Mme Aline Archimbaud. Le dépôt d’un Ad’AP se fait sur la base du volontariat, il nous paraît important d’insister sur ce point. Or, pour le moment, il n’est pas prévu que les pouvoirs publics vérifient que ceux qui n’ont pas déposé d’agenda d’accessibilité programmée ont bien effectué les travaux. Certes, des sanctions existent, mais, pour qu’un établissement recevant du public soit sanctionné, il faut qu’un citoyen dépose une plainte. Cela entraîne de fait une lourdeur administrative et financière, ainsi qu’une incertitude quant à l’issue de la procédure, alors qu’il s’agit de personnes fragiles et vulnérables.
L’Association des paralysés de France nous a également alertés sur le coût social et parfois le coût psychologique très importants liés à une telle démarche. Il est en effet très difficile de porter plainte contre un commerçant ou le responsable d’un service public de son quartier. Il nous semble donc que c’est aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités.
Notre amendement vise ainsi à compléter le dispositif de vigilance citoyenne par un contrôle proactif de l’avancement des travaux de mise en accessibilité. Si l’objectif n’est pas de sanctionner frénétiquement, il ne faut pas non plus donner, nous semble-t-il, un signal de faiblesse et d’évitement.
Une première vérification pourrait être faite dans les deux mois qui suivent la date butoir de dépôt d’un Ad’AP, afin de rappeler les échéances à ceux qui n’ont pas réalisé les travaux.
Enfin, pour tout cela, il n’est pas nécessaire de créer une nouvelle instance ou de nouvelles structures responsables. Tout existe déjà. Il ne reste plus qu’à nous servir des outils qui sont à notre disposition, tel l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle créé en 2010 et dont je rappelle qu’il a pour mission « d’évaluer l’accessibilité et la convenance d’usage des bâtiments d’habitation, des établissements recevant du public […] ; d’étudier les conditions d’accès aux services publics, au logement et aux services dispensés dans les établissements recevant du public ». C’est donc un bon outil.
De la même façon, les données concernant le nombre d’ERP ayant déposé un certificat de fin de travaux de mise en accessibilité sont utilisées par la Délégation ministérielle à l’accessibilité. Elles sont donc disponibles.
Il nous semble qu’une coopération entre ces deux structures et la structure prévue pour la réception des agendas d’accessibilité programmée permettrait un meilleur contrôle du respect de cette loi fondamentale.
Tel est l’objectif assigné à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Ma chère collègue, par votre amendement, vous pointez, à juste titre, la nécessité d’améliorer le contrôle de l’état d’avancement des travaux d’accessibilité. C’est ainsi que nous en avons également jugé lors de la concertation. Nous avons permis l’amélioration de ce dispositif de contrôle en actant que les bilans de réalisation de l’agenda d’accessibilité programmée puissent être transmis à la CAPH à la fin de chacune des périodes ainsi qu’à la fin de l’agenda lui-même.
La commission demande donc le retrait de cet amendement sur lequel, sinon, elle donnera un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je partage tout à fait l’avis de la commission sur cet amendement.
L’intention est bonne. Nous avons tous bien compris que la non-application de la loi de 2005 était liée à la fois à un manque de contrôle et de suivi. Néanmoins, renforcer le contrôle de l’autorité administrative est-elle la bonne façon de procéder ?
Je crois également que le contrôle citoyen peut être une bonne façon de procéder, et nous en reparlerons car, dans un autre amendement, il sera question d’établir une liste des établissements qui seront en cours d’Ad’AP. Il faut responsabiliser l’ensemble de la société dans ce combat que nous menons, les uns et les autres, afin d’aboutir à l’accessibilité universelle.
C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait en accord avec Mme la rapporteur. Si vous ne retirez pas votre amendement, madame la sénatrice, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, maintenez-vous votre amendement n° 12 ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu du risque de recueillir deux avis défavorables, je vais le retirer.
Cela étant, je ne suis pas convaincue. Il faudrait donner aux citoyens et aux associations des moyens, car ils sont bien fragiles pour porter ces recours. Nous connaissons la lenteur des procédures ainsi que la complexité des démarches.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Vial, Mme Gourault, MM. Bizet et Jarlier, Mmes Lamure, Cayeux et Bruguière, MM. Cambon, Karoutchi et Cointat, Mme Boog, MM. Hyest et Grignon, Mme Deroche, MM. Hérisson, Reichardt et Saugey, Mme Masson-Maret, MM. Beaumont, Paul et Laménie et Mme Keller, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cadre, le préfet doit notamment disposer de la faculté de prolonger, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, le délai de mise en œuvre d’un agenda présenté par une administration de l'État, une collectivité territoriale, un établissement public à caractère administratif ou un organisme chargé de la gestion d'un service public administratif d’une durée ne dépassant pas la moitié du délai prévu initialement, dans le cas où des difficultés particulières, notamment techniques, apparaissent en cours d’exécution ;
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je vais présenter cet amendement par courtoisie républicaine, car, si j’ai bien compris, ce projet de loi tend à saisir le Gouvernement afin qu’il légifère par voie d’ordonnances sur un texte qui résulte de la concertation. Cette dernière étant terminée, le Parlement n’a qu’à applaudir, constater ou plutôt se taire. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mais, puisque j’ai déposé cet amendement, autant le défendre !
Il s’agit de donner au préfet, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, la faculté de prolonger le délai de mise en œuvre d’un Ad’AP, lorsqu’il apparaît que le calendrier prévu pour sa réalisation ne pourra pas être respecté.
Cette mesure, selon moi d’un pragmatisme le plus élémentaire, a été demandée par toutes les associations d’élus, qu’il s’agisse de l’Association des régions de France, de l’Assemblée des départements de France ou de l’Association des maires de France. Considérant que les délais nécessaires pour les collectivités devaient être plus longs – la concertation en a de toute évidence décidé autrement – nous vous demandons – que dis-je, nous vous implorons ! – de faire en sorte qu’il soit possible – les acteurs de la concertation doivent nous surveiller –, dans des conditions exceptionnelles, de prolonger, dans les départements, le délai accordé aux collectivités afin de leur permettre de mettre en œuvre l’Ad’AP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. J’ai entendu l’attente très forte de notre collègue, mais je vais – c’est mon rôle aussi – revenir aux échanges qui ont eu lieu dans le cadre de la concertation et qui nous ont permis de définir le cas dans lequel le délai de mise en œuvre de l’Ad’AP peut être suspendu ou prorogé : une situation financière dégradée susceptible de retour à meilleure fortune.
Nous n’avons pas envisagé d’exonérer un opérateur – a fortiori un opérateur public – de ses obligations de mise en accessibilité, notamment en cas de difficultés techniques en cours d’exécution, en dehors des phases de l’Ad’AP
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je voudrais vous rassurer, car j’ai entendu votre désarroi.
L’alinéa 5 de l’article 1er du projet de loi prévoit déjà d’habiliter le Gouvernement à suspendre les délais d’exécution de l’Ad’AP dans certains cas. Je vous confirme que le Gouvernement envisage d’introduire, dans le projet d’ordonnance, des suspensions de délai pour des cas de force majeure ou pour des cas de difficultés financières ou techniques.
Les suspensions accordées seront adaptées à chacune des situations et pourront, dans certains cas, être renouvelées si les difficultés rencontrées n’ont pas disparu à la fin de la première suspension.
Ces possibilités de suspension des délais d’exécution de l’agenda seront par ailleurs mobilisables par tout gestionnaire ou propriétaire d’établissement, qu’il soit public ou privé, car il n’y a pas de raison de faire de différence entre le public et le privé.
Je considère donc que votre amendement est satisfait par les dispositions déjà présentes et par l’engagement du Gouvernement sur ce qui figurera dans l’ordonnance, et cela sans que soit introduite de distinction entre les établissements publics et les établissements privés.
Je ne peux donc pas être favorable à votre amendement, mais je considère avoir répondu à votre préoccupation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, j’ai entendu les explications que vous venez à l’instant de nous donner concernant l’intention du Gouvernement. C’est toute l’ambiguïté de légiférer par ordonnances : nous ne pouvons pas lire dans le marc de café pour savoir ce que seront les ordonnances que vous allez élaborer !
Voilà pourquoi je reviens en explication de vote sur l’amendement présenté par notre collègue Jean-Pierre Vial, qui me semble tout à fait pragmatique et de bon sens.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à être ou avoir été maires et ceux qui le sont depuis longtemps savent que, en une vingtaine d’années, le délai de mise en œuvre d’un projet, municipal ou départemental, du fait des nombreuses obligations et normes qui ont été instaurées, a pratiquement doublé.
Évidemment, cet amendement ne serait pas nécessaire si le choc de simplification était déjà intervenu, ce choc de simplification que chacun appelle de ses vœux, mais qui tarde à venir. Je ne résiste pas à la tentation de faire de nouveau référence à l’excellent travail qu’avait effectué notre collègue Éric Doligé mais qui, malheureusement, s’est trouvé en quelque sorte démembré dans cet hémicycle.
Je rappellerai simplement que tout projet d’aménagement, de restructuration d’un bâtiment peut se heurter à de nombreuses procédures. Sans les énumérer toutes, car elles sont trop nombreuses, je citerai les fouilles archéologiques, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, la recherche d’amiante, l’extrême complexité des procédures d’appels d’offres, avec les éventuels recours que cela peut susciter…
Je crains que les collectivités territoriales ne se retrouvent, à un certain moment, dans une situation de blocage du fait de ces normes et de ces obligations.
Pour vous faire sourire, permettez-moi de me faire l’écho d’une information que j’ai récemment entendue sur une radio périphérique. Un monastère situé quelque part en France était empêché de réaliser d’importants travaux de restructurations parce qu’une espèce protégée de chauve-souris avait investi les locaux ; il fallait choisir la période adéquate pendant laquelle ces chauves-souris n’occupaient pas le monastère pour pouvoir réaliser les travaux. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Évidemment, cela part d’un bon sentiment, mais ce genre de choses est aussi de nature à bloquer un projet pendant de longues semaines ou de longs mois.
Il me semble tout à fait logique et pragmatique, dans ce contexte, puisque, dans la plupart des cas que je viens de citer, ce sont les préfets eux-mêmes qui sont chargés de mettre en œuvre cette réglementation souvent un peu compliquée vis-à-vis des collectivités et de leurs projets, que ces mêmes préfets puissent assouplir la mise en œuvre des plans d’accessibilité, puisque cela résulte des obligations légales qu’ils ont pour mission de faire appliquer.
Peut-être le Gouvernement va-t-il, dans ses ordonnances, aller en ce sens : ce serait un effort de déconcentration à l’égard des préfets – songez aux territoires ruraux – afin de leur permettre d’intervenir avec pragmatisme et bon sens dans des cas extrêmes comme ceux que je viens de citer.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Capo-Canellas et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
d) Les modalités d'attestation de l'achèvement des actions prévues à l'agenda d'accessibilité programmée ;
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, je défendrai, en même temps que cet amendement n° 14, l’amendement n° 15, déposé à l’article 2, dont l’objet est identique.
Chacun l’aura compris, il s’agit des amendements que j’ai qualifiés, lors de la discussion générale, d’amendements « poil à gratter ».
L’amendement n° 14 vise à supprimer l’obligation du propriétaire ou de l’exploitation de l’ERP d’informer l’administration et la commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées de l’état d’avancement de l’Ad’AP.
L’amendement n° 15 tend à supprimer la même obligation pour ce qui concerne le schéma directeur d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée.
