Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Daniel Raoul. Ça va nous changer !
M. Claude Raynal. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je dirai simplement quelques mots, en complément des interventions de mes collègues du groupe socialiste.
Nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances pour 2015, qui fait suite à celui de la loi de programmation pour les années 2014-2019.
Ce premier débat aurait dû, à mon sens, et compte tenu de la situation de nos comptes publics, qui trouve son origine dans des temps déjà lointains, susciter sur toutes les travées de notre assemblée une certaine modestie et une grande prudence dans les propos tenus.
Il suffit de se souvenir que la loi de programmation 2009-2012 de MM. Fillon et Woerth prévoyait, en 2012, un déficit de l’État à hauteur de 0,5 % du PIB, pour un résultat de 4,5 % et un niveau de dette à hauteur de 61,8 % du PIB, pour une dette réalisée de 89,9 %. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. C’était avant la crise !
M. Richard Yung. Elle a bon dos, la crise !
M. Claude Raynal. Je veux simplement dire que ces chiffres incitent à la prudence. Ma remarque sur la loi de programmation vaut d’ailleurs pour le débat de ce jour.
Ceux qui, hier, ont obtenu les résultats que je viens d’indiquer n’hésitent pourtant pas aujourd’hui à évoquer une baisse de 100 à 130 milliards d’euros des dépenses publiques, baisse qu’ils n’ont d’ailleurs jamais mise en œuvre, ne fût-ce que d’un seul euro, lorsqu’ils exerçaient les responsabilités.
Le débat que nous entamons aujourd’hui va donc nous éclairer sur les modalités précises devant, aux yeux des membres de la majorité sénatoriale, permettre d’atteindre ces objectifs, que nous ne partageons pas.
Pour notre part, nous soutenons pleinement la stratégie du Gouvernement de redressement des comptes publics,…
M. Philippe Dallier. Qui ça, « nous » ?
M. Claude Raynal. … même si nous savons qu’elle est fortement dépendante du contexte économique international et plus particulièrement européen.
Notons que les positions prises par le Président de la République dès son entrée en fonction, en faveur notamment d’une baisse de l’euro et d’un programme d’investissements ambitieux tant à l’échelle de l’Union européenne qu’en Allemagne, sont aujourd’hui reprises par tous.
Jean Germain vient de l’indiquer, nous adhérons également à la logique d’une répartition équitable des économies à réaliser entre l’État, la protection sociale et les collectivités territoriales.
Tout le monde l’a souligné, il est légitime que les collectivités territoriales contribuent de manière solidaire au redressement des comptes publics entamé depuis 2012. Cependant, elles doivent aussi continuer à jouer leur rôle central en matière de cohésion territoriale, notamment via l’investissement public local. De l’évolution de ce dernier dépendra en effet, pour partie, notre capacité à consolider et à renforcer une reprise économique encore bien trop modeste.
Dans cette perspective, Jean Germain l’a signalé, le groupe socialiste a déposé un amendement au projet de loi de finances visant à lisser l’effort de 11 milliards d’euros demandé aux collectivités territoriales sur quatre ans au lieu de trois. Nous avons fait le choix, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas remettre en cause l’effort global de 11 milliards d’euros demandé par le Gouvernement aux collectivités. L’amendement du groupe vise simplement à le rendre supportable, en tendant à lisser ses effets sur une durée plus longue.
La spécificité des collectivités territoriales, en effet, doit aussi être prise en compte. La rigidité de leurs dépenses de gestion, que vous connaissez tous, comme les réformes territoriales en cours, implique de leur laisser du temps.
M. Philippe Dallier. Au moins dix ans ! (Sourires.)
M. Claude Raynal. Le bloc communal, notamment, verra son épargne brute ponctionnée, tout comme ses recettes d’investissement, du fait du repli attendu des collectivités territoriales, notamment les départements et les régions, sur leurs strictes compétences.
Notre amendement, s’il est adopté, tendra donc à donner quelques marges de manœuvre utiles aux élus locaux, afin qu’ils adaptent au mieux leurs collectivités à la période qui s’ouvre, certes plus contrainte pour ce qui concerne les deniers publics, mais dont ils ont tous compris la gravité.
Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il semble important de ne pas oublier que le fil conducteur de l’action du Président de la République, depuis le début de ce quinquennat, est le redressement dans la justice.
