M. Philippe Marini. Nicole Bricq était sévère !
Mme Nathalie Goulet. Elle l’est manifestement restée, et pas uniquement dans son appréciation des amendements ! Mais elle est tellement compétente qu’on lui pardonne tout… (Sourires.)
Il aurait été intéressant que nous disposions alors d’une évaluation de l’ensemble des contentieux. En effet, même si certains n’étaient pas encore déclarés, nous avions tous, dans nos départements respectifs, des communes qui connaissaient déjà des difficultés de remboursement liées, sans qu’elles en soient conscientes, à ce TEG. Dès ce moment, nous aurions pu paramétrer le risque, nous évitant d’arriver, plus tard, devant l’obstacle, sans autre recours que de faire payer le contribuable.
À cet égard, permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que, lorsque j’ai pris connaissance du présent texte, je l’ai trouvé un peu déséquilibré, et même injuste, parce que n’importe quel emprunteur auprès de n’importe quelle banque peut, d’une part, saisir les tribunaux et, de l’autre, se faire indemniser si la banque prêteuse n’a pas rempli ses obligations d’information. Nous savons tous ce qui s’est passé ; je n’y reviens pas.
Une autre chose m’a mise en colère, sentiment que je ne suis décidément pas la seule à exprimer aujourd'hui dans cet hémicycle – je vous renvoie à la colère exprimée par Mme Assassi, ce matin, et par d’autres personnes, cet après-midi…
Ce qui m’a mise en colère, c’est le salaire des dirigeants. J’ai longtemps milité à la fois pour la limitation des parachutes dorés et pour un montant raisonnable des salaires des dirigeants. Or, en décembre dernier, il n’y a donc que quelques mois, les dirigeants de Dexia ont augmenté leurs rémunérations de 30 %. Je vais leur faire l’honneur de les citer à cette tribune : M. Vergnes, directeur financier, ne gagnera ainsi « que » 420 000 euros, contre 340 000 précédemment. M. Brugière, responsable des risques, et M. Johan Bohets, secrétaire général, voient, eux, leur salaire passer de 340 000 à 390 000 euros !
Je veux bien que le contribuable soit mis à contribution, mais il y a tout de même des responsables dans la maison Dexia, et un minimum de décence s’impose ! Très franchement, même si le décret du 26 juillet 2012 a limité les rémunérations à 450 000 euros, même si, compte tenu de la bronca générale qu’a suscitée cette annonce, les dirigeants de Dexia ont quelque peu diminué leurs prétentions, je trouve cela tout à fait choquant dans la situation présente.
Reste un léger problème : celui de l’effet d’aubaine qui pourrait résulter du texte, dans la mesure où la validation rétroactive risque également de concerner les contrats d’emprunts toxiques qu’ont fait souscrire d’autres banques privées, y compris étrangères.
Monsieur le secrétaire d'État, je comprends l’esprit du projet de loi. Je comprends la nécessité d’agir. Je comprends que nous sommes dans la seringue et qu’il faut en sortir. Cela dit, je ne suis absolument pas convaincue par votre texte. Certains membres du groupe auquel j’appartiens le voteront, d’autres pas. Pour ma part, je fais partie de ceux qui ne le voteront pas ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons déjà dit, lors de la première lecture, notre désaccord sur le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.
En fait de sécurisation, nous sommes, en effet, face à un projet de loi de validation législative mettant en cause, dans le plus parfait mépris du principe de séparation des pouvoirs, les décisions jurisprudentielles prises par certains tribunaux à l’occasion de contentieux opposants des collectivités locales aux établissements bancaires auprès desquels elles avaient souscrit une partie de leur dette.
Ce projet de loi n’a donc qu’un rapport extrêmement lointain avec l’intérêt général, même s’il présente, à l’étape où nous sommes, un intérêt pour le budget de l’État. Il a, en fait, beaucoup à voir avec la défense des intérêts de Dexia, cet établissement bancaire désormais en déclin, au détriment de ceux des collectivités locales.
Dexia est un désastre bancaire majeur du XXIe siècle : illustration de la folie financière de la période, c’est le produit de la privatisation d’un établissement financier qui, peu à peu dégagé de la tutelle publique, a fini par prendre des risques inconsidérés qui l’ont conduit à la quasi-cessation de paiement et, désormais, au démantèlement.