Entendons-nous pour autant supprimer tout suivi de la mise en œuvre de l’Ad’AP? Non, bien entendu. Nous comprenons bien qu’un tel suivi puisse être présenté comme l’une des principales innovations et avancées du dispositif proposé. Cependant, comme je l’ai déjà indiqué, le risque est de privilégier la procédure et ses différentes étapes sur la production d’accessibilité elle-même.
En un mot, la procédure deviendra le leitmotiv des collectivités. Elle gagnerait à être simplifiée. Je propose ici des simplifications radicales. Au moins, ouvrons le débat !
C’est tout le problème de la simplicité du dispositif que nous souhaitons soulever. Si l’Ad’AP est une réponse pragmatique, que nous soutenons, sa mise en œuvre ne risque-t-elle pas d’être excessivement bureaucratique et de nous concentrer sur les moyens en perdant de vue les fins ? C’est ce que nous craignons.
Concrètement, élaborer chaque bilan d’étape représentera une contrainte administrative supplémentaire qui mobilisera du personnel, de l’expertise et du temps : autant de moyens qui ne seront pas effectivement consacrés à l’objectif final, la mise en accessibilité, et autant de moyens dont manquent de plus en plus cruellement les collectivités, spécialement les plus petites. Leur cadre réglementaire et budgétaire est en effet de plus en plus contraint, comme chacun le mesure.
La baisse des dotations rend extrêmement difficile toute programmation pluriannuelle. Il faudra pourtant s’y plier en s’engageant dans un Ad’AP.
Au moins, l’obligation d’information pourrait-elle être effectuée en forme simplifiée.
Madame la secrétaire d’État, quels engagements prenez-vous pour simplifier l’ensemble du dispositif ?
Votre réponse est attendue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Cet amendement, visant à supprimer l’obligation qui incombe au gestionnaire de l’ERP d’informer l’autorité administrative, va à l’encontre des conclusions de la concertation, qui a acté le principe d’une large concertation administrative.
De plus, supprimer l’information de la commission communale ou intercommunale pour l’accessibilité aux personnes handicapées serait selon nous contre-performant. Nous pensons au contraire qu’en phase d’élaboration et de préparation de l’agenda le fait que la CAPH puisse se rendre sur place, rencontrer le signataire, auditionner le gestionnaire, émettre un avis qui sera transmis à ce dernier et à l’autorité administrative est extrêmement positif.
D’ailleurs, un certain nombre d’acteurs l’ont dit pendant la concertation, il est préférable d’agir au moment où l’on construit l’Ad’AP plutôt qu’a posteriori, quand l’avis risquerait de tomber à plat.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 14, ainsi qu’à l’amendement n° 15, qui est son pendant pour les SDA-Ad’AP.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je comprends votre intention. Je remarque que vous avez employé dans l’exposé de votre amendement le mot « défiance ». En réalité, c'est non pas de défiance qu’il s’agit, mais bien plutôt d’accompagnement. L’état d’esprit qui préside à ce texte, que vient de décrire Mme la rapporteur, est d’accompagner dans la durée la mise en place de l’agenda d’accessibilité et des mesures d’application.
Certes, l’information sur le déroulement des opérations est bien de l’information, mais elle permet aussi aux signataires de l’Ad’AP d’expliquer les freins techniques et financiers qu’ils rencontrent le cas échéant. Ainsi, la commission départementale peut se déplacer pour faire elle-même des constatations.
Cette information permet donc d’instaurer une sorte de concertation permanente dans la mise en œuvre de l’accessibilité. C'est la nouveauté de ce texte par rapport à la loi de 2005. L’esprit de la loi est le même, mais on y a ajouté du sens pratique et du concret. Ne vivons pas cela comme une contrainte !
Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu vos craintes. Nous serons extrêmement attentifs à ce que les formalités à remplir soient extrêmement simples. Je suis convaincue qu’il faut un langage simple et facile à comprendre. Des formations ont déjà été mises en place au sein des ministères pour former l’ensemble de l’administration à cette exigence. Je peux vous assurer de ma volonté de poursuivre dans cette voie, car il est vrai que certains discours peuvent être obscurs et certains formulaires extrêmement compliqués à remplir. Je m’engage à les simplifier. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je veux vous faire part de ma surprise.
Jusqu’à présent, nous transformions en lois des accords interprofessionnels. Lorsqu’il était ministre, Gérard Larcher a préparé une loi sur la concertation, dont j’étais le rapporteur au Sénat. Ces accords interprofessionnels sont empreints d’un certain formalisme. À chaque fois, les syndicats ont fait la différence entre démocratie représentative et démocratie politique et nous ont dit que, même s’ils souhaitaient que nous allions dans leur sens, nous pouvions ne pas voter l’accord en l’état.
Or qu’entends-je depuis le début de cet après-midi comme seule réponse à ceux de mes collègues qui ont déposé des amendements ? Il y a eu une concertation et rien ne peut être discuté !
Mme Catherine Deroche. Circulez, il n’y a rien à voir !
Mme Catherine Procaccia. En effet, comme le dit si bien Catherine Deroche, circulez, il n’y a rien à voir !
C'est une invention juridique. J’aimerais que le Gouvernement dise clairement si, dorénavant, dès qu’il y a une concertation, quelle que soit sa nature, on n’a plus le droit de toucher à quoi que ce soit.
C’est tout de même notre rôle de parlementaires d’intervenir, d’autant que certains d’entre nous ont rédigé des rapports qui ont été approuvés à l’unanimité, par des sénateurs de droite comme de gauche. On a donc l’impression que nos collègues ont tout juste eu le droit de déposer des amendements et qu’il n’était pas nécessaire qu’ils travaillent sur le sujet « puisqu’il y a eu une concertation »…
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Capo-Canellas, je suivrai Mme la rapporteur et Mme la ministre. Je ne voterai pas vos amendements. Vous avez parlé de simplicité, mais simplicité n’est pas forcément synonyme d’efficacité. La loi de 2005 était en effet très simple ; vous l’aviez d’ailleurs votée.
M. Vincent Capo-Canellas. Pas moi !
Mme Annie David. Vous n’étiez peut-être pas sénateur à l’époque, mais votre groupe l’avait votée, contrairement au groupe CRC, sans doute parce que la loi était justement un peu trop simple, et que n’y figuraient pas toutes les mesures de précaution qui nous ont été présentées.
Donc, simplicité ne rime pas toujours avec efficacité. Supprimer le dispositif d’information prévu dans ce projet de loi me semble être non pas une mesure de simplification, mais plutôt le signe d’un manque de transparence à l’égard des associations de personnes handicapées.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame David, il est vrai que la simplicité n’est pas toujours synonyme d’efficacité, mais elle rime rarement avec administration et procédures !
Je remercie Mme la secrétaire d’État de ses explications et des engagements qu’elle a bien voulu prendre quant à la forme des ordonnances et à la simplicité des procédures pour les collectivités. Faisons mieux et plus, pour que ces collectivités ne soient pas noyées sous les formalités à accomplir et les formulaires à remplir.
Comprenons-nous bien : comme il s’agit d’un projet de loi d’habilitation à procéder par ordonnances, nous ne nous prononçons ici que sur les objectifs. Autant le faire clairement ! D’un point de vue formel, mon amendement pouvait sembler un brin caricatural, mais il a au moins le mérite de poser clairement le problème de la simplification.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de nouveau de votre réponse. Le terme « défiance » figurait effectivement dans l’objet de mon amendement. Vous aurez remarqué que je ne l’ai pas repris lorsque j’ai défendu mon amendement.
Monsieur le président, sous le bénéfice des explications apportées par Mme la secrétaire d’État, je retire l'amendement n° 14 et vous indique par avance que je retirerai l'amendement n° 15, à l’article 2.
M. le président. L’amendement no 14 est retiré.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Boog et Deroche, MM. Savary et Milon, Mmes Bruguière, Lamure et Sittler et MM. Chauveau, Lefèvre, Dulait, César, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Les modalités d’exception à la réalisation de mise aux normes d’accessibilité dans le cadre bâti de locaux professionnels en activité avant 2005 pour disproportion manifeste selon des critères d’impossibilité technique et architecturale, de préservation du patrimoine et de disproportion économique excessive sur l'activité professionnelle ;
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement tend à réaffirmer les dispositions de la loi de 2005 relatives aux critères de dérogation : impossibilité technique et architecturale, préservation du patrimoine et disproportion économique excessive par rapport à l’activité professionnelle.
Je me suis exprimée précédemment sur les difficultés rencontrées par les professionnels de santé. Je ne vois pas comment procéder à des mesures, puisqu’il n’y a pas de chiffre d’affaires.
Pourquoi voulons-nous reprendre ce qui figure déjà dans la loi de 2005 ? Tout simplement parce que vous avez décidé de légiférer par ordonnances ! Si cela avait été fait par la voie législative ordinaire, on ne se poserait pas ce type de questions et il n’aurait pas été nécessaire de déposer certains amendements.
Depuis neuf ans que je siège au Sénat, j’ai toujours entendu pousser des cris d’orfraie les rares fois où les gouvernements précédents ont voulu légiférer par ordonnances. Or, dans le présent texte, tout n’est qu’habilitation, et rien d’autre !
Je sais donc parfaitement que ce que je propose figure déjà dans la loi, Mme la rapporteur me l’a encore répété en commission aujourd'hui, mais mon amendement me donne l’occasion d’entendre vos éléments de réponse et de redire que nous ne sommes pas satisfaits que vous légifériez entièrement par ordonnances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Je voudrais revenir aux débats qui ont réuni, ces derniers mois, l’ensemble des acteurs concernés par cette question essentielle de l’accessibilité et sur les conclusions qui ont été les nôtres.
Nous avons pensé qu’il était absolument nécessaire de préciser la notion de « disproportion manifeste », en dégageant trois catégories : tout d’abord, l’impossibilité pour un établissement de financer les travaux d’accessibilité ; ensuite, l’impact des travaux sur la viabilité économique future de l’établissement ; enfin, la nécessité d’avoir une approche raisonnée de mise en accessibilité, notamment dans le cas d’une rupture de la chaîne de déplacement.
Ma chère collègue, vous évoquiez nos débats en commission. Je pourrais ajouter, puisque vous aviez alors abordé ce problème, le risque de blocage des copropriétés de centre-ville. Nous avions débattu de cette question et proposé d’en faire un motif de dérogation.
Tous ces éléments vont être repris dans les ordonnances. Puisque votre amendement est satisfait, la commission souhaite son retrait ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est exactement le même que celui de la commission. J’aimerais toutefois vous apporter, madame la sénatrice, quelques précisions en réponse à vos différentes interventions.
Sachez que je comprends très bien votre frustration de parlementaire ; elle est légitime. Je voudrais vous dire une fois encore les raisons qui nous amènent aujourd’hui à légiférer par ordonnances.
D’abord, sur le fond, vous aviez déjà voté en 2005 l’accessibilité universelle.
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Aujourd'hui, il ne s’agit en quelque sorte que d’une mise en application, laquelle, je le rappelle, n’a pas été faite, ni portée, pendant des années. Les choses n’ont commencé à bouger qu’en 2012.
Certes, il faudrait probablement simplifier l’ensemble des procédures qui existent dans la République. Il faut du temps pour conduire une concertation comme celle qui a eu lieu. Je précise à cet égard qu’il s’agissait non pas d’une concertation entre partenaires sociaux – ils ont l’habitude de se réunir et de discuter ensemble -, mais d’une concertation totalement inédite qui a réuni, sous la présidence de Claire-Lise Campion, des acteurs de terrain qui n’ont pas du tout l’habitude de se rencontrer. Peut-être faut-il leur faire confiance.