C’est à ce titre qu’il nous paraît tout à fait justifié de mettre à contribution le système bancaire, en supprimant la déductibilité de l’impôt sur les sociétés de la participation des banques françaises au Fonds de résolution unique européen. Cette mesure aurait pu être prise dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2015 ; elle le sera peut-être dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Ce fonds, créé en 2008 pour éviter la propagation à l’ensemble du système financier du défaut d’une banque, n’a pas vocation à être assumé, ne fût-ce que partiellement, par le contribuable. Il a été décidé en 2008 que ce fonds serait alimenté par une contribution des principales banques européennes.
En l’état, les contributions des banques françaises sont déductibles de l’impôt sur les sociétés. Une alimentation du fonds pendant huit ans reviendrait à une perte pour les recettes de l’État de 625 millions d’euros par an, soit un montant de cinq milliards d’euros sur la période retenue. C’est d’autant moins justifié qu’une seule de nos banques, soumise à une amende de neuf milliards d’euros, a fait savoir publiquement que cet événement serait sans conséquence pour elle…
Qui plus est, l’objectif originel de ce fonds est de préserver les finances publiques des errements du secteur bancaire privé. Le seul argument du redressement des comptes publics ne tient donc pas pour expliquer l’absolue nécessité d’une telle mesure.
Il y va aussi du comportement de ces grands groupes bancaires à l’avenir. Comment voulons-nous qu’ils s’autorégulent si la puissance publique les assure de son soutien permanent ? En réalité, cela ne peut que les entraîner à reproduire leurs comportements passés, en augmentant la prise de risque.
Alors, bien sûr, les acteurs du système bancaire ont déjà fait part de leur mécontentement. Toutefois, il nous faut tout de même leur rappeler que, grâce à des négociations serrées avec vos homologues allemands, vous avez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, obtenu un allégement de près de deux milliards d’euros de la contribution des banques hexagonales au Fonds de résolution unique européen et le principe d’une participation équitable : comme pour les banques allemandes, en effet, elle se montera à 15 milliards d’euros. Au départ, pourtant, les calculs avancés par la Commission européenne étaient susceptibles d’être particulièrement défavorables aux banques françaises.
Le Gouvernement peut donc avancer en toute légitimité sur cette question et éviter que nos concitoyens ne subissent la triple peine que représenteraient la rigueur budgétaire, les conséquences sur l’emploi d’une croissance trop faible et leur contribution à la restructuration du système bancaire. Cette restructuration doit en effet être prise en charge par les actionnaires des banques, puisqu’ils en seront, demain, les seuls bénéficiaires.
Dire qu’un effort est partagé signifie que celui-ci doit être fait par tous. En protégeant l’investissement local des collectivités et en faisant porter une partie de l’effort sur ceux qui en sont à l’origine, le groupe socialiste donne de la chair à l’idée de redressement dans la justice. En tout état de cause, il est sensible, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à l’équilibre que vous avez su trouver entre la prise en compte de la question de la dette, la baisse de la dépense publique, la prise en considération des ménages les moins aisés par la baisse de la fiscalité et le soutien appuyé au développement des entreprises et à la croissance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Et vous, à droite, combien de milliards d’euros d’économies proposez-vous ?
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous dire que le projet de loi de finances pour 2015 présenté par le Gouvernement est trop optimiste. Le Premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, vous l’a déjà dit, d’ailleurs, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État. Vous n’obtiendrez ni une croissance de 1 % ni les recettes fiscales que vous espérez, ce que je regrette d'ailleurs.
Le FMI prévoit en effet une croissance de 0,7 % pour 2015, ce qui signifie une diminution de 4 milliards d’euros, au moins, de recettes pour l’État. Je ne parle même pas des 3,5 milliards d’euros de réductions d’impôts, sans économies correspondantes, que vous avez décidées pour les faibles revenus !
Je vous rappelle que vous aviez prévu, en novembre 2013, dans le projet de loi de finances pour 2014, un déficit de 3,6 % ; il sera en réalité cette année de 4,4 %, si ce n’est plus. Avec des économies totalement hypothétiques, le déficit pour 2015 sera certainement plus élevé que prévu. Vous prévoyez aujourd’hui qu’il se monte à 4,3 % l’année prochaine. Nous ne sommes qu’en novembre 2014 : il pourrait donc très bien se situer autour de 5 % dans un an, ce qui serait catastrophique !
