Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lecture du rapport de Yannick Vaugrenard m’a donné l’occasion de me remémorer la fameuse réplique du film Ah ! si j’étais riche, de Michel Munz : « Finalement, quand on est riche, ça ne s’arrête jamais ? – Rassurez-vous, c’est pareil quand on est pauvre ! » (Sourires sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.) Avec ces quelques mots, on voit bien qu’enrayer le cycle de la pauvreté, comme nous y invite la délégation sénatoriale à la prospective, est un projet ambitieux qui, je veux le dire d’emblée, suppose des changements radicaux.
Ce rapport présente trois objectifs et douze préconisations. Au-delà de ces pistes pratiques pertinentes, j’insisterai sur un point qui me paraît essentiel dans le cadre de notre débat.
À mon sens, il faut repenser le travail, et la place des femmes et des hommes dans cette sphère.
Il faut redonner du sens au travail, à la production de richesses, à l’orientation et la destination des richesses produites.
Il faut nous interroger sur la société que nous voulons construire et donc sur le sens de nos priorités, sur la manière dont il convient de faire primer les besoins humains, sociaux, sanitaires et environnementaux sur d’autres, et notamment sur ceux de la finance et des plus riches.
Yannick Vaugrenard le rappelle dans son rapport : « Les personnes en situation de pauvreté sont d’abord et avant tout des victimes. » Je partage sa conviction et, de cette affirmation, je tire deux constats.
Premièrement, si les personnes en situation de pauvreté sont des victimes, nous devons nous doter des outils permettant de sanctionner les coupables. Or, force est de le constater, en la matière, beaucoup reste à faire.
Avec des millions de femmes et d’hommes, nous espérions, au groupe CRC, que l’élection de François Hollande permettrait de s’atteler à la tâche. Nous avons été profondément déçus, notamment lorsque nous avons constaté que la principale disposition destinée à lutter contre la précarité des femmes au titre du projet de loi relatif à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes se limitait à un mécanisme de garantie des pensions alimentaires. Cette mesure devait être mise en œuvre, mais elle ne saurait suffire.
Le premier facteur de précarité, le travail, le sous-travail, les salaires de misère, les modes d’organisation précarisante des salariés et singulièrement des femmes salariées ne sont jamais remis en cause. Ce sont bien les employeurs qui, en favorisant pour des raisons financières le travail à temps partiel, sont responsables de cette précarité. Mais eux ne sont jamais inquiétés !
Les amendements que nous avions déposés, visant à sanctionner financièrement les employeurs qui généralisent le précariat, ont été rejetés par la majorité du Sénat.
Madame la secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez s’y est opposé et a repoussé l’application d’une mesure partiellement protectrice pour ces mêmes femmes travaillant à temps partiel.
En réalité, le Gouvernement a fait comme s’il n’y avait pas de responsables à l’émergence d’un salariat précarisé, comme s’il n’était pas temps, dans le secteur marchand et la grande distribution notamment, de se poser, comme nous y invite ce rapport, la question de la répartition des richesses.
Ne nous y trompons pas : si la pauvreté progresse, les riches, les ultrariches sont à la fois de plus en plus riches et de plus en plus nombreux. Comment ne pas être scandalisé en découvrant que les cinq familles les plus riches de France possèdent beaucoup plus que les 30 % de ménages les plus pauvres ? La plus riche des familles françaises, celle de Liliane Bettencourt, onzième fortune mondiale selon Forbes avec 24,8 milliards d’euros, détient à elle seule deux fois plus de patrimoine que les 20 % de ménages français les plus pauvres !
Mme Annie David. Incroyable !
Mme Isabelle Pasquet. La situation est telle que même Le Figaro, à la suite d’une étude de l’INSEE consacrée aux inégalités sociales, titrait, dans un article d’octobre 2013 : « Des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres ».
Mme Annie David. Le Figaro !
Mme Isabelle Pasquet. Deuxièmement, parce que les personnes en situation de pauvreté sont des victimes, il faut prendre soin d’éviter les petites phrases, les discours culpabilisants et les métaphores assassines.
Non, celles et ceux qui tentent de survivre grâce aux mécanismes de solidarité ne sont pas des parasites et ne constituent pas un cancer de notre société. (M. Jean-Pierre Bosino acquiesce.)
Non, il ne s’agit pas de personnes irresponsables qui préféreraient profiter de notre système plutôt que de se prendre en main. J’en veux pour preuve – M. Vaugrenard a insisté sur ce point – les taux connus de non-recours des personnes éligibles à certaines prestations ou à certaines aides sociales.
Pour le seul RSA de base, le non-recours était estimé en 2011 à 50 % des publics potentiellement concernés. En matière d’assurance maladie, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, se caractérise par un taux de non-recours de 70 %. Au titre de ces seules deux prestations, ce sont plus de 6 milliards d’euros qui ne sont pas servis !
Nous ne pouvons pas ignorer ce constat. Il doit nous inviter à repenser notre politique d’accompagnement de nos concitoyens les plus pauvres. Il faut simplifier les démarches et, pourquoi pas, imaginer un interlocuteur et un dossier uniques pour toutes les demandes. Au titre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais, en qualité de rapporteur de la branche famille, émis ce vœu pour les prestations sociales.
Paradoxalement, en apparence du moins, les plus précaires sont les plus nombreux parmi les non-requérants. Malgré cette réalité factuelle, mesurable et évaluée annuellement, un sondage de l’IFOP le révélait à la fin de 2012 : huit Français sur dix estiment qu’il y a « trop d’assistanat » et que « beaucoup de gens abusent des aides sociales ».
Ce hiatus entre la réalité des dépenses sociales et la perception qu’en ont nos concitoyens doit nous alerter sur l’obligation qui nous est faite, comme responsables politiques, d’éviter les raccourcis faciles et la stigmatisation.
Pour autant, que les choses soient claires : nous ne devons pas éluder la question de la pauvreté. Elle doit être appréhendée comme un sujet multifactoriel, et faire l’objet d’une politique transversale. Cela suppose, comme le préconise notre collègue, de remettre la question des inégalités au cœur du débat. Vous ne serez pas surpris que je partage également son analyse selon laquelle nous devons nous interroger sur la répartition et la redistribution des richesses. Je le dis ici pour la seconde fois, car c’est bien là le cœur du sujet.
Enfin, pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur un aspect spécifique de cette pauvreté, qui ne peut que nous révolter, toutes et tous. En effet, le rapport de la délégation souligne, à raison, que la pauvreté est plus qu’un cycle – ce qui signifierait qu’elle est ponctuellement réversible – et apparaît de plus en plus comme héréditaire et transmissible, à l’instar, d’ailleurs, de la fortune.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Bien entendu, ce fait en dit beaucoup sur les insuffisances de notre système et sur l’échec partiel de nos politiques. Les premières victimes en sont les jeunes. Selon un rapport accablant de l’UNICEF, intitulé Mesurer la pauvreté des enfants, le taux d’enfants pauvres dans notre pays oscillerait entre 8,8 % et 10 %.
Cela est d’autant plus dramatique que tout nous conduit à penser que ces enfants n’auront pas, ou quasiment pas, l’opportunité de bénéficier d’une réelle promotion sociale leur permettant de s’extraire de la pauvreté. Les parcours de vie des plus pauvres sont en effet différents de ceux des plus riches, ou même de ceux qu’il est convenu d’appeler les classes moyennes. Bien que celles-ci soient aussi touchées par une forme de paupérisation, on assiste à un mécanisme d’exclusion sociale qui se traduit par des parcours, des cheminements, des vies parallèles qui ne se croisent que rarement.
D’où l’impérieuse nécessité de faire de la lutte contre la pauvreté infantile une priorité nationale. Cela passe par les prestations sociales et familiales, notamment celles que servent les caisses d’allocations familiales. Mais ces prestations, fort heureusement, n’ont pas toutes pour seule vocation la lutte contre la pauvreté. Elles représentent la reconnaissance de l’intérêt de la nation tout entière pour ses enfants, tous ses enfants, car, riches comme pauvres, ils sont l’avenir de notre pays.
Il faut donc imaginer autre chose : une politique complémentaire, fondée sur les besoins des enfants.
