véritable confrontation sur l’efficacité réelle de ce dispositif. Ce que nous constatons, pour notre part, c’est que la précarité au sein des organismes de recherche explose, avec 90 000 précaires, selon les chiffres mêmes du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Pour toutes ces raisons, nous nous élevons contre ce dispositif, que nous considérons comme une simple niche fiscale dépourvue d’efficacité, et nous souhaitons une réaffectation des moyens qui lui sont alloués au profit, notamment, de la recherche publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le fait d’exclure du champ du crédit d’impôt recherche les dépenses de normalisation, de veille technologique et de prise, maintenance et défense des brevets remettrait en partie en cause un dispositif lisible et efficace pour les entreprises. Il s’agirait d’un signal extrêmement négatif pour le développement de la recherche privée.
Contrairement à d’autres pays, nous avons un dispositif qui a le mérite d’être efficace. Vouloir le remettre en cause en permanence ne va dans le sens ni de la stabilité fiscale ni de l’efficacité.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une telle mesure irait en effet à l’encontre des objectifs de renforcement de l’attractivité du territoire et de défense des brevets français contre leur piratage, faute de protection.
Vous proposez de supprimer de l’assiette du crédit d’impôt recherche les dépenses relatives à la protection de la propriété industrielle ainsi que les dépenses de normalisation. Le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition. En effet, la fiscalité applicable à la propriété industrielle en général, et aux brevets en particulier, est un élément pris en compte de manière positive pour les entreprises françaises. Elle est perçue comme un facteur incitatif justifiant la localisation en France de centres de recherche et développement et la détention de la propriété industrielle.
La défense des brevets contribue à la sécurité juridique et à la compétitivité des entreprises françaises. Il est donc indispensable d’inciter les entreprises à exposer ce type de dépenses pour protéger les résultats de leurs recherches et éviter ainsi le pillage de celles-ci, faute de protection. Il en va de même pour les dépenses de normalisation.
Votre proposition irait ainsi à l’encontre de l’objectif de renforcement de l’attractivité du territoire.
Au bénéfice de ces précisions, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° I-188 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chacun prendra ses responsabilités ! Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-283, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Par dérogation au I, lorsqu’une entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche est liée, au sens du 12 de l’article 39, à d’autres entreprises ou entités juridiques exposant au cours de l’année, en France ou hors de France, des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II, le taux du crédit d’impôt est égal au taux résultant de l’application de la dernière phrase du premier alinéa du I au montant total des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II exposées au cours de l’année, en France et hors de France, par cette entreprise et les entreprises ou entités juridiques liées au sens du 12 de l’article 39. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Mes chers collègues, conformément à la décision prise hier par le Sénat, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Nous avons examiné 48 amendements au cours de la journée ; il en reste 229 à examiner sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 24 novembre 2014, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART