M. Jean-Claude Lenoir. Peut-être même deux conseillers UMP !
M. Jacques Mézard. Peut-être, mon cher collègue ! En tout cas, ce n’est même plus la peine d’aller voter !
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez pas soutenir que vous vous préoccupez de ces territoires dits « ruraux », qui comportent d’ailleurs des zones urbaines.
Face à cette véritable difficulté, nous avons besoin de véritables réponses. Cette réforme ne fera pas réaliser d’économies, n’assurera pas la proximité ; in fine, c’est l’assurance que ses dispositions concernant les départements ne verront pas le jour. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Mézard, sachez tout d’abord que je ne suis plus président de conseil général : j’ai démissionné, et mon successeur sera élu la semaine prochaine.
S’agissant ensuite de l’article de presse que vous avez cité, j’ai parlé des « députés » à la journaliste ; par extension, elle a dû comprendre les « parlementaires ». En effet, tous les députés auvergnats sont favorables à la fusion de l’Auvergne avec la région Rhône-Alpes, y compris M. Chassaigne. Le maire de Clermont-Ferrand, qui n’est pas parlementaire, y souscrit également.
Cela étant, la réforme territoriale que Marylise Lebranchu et moi-même préparons, à la demande de M. le Premier ministre, vise trois objectifs : plus de clarté, plus de compétitivité, plus de proximité.
La clarté, tout d’abord : l’organisation territoriale de notre pays a vieilli, elle est devenue complexe et les citoyens ne s’y retrouvent plus. C’est une exigence démocratique que d’avoir une organisation territoriale plus claire, permettant au citoyen de savoir qui fait quoi, qui finance quoi.
La compétitivité, ensuite : des régions plus grandes, disposant d’un poids démographique et économique plus élevé, seront mieux à même de jouer leur rôle dans la compétition européenne, voire mondiale. Grâce aux compétences que nous allons leur conférer, notamment le développement économique, l’aide aux entreprises, l’aide à l’innovation ou encore les transports – y compris les routes –, elles seront mieux armées pour affronter cette compétition.
La proximité, enfin : en l’occurrence, nos préoccupations se rejoignent, monsieur le sénateur. Mon département comprend également des territoires ruraux qui s’organisent depuis vingt ans autour d’intercommunalités qui grandissent, qui ont déjà grandi à la suite de la dernière loi, et qui vont encore croître. Toutefois, le seuil de 20 000 habitants envisagé sera sans doute aménagé à l’égard des territoires les plus enclavés et les moins peuplés, particulièrement les territoires de montagne.
En réalité, c’est la montée en puissance des intercommunalités qui a tout changé, et qui a remis en cause la pertinence de l’échelon départemental. Jean-Pierre Bel l’a dit : il faut supprimer les conseils généraux, à condition de ne pas les remplacer par rien.
Avec d’autres, nous réfléchissons à la mise en place d’une fédération d’intercommunalités, d’un conseil de communautés ou d’une assemblée de communautés. Cette idée date du rapport Mauroy de 2000.
M. Philippe Adnot. Incroyable !
M. René-Paul Savary. Ça fait encore un échelon !
Mme Catherine Procaccia. Encore des structures supplémentaires !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Non ! Il s’agirait simplement de regrouper les communautés de communes pour qu’elles s’organisent entre elles et fassent jouer la solidarité entre celles qui sont favorisées et celles qui le sont moins. Nous avons quatre ans pour réfléchir au remplacement des conseils généraux par ces structures de solidarité territoriale.
Mme Catherine Procaccia. Et pour renforcer le millefeuille…
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.
M. Jacques Mézard. Inutile de dire que je ne suis pas convaincu par vos explications, monsieur le secrétaire d’État !
Mme Catherine Procaccia. Nous non plus !
M. Jacques Mézard. Vous voulez davantage de simplicité, de clarté. Nous aussi ; nous l’avons toujours dit.
Dans cette enceinte même, j’ai voté contre le rétablissement de la clause de compétence générale voilà quelques mois. Aujourd’hui, vous proposez l’inverse. En termes de cohérence, c’est original !