Je vous l’ai déjà indiqué, il serait plus judicieux de faire des hypothèses basses pour la croissance et hautes pour le déficit ; vous seriez ainsi plus près de la réalité.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la réduction de nos déficits et le retour de la croissance sont une urgence absolue. Ces deux objectifs ne sont pas incompatibles ; il faut les réaliser en même temps. De toute façon, ce n’est pas en augmentant les impôts que vous obtiendrez la croissance ; c’est au contraire en les diminuant, tout en réduisant de façon équivalente, bien sûr, les dépenses de fonctionnement. C’est d’ailleurs ce que demande la Cour des comptes, que vous ne voulez pourtant pas écouter. Au lieu de cela, en effet, vous continuez à augmenter les dépenses, en embauchant 60 000 fonctionnaires de plus.
Vous prévoyez un effort d’une ampleur inédite, selon vous, de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Toutefois, la seule économie réelle passera par la réduction de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales ; vous semblez oublier que vous leur avez imposé une dépense importante supplémentaire avec la réforme des rythmes scolaires, dont elles ne voulaient pas, d’ailleurs. Tout cela les mettra en grande difficulté.
Les 9,6 milliards d’euros d’économies sur la protection sociale pour 2015 sont des réductions espérées de dépenses. Elles concerneront surtout les hôpitaux et passeront par l’optimisation de la dépense hospitalière, avec notamment le développement de la chirurgie ambulatoire et une action sur le prix des médicaments, qui sont pourtant loin d’être encore réalisés. Quant à la réduction des dépenses de l’État, d’un montant de sept milliards d’euros, elle n’est pas véritablement documentée.
Depuis maintenant trop longtemps, la France vit au-dessus de ses moyens. Il y a quarante et un ans que les gouvernements de gauche comme de droite n’ont pas voté un budget en équilibre, considérant que les emprunts étaient une ressource illimitée de financement ! C’est très pratique, bien sûr, mais c’est catastrophique. Ils sont tous responsables de notre situation financière dramatique. Vous n’êtes donc pas les seuls responsables, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État ; il y en a beaucoup d’autres !
Alors qu’elle était de 110 milliards d’euros en 1981, notre dette atteindra un montant supérieur à 2 000 milliards d’euros en 2015, soit près de 97 % du PIB. Où va-t-on ? Elle continuera à augmenter à raison de 70 à 90 milliards d’euros par an en raison de nos déficits successifs. Nous entrons dans un cercle infernal, qui paralysera toute notre économie. Pour 2015, la charge de la dette réduira nos recettes fiscales de 44 milliards d’euros, et peut-être de beaucoup plus si les taux d’intérêt augmentent.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous et vos prédécesseurs, de gauche comme de droite, avez passé votre temps à expliquer aux Français que, grâce à vous, tout allait s’arranger bientôt. Vous dites qu’il y a des frémissements, que la croissance va augmenter et le chômage diminuer grâce au pacte de responsabilité, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ou à d’autres mesures ronflantes, mais sans aucune efficacité – pardonnez-moi de vous le dire –, comme les emplois d’avenir et les contrats aidés, qui coûtent tout de même très cher.
La France doit faire plutôt comme le Canada, qui était dans la même situation que la nôtre il y a quinze ans, et qui s’en est sorti. Les ministres canadiens ont compris qu’il fallait totalement changer de politique financière et ont largement informé leur opinion publique des dangers qu’ils couraient, au lieu de les bercer d’illusions. La réalité est ce qu’elle est, et rien ne pourra la changer ; il faut s’y conformer.
Concernant le chômage, il faudrait que nos responsables politiques et nos syndicats comprennent que, si les entreprises ne peuvent pas licencier lorsqu’elles auront moins de travail, elles n’embaucheront pas et sous-traiteront à l’étranger. Le chômage continuera alors à augmenter en France. Les emplois à vie, qu’il faudrait d’ailleurs supprimer, n’existent que pour les fonctionnaires.
Il faudrait également que les entreprises puissent recourir à des contrats de mission, comme aux États-Unis, où les embauches ne sont soumises à aucun délai et dépendent du travail à réaliser. Sans travail, pas d’embauche ! Cette flexibilité indispensable a permis, entre autres, de sauver General Motors de la faillite, ce qui l’a autorisé par la suite à réembaucher.