Plusieurs pistes sont possibles et aucune d’entre elles n’a réellement été évaluée. Je pense, par exemple, à la proposition formulée par l’UFAL, l’Union des familles laïques, d’une fusion des prestations familiales à travers la mise en œuvre d’une prestation universelle unique versée dès le premier enfant. Je me félicite d’ailleurs que notre rapporteur soit favorable à notre proposition de loi visant à permettre le versement de l’allocation familiale dès le premier enfant.
Je pense encore à la proposition portée par l’UNICEF d’une politique ambitieuse destinée à réduire la pauvreté. Il me semble d’ailleurs qu’il serait plus juste de parler, à l’instar de notre collègue Yannick Vaugrenard, de « situation de pauvreté ». Situation de pauvreté, car elle n’est pas insurmontable ; situation, car les mécanismes et les conséquences sont pluriels.
Nous nous trouvons dès lors face à une analogie avec la notion de « situation de handicap », ce qui conduit l’UNICEF à proposer la création d’une allocation de compensation de la pauvreté pour les enfants, à l’instar de ce qui existe par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Ces pistes, madame la secrétaire d’État, nécessitent selon nous un approfondissement sérieux, public et contradictoire qui présente, compte tenu de la situation, un véritable caractère d’urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la délégation, monsieur le rapporteur et cher Yannick, mes chers collègues, je commencerai par remercier le rapporteur pour ce travail approfondi et courageux, sur un thème que l’on souhaiterait voir relégué au passé : la pauvreté.
Les chiffres sont accablants, ainsi que le démontre le rapport, et nous ne pouvons décemment rester sans agir, de manière solidaire, auprès des enfants et des adultes concernés.
Je souhaite insister, pour ma part, sur deux angles qui rejoignent mes préoccupations constantes : la situation des femmes et des enfants.
Car, oui, la pauvreté a un sexe. Les femmes comptent parmi les plus pauvres, quel que soit leur âge. Selon l’Observatoire des inégalités, au seuil de 60 % du revenu médian, on compte 4,7 millions de femmes pour 4 millions d’hommes. Après soixante-quinze ans, on dénombre même deux fois plus de femmes pauvres que d’hommes pauvres.
Je ne vais pas détailler les caractéristiques des discriminations cumulées qui marquent la permanence de la précarité et de la pauvreté chez les femmes. Je n’en citerai que quelques-unes : leur difficile accès à l’emploi, notamment à temps plein ; les salaires inférieurs à travail égal, malgré un niveau de formation en moyenne plus élevé ; la pénibilité du travail des secteurs de l’aide à la personne, de la distribution, ou encore de l’industrie, où elles travaillent en nombre. La protection sociale étant liée au niveau de salaire, leurs indemnités maladie, maternité et retraite sont également plus faibles.
Tous ces éléments expliquent pourquoi les femmes comptent parmi les travailleurs les plus pauvres. Le chômage les frappe également plus durement et plus durablement que les hommes.
Selon une récente étude de l’Observatoire national de la politique de la ville, les femmes des zones urbaines sensibles, ou ZUS, accusent un retrait important du marché du travail depuis 2009. Ainsi en 2012, presque 42 % des femmes de vingt-cinq à soixante-quatre ans résidant en ZUS sont inactives, contre 25 % de leurs homologues des autres quartiers.
L’organisation familiale pèse beaucoup sur l’activité professionnelle et le niveau de revenu des femmes. Le taux d’activité des femmes sans enfant est presque équivalent à celui des hommes, mais il s’amenuise fortement avec le nombre d’enfants, alors que celui des hommes reste stable.
Ce sont aussi les femmes qui prennent en charge leurs parents vieillissants et leurs proches porteurs de handicaps. Ces activités, non rémunérées et non génératrices de droits sociaux et pourtant si utiles socialement et humainement, creusent indéniablement le fossé des inégalités.
Enfin, les femmes sont à la tête de 85 % des familles monoparentales. Celles-ci comptent, nous le savons bien, parmi les plus pauvres de notre pays.
Cette situation conduit, comme le souligne justement M. le rapporteur, à l’hérédité de la pauvreté. Un enfant sur cinq est pauvre, soit trois millions d’enfants au total.