Les risques, faut-il le rappeler, ont été généreusement répartis entre les collectivités locales souscrivant les emprunts adossés aux ressources que l’établissement levait sur les marchés financiers, jouant des parités de devises pour –apparemment – se refinancer au moindre coût.
Rappelons que c’est un gouvernement de droite qui a fait de la CAECL, la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, établissement public à caractère administratif, une société anonyme ; c’est également un gouvernement de droite qui a procédé à la privatisation du Crédit local de France, par la fusion avec le Crédit communal de Belgique et la création de Dexia, en 1996. Selon les estimations, de 10 milliards à 17 milliards d’euros de créances douteuses figureraient à l’actif de Dexia et des autres banques concernées, montant que les collectivités locales seraient appelées à prendre en charge avec leurs petites économies…
Il est possible que l’intérêt général consiste, de fait, à imputer aux collectivités locales une charge de garantie des engagements de l’État qui aurait dû incomber à ce dernier, mais force est de constater que cela ne fait pas les affaires de celles d’entre elles que les emprunts toxiques ont le plus mises en difficulté.
Vous connaissez probablement la situation de communes comme Saint-Cast-le-Guildo, dans les Côtes-d’Armor – j’ai volontairement évité de prendre un exemple dans mon département –, où la nouvelle équipe municipale n’a pu que reprendre le combat mené par la précédente, ou comme Trégastel, où le maire sortant a renoncé à son mandat après avoir vu six années passées aux responsabilités polluées par le dossier des emprunts toxiques…
On mesure donc l’importance de notre vote d’aujourd’hui, d’autant que la jurisprudence continue de se renforcer en faveur des collectivités.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Après la Seine-Saint-Denis et Saint-Maur-des-Fossés, dont les cas avaient motivé l’élaboration des deux premiers articles du présent projet de loi, après Lille Métropole, qui a eu gain de cause pour un motif non prévu par celui-ci – le défaut de conseil –, la ville d’Angoulême a obtenu à son tour, au début du mois, un jugement favorable, sanctionnant là encore l’absence de taux effectif global. Cette décision de justice, qui coûte pas moins de 3,4 millions d’euros à Dexia, évite au contribuable local de devoir acquitter la même somme.
Dans les faits, l’adoption du texte dont nous débattons frapperait de caducité des procédures juridiques entamées par les collectivités locales, mais le problème de nos collectivités endettées ne se trouverait aucunement réglé.
Le fonds de soutien, manifestement insuffisamment alimenté, ne couvrira pas tout. Y recourir s’accompagnera d’une déchéance des procédures juridiques, ce qui pose un problème que je serais presque tentée de qualifier de déontologique.
La renégociation des emprunts semble toujours aussi délicate. Les indemnités de remboursement anticipé sont lourdes. On met régulièrement en avant les obligations liées à ces prêts réalisés par Dexia en recourant aux marchés financiers : pourquoi la SFIL ne pourrait-elle pas se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, dont le taux directeur s'établit actuellement à 0,15 % ? Les conditions permettant une telle opération sont d’autant plus complètement réunies que l’apurement des contentieux avec Dexia concerne trois pays de l'Union européenne, à proportion de l’encours des emprunts contractés dans chacun d’entre eux. Cela constitue, de notre point de vue, la solution à privilégier devant cette situation désastreuse dans laquelle une certaine ingénierie financière a pu entraîner nos collectivités locales, mais aussi certains établissements hospitaliers. Le bon vieux principe libéral de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits ne peut décemment s’appliquer une fois encore, d’autant que d’autres voies existent.
Le moment venu, nous nous attacherons à rappeler la nécessité de renforcer les moyens du fonds de soutien. Celui-ci, créé par une loi de finances rectificative pour 2012, ne peut aujourd’hui être pleinement utilisé pour répondre aux besoins. Nous avions d’ailleurs formulé cette proposition lors de la première lecture, au travers d’un amendement. Pour le reste, nous demeurons opposés à ce projet de loi, qui remet en cause l’indépendance et la qualité des décisions du pouvoir judiciaire et qui consacre l’imputation aux budgets des collectivités locales d’une nouvelle charge financière.
Si ce texte n’est pas censuré demain par le Conseil Constitutionnel, la politique d’investissement des collectivités concernées demeurera réduite, avec tout ce que cela implique pour l’activité économique, et donc l’emploi, ou en matière d’évolution de la fiscalité locale. Compte tenu des orientations budgétaires pour les trois années à venir, c’est le fonctionnement des services publics à la population qui sera affecté, avec les conséquences que cela suppose pour les usagers.