La croissance, quant à elle, ne viendra pas tant que l’on n’aura pas supprimé les impôts sur les patrimoines – l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune – et baissé le taux des impôts sur le revenu et les dividendes, qui continuent à faire partir à la fois nos investisseurs et nos jeunes diplômés. Il n’y aura bientôt plus en France que des fonctionnaires, des chômeurs et des retraités.
M. Richard Yung. Et des sénateurs ! (Sourires.)
M. Serge Dassault. Ce n’est pas comme cela que l’on va développer notre économie !
Voilà, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, où nous conduit votre politique. Les personnes talentueuses et les jeunes quittent la France et la vident de son avenir ; ils désertent notre pays pendant que votre gouvernement continue d’espérer une croissance qui n’arrivera jamais, du moins s’il ne prend pas les mesures nécessaires.
Parmi ces mesures indispensables, il faudrait modifier notre fiscalité. Je vous propose, nous en avons d'ailleurs déjà parlé, de transformer l’impôt progressif en un impôt égalitaire – cela devrait vous plaire ! –, prélevé à la source, avec le même taux pour tous les revenus, comme pour la CSG – cela marche très bien ! –, et de supprimer un certain nombre de niches fiscales. Cela contribuera à considérablement augmenter les recettes de l’État. Il vaut mieux en effet que l’État prélève moins d’impôts et laisse les contribuables assumer eux-mêmes leurs dépenses.
Ce système s’appelle la flat tax ; il est utilisé en Russie, à un taux de 13 %, et dans d’autres pays. Cette opération tendra à augmenter à la fois le pouvoir d’achat – les gens auront moins d’impôts à payer – et les capacités d’investissement de tous. On arrêtera ainsi l’hémorragie des talents et des entrepreneurs ; la croissance repartira.
J’espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous ferez étudier par vos services la mise en œuvre de ce dispositif, qui a déjà fait ses preuves. Vous montrerez ainsi que, en réduisant les impôts, on peut augmenter les ressources de l’État, à condition que tous les contribuables paient.
En attendant, j’attire votre attention sur quelques augmentations d’impôt et diminutions de subventions que vous voulez appliquer. Tout en étant de faible montant, elles compromettront un certain nombre d’activités.
Vous voulez tout d’abord supprimer l’indemnité de départ à la retraite de petits artisans et de commerçants. Cela concerne 1 330 personnes, pour une économie de seulement 12 millions d’euros. Je défendrai donc un amendement tendant à rétablir cette indemnité en faveur de ces artisans qui, eux, travaillent certainement plus que 35 heures.
Vous voulez ensuite prélever 175 millions d’euros sur le fonds de roulement des agences de l’eau, au profit du budget général de l’État. Or, par cette mesure, vous faites peser un risque sanitaire pour les consommateurs, vous mettez en danger la préservation de l’environnement et vous augmentez la facture d’eau des particuliers. Je soutiendrai un amendement tendant à supprimer ce prélèvement irresponsable.
Vous voulez également baisser de 713 millions d’euros le budget des chambres de commerce et d’industrie, ou CCI. Cette mesure fragilisera grandement notre tissu économique. Je soutiendrai donc l’amendement cosigné par les membres de l’UMP visant à réduire ce prélèvement.
Vous voulez enfin affaiblir les chambres d’agriculture en prélevant 45 millions d’euros sur leur budget, alors que, parallèlement, l’État leur délègue de nouvelles missions. Je suis également cosignataire d’un amendement du groupe UMP visant à limiter ce prélèvement.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement s’attaque aux forces vives de ce pays et aux personnes modestes – j’y insiste –, et ce pour un gain minime sur les dépenses publiques. Pourtant, vous pourriez économiser un milliard d’euros d’emprunt en supprimant l’aide médicale d’État et en réservant le revenu de solidarité active, le RSA, aux Français et aux étrangers à condition qu’ils travaillent et cotisent en France. Vous mettriez fin à ce tourisme social qui exaspère tant de nos compatriotes. Vous rendriez la France particulièrement attrayante pour les étrangers, auxquels on accorde des aides sans qu’ils travaillent, aides que nous ne pouvons payer que par l’emprunt, c'est-à-dire par l’alourdissement de la dette.
Pour conclure, le projet de loi de finances que vous nous présentez me semble insincère, et je ne suis pas le seul à le penser.