Le projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons voté ici il y a quelques semaines, tente notamment de corriger le constat accablant du non-versement des pensions alimentaires dans 40 % des cas. Dans la plupart des situations, cette ressource est indispensable aux mères pour satisfaire les besoins primaires des enfants.
Je porte une attention particulière à ces familles financièrement et culturellement précaires, dans le travail que je conduis actuellement avec ma collègue Muguette Dini sur la protection de l’enfance. Nous partageons en effet la conviction qu’aider la mère, aider les parents, c’est aider l’enfant.
La pauvreté est aussi dans les têtes, nous dit très justement ce rapport. Les femmes doivent être accompagnées pour sortir de ce sentiment d’infériorité qu’elles ont intégré au fil des siècles. La lutte contre l’illettrisme fait partie des outils à développer pour lutter efficacement contre la pauvreté. Le récent rapport d’Olivier Noblecourt, relatif aux femmes migrantes, insiste sur la maîtrise de la langue comme facteur d’intégration sociale et professionnelle.
Sur ce point, rappelons que deux tiers des personnes illettrées dans le monde sont de sexe féminin. Il s’agit d’un enjeu démocratique fort, que l’enlèvement récent des 223 lycéennes au Nigeria vient d’illustrer tragiquement.
Je terminerai mon propos en soulignant l’importance des statistiques sexuées sur ces questions de précarité et de pauvreté. Ces données permettront d’engager des actions ciblées relatives aux spécificités de genre. Prendre en compte le continuum des discriminations, notamment à l’égard des filles et des femmes, dans la construction de la pauvreté est en effet essentiel pour trouver les moyens d’y remédier efficacement et durablement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que la délégation sénatoriale à la prospective ait proposé d’organiser un débat sur un sujet aussi important et grave que la pauvreté, et nous permette ainsi de réfléchir aux moyens d’y mettre fin. Le travail accompli par la délégation, sur l’initiative de notre collègue Yannick Vaugrenard, est d’une grande qualité.
Bien que la France s’attache à endiguer le phénomène par des politiques ciblées, la pauvreté ne cesse de progresser : près de 900 000 personnes supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté entre 2008 et 2011. Le fossé se creuse entre les plus démunis et ceux qui sont relativement aisés.
Certes, les transferts sociaux ont contribué, ces dernières années, à réguler la montée de la paupérisation. Selon une étude de l’INSEE intitulée La France dans l’Union européenne, les allocations familiales, les aides au logement ou les minima sociaux auraient ainsi réduit le taux de pauvreté de 41 %.
Pour autant, en raison d’une augmentation des durées de chômage et d’une légère hausse du nombre de chômeurs ne percevant plus d’indemnisation, l’impact de ces transferts sociaux s’est amoindri. Aujourd’hui, la montée de la pauvreté touche les jeunes, les familles monoparentales, les personnes peu qualifiées, les chômeurs, les moins diplômés, qui sont parfois proches de l’illettrisme.
Comme l’avait rappelé le Premier ministre le 24 janvier dernier, lors d’un déplacement à Cergy, « Les personnes en situation de pauvreté ne désirent qu’une chose : s’en sortir ; travailler, accéder à un logement décent, se soigner correctement, tout faire pour la réussite scolaire de leurs enfants ». Pourtant, les personnes en situation de fragilité économique et sociale sont encore trop souvent stigmatisées, et le climat économique qui règne depuis 2008 n’a fait qu’accentuer les choses : elles sont devenues des boucs émissaires, soupçonnées d’être responsables de leur situation. C’est absolument inacceptable.
Lutter contre la pauvreté nécessite avant tout un profond changement des mentalités. Il n’y a pas de fatalité ! Bien sûr, nous avons un devoir d’assistance envers ces personnes vulnérables, ceux qui ont moins. Nous devons leur venir en aide et les accompagner vers un retour à l’autonomie. C’est le sens même du mot « fraternité », pilier fondamental de notre démocratie. La misère est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire.
Cela nécessite également la mise en œuvre de politiques ambitieuses – au plan tant local que national – selon une approche transversale : éducation, formation professionnelle, travail, logement, accès aux soins, participation à la vie politique, sociale et culturelle. Sur ce point, je me félicite des actions menées par la nouvelle majorité à travers le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.
