M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UDI-UC, qui compte également en son sein des membres du MODEM, souscrit à l’essentiel de la présente proposition de résolution. Ce qu’elle affirme, les membres de mon groupe et moi-même ne cessons de le dire depuis de nombreuses années. Bien sûr, nous sommes loin d’être les seuls. En réalité, tout le monde sait pertinemment que les modalités de financement de la protection sociale sont totalement obsolètes.
Ces modalités datent de l’immédiat après-guerre. Elles se justifiaient alors. À l’époque, comme l’a rappelé Gérard Longuet, la France connaissait le plein-emploi. De plus, les prestations obéissaient toutes à une logique purement assurantielle. Enfin, l’économie était fermée. Dans ces conditions, quoi de plus logique que d’asseoir le financement des branches de la sécurité sociale sur des charges sociales pesant sur les salaires ? Cela relevait du bon sens.
Le problème, c’est que, en soixante-dix ans, tout a changé ; il y a été fait allusion. Plus précisément, les trois paramètres susmentionnés se sont tous retournés. Depuis les chocs pétroliers, la situation de l’emploi ne cesse de se dégrader. Quant à l’inversion de la courbe du chômage, vous connaissez les chiffres ; ce n’est pas la peine d’y revenir. En outre, certaines branches de la sécurité sociale n’obéissent plus du tout à une logique assurantielle. Tel est le cas de la branche santé et de la branche famille, dont les prestations sont totalement universelles. Enfin – faut-il le rappeler ? –, l’économie est maintenant ouverte, et plus qu’ouverte.
Il est vrai qu’on ne peut pas dire non plus que le système de financement de la protection sociale n’a pas du tout évolué en soixante-dix ans. Il s’est heureusement fiscalisé : la part de la fiscalité n’a cessé de progresser. Cependant, cette fiscalisation est récente : elle date des années quatre-vingt-dix, avec la mise en place de la CSG et des allégements de charges.
Comme l’a souligné Gérard Longuet, la part des cotisations sociales dans les ressources de la protection sociale représente toujours plus de 60 % du total. La part des impôts et taxes affectés, dont la CSG, et des contributions publiques de l’État et des collectivités représente à peu près 35 % du total. À cela s’ajoute un reliquat d’autres ressources telles que les produits financiers et les subventions diverses. Les cotisations sociales conservent donc un poids prépondérant, ce qui emporte des conséquences néfastes très bien exposées dans la proposition de résolution.
Le financement actuel de la protection sociale n’est plus adapté sur le plan économique ni sur le plan des principes.
Sur le plan économique, il est clair que le financement de la protection sociale pèse trop lourdement sur la production en général et sur le facteur travail en particulier. Comme cela a déjà été dit plusieurs fois, ici mais aussi lors des dernières campagnes électorales, cette situation obère la compétitivité de nos entreprises puisque les charges sociales sont mécaniquement incorporées au prix des biens et services. Cela favorise évidemment l’importation. Toute l’activité s’en ressent. Cela déprime l’emploi et favorise les délocalisations, comme l’a très bien démontré notre collègue Jean Arthuis dans plusieurs de ses rapports, qui constituent des références en la matière.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Yves Pozzo di Borgo. Les charges sociales pèsent sur l’emploi d’une autre manière : elles favorisent le remplacement du travail par le capital. Elles introduisent donc un biais dans le mix des facteurs de production.
Il faut également mentionner un troisième impact négatif des charges sociales sur l’emploi, dont ne fait pas état la proposition de résolution : elles gonflent ce qu’on appelle le coin fiscalo-social. Pour le dire plus simplement, plus il y a de charges sur le travail, moins il y a d’incitation à reprendre un emploi. C’est un phénomène bien connu dont nous ne parvenons pas à sortir.
Comme l’a encore rappelé mardi dernier le rapport annuel sur l’évolution de la fiscalité dans l’Union européenne publié par la Commission européenne, ces phénomènes sont, hélas ! particulièrement lourds en France. Selon ce rapport, la France se classe dans le trio de tête des pays européens ayant la plus forte fiscalité globale. Cette situation est des plus inquiétantes.
Sur le sujet qui nous occupe, la situation devient même vraiment alarmante, puisqu’il apparaît que la France taxe relativement peu la consommation, mais beaucoup le travail et le capital. La part des contributions sociales est la plus importante de l’Union européenne, puisqu’elle atteint 17 % du PIB, et la contribution des employeurs représente plus des deux tiers des cotisations sociales, ce qui est là aussi un record.
Ce sont des performances dont notre pays se passerait bien, surtout lorsqu’on se souvient que la distinction entre cotisations patronales et cotisations salariales est purement cosmétique. À la fin, ce sont toujours le consommateur, le salarié et le contribuable qui paient.
Enfin, il existe une dernière raison économique, que ne mentionne pas la proposition de résolution, de réduire la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale : ce mode de financement met les comptes sociaux à la merci du moindre retournement de conjoncture. Le mode actuel de financement de la protection sociale contribue à alimenter la boule de neige des déficits publics, dont on connaît l’impact potentiellement dévastateur sur la croissance.
Comme je l’ai indiqué, le financement actuel de la protection sociale est obsolète non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan des principes, pour des raisons de cohérence du système de prélèvements obligatoires.
L’indemnisation chômage et les branches retraite et accidents du travail et maladies professionnelles, ou AT-MP, sont intrinsèquement liées à l’entreprise. Ce sont des assurances collectives obligatoires prises par les salariés. Elles sont qualifiées de dépenses « contributives » dans la proposition de résolution. Elles doivent en toute logique continuer d’être financées par l’entreprise, et même plus particulièrement par le travail.
A contrario, l’universalisation des branches santé et famille a coupé ces dernières de tout lien direct avec le monde du travail. La santé et la famille sont non pas des assurances prises par les travailleurs, mais des prestations servies à tous, indépendamment du statut professionnel. Ce sont des dépenses « non contributives ». Pourtant, elles continuent d’être principalement financées par les cotisations sociales. C’est cela qui ne va plus. Les dépenses de solidarité nationale doivent en toute cohérence être financées par l’impôt. Quel impôt ? Autrement dit, quelle assiette ? C’est là que le bât blesse ; c’est à cette interrogation que se heurte la réforme.
Pour y répondre, la proposition de résolution ouvre trois pistes : celle du chiffre d’affaires, celle de la consommation et celle du revenu des ménages. Prenons-les une par une.
Comme vous le savez, pour notre part, nous sommes favorables à une logique de taxation de la consommation. C’est la fameuse TVA sociale, défendue de façon presque théologique par notre collègue Jean Arthuis.
Cette TVA sociale a deux avantages : elle porte sur la consommation, qui est encore relativement peu taxée en France, et elle revient à taxer les importations, c’est-à-dire à faire participer les importations au financement de notre protection sociale, ce qui est juste même si cela ne couvre pas tout.
Pour autant, nous ne sommes pas fermés à d’autres pistes. Nous reconnaissons l’intérêt de celle du chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, qui est l’un des chevaux de bataille de notre éminent collègue Serge Dassault, l’auteur de la proposition de résolution. Cette mesure pourrait en pratique conduire à une redistribution de la charge du financement de la protection sociale au bénéfice des activités et des groupes les plus intensifs en main-d’œuvre – ce serait peut-être une bonne chose, car cela pourrait accroître le recours à de la main-d’œuvre –, mais au détriment de secteurs entiers qui, par nature, en emploient peu.
Je souhaite, même si la proposition de résolution n’est pas adoptée, que cette idée fasse l’objet d’une analyse, d’un inventaire, d’une évaluation, afin que le Parlement puisse se prononcer sur le sujet. À ma connaissance, nous ne disposons pas encore de tels éléments. J’ai pu constater, lorsque je travaillais au cabinet du ministre de l’économie et des finances, que, malgré ses capacités intellectuelles énormes, Bercy était souvent fermé, pour ne pas dire aveugle s'agissant des conséquences des décisions envisagées. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez des services que nous n’avons pas. Je pense que vous devriez faire étudier la mesure proposée par Serge Dassault. Votre ministère compte suffisamment de compétences pour cela !
La troisième piste, celle du revenu des ménages, ne nous semble pas la bonne. L’impôt sur le revenu est extrêmement concentré sur un trop petit nombre de ménages et il a vraiment atteint ses limites ; je vous l’assure, monsieur Dassault.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous rappelle que, à Paris, 80 % des ménages disposent de moins de 2 800 euros par mois. Je ne sais pas si vous imaginez ce que cela représente. On ne peut donc pas accroître encore les charges qui pèsent sur les classes moyennes.
Il existe une quatrième piste, qui n’est pas évoquée dans la proposition de résolution : c’est la flat tax. Il s'agit d’une taxe à taux faible, mais touchant l’assiette la plus large possible ; il faut inventer un système. En France, ce qui s’en approche le plus, c’est la CSG.
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Yves Pozzo di Borgo. La présente proposition de résolution a donc le mérite de tenter d’ouvrir le débat et de le faire sur le fondement d’une analyse saine. C’est la raison pour laquelle nous la voterons. Cependant, au-delà de cette résolution, nous demandons au Gouvernement de prendre réellement le problème à bras-le-corps.
Serge Dassault est l’un des doyens du Sénat, mais c’est peut-être lui le plus imaginatif et le plus moderne dans ses réflexions. Nous avons toutefois besoin d’éléments d’information. Le Sénat n’est pas suffisamment compétent, car il n’a pas assez de moyens pour analyser toutes les mesures envisageables.
La réforme structurelle n’a que trop tardé. Elle ne peut être repoussée indéfiniment. Nous désespérons de voir venir un jour le choc de compétitivité que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution que nous présente aujourd’hui le groupe UMP porte sur un sujet lourd, celui du financement de la protection sociale et de ses effets économiques.
Ce débat n’est évidemment pas nouveau dans notre pays. Il a cependant pris une actualité nouvelle – cela a été rappelé – avec le rapport Gallois de novembre 2012 et la mise en œuvre de ses conclusions, au travers notamment du pacte de responsabilité et de solidarité – j’y reviendrai –, qui trouvera une première application dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui viennent d’être soumis au Parlement.
À l’issue de la présentation de la proposition de résolution et des interventions des différents orateurs, je souhaite développer trois points.
Tout d’abord, la proposition de résolution invite à réfléchir – mes prédécesseurs à cette tribune s’y sont essayés – au caractère contributif ou non contributif des cotisations et des prestations sociales.
La proposition de résolution repose sur une distinction forte entre les régimes qualifiés de « contributifs » – assurance vieillesse, assurance chômage et AT-MP – et les régimes qualifiés de « non contributifs » – maladie et famille. Tout le monde s’accorde sur le caractère contributif des cotisations et des prestations sociales de la branche AT-MP, dont le financement exclusif par les employeurs garde tout son sens aujourd’hui.
L’assurance retraite est, quant à elle, essentiellement contributive, même si ce n’est pas une règle absolue. Le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, qui est censé prendre en charge, depuis 1993, l’ensemble des dépenses de solidarité – je pense, principalement, au minimum vieillesse et au minimum contributif –, ne finance en réalité qu’une partie de ces dépenses, les autres étant encore prises en charge par les régimes d’assurance vieillesse.
On peut en revanche s’interroger davantage sur le caractère contributif des branches maladie et famille, notamment parce que les prestations versées n’auraient pas de lien avec le montant des cotisations supportées : ainsi en va-t-il des prestations maladie qui dépendent du coût des soins pris en charge. Cette règle, vraie pour les soins, n’a cependant pas une validité absolue : ainsi, certaines prestations d’assurance maladie, par exemple les prestations en espèces telles que les indemnités journalières, dépendent bien du niveau de salaire.