Je vous rappelle que les Allemands ont voté cette année un budget à l’équilibre. Ils ont même dégagé un excédent de 16 milliards d’euros. Ces bons résultats sont le fruit de réformes courageuses menées par le gouvernement social-démocrate de M. Schröder, dont vous devriez vous inspirer.
M. Serge Dassault. La bonne politique n’est ni de gauche ni de droite ; la bonne politique, c’est celle qui marche ! Sortons des batailles idéologiques stériles qui nous mènent à la ruine. Il faut arrêter de « faire payer les riches », qui partent investir ailleurs, ce qui sape la croissance et aggrave le chômage en France.
Mettez en place avec tous les salariés une participation active qui leur permette de toucher une rétribution égale aux dividendes des actionnaires. C’est ce que j’applique moi-même dans mon entreprise, Dassault Aviation, depuis plus de vingt ans. Ce sera la fin de la lutte des classes, puisqu’il y aura une coopération avec la classe ouvrière.
De grâce, agissons ensemble pour sortir de la spirale de l’endettement avec des déficits budgétaires qui tuent notre économie. Cessez de vous faire des illusions et de croire au père Noël ; il n’existe pas. Retrouvons-nous autour une politique d’union nationale pour faire de la France un pays prospère pour tous.
J’espère que le Gouvernement suivra ces conseils, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette fin de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2015, je ne crois pas utile de rappeler une nouvelle fois le contexte économique particulièrement difficile dans lequel notre pays évolue, ni les mesures budgétaires extrêmement contraignantes que le Gouvernement a prises pour y faire face.
Le choix de l’exécutif traduit par ce projet de budget ne peut se réduire à un examen strictement comptable, en faisant mine d’oublier que la France ne doit pas seulement faire face à une croissance atone et à un chômage de masse ; elle doit aussi surmonter dix années de laxisme en matière d’endettement public et d’immobilisme en matière d’adaptation industrielle.
Aussi, à ceux qui pourraient se laisser aller à la facilité de dénoncer un « budget d’austérité »,…
M. Philippe Dallier. Les frondeurs !
M. Michel Berson. … je répondrai que le projet de loi de finances pour 2015 est, au contraire, un texte volontariste, rigoureux et courageux, propre à stimuler la croissance et à soutenir l’innovation tout en maintenant le cap de la réduction des déficits publics.
Au-delà de la consolidation du pacte de responsabilité et de solidarité, qui mobilisera 40 milliards d’euros sur quatre ans pour permettre aux entreprises de retrouver un haut niveau de compétitivité et d’embaucher, le projet de loi de finances pour 2015 donne résolument la priorité à la recherche et à l’innovation, qui sont les moteurs des investissements et des emplois de demain.
Tout d’abord, et malgré un environnement très difficile, je voudrais saluer la décision du Gouvernement de préserver et de sanctuariser le budget de la recherche, qui a progressé de 5 % depuis 2012 et qui est aujourd'hui stabilisé à 10 milliards d’euros.
Cette stabilisation est confirmée, même après le dernier coup de rabot opéré en deuxième délibération à l’Assemblée nationale pour rééquilibrer le budget général, un coup de rabot qui a frappé le budget de la recherche à hauteur d’une centaine de millions d’euros ; cela peut d’ailleurs surprendre, les crédits de la recherche étant, selon les termes du Président de la République, « sanctuarisés ».
M. Michel Berson. Le crédit d’impôt recherche, ou CIR, principale mesure fiscale en faveur de la recherche privée, est pérennisé, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Même si le dispositif peut apparaître coûteux, avec plus de 5 milliards d’euros en 2015, même s’il est perfectible, c’est, il faut le dire, un levier puissant et attractif au service de la recherche des entreprises, en particulier des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. En effet, un euro de CIR, c’est aujourd'hui un euro et demi de dépenses de recherche et développement supplémentaires.
Ainsi, sur la base des chiffres de 2011, alors que les effets de la désindustrialisation auraient dû se traduire par une dépense de recherche des entreprises de 18 milliards d’euros, les dépenses observées se sont élevées à quelque 29 milliards d’euros. Cet écart d’une dizaine de milliards d’euros a été plus de deux fois supérieur au montant du CIR de cette année-là.