Je le rappelle, 28 milliards d’euros vont être confisqués aux collectivités territoriales pour mieux financer les cadeaux fiscaux et sociaux accordés aux entreprises sans contrepartie ; voilà que plusieurs milliards d’euros d’intérêts indus vont venir alourdir encore la facture… Nous ne voterons pas ce projet de loi.
(Mme Christiane Demontès remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Christiane Demontès
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’adoption d’un amendement rédactionnel par l’Assemblée nationale, nous voici contraints d’examiner une seconde fois ce projet de loi qui n’enthousiasme personne, et pour cause !
En effet, nous nous trouvons devant une impasse et il n’existe aucune échappatoire satisfaisante : si nous adoptons ce texte, qui procède à une validation législative, nous priverons un grand nombre de collectivités locales, et peut-être d’autres acteurs publics, d’un moyen de recours devant le juge ; si nous ne l’adoptons pas, nous ferons peser sur l’État un risque évalué par le M. le secrétaire d’État et par M. le rapporteur à 17 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souligné que, même si ce montant devait être divisé par deux, l’impact sur les finances publiques n’en resterait pas moins considérable et précisé que 9 milliards d’euros devraient être mobilisés dès la fin de cette année en raison du provisionnement qu’imposent les règles comptables face au risque de contentieux.
Si un tel risque pour les finances publiques se réalisait, il ne pourrait qu’être répercuté, au moins en partie, sur le contribuable, via des hausses de prélèvements.
Cependant, je tiens à rappeler que le paiement par les collectivités locales des indemnités de remboursement anticipé pour se « libérer » des emprunts dits « toxiques » représente lui aussi un coût pour le contribuable. L’opposition entre contribuable local et contribuable national est assez factice, nos concitoyens le savent bien !
On l’a dit, le problème des emprunts structurés est complexe et les responsabilités sont largement partagées. Je commencerai par rappeler celles du secteur bancaire, qui ne font aucun doute : certains établissements financiers n’ont eu, en effet, aucun scrupule à faire souscrire à des acteurs publics des contrats de prêt totalement farfelus, dont ils ne maîtrisaient pas les tenants et les aboutissants. Pensons à ceux qui étaient indexés sur le cours de change entre l’euro et le franc suisse : les taux d’intérêt sont passés de 2 % ou 3 % à beaucoup plus. Par exemple, le taux d’intérêt est passé de 2 % à 33 % pour une collectivité, de 3,2 % à 34 % pour une autre, et même de 3,5 % à 37 % pour un syndicat ! Les hausses sont donc considérables.
Or, aucune sanction n’a été prise à l’égard des dirigeants ou des responsables de ces établissements ; certains ont même quitté leurs fonctions avec de très belles primes, avant de rejoindre la haute fonction publique ou le secteur privé…
Il est regrettable que les banques responsables du chaos financier provoqué par les emprunts toxiques en sortent presque indemnes. Certes, vous leur demandez de contribuer au fonds de soutien – doté de 100 millions d’euros sur quinze ans – que vous avez mis en place, au travers d’un relèvement de la taxe systémique, pour venir en aide aux collectivités ayant souscrit de tels emprunts. Cette contribution est cependant elle aussi problématique, puisqu’elle concerne tous les établissements bancaires, alors que seuls certains d’entre eux ont proposé des prêts structurés au secteur public.
Par ailleurs, les responsabilités de certaines collectivités territoriales de grande taille ayant massivement souscrit ce type de prêts sans pouvoir en ignorer totalement les risques sont elles aussi évidentes. C’est pourquoi, comme une grande partie des membres de mon groupe, j’ai toujours été extrêmement réservé quant à la création de ce fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques. Cela pourrait en effet s’apparenter à une prime aux mauvais gestionnaires : les conséquences des erreurs de certains seraient prises en charge par tous, au titre de la solidarité nationale. Avec ce type de dispositif, nous sommes bien en présence d’un aléa moral.
Il n’est pas impossible que certains exécutifs de grandes collectivités, conseillés par des directeurs généraux des services ou des directeurs financiers se voulant imaginatifs et novateurs, aient cru bon de souscrire des contrats de ce type dans l’espoir d’en tirer rapidement des bénéfices grâce aux fameux taux bonifiés s'appliquant les premières années, sans avoir peut-être mesuré les conséquences dévastatrices de l’application des « taux volatiles » les années suivantes… Ce recours assumé à de véritables « bombes à retardement » budgétaires n’est pas à la hauteur des responsabilités que les électeurs ont confiées aux élus concernés.
Pour autant, toutes les collectivités locales ayant souscrit des emprunts toxiques ne sont peut-être pas à mettre dans le même sac. De nombreuses petites communes, qui ne disposaient pas des moyens ni de l’expertise nécessaires, ont pu facilement être trompées par des banques qui, comme Dexia, avaient pignon sur rue.
Enfin, ma collègue Anne-Marie Escoffier a souligné, en première lecture, les risques constitutionnels qui peuvent peser sur ce projet de loi. Les premières mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2014 avaient en effet été censurées par le Conseil Constitutionnel, au motif que la validation législative revêtait « une portée très large », ce qui portait « une atteinte injustifiée aux droits des personnes morales ayant souscrit un emprunt ».
Le Gouvernement nous assure que le champ du dispositif a été restreint afin de tenir compte des réserves formulées par les gardiens de notre Constitution. Nous ne sommes pas complètement convaincus…
En raison de ces incertitudes, une large majorité des membres de mon groupe ne seront pas en mesure d’approuver un tel texte et s’abstiendront donc, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de l’examen de ce projet de loi, nous poursuivons notre tâche, ingrate mais nécessaire, consistant à solder quinze ans d’erreurs et de dérives dans le domaine du crédit au secteur public local. D’autres étapes suivront ; j’y reviendrai dans un instant.
Beaucoup de choses ont été dites ces derniers jours sur le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, et je voudrais revenir sur plusieurs points afin de clarifier notre débat et de dissiper les malentendus.
Non, ce projet de loi n’a strictement rien à voir avec la baisse des dotations aux collectivités locales, prévue afin d’associer celles-ci au nécessaire effort de redressement des comptes publics. Ne mélangeons pas tout : le sujet des emprunts toxiques est suffisamment complexe pour que nous fassions preuve de discernement et d’esprit de responsabilité.
Lors de l’examen du texte en première lecture, le groupe socialiste avait eu l’occasion de rappeler le constat qui faisait apparaître les origines du mal. Ce constat fut dressé en 2011 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, au travers du rapport Bartolone-Gorges sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. Les conclusions et les analyses de cette commission d’enquête, qui a entendu tous les acteurs et toutes les parties prenantes, ont fait l’unanimité. Elle a conclu à une responsabilité partagée entre les banques, bien entendu, dont la « politique commerciale agressive » a largement contribué à la diffusion des produits financiers en cause, les collectivités locales, dont certaines ont pu manquer de vigilance, et l’État, qui a tardé à sonner l’alerte.
Cibler un acteur du dossier comme l’unique responsable serait faire preuve, au mieux, d’une méconnaissance des tenants et des aboutissants du développement de la souscription d’emprunts toxiques par le secteur public local, et, au pire, d’une certaine malhonnêteté intellectuelle…
En regard de ces responsabilités enchevêtrées, il y a aujourd’hui un risque financier de 17 milliards d’euros. De ce fait, la critique selon laquelle le présent texte constituerait une loi d’amnistie pour les banques n’est pas acceptable. L’objectif est, bien au contraire, de protéger l’État et, par conséquent, les contribuables.
Pour rappel, en octobre 2011, au moment où le groupe Dexia, l’un des principaux établissements bancaires à l’origine de la commercialisation des produits structurés en cause, a rencontré les difficultés que l’on sait, l’État lui a accordé sa garantie financière. Dès cet instant, le devenir de Dexia est devenu un problème d’ordre collectif, et non plus seulement celui d’une société de droit privé.
Le Gouvernement a précisé l’importance du risque financier que l’absence d’un dispositif de validation ferait peser sur les finances publiques : il l’a estimé à 17 milliards d’euros, soit près d’un point de PIB.
Ce risque, dont une grande partie se concrétiserait dès 2014, se décompose comme suit : 10 milliards d’euros de coûts directs, du fait des pertes qui seraient alors subies par Dexia et la SFIL et qui imposeraient une recapitalisation par l’État, auxquels s’ajoutent près de 7 milliards d’euros, en raison de la mise en extinction inévitable de la SFIL. En l’état actuel de nos finances publiques, nous considérons qu’un risque évalué à un point de PIB constitue un motif impérieux d’intérêt général.
