Mme Cécile Cukierman. Voilà !
Mme Michèle André. Une telle structure aurait eu pour rôle de cantonner les prêts à risques et d’en permettre une sortie progressive limitant le coût pour le contribuable. Ce dispositif a semble-t-il été privilégié dans certains pays, comme en Allemagne, même si seule la France a été confrontée à un problème d’une telle ampleur.
Concernant la méthode, je tiens à saluer la concertation exemplaire menée en 2013 entre l’État, les élus locaux et les parlementaires. Nous y avons participé au titre du groupe socialiste du Sénat, même si nous n’avons pu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, débattre de l’accord intervenu à l’automne dernier. Je me permets de le rappeler dans les grandes lignes.
Tout d’abord, cet accord a créé un fonds de soutien aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts considérés comme toxiques : ce fonds de 1,5 milliard d’euros sera étalé sur quinze ans et devrait faciliter, pour les collectivités concernées, la gestion de la sortie des emprunts à risques.
Ensuite, cet accord a institué un dispositif de validation rétroactif, qui constitue le pendant de ce fonds de soutien et dont nous discutons aujourd’hui du fait d’une première censure du Conseil constitutionnel survenue à la fin du mois de décembre dernier. (M. le rapporteur acquiesce.)
S’y ajoutent trois aspects sur lesquels je tiens à insister, car ils sont, à mon sens, les marques d’un mécanisme global équilibré pour l’ensemble des acteurs du dossier, à commencer par les collectivités locales.
En premier lieu, le présent projet de loi n’empêchera pas les collectivités qui le souhaitent de poursuivre ou d’entamer des contentieux, notamment au titre du défaut d’intervention ou de conseil.
De nombreuses collectivités ont d’ailleurs attaqué leur banque en justice sur ce motif. Le jugement rendu le 28 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire opposant la communauté urbaine de Lille Métropole et la Royal Bank of Scotland, a rendu raison à la première. Ladite banque a été sanctionnée pour manquement à son obligation d’information sur trois contrats de prêts et à son obligation de conseil sur un contrat.
Je note au surplus que ce projet de loi de validation concerne un champ bien délimité de contentieux, et vise le fait que des moyens tirés de l’absence ou de l’erreur de TEG puissent être soulevés devant les tribunaux.
En deuxième lieu, je rappellerai deux annonces récentes du Gouvernement, qui vont à mes yeux dans le bon sens.
Un dispositif d’aides aux hôpitaux concernés par les emprunts toxiques va être mis en place, sur un modèle proche du fonds de soutien aux collectivités locales. Ces aides, qui porteront sur un total de 100 millions d’euros, étaient réclamées depuis plusieurs mois par les hôpitaux et les établissements publics de santé, lesquels sont également concernés par ce dossier.
Le financement du fonds de soutien aux collectivités locales, de 1,5 milliard d’euros sur quinze ans, soit 100 millions d’euros par an, va par ailleurs être rééquilibré. La contribution des banques sera étendue. La loi de finances pour 2014 prévoyait un financement égal de l’État et de ces dernières, lesquelles, finalement, en alimenteront les deux tiers, un tiers restant à la charge de l’État.
En troisième et dernier lieu, il ne suffisait pas de s’attaquer à la seule sortie des emprunts toxiques : il fallait se prémunir contre un retour de ces difficultés. Plusieurs mesures ont été prises ces deux dernières années pour renforcer le cadre réglementaire des relations entre banques et collectivités et sécuriser au mieux leurs rapports. Elles vont dans trois directions.
Les formules d’emprunt seront limitées : des formules purement spéculatives comme celles sur lesquelles étaient bâtis les contrats de prêts toxiques ne seront plus possibles à l’avenir. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 renforce en effet le dispositif prudentiel, en interdisant les emprunts dans certaines devises et en limitant certains indices ou formules d’indexation, qui devront « répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières ».
Le provisionnement des contrats complexes sera désormais obligatoire. Il a été précisé par la loi « métropoles » du 27 janvier 2014.