Malgré les critiques formulées à l’encontre du CIR, le fait est que le dispositif bénéficie, en taux, plus aux PME et ETI indépendantes qu’aux grands groupes. Actuellement, le crédit d’impôt recherche et le dispositif « jeune entreprise innovante » financent à hauteur de 34 % les dépenses de recherche et développement des PME et les aides directes à hauteur de 12 %, soit un financement public de l’ordre de 46 %, l’un des taux les plus élevés, si ce n’est le plus élevé dans les pays industrialisés. Pour les grandes entreprises, ces taux de financement pour la même année étaient respectivement de 14 % et 8 %, soit un total de 22 %, c'est-à-dire la moitié environ du taux relatif aux PME et ETI.
Enfin, l’augmentation des dépenses de recherche et développement des entreprises s’accompagne d’une croissance du nombre de chercheurs dans ces entreprises. Ainsi, grâce notamment à l’utilisation des dispositifs d’embauche des jeunes docteurs, comme les conventions industrielles de formation par la recherche, ou CIFRE, les entreprises ont salarié près de 155 000 chercheurs en 2012.
Le projet de loi de finances pour 2015 soutient incontestablement la recherche privée. J’aurai l’occasion de revenir longuement sur la recherche publique en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Toutefois, je voudrais aussi souligner le signal fort en faveur du soutien à l’innovation que constituent la pérennisation et même l’amplification des investissements d’avenir. Ce programme est un dispositif majeur de soutien à la recherche technologique, maillon faible, nous le savons, du système français de recherche et d’innovation. Ainsi, quelque 22 milliards d’euros sont fléchés vers ces investissements.
Attribués au travers d’appels à projets, les crédits des investissements d’avenir permettent en majorité de financer des opérations de recherche et développement, des dispositifs de transferts de technologie, dans les secteurs prioritaires définis par la stratégie nationale de recherche et d’innovation, notamment les sciences et technologies de l’information et de la communication, ou STIC, la santé, les biotechnologies ou encore des opérations exemplaires du type Campus, comme celle du Plateau de Saclay.
À ce titre, l’on doit se féliciter que les investissements d’avenir, en particulier la ligne de 12 milliards d’euros de crédits ouverte au budget 2014, soient confortés par le projet de loi de finances pour 2015. C’est là une volonté forte du Gouvernement de renforcer la place de nos établissements d’enseignement supérieur et de nos laboratoires de recherche dans les technologies de pointe.
Enfin, et c’est le dernier point sur lequel je voulais insister ce soir, le projet de loi de finances pour 2015 traduit l’engagement résolu de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique, une question capitale qui engage l’avenir de notre société.
En appui au projet de loi relatif à la transition énergétique, le projet de loi de finances pour 2015 poursuit l’effort entrepris dans ce domaine depuis 2012, au travers de tout un ensemble de mesures en faveur de la croissance verte et des investissements durables.
La lutte contre le dérèglement climatique et pour la réduction de la facture énergétique de la France, par la transformation de notre modèle énergétique, offre à notre pays l’occasion de combattre le chômage en prenant appui sur la croissance verte, de valoriser de nouvelles technologies, de conquérir de nouveaux marchés dans le secteur des énergies renouvelables, du transport propre, du bâtiment durable et de l’efficacité énergétique, et, ainsi, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises.
À cette fin, il faut souligner l’élargissement du crédit d’impôt développement durable, remplacé par un crédit d’impôt pour la transition énergétique dont le taux est porté à 30 %, soit un effort de plus de 700 millions d’euros, la simplification de l’écoprêt à taux zéro, désormais ouvert aux habitations anciennes, ou encore les certificats d’économies d’énergie ou « primes énergie ».
Ces dispositions font de la France l’un des États membres de l’Union européenne les plus engagés dans la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique, au moment où se discute au niveau européen le nouveau paquet « énergie-climat ». À l’approche de la conférence de Paris de 2015 sur le climat, elles traduisent l’ambition française face à un enjeu majeur pour l’avenir ; c’est, certes, un enjeu économique, mais c’est aussi et surtout un enjeu de société.
Stimuler la croissance et l’emploi sans pour autant dégrader le solde des comptes publics, tel est l’objectif constant du Gouvernement depuis plus de deux ans. Ce budget pour 2015 traduit le choix de soutenir les dépenses d’investissement pour l’avenir.
Aussi, c’est sans aucune hésitation que j’approuve le projet de loi de finances pour 2015 présenté par le Gouvernement, un texte qui protège les intérêts de notre pays, qui préserve nos comptes publics, qui soutient la croissance de demain et qui prépare l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)