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Même les politiques changent d’avis ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Il n’en demeure pas moins, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’avez pas répondu au fond de la question : où sera donc la proximité si les métropoles régionales sont extrêmement éloignées de certains territoires et si vous supprimez les conseils généraux ? Vous nous parlez de regroupements d’intercommunalités : je suis président d’agglomération, je connais le sujet.
J’ai proposé, ici même, au nom de mon groupe, un système pour élire les conseillers départementaux sur la base des intercommunalités. Vous vous y êtes opposé, voilà moins d’un an. Là encore, il s’agit d’une contradiction !
Nous avons besoin d’objectifs clairs et lisibles. Or, pour l’instant, tel n’est pas le cas. Je tenais à vous le dire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. François-Noël Buffet. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, 10 milliards d’euros, 12 milliards d’euros, 25 milliards d’euros : telles sont les estimations, qui varient du simple au double, des prétendues économies que devrait induire votre réforme.
Pourquoi tant d’écart ? Comment avez-vous calculé ces chiffres ? Telles sont bien les questions que se posent aujourd’hui l’ensemble des élus locaux de notre nation.
Deux réponses sont possibles.
La première, c’est que vous n’avez réalisé aucune étude d’impact. Ou alors, vous en avez effectué une et vous ne l’avez pas portée à la connaissance des parlementaires : je m’interroge dans ce cas sur les raisons qui auraient pu vous conduire à la cacher.
Si vous avez des chiffres précis, pourquoi ne pas nous les transmettre, afin que nous puissions en débattre clairement ?
La seconde, c’est que vous avez dû revoir votre copie en urgence, compte tenu des réactions, y compris au sein de votre majorité, qu’ont provoquées vos annonces, notamment la suppression des départements.
Simples propos d’opposition, me direz-vous ? Sauf que l’agence Moody’s, qui a étudié la réforme que vous avez présentée et que vous soutenez, est en train de battre en brèche toutes vos affirmations.
C’est sans surprise qu’elle confirme notre point de vue : votre projet de réforme territoriale ne saurait réduire sérieusement les coûts supportés par nos collectivités territoriales.
Pis, l’agence Moody’s constate un risque d’aggravation de la dépense locale et confirme que ce projet de réforme n’aidera pas les collectivités territoriales à atteindre leurs objectifs budgétaires. Ces mesures annoncées ne font que redistribuer les coûts vers d’autres organes décentralisés. Cette agence insiste également sur la question des salaires.
Comment les collectivités territoriales vont-elles, demain, faire face à la pression de cette réforme qui coûtera encore plus cher ?
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, comment allez-vous donner aux collectivités locales la capacité de pouvoir faire face à toutes ces augmentations que vous imposez – après avoir prélevé tellement d’argent auprès des Français ! –, sans jamais leur permettre de pouvoir continuer à investir au service de la nation, comme elles l’ont fait jusqu’à présent ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Buffet, comme je l’ai indiqué à M. Mézard, cette réforme est conçue pour assurer plus de clarté dans les compétences, plus de compétitivité pour les régions, plus de proximité avec les intercommunalités. Permettra-t-elle de réaliser des économies ? Oui, bien sûr, mais à long terme ! Dans les premiers mois, voire les premières années, certains disent – avec raison, je crois – que le transfert des personnels va coûter un peu, notamment entre les départements et les régions.
Mme Catherine Procaccia. Il va coûter beaucoup !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Mais peut-être pourrions-nous essayer, pour une fois, d’échapper au « court-termisme », à cette vision à courte vue des politiques que l’on peut mener et des réformes que l’on peut engager.
Il s’agit là d’une réforme structurelle, et Dieu sait si le groupe UMP appelle de ses vœux des réformes structurelles. Et quand on demande aux responsables de l’UMP quelle réforme ils jugent prioritaire, ils répondent toujours la réforme territoriale ! Or, précisément, nous nous engageons aujourd’hui dans une réforme structurelle qui va marquer l’organisation de la République pour trente ou cinquante ans, et dont les effets financiers se feront sentir dans cinq à dix ans.
Pour ce qui concerne les économies à attendre, je tiens à votre disposition le rapport Queyranne sur l’aide au développement économique, le rapport Malvy-Lambert sur toutes les économies que l’on peut réaliser dans la gestion territoriale, des rapports de l’OCDE, ainsi que des rapports de différents organismes d’État ou parapublics. Ils affirment tous la même chose : oui, des économies d’échelle sont possibles ; oui, la mutualisation permet aussi de faire des économies. Je vous ferai passer une note chiffrée de trois pages qui vous montrera à quel point ces économies pourront être réalisées si tout le monde se met au travail en termes d’économies de gestion, d’échelle et de mutualisation.
Quant aux chiffres que vous avancez, reprenant ceux que j’ai moi-même indiqués, je vous rappelle, monsieur le sénateur, que le budget global des collectivités locales – communes, intercommunalités, syndicats de communes, départements, régions – s’établit à 250 milliards d’euros. Si, sur dix ans, après avoir réformé l’ensemble des strates, et pas seulement fusionné les régions, on n’est pas capable d’obtenir 5 % d’économies, c’est-à-dire 12 milliards d’euros, mieux vaut changer de métier ! La politique, c’est du volontarisme, monsieur le sénateur !
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes favorables à la réforme structurelle de nos collectivités. Nous l’avons d’ailleurs soutenue ici même en 2010, et vous l’avez combattue fortement.
Quant à la clarté de votre projet, elle ne saute pas aux yeux !
Aujourd’hui, tout le monde ou presque s’accorde à dire que votre projet manque de cohérence, qu’il est segmenté et dépourvu de ligne claire.
Pour ce qui concerne la compétitivité, je vous rappelle que nous avons, en 2010, posé la question de la spécialisation des différentes collectivités locales, et que vous vous êtes opposés à cette perspective. Nous pensons effectivement qu’il faut attribuer aux collectivités des rôles spécifiques pour qu’elles soient efficaces et compétitives.
Pour ce qui concerne la proximité, nous avons mis en place le conseiller territorial, qui ancrait le conseiller régional sur un territoire déterminé et rapprochait le département de la région. Mais vous l’avez également combattu, pour ensuite vous empresser de le supprimer dès l’élection du Président de la République. Peut-être reviendrez-vous à terme sur cette décision. Ce serait une bonne chose, et nous pourrions même voter un texte qui irait dans ce sens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour le groupe UDI-UC.
M. Aymeri de Montesquiou. La réforme territoriale est une nécessité, mais votre projet, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, tel que vous l’avez présenté, inquiète le monde rural et ses élus, car la dimension urbaine leur apparaît prioritaire.
Comment avez-vous pu concevoir et décider une nouvelle organisation territoriale unilatéralement ? De plus, celle-ci ne prend pas en compte la diversité des territoires.
À peine la carte des EPCI adoptée, avec un seuil de 5 000 habitants, vous imposez ex abrupto aux intercommunalités un nouveau seuil minimal de 20 000 habitants d’ici à fin 2016 !
L’exercice de la compétence sociale des conseils généraux, dans les zones rurales, se résume souvent à des guichets, qui représentent une charge que la majorité des intercommunalités ne peut supporter. Tiendrez-vous compte, avant tout, des bassins de vie ? Quelle sera la place des services de l’État ? L’État pourrait-il reprendre une partie des compétences sociales via ses services déconcentrés ? Quel sera l’avenir des chambres consulaires, écho des préoccupations du monde rural ?
Pour l’heure, il n’est question que du découpage des régions, la question centrale des compétences étant éludée. Elle détermine pourtant les domaines et les moyens d’action.
Les territoires ruraux, qui portent en eux un grand potentiel de développement, sont aujourd’hui fragilisés. La menace de voir disparaître les solidarités entre les populations urbaines et rurales s’accentue, en contradiction avec le principe républicain fondamental d’égalité des chances.