Enfin, la communication de la stratégie d’endettement aux assemblées délibérantes sera améliorée : un débat annuel sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l’endettement des collectivités locales, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, sera notamment rendu obligatoire.
Ce panel de mesures n’empiète en rien sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales. Nous savons combien ces dernières sont attachées à ce principe, elles ne manquent jamais une occasion de nous le dire ! Parallèlement, ce dispositif permettra, nous en sommes convaincus, d’éviter le risque d’un nouveau problème d’emprunts toxiques.
En conclusion, nous, membres du groupe socialiste, considérons que la méthode suivie, les solutions préconisées et le diagnostic établi sont équilibrés. Je reprends, à cet égard, les propos de notre excellent rapporteur Jean Germain.
M. François Patriat. Excellent rapporteur !
Mme Michèle André. Ces dispositions sont équilibrées au regard de l’enjeu, la résolution rapide et définitive de la question des emprunts toxiques, et des responsabilités partagées entre l’ensemble des acteurs.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons le projet de loi déposé par le Gouvernement, et nous voterons en sa faveur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés pourrait être qualifié sans grands risques de « successoral ». Il s’inscrit en effet dans l’ordre des événements survenus depuis 2008 et dans la logique de ce qui s’est déroulé bien avant cette date, lorsque les banques ont mis sur le marché des produits structurés à destination des collectivités territoriales, c’est-à-dire dès le milieu des années quatre-vingt-dix.
Sur le sujet qui nous concerne aujourd’hui, ou peut parler sans exagération ni outrance, pour l’actuel gouvernement, d’héritage à assumer.
En octobre 2011, notre collègue Jean Arthuis évoquait d’ailleurs devant la commission des finances du Sénat le risque potentiel pour l’État français que représentaient les 10 milliards d’euros de prêts structurés accordés par la banque Dexia, alors en grande difficulté.
Cette banque est au cœur des problèmes rencontrés aujourd’hui comme hier. Il faut en revenir à son développement tous azimuts entre 1996 et 2008, par le biais de l’acquisition d’établissements bancaires à travers le monde, de son positionnement sur le marché américain des subprimes et de la sophistication croissante des produits mis sur le marché sur son initiative, pour mesurer les risques pris par Dexia à cette époque. Ces derniers se sont révélés mortifères lorsque s’est déclenchée la crise bancaire de 2008.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Une dérive !
M. Yannick Botrel. L’impossibilité de laisser s’effondrer cette banque, en raison des risques systémiques encourus, a conduit le gouvernement de François Fillon à intervenir. Il l’a fait en particulier en accordant la garantie de l’État à Dexia.
Cette garantie a été apportée une première fois au mois de septembre 2008, par le Parlement et à hauteur de 55 milliards d’euros. Il s’agissait de permettre à Dexia d’emprunter sur les marchés et d’engager son redressement.
Cette garantie a été apportée une seconde fois lors du collectif budgétaire d’octobre 2011 – également appelé « collectif Dexia » –, afin de permettre à la banque de se procurer les moyens de son refinancement.
L’État est intervenu une troisième fois, sous le gouvernement Ayrault, en mettant en place la société de financement local – il en est beaucoup question cet après-midi –, dont les activités dans la reprise partielle de Dexia ont débuté au mois de février 2013. À cette occasion, les acteurs publics ont été mobilisés dans le capital du nouvel établissement : l’État à hauteur de 75 %, la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 20 %, et la Banque postale, enfin, pour 5 %.
On peut donc, sans être démenti, souligner et affirmer le rôle constant des gouvernements successifs depuis 2008 dans la gestion du dossier Dexia, ainsi que dans la mise en place des outils de substitution à son activité première, afin de permettre, en particulier, l’accès des collectivités aux financements de leurs investissements, dans le contexte d’une pénurie en la matière.
Il n’en demeure pas moins que ces décisions successives, dictées par l’urgence et l’ampleur des risques, n’ont pas traité, au fond, mais ce n’était pas leur objet, un aspect essentiel : les prêts structurés accordés par Dexia aux communes, départements et hôpitaux, notamment.
Les conséquences financières et budgétaires encourues par ces structures sont, nous le savons, considérables, en raison d’une part, du montant prohibitif des intérêts, et, d’autre part, de la durée très longue – jusqu’à quarante ans quelquefois – de certains prêts accordés. On peut mesurer les risques encourus par les collectivités qui empruntent sur d’aussi longues périodes.
Nous avons tous présents à l’esprit quelques cas, au sein de nos régions respectives, illustrant bien les conséquences, parfois catastrophiques, la plupart du temps difficiles, engendrées par cette situation, même si chacun des acteurs – ce fait a été rappelé à plusieurs reprises – porte sa part de responsabilité.
Cela a été souligné par presque tous les orateurs précédents, il en a résulté, bien évidemment, une série de contentieux, dont quelques-uns ont été tranchés par les tribunaux dans des circonstances déjà évoquées. Il en a résulté, surtout, un risque potentiel pour les finances publiques de l’État. Ceci explique que le Gouvernement ait pris l’initiative de présenter le présent projet de loi.
Deux points méritent d’être soulignés à cet égard.
Le premier, dont nous mesurons toute l’importance, porte sur les conséquences encourues par le budget de l’État, c’est-à-dire, in fine, par le contribuable national.
Dès cette année, l’incidence serait, le cas échéant, de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros, autrement dit d’un demi-point de produit intérieur brut. À moyen terme, le montant serait alourdi de 7 milliards d’euros supplémentaires par la mise en extinction de la SFIL, soit un total de 17 milliards d’euros. Cette somme varie, d’ailleurs, suivant les sources d’information, ce qui ne peut que nous amener à nous interroger : connaissons-nous précisément la hauteur du risque ? En 2011, la commission des finances de l’Assemblée nationale a évalué à 32 milliards d’euros l’encours des prêts structurés ; qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État ?
Je souhaite mentionner un second élément, positif celui-là. Je veux parler de la concertation que vous avez entreprise avec les collectivités et les associations chargées de les représenter. La mise en place du fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts structurés doit être considérée de manière positive, bien entendu. Établi sur la base de 100 millions d’euros par an sur quinze ans, soit un total de 1,5 milliard d’euros, dont 915 millions d’euros à la charge des banques, ce fonds sera-t-il suffisant, cependant, pour remédier à la situation des collectivités les plus fragilisées ? À la demande de la Fédération hospitalière de France, vous avez entériné un dispositif d’accompagnement national des établissements hospitaliers, à hauteur cette fois de 100 millions d’euros, ce qui, toutefois, semble bien peu au regard du montant total des emprunts toxiques souscrits, qui s’élève, selon nos informations, à 2,5 milliards d’euros.
Nous avons bien compris, monsieur le secrétaire d’État, la nature du risque immédiat pesant sur les finances de l’État, c’est-à-dire sur l’impôt des contribuables. Dans le contexte difficile que nous connaissons depuis plusieurs années, nul n’a aujourd’hui intérêt à mettre en danger les finances publiques, surtout à un moment particulièrement crucial.
Je l’ai rappelé il y a un instant, vous avez ouvert le débat avec les collectivités territoriales, et apporté un certain nombre de réponses particulièrement attendues. Sans aller jusqu’à affirmer que ce résultat les satisfait tout à fait, les membres du groupe socialiste entendent faire montre de responsabilité,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme toujours ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Botrel. … afin de parvenir à la conclusion d’un processus entamé voilà plus de quinze ans. C’est parce qu’il s’agit précisément – j’emprunte l’idée à M. le rapporteur – de la seule conclusion réaliste possible que nous soutiendrons votre volonté de rechercher une solution équilibrée et pragmatique. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toutes choses, je voudrais remercier l’ensemble des orateurs, indépendamment de leur courtoisie, qui semble de mise en ces lieux, de la qualité du débat. Je voudrais également saluer le travail important réalisé par M. le rapporteur, dont j’ai mesuré la qualité du rapport comme du propos. Il a fait montre d’une grande sagesse, et s’est livré à l’exploration systématique de l’ensemble des hypothèses imaginables, exploration qui l’a conduit – c’est un point de vue que nous partageons – à la conclusion selon laquelle la moins mauvaise solution – certains ont utilisé cette expression – était d’adopter le présent texte.