De même, la proposition de résolution insiste sur le fait que ces deux branches de la sécurité sociale sont « universelles ». Les prestations sont servies à l’ensemble de la population régulièrement résidente, à la différence des prestations de retraite ou d’accidents du travail, qui sont servies seulement aux anciens actifs.
Les prestations des branches « universelles » ne reposant pas principalement sur des mécanismes assurantiels classiques et étant ouvertes à tous, on pourrait considérer qu’elles n’ont pas de lien avec le monde du travail et des entreprises, mais une telle vision me semble un peu simpliste.
Tout d’abord, certaines prestations d’assurance maladie, je le disais, sont directement liées au monde du travail : c’est le cas des indemnités journalières, que j’ai déjà mentionnées, mais aussi celui des pensions d’invalidité servies aux actifs ou aux anciens actifs à titre de remplacement d’un salaire. Les personnes qui ne travaillent pas n’y ont pas droit.
Ensuite, de manière plus indirecte mais certaine, les prestations d’assurance maladie et les allocations familiales contribuent à faire de notre pays l’un de ceux où la population est en bonne santé, où l’espérance de vie est longue et où la démographie est dynamique. L’universalité du système, le haut niveau de remboursement des soins qu’il garantit – lorsque ces soins sont nécessaires – sont des facteurs clés de ce succès, et les entreprises en bénéficient également.
L’emploi des femmes est, à cet égard, un exemple significatif, puisqu’il se situe en France, malgré le niveau important du chômage actuellement, au-dessus de la moyenne de l’Union européenne. Ce résultat s’explique en partie par le fait que les prestations familiales, notamment l’importance des aides à la garde des enfants, facilitent davantage que dans d’autres pays le retour à l’emploi après la naissance, ce qui ne peut avoir qu’un effet bénéfique sur le niveau de qualification général.
Pour conclure sur ce premier point, il me semble trop simple de distinguer, comme le fait la proposition de résolution, les prestations contributives par nature de celles qui, par nature, ne le seraient pas.
Ensuite, la proposition de résolution invite, dans le débat de fond sur le poids des prélèvements pesant sur les entreprises, à des transferts de prélèvements, afin que ceux qui sont affectés aux prestations « non contributives » ne pèsent pas sur les revenus du travail.
Plusieurs solutions sont envisagées par l’auteur de la proposition de résolution pour réduire la part des prélèvements pesant sur le travail.
La première piste consiste à transférer l’équivalent des cotisations patronales, considérées comme non contributives, sur une nouvelle assiette de prélèvements, qui correspondrait au chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, l’objectif étant de réduire ainsi le poids des cotisations payées par les entreprises les plus intensives en main-d’œuvre. En pratique, les prélèvements sociaux pèseraient donc sur les autres composantes de la valeur ajoutée d’une entreprise – l’autofinancement, la rémunération du capital – et sur les consommations intermédiaires.
M. Gérard Longuet. Exact.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’est pas facile d’identifier toutes les conséquences d’un tel transfert, mais on peut concevoir que toutes ne seraient pas favorables : certes, les entreprises intensives en main-d’œuvre bénéficieraient d’une très forte diminution de l’assiette soumise à prélèvements. Au contraire, pour celles pour lesquelles la main-d’œuvre représente une plus faible part de la valeur ajoutée, et pour celles dans lesquelles les consommations intermédiaires représentent une part importante du chiffre d’affaires, ce transfert serait certainement défavorable, en tout cas à rendement global constant. Or les entreprises industrielles, notamment, sont souvent à la fois moins intensives en main-d’œuvre et fortement consommatrices de productions intermédiaires. Dès lors, même si le poids des cotisations s’allégeait pour certaines entreprises, il s’alourdirait pour d’autres, ce qui serait profondément perturbateur pour l’économie, surtout au regard des masses en jeu.
En outre, l’assiette proposée étant affectée d’une variabilité importante, et en tout état de cause supérieure à celle de la masse salariale, un tel transfert conduirait, en première analyse, à une grande variabilité d’une année sur l’autre des recettes sociales, d’un côté, et des charges des entreprises, de l’autre. Cette variabilité aurait des effets néfastes, tant pour les comptes publics que pour l’économie. Ce point a d’ailleurs été relevé par M. le sénateur Pozzo di Borgo.
La proposition de résolution invite également à transférer les prélèvements sur d’autres assiettes, notamment la consommation et les ménages, au moyen de la fiscalité. De ce point de vue, il faut rappeler que la part des cotisations sociales sur les revenus d’activité a déjà fortement reculé depuis une vingtaine d’années, ainsi que l’ont souligné un certain nombre d’orateurs – il me semble en effet que la répartition des financements s’établit à peu près à 60 % pour les cotisations sociales et à 40 % pour la fiscalité. Ainsi, les cotisations sont aujourd’hui minoritaires dans le financement de la branche maladie, du fait de l’importance de la CSG et des impôts et taxes déjà affectés. Pour la branche famille, il est vrai que les cotisations restent largement majoritaires aujourd’hui, mais, là encore, la part des impôts et de la CSG a nettement progressé.
Par ailleurs – et j’y vois une des réponses à cette proposition de résolution –, le Premier ministre a chargé en décembre 2013 le Haut Conseil du financement de la protection sociale d’étudier différentes voies permettant d’établir une meilleure logique de financement des différentes branches de la sécurité sociale, en envisageant une réduction des prélèvements qui portent sur le seul facteur travail.
En mars 2014, dans son rapport faisant suite à cette demande, le Haut Conseil a conclu que la diminution des cotisations sociales des entreprises aurait des effets potentiellement favorables sur l’emploi, au moins en apparence, mais que le transfert aurait des inconvénients qui contrebalanceraient ces avantages, et cela de manière négative, quelle que soit l’assiette choisie, qu’il s’agisse de la TVA ou de la CSG.
Taxer la consommation, si l’on exclut les taxes comportementales ou sur le tabac, reviendrait en réalité à augmenter la TVA. Chacun peut mesurer quelles seraient les conséquences d’une hausse trop importante de la TVA. S’agissant des autres impôts sur les ménages, il faut rappeler qu’ils financent déjà, et dans une proportion importante, les branches maladie et famille de la sécurité sociale : certains orateurs ont évoqué le taux de 40 %, qui est probablement inférieur à la réalité.
Pour finir, je rappellerai quelles sont les voies choisies par le Gouvernement pour réduire le coût du travail et favoriser l’emploi et l’investissement productif.
Tout d’abord, il faut rappeler que le poids des cotisations sociales n’est qu’une des données de la question de la compétitivité des entreprises françaises, comme l’a rappelé Nicole Bricq. Le rapport Gallois, à la fin de 2012, établit en effet que le poids des cotisations salariales des entreprises industrielles en France est un élément pesant sur leur compétitivité-prix. Pour autant, les difficultés des entreprises françaises en termes de compétitivité internationale ont d’autres causes, tout aussi structurelles : ainsi, l’industrie allemande est positionnée sur un segment de gamme supérieur à celui des entreprises françaises. Bien que disposant d’une épargne abondante, ces dernières rencontrent malgré tout des difficultés d’accès au crédit. Bien d’autres raisons sont également à prendre en compte.
Le poids des prélèvements n’en est pas moins un des facteurs qu’il faut analyser.
Concernant le coût du travail, le Gouvernement a pris des mesures sans précédent par leur ampleur, Nicole Bricq les a rappelées. Créé pour le soutien à l’emploi, dès l’automne 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a pour objet d’alléger de 20 milliards d’euros, en régime de croisière, l’imposition du travail. Ce pacte comprend un ensemble de mesures destinées à amplifier l’effort consenti pour soutenir l’emploi, particulièrement celui des travailleurs les moins qualifiés, qui souffrent le plus du chômage. Compte tenu de la priorité accordée à la lutte contre le chômage, les mesures les plus créatrices d’emploi, à savoir les allégements de cotisations patronales entre 1 et 1,6 SMIC, seront mises en œuvre dès 2015, ce qui représentera un manque à gagner de 4,5 milliards d’euros.
Ce soutien va aussi à l’investissement productif, qui est une des conditions de la prospérité du pays à court terme comme à long terme. Les mesures adoptées depuis 2012 constituent un ensemble cohérent mis en place progressivement afin d’inciter les entreprises à investir. D’une part, le CICE permet déjà de redonner aux entreprises des marges pour innover, investir et regagner de la compétitivité, y compris à l’exportation. D’autre part, les mesures fiscales du pacte, avec la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S, la disparition de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés et la perspective de baisse du taux normal d’impôt sur les sociétés, permettront d’amplifier cet effort et de rétablir la capacité d’investissement du secteur productif.
Enfin – et c’est important –, le Gouvernement n’a pas fait le choix de financer ces réductions par d’importantes hausses d’impôts sur la consommation et sur les ménages. Le CICE est déjà en grande partie financé – pour plus de la moitié – par des mesures d’économies exceptionnelles réalisées en 2014 et grâce auxquelles la dépense publique est aujourd’hui maîtrisée.
Le pacte de responsabilité et de solidarité s’accompagne, quant à lui, de mesures d’économies spécifiques. Dès 2015, 21 milliards d’euros d’économies sont prévus. La protection sociale y prendra sa part.
Je voudrais rappeler, en réponse aux propos de Mme Assassi, selon laquelle ce pacte ne contiendrait pas de mesures en faveur des salariés, que des réductions de cotisations sociales pour les salariés, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, sont d’ores et déjà inscrites dans le projet du Gouvernement qui vous sera prochainement soumis. De même, une réduction de 1,1 milliard d’euros de l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus perçus en 2013 sera mise en œuvre dès le mois de septembre prochain. On ne peut donc pas dire que le pacte de responsabilité et de solidarité s’adresse uniquement aux entreprises !
En conclusion, vous l’aurez compris, même s’il peut partager une partie des préoccupations des auteurs de la présente proposition de résolution, le Gouvernement propose une autre voie pour améliorer la compétitivité des entreprises, une voie plus cohérente, qui ne présente pas les mêmes inconvénients.
Je vous invite à travailler avec le Gouvernement dans le cadre des discussions qui vont s’ouvrir dans les prochaines semaines. J’imagine que la piste qui vous sera proposée, à savoir une réduction des contributions sociales et des impôts, permettra de répondre à votre préoccupation. Le chemin que le Gouvernement choisit n’est pas en adéquation parfaite – c’est bien le moins que l’on puisse dire ! – avec votre proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et de la Constitution,
Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,
Considérant que le financement du système de protection sociale français repose excessivement sur le travail, pénalisant l’emploi et la compétitivité de nos entreprises,
Considérant que les entreprises ont vocation à financer les dépenses d’assurance vieillesse, d’assurance chômage ainsi que les dépenses de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de la sécurité sociale qui ont un lien direct avec son activité et dont le caractère est essentiellement contributif,
Considérant qu’elles n’ont a contrario pas vocation à financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale dont le caractère largement universel relève de la solidarité nationale,
Plaide pour qu’au sein des dépenses de protection sociale, la différence entre dépenses assurantielles, qui doivent être financées par les entreprises, et dépenses universelles, qui relèvent de la politique sociale du gouvernement et qui doivent être financées par l’État ou par la solidarité nationale, soit mieux prise en compte,
Considère que le coût du travail trop élevé en France s’explique en grande partie par le poids des charges sociales payées par les entreprises,
Estime que la diversification des ressources de la protection sociale, entamée au début des années 1990 avec la création de la contribution sociale généralisée, est encore très largement insuffisante,
Souhaite que les pouvoirs publics étudient les différentes assiettes qui pourraient être envisagées pour financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale, notamment le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, la consommation ou bien encore les revenus des ménages.
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 201 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.