Quels sont les objectifs précis et argumentés du Gouvernement pour les territoires ruraux, qui se sentent de plus en plus abandonnés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur de Montesquiou, j’apprécie beaucoup le ton de votre question, qui est aussi extrêmement structurée. Vous avez raison de parler du sentiment d’abandon, que nous avons souvent évoqué au cours de nos derniers débats. Vous avez aussi raison de parler à la fois de la carte des territoires et de leurs compétences. Le 18 juin prochain, André Vallini et moi-même présenterons en conseil des ministres un projet de loi relatif aux compétences, tandis que le ministre de l’intérieur présentera, comme il se doit, un projet de loi relatif à la carte des régions.
Je me contenterai de vous répondre sur quelques points, car le temps nous est compté. Vous dites qu’il sera difficile de prévoir des intercommunalités de 20 000 habitants. Je précise que c’est l’application de la clause de revoyure contenue dans la loi de 2010, et donc la continuité républicaine – elle est évidemment nécessaire –, qui nous permet de poser aujourd’hui la question d’intercommunalités plus grandes. Pour autant, la ruralité est bien évidemment prise en compte, de même que d’autres spécificités. En effet, le critère de la densité d’habitants au kilomètre carré, qui sera l’un des critères fixés au préfet pour réunir les EPCI, concernera principalement le monde rural et la montagne.
Au demeurant, la lecture d’études extrêmement bien documentées sur le sentiment d’abandon que vous évoquez montre que ce dernier est né d’une série de grandes difficultés, parmi lesquelles figure la fermeture du bureau de poste, de la perception ou de l’école et, de manière générale, de l’absence de services. Les habitants des territoires concernés ressentent ainsi une difficulté croissante d’accès aux services des entreprises publiques et de l’État.
André Vallini et moi-même ne voulons pas porter la responsabilité de ce sentiment d’abandon, même si je reconnais à l’ancienne majorité qu’il lui était difficile de garder toutes les perceptions, pour ne retenir que cet exemple. Nous devons donc repenser ensemble l’accès aux services publics.
Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison sur un point : il n’y a pas d’égalité des possibles en France. Cette égalité, que nous souhaitons rendre effective, passe incontestablement par la péréquation, comme André Vallini l’a expliqué, mais aussi par un travail en commun sur notre organisation territoriale, pour que chaque enfant de France ait accès aux possibles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Nous prolongerons ce débat, vraisemblablement à l’automne, mais sachez d’ores et déjà que je partage vos préoccupations. Nous ne sommes pas forcément d’accord sur les solutions qui ont été proposées, mais rendez-nous au moins grâce sur le fait que le débat parlementaire sera totalement ouvert, comme il l’a été la dernière fois.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.
M. Aymeri de Montesquiou. Merci, madame la ministre, du ton posé et de l’ouverture de votre réponse qui m’interdisent de la qualifier d’autoritarisme jacobin ! Nous sommes tous soucieux de l’égalité des chances. Aussi sommes-nous quelque peu surpris, et parfois scandalisés, lorsque nous constatons l’attribution de dotations de l’État à des zones urbaines particulièrement denses, tandis que les zones rurales sont oubliées.
La solution pour parvenir à cette égalité des chances, c’est le numérique, en faveur duquel un effort particulier doit être accompli. Et pour éviter toute querelle partisane, je vous propose, madame la ministre, qu’un cabinet indépendant établisse un audit, afin de déterminer ce qu’il est souhaitable de faire. Après quoi, droite, gauche et centre se réuniront pour trouver ensemble ce qu’il est possible de réaliser.
Sur un sujet d’une telle importance pour notre pays, l’affrontement politique n’est pas de mise.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour le groupe socialiste.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme territoriale engagée est un chantier décisif pour l’avenir de notre pays et de nos territoires.
Depuis des années, la réorganisation et la simplification du maillage territorial français apparaissent tout à fait nécessaires, sur les travées tant de la droite que de la gauche, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
À l’heure de la réforme, j’observe que, tout d’un coup, les velléités se manifestent beaucoup moins… Pourtant, permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, qu’un large consensus s’était dégagé dans cette enceinte même, au moment du vote du rapport de MM. Raffarin et Krattinger en 2013, lequel préconisait déjà cette simplification administrative.