J’aimerais répondre, maintenant, aux différents orateurs, et en premier lieu à Fabienne Keller, même si, dans son propos, elle a un peu mélangé les sujets. La question des emprunts toxiques ne doit pas être confondue avec celle de la baisse envisagée des dotations aux collectivités territoriales. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’interférence possible, j’indique seulement qu’il s’agit de deux actes politiques différents, qui méritent des appréciations nuancées.
Dans votre intervention, madame la sénatrice, vous avez pointé le défaut d’alerte, dont seraient responsables les comptables publics, la Cour des comptes ou même le Trésor. C’est un constat, en effet, qui a conduit beaucoup d’entre nous à considérer que la responsabilité en la matière était partagée. Néanmoins, j’ai en mémoire le cas d’une collectivité territoriale, qui souhaitait pratiquer un swap sur un prêt particulièrement favorable afin de profiter immédiatement de sa qualité, pour ne pas dire capitaliser sur lui. Dans un premier temps, cette démarche a été refusée par le comptable public, alors même que, à l’évidence – une analyse plus détaillée l’a démontré –, la collectivité aurait pu faire une bonne opération. La question se pose donc également de la libre administration des collectivités territoriales, principe auquel je sais votre assemblée particulièrement attachée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Pour vous rassurer, je voudrais également vous signaler, comme l’ont fait d’autres orateurs, que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a mis en place des garde-fous beaucoup plus précis et beaucoup plus importants, visant à empêcher – ou à tout le moins à freiner au maximum – la reconduction de pratiques dangereuses, telles que celles qui nous ont mis devant cette situation.
Vous évoquez également le cas des offices publics d’HLM et des sociétés anonymes d’HLM, dont nous reparlerons au moment de l’examen de l’un des amendements déposés sur ce texte. J’indique seulement que la situation des deux types d’organisme n’est pas la même : il s’agit d’une part, de personnes morales de droit public, et, d’autre part, de personnes morales de droit privé. Je reviendrai ultérieurement sur la question de la constitutionnalité des mesures en cause, qui est aussi celle du champ d’application du fonds de soutien et de l’éligibilité à ce dernier, c’est-à-dire, en somme, du périmètre exact de la validation législative.
Monsieur Delahaye, vous avez affirmé, à raison, qu’il ne s’agissait pas de signer un chèque en blanc ; d’ailleurs, ce n’est pas l’intention du Gouvernement. La meilleure preuve en est que le comité d’orientation prévu regroupe des parlementaires et des représentants d’associations d’élus, et qu’il participe à l’élaboration de la doctrine, aux choix des critères, ainsi qu’à la priorisation des interventions possibles de l’État. Il me semble donc que les parlementaires, mais aussi les représentants des grandes associations d’élus, auront l’occasion d’intervenir et de peser sur les choix. Ce point avait d’ailleurs fait l’objet de discussions lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2014.
Il faut veiller à ne pas mutualiser les coûts, avez-vous dit. Certes, mais, monsieur le sénateur, ne rien faire conduirait de fait à imputer la charge sur le contribuable national, et par conséquent à mutualiser les coûts. Encore une fois, donc, l’équilibre recherché me semble avoir été atteint.
Mme Beaufils, quant à elle, nous a donné l’occasion de refaire l’histoire.
Mme Marie-France Beaufils. Un peu !
M. Pierre-Yves Collombat. Très important !
Mme Cécile Cukierman. Cela permet d’éviter de stigmatiser les collectivités territoriales !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est également important de porter un jugement sur l’histoire. Mais il nous appartient aujourd’hui de la continuer.
M. Pierre-Yves Collombat. Voire de la changer ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Botrel, vous avez parlé de projet de loi « successoral ». Je veux bien partager cette démarche, mais, mesdames, messieurs les sénateurs, de quelle succession parlons-nous ? Pour les collectivités territoriales, il pourrait s’agir de prendre en considération la succession de certaines équipes dirigeantes. Certains élus, en effet, ont été confrontés à la gestion de décisions prises par leurs prédécesseurs. Les pauvres habitants de ces collectivités territoriales n’ont pas eu d’autre choix que de laisser gérer par les uns ce qu’avaient décidé les autres.
La continuité des collectivités territoriales, la continuité de l’État sont des principes inscrits dans la Constitution. Certains orateurs ont, comme vous, madame Beaufils, remonté le fil de l’histoire, jusqu’à mentionner la CAECL.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est de la préhistoire !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La mutation opérée par cette caisse a été évoquée, tout comme l’évolution de la garantie apportée une première fois par l’État en 2008, et une seconde fois, dans la resucée – pardonnez-moi l’expression – de 2011. Les dates ont leur importance, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais la continuité de l’histoire, c’est aussi la continuité de l’État.
Mme Cécile Cukierman. Et on veut faire l’histoire avec une loi rétroactive !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or nous nous trouvons devant une situation héritée de l’histoire, que nous nous devons de gérer, et sur laquelle chacun peut légitimement porter son jugement. Le contribuable d’aujourd’hui devra donc bien faire face aux échéances que cela implique, même si elles résultent, c’est vrai, de décisions d’hier ou d’avant-hier.
Ce débat a également été soulevé, en partie, par Anne-Marie Escoffier, dont je remercie la qualité et la précision du propos, qui d’ailleurs ne m’étonnent pas. Elle a souligné, sous forme de clin d’œil, la configuration symétrique dans laquelle nous nous trouvons : voilà peu de temps, j’étais rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale, quand elle défendait, au nom du gouvernement d’alors, les dispositions relatives au thème dont nous débattons ce jour contenues dans le projet de loi de finances pour 2014.
J’aimerais revenir sur les doutes que nous avons eus ensemble quant à la constitutionnalité du dispositif. Je ne suis pas juriste de formation, mais on m’a bien expliqué l’impérieuse nécessité du motif d’intérêt général en la matière. Si nous avions été conduits à soutenir ce dispositif à l’Assemblée nationale, et même à repousser des amendements qui tendaient à restreindre le champ de la validation juridique en question, en revanche, nombre de députés avaient indiqué que la validation juridique proposée par le projet de loi de finances initiale couvrait de façon inconsidérée les personnes de droit privé, comme les entreprises. Nous avions assuré que le fait de prendre également en compte les entreprises confortait, à notre sens, le motif d’intérêt général, puisqu’un champ plus large que le seul secteur des personnes morales de droit public était ainsi visé.
Tel était notre point de vue. Reconnaissons que le Conseil constitutionnel nous a donné tort. Il n’y a pas là de quoi se flageller pendant des nuits entières !
La position que nous avions adoptée nous paraissait être la bonne. Le Conseil constitutionnel nous a rappelé son interprétation du motif d’intérêt général et nous a invités à concentrer symétriquement les interventions sur les personnes éligibles aux aides versées par le fonds d’un milliard et demi d’euros. Ce sont ces corrections que le présent projet de loi vise à apporter.
Je ne souscris donc pas à votre analyse selon laquelle le Gouvernement se serait placé lui-même dans une mauvaise situation. Il a alors fondé sa décision sur son interprétation du moment, et il y remédie aujourd'hui.
Beaucoup d’orateurs ont commenté le montant, 17 milliards d’euros, du risque financier pour la puissance publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous nous étions trompés, même si nous avions surestimé deux fois, voire trois fois la somme, elle serait encore considérable ! Nous bataillons parfois pour quelques dizaines ou centaines de millions d’euros ; en l’occurrence, il s’agit d’un volume extrêmement important.
Certes, en fondant l’analyse sur le degré de toxicité ou de la mécanique précise de chacun des contrats, nous pourrions effectivement aboutir à une évaluation du risque sans doute un peu moins pessimiste que les conclusions des études qui ont été menées. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir dans quelques instants.
Chère Anne-Marie Escoffier, vous avez évoqué l’éventualité d’une nouvelle commission d’enquête. Nous n’en avons guère le temps. Le calendrier joue contre nous.
L’été dernier, le ministre chargé du dossier avait informé les rapporteurs généraux, fonction que j’exerçais alors à l’Assemblée nationale, d’une communication nécessaire du Gouvernement pour permettre à la SFIL d’accéder dans de bonnes conditions au marché de refinancement dont elle avait impérativement besoin. Aujourd'hui, si la SFIL doit faire appel au marché – c’est souvent le cas –, il y a des conditions de validation juridique à l’engagement. En effet, les analystes financiers ne sont pas plus bêtes que la moyenne. Ils savent très bien les risques créés par une généralisation des procédures juridiques ; cela serait susceptible de faire jurisprudence.
M. Placé a, me semble-t-il, tout à fait raison de nous appeler à la vigilance. Nous devons effectivement veiller à l’utilisation des fonds publics qui seront mis à disposition du mécanisme. Il y a plusieurs outils pour cela.
Je pense évidemment au comité d’orientation dont j’ai parlé. Il sera chargé, en lien avec des parlementaires et des représentants des grandes associations d’élus, de produire la doctrine et, bien entendu, de surveiller la mise en œuvre du dispositif.
Je songe également, et nous aurons l’occasion d’en reparler puisque des amendements ont été déposés sur le sujet, au rapport qui doit être remis chaque année au Parlement sur l’existence, la quantification et le recensement des emprunts toxiques, obligation instituée par l’article 32 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. Je le confesse, nos services semblent avoir un peu de retard. Mais le Parlement disposera de ce document avant l’été.
Michèle André a rappelé la pertinence des analyses qui sont faites, en soulignant la nécessité de retrouver – j’y ai fait référence – la capacité de refinancement de la SFIL. En effet, il y a là un risque financier majeur.
L’idée de monter une structure de défaisance – les Anglo-Saxons utilisent l’expression bad bank – n’a pas été retenue, car cela aurait conduit à comptabiliser les risques dans la dette publique. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Du fait de la nécessité de maîtriser la dette publique, là encore pour avoir des capacités d’accès au marché financier, les gouvernements – je parle au pluriel, car le processus de décision a été engagé par d’autres – ont choisi la structure de la SFIL, que les analystes, notamment bruxellois, ne considèrent pas comme une structure de défaisance.
Vous avez également mentionné à juste titre les nouvelles barrières pour les collectivités issues de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, dont je parlais à l’instant, ainsi que la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a posé un certain nombre de garde-fous afin qu’il ne soit pas possible de faire n’importe quoi.
Enfin, je reprends l’expression de M. Botrel sur l’aspect successoral. Le contribuable est le successeur d’un autre contribuable. L’élu est le successeur d’un autre élu. Vous le savez comme moi, les situations sont diverses ; c’est tantôt la gauche, tantôt la droite, tantôt le centre… Certains élus de gauche ont laissé des situations peu favorables à leurs successeurs de droite. Mais l’inverse existe aussi.
Mme Nicole Bricq. Oh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est souvent difficile de faire la part entre la bonne foi et la mauvaise foi. (MM. François Marc et Jean-Pierre Caffet hochent la tête en signe de doute.)
Je le répète, un rapport indiquant l’encours des montants des prêts structurés sera remis au Parlement avant l’été prochain.
La part du risque dépendant par essence de la nature de chacun des emprunts, je vous laisserai calculer sur un beau tableau Excel ce que cela peut représenter, monsieur Botrel. (Sourires.) Les services du Gouvernement sont en train de procéder à l’exercice, et les résultats vous en seront communiqués prochainement.
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)