Lors de la première lecture du projet de loi au Sénat, M. le secrétaire d’État avait affirmé que « le Gouvernement [avait] tout fait pour s’assurer de la constitutionnalité du nouveau dispositif ». Je rappelle que deux rectifications ont été apportées au texte par rapport à la version censurée en 2013 par le Conseil constitutionnel : seules les personnes morales de droit public seront concernées ; seuls les emprunts dits « structurés » seront visés.
En résumé, la solution proposée nous semble être la moins mauvaise de toutes. Certes, elle est imparfaite et il est légitime que certains la discutent, mais il est aujourd’hui trop tard pour prendre un autre chemin, sauf à accepter le risque d’une perte de 17 milliards d’euros.
Par ailleurs, le dispositif de validation rétroactive ne constitue qu’un élément de la solution équilibrée mise en œuvre par le Gouvernement. Le pendant de cette loi de validation est en effet la création du fonds de soutien inscrite dans la loi de finances pour 2014, à l’issue, je le rappelle, d’une concertation exemplaire menée durant plusieurs mois entre l’État, les élus locaux et les parlementaires. Ce fonds de soutien aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts « toxiques » représente un total de 1,5 milliard d’euros, réparti sur quinze ans. Il devrait faciliter, pour les collectivités concernées, la sortie des emprunts à risque. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez récemment confirmé que les premières aides seraient bien débloquées d’ici à la fin de 2014. Nous tenons au respect de ce calendrier.
Le caractère équilibré de la solution proposée tient également au fait que l’adoption du projet de loi de validation n’empêchera pas que les contentieux en cours se poursuivent sur d’autres motifs que ceux de défaut ou d’erreur de taux effectif global, comme, par exemple, ceux de défaut d’information ou de conseil.
Parallèlement, le Gouvernement a fait part, ces dernières semaines, de deux avancées qui vont également dans le bon sens. En premier lieu, alors que, initialement, le financement du fonds de soutien devait être assuré à parité par l’État et les banques, la part de ces dernières a été renforcée pour atteindre finalement les deux tiers, soit 1 milliard d’euros sur un total de 1,5 milliard d’euros. En second lieu, pour les hôpitaux, un dispositif d’aide spécifique va être mis en œuvre, pour un montant total de 100 millions d’euros, dont 25 millions seront financés par les banques.
En outre, la responsabilité, ce n’est pas seulement faire face au passé et au passif complexe qui en découle, c’est également préparer l’avenir, afin de s’assurer que nous ne nous retrouvions plus confrontés à cette problématique douloureuse. Dans cette perspective, de nombreuses mesures ont été prises depuis plus d’un an ; j’en évoquerai quelques-unes.
J’ai parlé à l’instant du fonds de soutien, dont la vocation est d’aider financièrement les collectivités locales dans leurs démarches de sortie des emprunts toxiques. L’enjeu pour l’avenir est de s’assurer, au cas par cas, que les conditions des transactions entre banques et acteurs publics locaux seront équitables. Le comité national d’orientation et de suivi, au sein duquel la commission des finances du Sénat est représentée, jouera à ce titre un rôle essentiel.
Un ensemble de mesures est également entré en vigueur, au cours de ces deux dernières années, afin de renforcer l’environnement réglementaire des relations entre banques et collectivités locales et de sécuriser au mieux leurs rapports, dans les trois directions suivantes.
D’abord, les formules d’emprunt seront désormais limitées, non pas pour brider l’autonomie des collectivités locales, mais pour s’assurer que des formules purement spéculatives telles que celles qui fondaient les contrats de prêts toxiques ne soient plus possibles à l’avenir. Le décret d’application, en cours d’examen au Conseil d’État, énumère strictement les indices et les structures auxquels les collectivités locales devront dorénavant être adossées.
Ensuite, le provisionnement des contrats complexes sera obligatoire, tandis que la communication de la stratégie d’endettement aux assemblées délibérantes sera améliorée.
Enfin, le Gouvernement remettra chaque année au Parlement un rapport faisant état du volume des emprunts structurés à risque supportés par les collectivités territoriales.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Berson. La situation de la dette publique locale et de l’accès au financement pour les collectivités est en cours de mutation. Elle est en réalité beaucoup plus enthousiasmante que ne le laisse supposer le sujet qui nous occupe. En votant ce texte, le groupe socialiste choisit la voie de la responsabilité, et il rappelle que, en soldant le passé, nous préparons également l’avenir de nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les propos qui ont été tenus par les différents intervenants témoignent une nouvelle fois de la parfaite connaissance, par le Sénat, d’un sujet qui touche de près les collectivités territoriales.
Ce qui me frappe, dans cette affaire, c’est que si les acteurs ont souvent changé, la continuité des structures doit être assurée, comme il est de règle dans notre République.
Concernant les collectivités territoriales, par exemple, tous les orateurs ont souligné que, souvent, ceux qui ont souscrit des emprunts toxiques et ceux qui doivent en assumer les conséquences aujourd’hui ne sont pas les mêmes. Ainsi, de grandes collectivités locales ont souscrit de tels emprunts alors qu’elles étaient gérées par une équipe de gauche ou issue d’une partie de la gauche et sont maintenant dirigées par une majorité de droite ou émanant d’une autre partie de la gauche, et des situations inverses existent également, ce qui montre que ce débat ne peut être abordé de façon partisane.
Il en va de même pour les banques. Même si d’autres établissements ont joué un rôle, on trouve au cœur du dossier une banque essentiellement privée, Dexia, qui a été transformée en une structure publique.
M. André Reichardt. Il n’y avait pas d’autre choix !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette transformation et l’intervention de l’État pour éviter la faillite de Dexia ont coûté, je le rappelle, 3 milliards d’euros, provenant pour partie de l’État, pour partie de la Caisse des dépôts et consignations, et les emprunts toxiques ont été logés dans une structure dont l’actionnaire principal est l’État. Quant aux autres actionnaires, la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, ils ont demandé la garantie finale de l’État.
Par conséquent, madame Beaufils, il ne s’agit pas de faire un cadeau aux banques qui se seraient engraissées – c’est certainement le cas, et ce n’est certainement pas normal ! – en « fourguant » des emprunts toxiques. En effet, nous n’avons plus affaire aux banques privées de l’époque qui ont probablement tiré profit d’opérations douteuses ; notre interlocuteur, aujourd’hui, est une structure publique détenue pour l’essentiel par l’État, les autres actionnaires bénéficiant de sa garantie.
Le même raisonnement vaut pour les gouvernements : celui qui s’est d’abord trouvé confronté à l’énorme problème de Dexia a été remplacé par un autre.
En tout état de cause, qu’il s’agisse des collectivités locales, des banques ou de l’État, la continuité des structures exige que chacun assume les responsabilités qui lui incombent, même si les risques ont été pris par d’autres.
On peut déplorer que des dirigeants fautifs aient bénéficié de « parachutes dorés » relativement importants. Le ministre des finances de l’époque avait indiqué que les contrats avaient été tellement bien rédigés qu’il n’était pas possible de ne pas les respecter.
Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants qui ont été nommés sont confrontés à des situations délicates. Pour répondre aux observations de Mme Goulet sur leurs salaires, je ferai remarquer que, ayant appris qu’ils seraient augmentés de 30 %, l’État a demandé au conseil d’administration de Dexia de procéder à une nouvelle délibération. L’augmentation a été ramenée à 13 %, ce qui permet à ces dirigeants de bénéficier du même niveau de rémunération que dans leurs fonctions précédentes. En général, lorsque de hauts fonctionnaires sont nommés à de nouveaux postes, on veille à ce qu’ils ne subissent pas une diminution de salaire.
Concernant la question pertinente, soulevée par M. Delattre, des modalités d’accès au fonds de soutien, la loi que, je l’espère, vous allez voter pose des principes : certains ratios doivent être pris en compte, tels que la dette par habitant, la capacité de remboursement rapportée au budget, etc. Le comité d’orientation et de suivi, qui est en train de se mettre en place, veillera au respect de ces principes et pourra préciser certaines choses. Le cas des petites structures et celui des hôpitaux devront, j’en conviens, être traités le plus rapidement possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les quelques observations très factuelles dont je voulais vous faire part, sans porter de jugement particulier. Si j’ose m’exprimer ainsi, ce texte nous permettra à peu près de sortir de la seringue dans laquelle nous nous trouvons. Nous devrons avoir des discussions avec la SFIL pour que cela se fasse le moins mal possible, et surtout au moment adéquat, eu égard à l’extrême volatilité de certains éléments de marché déterminant le montant des indemnités de remboursement anticipé. Il faut donc agir de façon très professionnelle dans ce domaine, et je pense que l’action du comité d’orientation et de suivi nous permettra d’aboutir aux solutions les moins douloureuses possible.