Dans le domaine du logement, le Gouvernement a notamment renforcé la lutte contre l’habitat indigne, et a mis en place l’encadrement des loyers et la garantie universelle des loyers pour qu’enfin le logement ne soit plus une source d’exclusion. N’oublions pas qu’aujourd’hui encore 3,6 millions de personnes sont mal logées, que 150 000 d’entre elles vivent dans des structures d’hébergement ou, pire, dans la rue et que 350 000 ménages disposant d’un logement en Île-de-France n’ont pas les revenus nécessaires pour faire face aux dépenses vitales de nourriture et d’habillement tout en assumant celles qui sont liées à l’habitation.
En matière d’emploi, le Gouvernement a mis en place les emplois d’avenir et les contrats de génération, destinés à résorber le chômage et la précarité des jeunes, notamment les moins qualifiés, comme des seniors. Plus récemment, le Premier ministre a annoncé que le report de la revalorisation des pensions de retraite ne concernerait pas les pensions inférieures à 1 200 euros.
Ces mesures – il en existe soixante et une – vont dans le bon sens. On peut toutefois regretter le retard dans la mise en œuvre de certaines d’entre elles.
Je pense notamment à la réforme du RSA activité. Il donne le sentiment d’être une véritable usine à gaz. Résultat : des milliers de personnes qui pourraient prétendre à cette allocation ne la demandent pas, si bien que chaque année plus de cinq milliards d’euros de RSA activité ne sont pas alloués. Pour la seule année 2011, 50 % des ayants droit potentiels de ce dispositif n’en avaient pas fait la demande.
Mais le non-recours aux aides sociales ne concerne pas seulement le RSA. On peut également citer les prestations familiales ou les aides au transport.
Ce phénomène est particulièrement inquiétant, car il condamne ceux qui n’en bénéficient pas, malgré leur éligibilité aux dispositifs existants, à s’enfoncer davantage dans la pauvreté. Les dommages sanitaires et sociaux qu’il provoque pèsent lourdement sur le système social.
Nous le savons bien, le défaut d’information, la complexité du système de prestations et la difficile identification des organismes à contacter découragent les bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle il est indispensable, madame la secrétaire d'État, de simplifier et de recentrer les aides, et d’améliorer le système de détection des ayants droit.
Enfin, je veux insister sur un problème qui est, à mes yeux, scandaleux, je veux parler du gaspillage des denrées alimentaires.
Comment peut-on accepter que des fruits, tel le melon, et des légumes soient jetés à la décharge parce qu’ils n’ont pas tout à fait la dimension requise ? De même, peut-on accepter que ne soient pas mis en vente les fruits légèrement tavelés, alors qu’ils ont la même qualité gustative que les autres ? Enfin, peut-on accepter sans sourciller que nombre de produits périssables ne soient pas mis en vente à un prix inférieur – il est bien entendu normal qu’ils soient retirés de la vente à la date limite – quelques jours avant la date de péremption ? Rien n’est fait – ou si peu ! – pour qu’il en soit ainsi. Pourtant, ces produits sont de qualité. Il y a un gaspillage énorme en la matière. Or éviter ce gaspillage contribuerait à réduire la pauvreté.
Aussi, j’espère, madame la secrétaire d'État, que le gouvernement auquel vous appartenez réglera ce problème. Il est absolument indispensable que l’on engage une réflexion approfondie sur ce sujet. En effet, l’alimentation est un élément fondamental dans la lutte contre la pauvreté. Le gaspillage des denrées alimentaires doit donc être stigmatisé de façon très nette.
Tous les acteurs – l’État, les collectivités territoriales, les élus, les associations – doivent s’engager dans cette lutte. Il est bien entendu indispensable d’y associer les personnes en situation de pauvreté. Car, comme l’a rappelé notre collègue Yannick Vaugrenard, ceux qui subissent cette situation doivent être les premiers acteurs de leur propre promotion, faute de quoi la solidarité restera un vain mot. Il faut avant tout que cette solidarité et cette fraternité soient bien plus que de simples considérations purement philosophiques et trouvent leur concrétisation dans des actions fortes sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mmes Aline Archimbaud et Marie-Annick Duchêne ainsi que MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Gérard Roche applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon.