M. Gérard Longuet. La TVA, c’est pour tout le monde !
M. Jean-Michel Baylet. Le programme de stabilité que vous nous soumettez prévoit quant à lui 50 milliards d’euros d’économies jusqu’en 2017. À la différence de certains contre-plans, qui prévoyaient des coupes à hauteur de 130 milliards d’euros,…
M. Roger Karoutchi. Yes ! (Sourires.)
M. Jean-Michel Baylet. … votre trajectoire préserve le modèle social français – c’est une bonne chose – et n’obère pas la reprise économique.
Il n’en demeure pas moins que les efforts demandés sont importants. Sur trois ans, réduire de 18 milliards d'euros les dépenses de l’État et de ses agences, de 10 milliards d’euros les dépenses de l’assurance maladie, de 11 milliards d'euros les dépenses de gestion de notre système social et de 11 milliards d'euros les concours financiers de l’État aux collectivités locales, ce n’est pas rien ! C’est même faire preuve de beaucoup de courage. (Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Monsieur le Premier ministre, j’ai tout de même une remarque à formuler au sujet des collectivités locales. Si nous comprenons naturellement qu’elles participent à l’effort de redressement, je veux néanmoins redire ici notre opposition à certaines de vos propositions en matière de réorganisation territoriale.
M. Albéric de Montgolfier. Enfin !
M. Jean-Michel Baylet. Cependant, le dialogue et la concertation sont désormais ouverts ; nous aurons l’occasion d’en reparler. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
Il faut également souligner que les engagements prioritaires du quinquennat – l’éducation, la sécurité et la justice – sont maintenus. Il est bien sûr primordial que les plus fragiles de nos concitoyens ne s’enfoncent pas dans la pauvreté. Derrière les chiffres se trouvent des ménages confrontés à des fins de mois difficiles. C’est la raison pour laquelle nous avons milité pour que soient épargnés non seulement le minimum vieillesse, mais aussi les petites retraites, c’est-à-dire les pensions inférieures à 1 200 euros. Nous nous réjouissons que, sur ce point, vous nous ayez entendus, tout comme nous nous félicitons du maintien du plan pauvreté et de la revalorisation du point d’indice pour les fonctionnaires de catégorie C.
Je relève toutefois que, cédant au penchant des prévisions macroéconomiques pluriannuelles, votre programme table sur des projections de croissance optimistes, surtout pour 2016 et 2017 ; le Haut Conseil des finances publiques l’a d'ailleurs souligné. Gageons néanmoins que les efforts consentis permettront, comme vous l’indiquez, une stabilisation du ratio de la dette publique en 2014 et 2015, avant l’amorce d’une décrue, que nous espérons tous, en 2016 et 2017.
Mes chers collègues, les marges de manœuvre ainsi dégagées doivent permettre à nos entreprises d’améliorer leur compétitivité et d’affronter la concurrence internationale, et à notre pays de renforcer son attractivité. C’est pourquoi nous avons accueilli avec bienveillance les annonces relatives au pacte de responsabilité qui prévoient l’allégement du coût du travail et la simplification de la fiscalité des entreprises. De plus, la baisse des cotisations des salariés, et notamment de celles qui pèsent sur les plus petits salaires, entraînera une amélioration du pouvoir d’achat ; c’est le pacte de solidarité.
Ces mesures sont marquées du sceau du pragmatisme. La question des contreparties en termes de création d’emplois fut sujette à débat. Le Gouvernement estime qu’environ 200 000 emplois seront créés ; s’y ajoutent les 300 000 emplois attendus de la mise en place du CICE. Ces créations viendront des baisses de charges, mais aussi de la hausse de l’investissement résultant du rétablissement des marges des entreprises. Nous le savons, c’est au sein de ces dernières, et notamment des PME et PMI, que se trouvent les gisements de la croissance et de l’emploi.
Enfin, si le débat que nous avons aujourd’hui est axé sur les enjeux budgétaires et financiers, il est cependant un volet du pacte qui ne doit pas être négligé : le choc de simplification annoncé par le Président de la République en mars 2013. Le Conseil de la simplification vient de dévoiler ses premières préconisations ; son action doit être encouragée.
Monsieur le Premier ministre, les radicaux participent à l’effort de redressement de notre pays, au Gouvernement mais aussi à l’Assemblée nationale et au Sénat, où nous concilions loyauté et indépendance. Cet équilibre indispensable à la réussite d’une majorité repose sur l’écoute et le dialogue ; vous avez réussi à en nouer un autour de ce programme de stabilité. J’ajoute que nous considérons, en tant que composante de la majorité, qu’il est de notre responsabilité de soutenir un texte primordial, et même fondateur, je le répète, qui définit notre stratégie budgétaire, économique et fiscale pour les trois années à venir. C’est donc avec conviction, monsieur le Premier ministre, que nous souscrivons au cap que vous fixez et que nous sommes à vos côtés dans votre ambition pour la France. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour le groupe écologiste. (En gagnant la tribune, M. Jean-Vincent Placé s’arrête au banc du Gouvernement et salue M. le Premier ministre. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Daniel Raoul. Il va être gentil comme tout !
M. Alain Fouché. On salue et on tue ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce programme de stabilité porte bien son nom. C’est en effet la stabilité qui caractérise la politique de finances publiques menée depuis son élection par le Président de la République et ses gouvernements successifs : cette politique consiste en une application stricte de la trajectoire de réduction du déficit qu’appelle la mise en œuvre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG, qui engage désormais la France.
Je l’ai dit maintes fois à cette tribune, et je resterai, sans surprise, fidèle à ma conviction :…
M. Alain Fouché. Allons bon !
M. Jean-Vincent Placé. … une autre voie était possible. Cette autre voie passait notamment par la renégociation du TSCG, dont il avait été question pendant la campagne présidentielle, par la mutualisation partielle des dettes et par l’attribution d’une réelle compétence monétaire à la Banque centrale européenne. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, s’exclame.) J’entends Philippe Marini faire des commentaires. Il se souvient sans doute que le président Sarkozy lui-même avait évoqué la nécessité d’adopter un Buy European Act et d’intégrer des mécanismes de responsabilité sociale et environnementale aux frontières de l’Union européenne.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous avez de bonnes sources d’inspiration !
M. Jean-Vincent Placé. Des solutions existent pour imposer, face aux marchés, la souveraineté financière de l’Europe. En recourant à ces solutions, nous aurions pu nous dispenser de ces économies prélevées sur les prestations sociales de nos concitoyens qui restent, même si vous avez, monsieur le Premier ministre, répondu à l’appel de votre majorité en épargnant les plus modestes, encore beaucoup trop douloureuses.
Les écologistes ne peuvent se résoudre à voir l’austérité escamoter progressivement la solidarité, qui fut le ciment fondateur de l’Europe.
Stabilité et constance, encore, dans la politique de l’offre et de la baisse du prix du travail – expression que je préfère à celle de coût du travail –, entamée avec le CICE et prolongée par le pacte de responsabilité.
Là non plus, comme nous l’avons déjà dit, les écologistes ne se satisfont pas davantage d’une Europe qui laisse la compétition l’emporter sur la coopération ; là encore, des solutions existent : s’engager résolument dans l’harmonisation de nos fiscalités permettrait d’atténuer progressivement la concurrence que l’on laisse aujourd’hui s’exacerber entre les États, y compris intra-européens. Participer à cette course à la baisse du prix du travail, qui nivelle par le bas la qualité de nos emplois et de nos produits, ne peut constituer un projet d’avenir pour la France et pour l’Europe.
L’avenir consiste, au contraire, à penser les besoins de la société de demain et à développer une économie à même d’y répondre. La politique de l’offre, monsieur le Premier ministre, aurait pu contribuer à cette réponse. Ne vous y trompez pas, je ne suis pas contre le fait d’aider les entreprises, ce qui n’aurait pas de sens, mais il aurait fallu mettre en place un outil sélectif, sectoriel, et s’abstenir de considérer que toute entreprise, petite ou multinationale, déficitaire ou bénéficiaire, polluante ou écologique, est susceptible de bénéficier indifféremment de la manne publique.
Un tel choix permettrait non seulement d’économiser les milliards déjà gaspillés dans de gigantesques effets d’aubaine, mais il permettrait surtout, à l’heure où beaucoup de nos concitoyens doutent – c’est un euphémisme – de la capacité de la politique à changer la société, de retrouver la puissance et les vertus d’un État stratège susceptible d’investir dans les filières d’avenir.
À cet égard, je pense à Alstom, qui est un vrai sujet d’ordre stratégique, dont je parlerai dans ma conclusion, mais aussi aux énergies renouvelables, aux transports collectifs, à l’agriculture biologique, aux services à la personne et au numérique. Il s’agirait aussi de soutenir la reconversion des filières dangereuses ou en déclin, à savoir le nucléaire et l’industrie du diesel.
Mais un bon exemple vaut mieux qu’un long discours. (Mme Jacqueline Gourault acquiesce.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-Vincent Placé. Je salue le pragmatisme de Roger Karoutchi.
Le Gouvernement a évalué à 500 000 le nombre d’emplois qui pourraient être potentiellement créés par les 30 milliards d’euros du pacte de responsabilité.
En utilisant la règle de trois, il est facile de calculer que chaque emploi revient à 60 000 euros d’argent public. Avec ces 30 milliards d’euros, la puissance publique aurait donc pu créer directement dans les filières d’avenir, même si ce n’est pas aussi simple en réalité, 500 000 emplois rémunérés environ 2 500 euros par mois (M. Alain Chatillon exprime son scepticisme.) ou bien venir abonder une commande publique visant à stimuler ces mêmes filières.
M. Jean-Pierre Caffet. Yaka !
M. Jean-Vincent Placé. Il y a vraiment une forme de pensée unique sur ces questions !
À titre de comparaison, le nombre d’emplois concernés par la filière diesel, au nom desquels on se refuse à abandonner cette technologie à l’origine de plusieurs dizaines de milliers de morts prématurées par an, est évalué à moins de 10 000. Sur la même base de 60 000 euros par emploi, les emplois du diesel coûtent donc 600 millions d’euros par an.
Le pacte de responsabilité des écologistes aurait donc consisté, pour partie, à assurer l’extinction de la filière diesel tout en garantissant ces 10 000 emplois, que nous ne voulons pas perdre, jusqu’à leur reconversion, par exemple dans la déconstruction et le recyclage automobiles.
M. Alain Fouché. Quelle bonne recette !
M. Jean-Vincent Placé. Seulement voilà, il faut vouloir sortir du modèle dominant !
Cette démarche aurait la triple vertu de préserver la santé de nombre de nos concitoyens, de préparer notre industrie à l’économie de l’avenir et de faire des économies.
Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas que le Gouvernement qui veuille faire des économies ; tout le monde a conscience de leur nécessité, personne ne souhaitant transférer de la dette aux générations futures en accroissant les déficits. La question n’est donc pas celle-là, mais plutôt celle-ci : comment fait-on des économies à la fois substantielles et porteuses de sens ?
À cet égard, il faut savoir que l’extinction de la filière diesel s’accompagnerait de la disparition de la niche fiscale associée, laquelle s’élève à 7 milliards d’euros par an, ainsi que d’une baisse potentiellement très importante des dépenses de santé, la pollution de l’air, à laquelle le diesel concourt pour une très large part, notamment en ville, occasionnant, d’après le commissariat général au développement durable, de 20 milliards à 30 milliards d’euros de dépenses de santé par an !
Je sais que cette question sort du débat : on aide les entreprises, on fait la croissance, puis on embauche, y compris à bas coût, et on s’engage dans la compétition au niveau international, on construit de grands aéroports… Effectivement, nous vous encourageons à sortir de cette pensée dominante. Je ne vous demande pas d’adhérer tout de suite à nos positions, mais d’essayer d’avoir une écoute attentive, y compris sur nos territoires, dans nos régions.
Mes chers collègues, vous qui êtes aussi des élus locaux, nous vous proposons une vision de l’économie qui mérite votre attention.
Dans cet esprit, nous avons accueilli avec grand intérêt la proposition du Gouvernement de revoir la politique de remboursement du médicament – je sais que M. le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, présent ce soir parmi nous, connaît bien ce sujet –, non pour ajouter de nouvelles franchises pénalisant les patients, mais pour mettre fin à la gabegie que représente le remboursement des médicaments en France, notamment du fait de l’absence de recours systématique aux génériques et de la politique, pour le moins discutable, de l’Agence nationale de sécurité du médicament, laquelle distribue avec largesse ses autorisations de mise sur le marché pour faire plaisir à l’industrie pharmaceutique. Cessons des débats : il y a des économies !
Ma collègue du Parlement européen Michèle Rivasi propose à ce sujet une réforme simple qui permettrait de dégager à court terme la bagatelle de 10 milliards d’euros par an, ce qui correspond à la somme envisagée par le Gouvernement.
Sur ce sujet, monsieur le Premier ministre, vous le voyez, nous pourrions travailler de concert à la réduction des dépenses. Nous sommes d’ailleurs en mesure de vous proposer beaucoup d’autres gisements d’économies. Ainsi, la lutte contre la pollution de l’air, je le répète, est susceptible de nous faire économiser plusieurs dizaines de milliards d’euros par an ; une maladie comme le diabète, dont l’épidémie coûte 15 milliards d’euros par an à la sécurité sociale, pourrait être profitablement combattue par une politique de prévention proactive en matière de nutrition ; le déficit de notre balance commerciale, du même ordre de grandeur que notre facture énergétique, soit autour de 70 milliards à 75 milliards d’euros, se résorberait si la France, qui investit trois fois moins que l’Allemagne dans les énergies renouvelables, rattrapait progressivement son retard.
M. Pierre Hérisson. Et le CO2 ?
M. Jean-Vincent Placé. Si ce programme de stabilité, vous l’aurez compris, n’emporte pas l’adhésion franche et massive des écologistes,…
M. Roger Karoutchi. Ah ! très bien !
M. Jean-Vincent Placé. … non plus que leur hostilité ou leur défiance, je forme le vœu, monsieur le Premier ministre, que nous puissions nous retrouver, dans les mois qui viennent, autour du constat que l’écologie, bien qu’elle nécessite d’investir, n’est pas l’ennemie des économies, bien au contraire.
Notre pays, la France a besoin de réformes, de mutations, de mouvement, de changement, maintenant.
M. Roger Karoutchi. Oui, il faut changer maintenant !
M. Jean-François Husson. Le changement, c’était hier !
M. Jean-Vincent Placé. Vous êtes le Premier ministre affiché du volontarisme, du retour de la politique puissante, d’une certaine force. Pour ma part, je suis prêt, avec mes amis écologistes, à vous suivre sur cette voie (Exclamations amusées sur plusieurs travées de l'UMP.),…
M. Alain Fouché. En entrant au Gouvernement !
M. Jean-Vincent Placé. … mais sans les visions du passé, sans les politiques industrielles du passé.
Pour en revenir à Alstom, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, il faut bien voir qu’il s’agit d’un sujet particulièrement révélateur de ce qu’est la France industrielle. Voilà dix ans, à coup d’argent public en réalité…
M. Alain Fouché. Il n’y a pas que là !
M. Jean-Vincent Placé. … et de solutions pour le coup extrêmement traditionnelles, que d’aucuns auraient pu qualifier de gauchistes, de marxistes (Exclamations sur les travées du groupe UMP.)…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Non, gauliennes ! Cela a d’ailleurs bien fonctionné !
M. Jean-Vincent Placé. … vous avez choisi d’écarter Siemens du renouveau industriel d’Alstom. Il s’agissait pourtant de la solution européenne, qu’aujourd’hui nous devons appeler de nos vœux. En effet, demain, nous devons construire l’Europe, autour d’Airbus de l’énergie et d’Airbus des transports collectifs. C’est cette réalité qui doit nous conduire à sortir des visions du passé pour construire un projet cohérent. Pour ce faire, nous devons – je le dis à M. le Premier ministre et aussi un peu à sa majorité, œuvrer à l’unité et au rassemblement du peuple français.
Enfin, monsieur le Premier ministre, je conclurai sur les besoins de notre pays aujourd’hui en citant non pas Georges Clemenceau, homme de la IIIe République, même si je sais que vous l’aimez bien, mais un révolutionnaire, Georges Jacques Danton, à la tribune de l’Assemblée législative, le 2 septembre 1792 : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Roger Karoutchi. N’oubliez pas que Danton a été guillotiné !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour le groupe UMP. (Ah ! Enfin ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de programme de stabilité constitue indiscutablement le flagrant aveu d’échec des deux premières années du quinquennat de François Hollande. (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Todeschini. Le ton est donné !
M. Didier Guillaume. Et des cinq ans de Sarkozy !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La définition des nouvelles grandes orientations de nos finances publiques, à partir de cette année jusqu’à la fin du quinquennat, constitue en effet l’exact contre-pied de la politique conduite et des discours tenus en début de quinquennat. Autant dire que nous nous en réjouissons, puisque le nouveau gouvernement se range à un grand nombre d’arguments que nous n’avons cessé de défendre.
Désormais, le regain de compétitivité des entreprises apparaît comme le chemin le plus efficace vers la création d’emplois et constitue de ce fait le cœur de la politique économique du Gouvernement.
Ce regain nécessaire de compétitivité passe désormais par une baisse directe du coût du travail, au-delà même de l’usine à gaz du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et même par une baisse des impôts pesant sur les entreprises.
Nous nous félicitons de ce retour à la réalité du fonctionnement de l’économie, mais nous sommes obligés, bien malgré nous, de tempérer notre enthousiasme devant l’amer constat que, hélas, la baisse de fiscalité proposée ne va faire que compenser la hausse massive de fiscalité, engagée ces deux dernières années, qui a fortement impacté notre économie.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste ! C’est du bon sens !
M. Didier Guillaume. C’est déjà bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’impact fut d’autant plus violent qu’il a aussi eu une dimension psychologique, certes moins quantifiable, mais sans doute encore plus dévastatrice.
La perte de confiance a touché l’essentiel des acteurs économiques, des investisseurs, des créateurs d’emplois et de richesses, et tous ces jeunes Français dont le dynamisme et la créativité se sont exportés au-delà des frontières de l’Hexagone.
Le plus dur à reconquérir sera donc la confiance.
L’inquiétude s’est aussi emparée de nos compatriotes, sur lesquels la pression fiscale n’a jamais été aussi élevée, et qui ont perdu une partie de leur pouvoir d’achat pour la première fois depuis les années quatre-vingt, ce qui a modéré leur appétit de consommation.
Votre rétropédalage, sur ce point également, signe encore une fois l’aveu de votre échec. Vous souhaitez désormais redonner du pouvoir d’achat à nos compatriotes les plus modestes.
Toutes ces mesures ont eu pour conséquence un affaiblissement de la croissance et une perte de rentrées fiscales, de TVA et d’impôt sur les sociétés notamment.
Cette perte de recettes fiscales est chiffrée à plus de 14 milliards d’euros pour la seule année 2013. Corrélée à une faible croissance, due en grande partie à l’impact récessif du matraquage fiscal, elle entraîne le non-respect des engagements du Gouvernement en matière de réduction du déficit public.
Alors que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, que le gouvernement Ayrault a fait adopter en décembre 2012, prévoyait de réduire le déficit à 4,6 % du PIB en 2012 et à 3 % en 2013, ce dernier a atteint en réalité 4,9 % en 2012 et 4,3 % en 2013.
Ce dérapage est catastrophique (M. Daniel Raoul s’exclame.) : rappelons qu’un point de PIB en moins, c’est 20 milliards d’euros de moins dans les caisses de l’État !
L’objectif de ramener le déficit à 3 % en 2013, qui était l’engagement numéro 9 du candidat Hollande, est donc un échec complet. L’objectif est passé de 3 % dans la loi de programmation de décembre 2012 à 3,7 % dans le programme de stabilité d’avril 2013, puis à 4,1 % dans le projet de loi de finances pour 2014, pour s’établir finalement à 4,3 %. Le dérapage a été constant.
M. Gérard Miquel. Nous ne parlerons pas de vous !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, sous le précédent quinquennat, nous avions, pour notre part, toujours tenu nos objectifs (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), conformément à notre loi de programmation. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Et la dette ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous donne les chiffres, puisque vous avez la mémoire courte : le déficit public de la France devait atteindre 8,2 % du PIB en 2010 et 6 % en 2011 ; il s’est finalement établi à 7 % du PIB en 2010 et à 5,2 % en 2011. Nous avions donc plus que respecté nos engagements de réduction du déficit ces années-là.
M. Yves Daudigny. Et le chômage ?
M. Jean-Marc Todeschini. Et la casse des services publics ? Et la dette ? Elle a explosé ! C’est vous qui êtes amnésique !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans le présent projet de programme de stabilité, vous prévoyez donc le retour du déficit à 3 % du PIB, mais en 2015.
Un sénateur du groupe socialiste. Et alors ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Au regard de votre incapacité à respecter vos engagements jusqu’à présent,…
M. Ronan Kerdraon. Elle est aveugle !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … permettez-moi cependant de douter de votre capacité à tenir cet objectif, monsieur le Premier ministre. L’opposition en doute d’autant plus que, il y a quelques semaines, vous avez exprimé auprès de votre majorité quelque peu rétive la volonté de renégocier une nouvelle fois ce délai de deux ans auprès de Bruxelles,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça, on n’en parle plus !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … ce qui prouve que le Gouvernement lui-même n’y croit guère !
Vous avez renoncé à cette renégociation, car les clignotants européens étaient au rouge ! La réponse de Bruxelles, qui a déjà placé la France sous surveillance depuis le mois de mars, avec un avertissement, eût été non seulement négative, mais cinglante.
Un diplomate européen, cité par le journal Libération du 15 avril, l’a dit très clairement : « Si Paris avait voulu demander un délai, il se serait heurté à un mur ». Il ajoutait : « Il n’y a vraiment aucune raison que la France, seul pays de la zone euro à ne pas être sous les 3 %, ne fasse pas les efforts promis. » Rappelons, en effet, que, selon les données d’Eurostat parues la semaine dernière, la zone euro, a contrario de la France, a réduit son déficit à 3 % du PIB en 2013, alors qu’il s’établissait à 3,7 % en 2012, à 4,1 % en 2011 et à 6,2 % en 2010. Notre pays est donc aujourd’hui au pied du mur, avec des records d’endettement, de niveau des prélèvements obligatoires et de chômage.
Face à cette situation alarmante, le présent projet de programme de stabilité fait indéniablement penser au tournant de 1983. Avec les socialistes, c’est chaque fois la même chose : quand un nouveau Président de la République socialiste est élu, au bout de deux ans, les promesses démagogiques qui lui ont permis d’être élu font « pschitt »,…
M. Jean-Marc Todeschini. Ça, ce n’est pas nous, c’est Chirac !
M. Claude Bérit-Débat. C’est Chirac !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … car il se rend compte qu’elles ont conduit la France droit dans le mur des réalités économiques. Il opère alors un revirement total : barre à tribord toute !
Nous espérons que, cette fois-ci, l’aggiornamento se concrétisera réellement et que le socialisme français fera enfin sa mue vers la social-démocratie ou le social-libéralisme, comme l’ont fait tous les autres partis socialistes européens. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Pas de leçons !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un programme sérieux, mes chers collègues, ne se construit pas sur l’idée démagogique du rétablissement économique d’un pays uniquement via la taxation de ses riches et une déclaration de guerre à la finance.
Si la réorientation de votre politique économique va dans le bon sens, elle s’opère vraiment tardivement. Le rapport Gallois – il y a un an et demi, je vous le rappelle – vous donnait pourtant toutes les clés pour opérer cette mue.
Or, plutôt que de rétablir une baisse directe des charges sociales pesant sur les entreprises, vous avez préféré créer une « usine à gaz » avec le CICE, très difficile à mettre en place pour les très petites entreprises, et qui favorise surtout la grande distribution et les entreprises du secteur de la construction, gros employeurs de bas salaires,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les entreprises sont contentes de toucher leur chèque !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … ce qui constitue un pur effet d’aubaine, car il n’y a aucune chance que ces entreprises délocalisent leur activité.
Vous étiez alors prisonniers de vos premières décisions prises quelques mois auparavant, en l’occurrence la suppression de la TVA compétitivité et anti-délocalisations que nous avions mise en place. Il vous fallait donc trouver un autre système, hélas beaucoup moins simple et direct, pour tenter de diminuer le coût du travail.
Aujourd’hui, face à la situation économique et au regard de la mise en route poussive et mal ciblée du CICE, vous êtes contraints de revenir à une baisse directe du coût du travail. En plus du CICE, vous proposez donc désormais, dans le présent programme de stabilité, 10 milliards d’euros d’exonérations de charges : les cotisations patronales URSAFF seront supprimées jusqu’à 1,6 SMIC au 1er janvier 2015 et les cotisations familiales, au-delà et jusqu’à 3,5 SMIC, diminuées à partir du 1er janvier 2016 ; pour les indépendants et artisans, les cotisations famille seront diminuées de trois points en 2015.
Nous saluons la réinstauration de ce que vous aviez supprimé : à savoir, la diminution des cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille, que nous avions proposé de diminuer de 5,4 points pour un allégement global du coût du travail de 13,2 milliards d’euros.