La fusion des régions proposée permettra non seulement d’accroître leur puissance, notamment économique, mais aussi de promouvoir l’emploi et la cohésion territoriale.
Tous les gouvernements précédents ont évoqué la nécessité d’une telle réforme, mais c’est l’actuel Président de la République et ce gouvernement qui ont le courage de s’y attaquer. La réforme est certes difficile, mais nécessaire ; nous le savons tous.
Parce que nous voulons que cette réforme soit une réforme de structure qui modifie le paysage territorial français et qu’elle marque une étape décisive pour nos territoires, nous voulons aussi vous faire part, madame la ministre, des inquiétudes que nous constatons chaque semaine dans nos départements.
Depuis les annonces du Président de la République, relayées ensuite par le Premier ministre et le Gouvernement, les interrogations des élus locaux – ce que nous sommes – se multiplient, particulièrement dans les territoires ruraux.
Ces territoires, vous le savez mieux que personne, souffrent depuis un moment d’un sentiment de relégation et ont été singulièrement touchés par la crise actuelle. Il faut donc faire spécialement attention à ne pas accentuer ce sentiment d’abandon dont parlait Aymeri de Montesquiou voilà quelques instants en donnant l’impression que l’on éloigne encore un peu plus ces territoires des centres de décision.
Nous connaissons l’attachement du Gouvernement à la préservation et au développement de la ruralité, mais il doit se traduire, dans les deux projets de loi qui vont être soumis au Parlement, par des actes et des mesures.
Dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques, les attentes sont fortes.
Au Pays basque, un territoire identitaire, cette réforme pourrait ouvrir des perspectives intéressantes, grâce à une approche territoriale de solidarité du rural par l’urbain, ce dont je vous remercie, madame la ministre. En Béarn, il en va de même pour les zones de montagne. De nombreux autres territoires sont également concernés.
Dans sa tribune publiée le 3 juin dernier dans la presse régionale, le Président de la République a très légitimement affirmé que « des adaptations seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés ». Il s’agit d’une nécessité absolue. Pour ces zones qui font déjà face à de nombreux risques de disparition de services publics de proximité, notamment à des menaces de fermeture de centres postaux ou de gendarmeries, il est important que le Gouvernement précise ses intentions. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Madame Espagnac, sur place, avec vous, nous avons pu constater que ce sentiment d’abandon n’était pas pure invention et qu’existait une vraie demande d’accès aux services publics.
La première chose qu’il faut répéter dans cet hémicycle, c’est que l’action publique, le service public est au cœur de cette réforme et de l’ensemble de la politique du Gouvernement. Nous y tenons.
J’entends dire que la réforme est difficile ; l’opposition a des mots un peu durs.
M. Jean-Claude Lenoir. En toute bonne foi !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je lui rappelle que le service public au cœur de la République a été mis en danger à d’autres moments… Il faut donc que nous abordions cette question de l’action publique avec sérénité et apaisement.
Est-il possible, dans les territoires que vous évoquez, de s’appuyer sur une intercommunalité suffisamment puissante pour tenir compte de leur histoire, de leur langue, de leur culture ? Sans doute. Est-il possible d’allier cette reconnaissance d’un passé qui rend plus fort avec des volontés de développement, d’ouverture au monde et aux autres ? Sans aucun doute. Je pense que nous aurons un débat intéressant sur ce point.
Outre les mesures qui ont déjà été proposées et que nous allons encore renforcer, il est indispensable que nos départements ruraux disposent de maisons de services publics. Nous devons être capables de regrouper les services pour permettre au citoyen de savoir où, quand et avec quels moyens il peut se tourner vers quelqu’un ayant l’obligation de répondre à toutes ses questions concernant l’action publique, qui est une.
Exercée au nom de l’État par les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation, l’action publique doit rester une, même si, je vous l’accorde, en fondant cette appréciation sur des critères philosophiques et sociologiques, il ne faut jamais rayer l’histoire.
Enfin, dans les zones telles que la vôtre, madame le sénateur, j’ai constaté avec intérêt l’extrême acharnement des élus à défendre le droit de chaque enfant de leur territoire à avoir accès à tous les services publics. Au cours du débat, c’est précisément à ces questions qu’André Vallini et moi-même nous engageons à répondre.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.
Mme Frédérique Espagnac. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Nous comprenons parfaitement la nécessité de cette réorganisation politique et administrative de la France. Elle se justifie sur le plan tant démocratique – l’architecture actuelle est mal comprise par les citoyens –, économique – les acteurs attendent une organisation simplifiée pour faciliter la production et les déplacements – que financier pour permettre une meilleure maîtrise des dépenses publiques.
L’ensemble du groupe socialiste veut s’engager dans cette grande réforme non seulement avec détermination, mais également avec franchise, pour que le travail du Sénat, représentant des collectivités locales, soit constructif et permette à cette réforme de produire des effets bénéfiques dans toutes les zones de notre territoire, surtout, peut-être, dans les plus reculées, les plus fragiles d’entre elles.
Nous pensons en effet que ce profond changement doit être l’occasion de repenser l’approche des services publics dans les territoires ruraux. La mutualisation et la modernisation des compétences doivent être engagées.
Il est temps, pour l’avenir de ces territoires ruraux, qui sont une chance pour notre pays, d’intensifier l’itinérance des services, de densifier les réseaux existants, notamment en matière de santé, d’amplifier la politique volontariste de développement et de transformation des maisons de services publics – comme vous l’avez dit, madame la ministre –, ou encore de finaliser leur couverture par le très haut débit, point très important aujourd’hui.
Ces questions doivent faire partie intégrante de notre réflexion à tous, au moment de repenser l’organisation administrative de nos institutions et la répartition de leurs compétences.
Vos premiers éléments de réponse semblent aller dans le bon sens, madame la ministre,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Frédérique Espagnac. … ce dont je me réjouis, car les territoires ruraux ne doivent pas, ne peuvent pas être oubliés dans le cadre de cette réforme territoriale. Il y va de leur avenir, mais également de celui de notre pays.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Pillet. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de citer les mots exacts prononcés par le Président de la République voilà moins de cinq mois, lors de ses vœux aux Corréziens : « Les départements gardent [...] leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale. Et je ne suis donc pas favorable à leur suppression pure et simple comme certains le réclament. Car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d’ailleurs générer d’économies supplémentaires, si l’on y supprimait le département ». Voilà un diagnostic qui me paraît largement partagé…
Dans ce contexte, comment comprendre le projet de réforme territoriale, dont les dispositions n’ont cessé d’être contredites par les membres de votre gouvernement et décriées par bon nombre des membres de votre majorité ?
Dans nos territoires, pour une grande majorité d’élus et pour nos concitoyens, toutes sensibilités confondues, cette réforme semble relever de l’opportunisme politique plutôt que de la satisfaction de l’intérêt général.
Il est question de reporter les élections départementales et régionales, après avoir modifié le mode de scrutin départemental pour influer a priori sur son résultat. Comment voulez-vous que nos concitoyens n’analysent pas cette volonté comme la traduction de la peur manifeste d’un énième revers annoncé pour votre majorité ?
Vous affirmez que ce projet de réforme territoriale vise à réduire le millefeuille administratif ; mais il n’en sera rien dans les faits, puisque les mesures prévues se limitent, à notre connaissance, à supprimer la clause générale de compétence, fraîchement rétablie, alors que vous l’aviez massivement combattue en 2010.
Pour illustrer la transformation du département en coquille vide, je prendrai le seul exemple des routes anciennement nationales qui ont été départementalisées. Que vont-elles devenir ? Vont-elles être régionalisées ? Que vont surtout devenir les agents territoriaux chargés de la gestion de ces infrastructures ?
Enfin, après nous être interrogés sur la cohérence de votre proposition, la suppression du département nous conduit nécessairement à vous questionner sur l’avenir des représentants des collectivités territoriales que nous sommes et, par là même, sur celui de notre institution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)