Mme Muguette Dini. Même si nous aurions pu aller plus loin, monsieur le ministre, le présent projet de loi présente des avancées relatives, notamment, aux baux commerciaux et à l’urbanisme commercial. Je n’y reviendrai pas, mes collègues ayant largement développé les intérêts de ce texte.
Pour ce qui me concerne, vous le savez, j’étais plus particulièrement sensible au sort des auto-entrepreneurs dans le respect des intérêts des artisans. Tel qu’il a été modifié, ce texte reprend toutes les préconisations du rapport que Philippe Kaltenbach et moi-même avions rédigé. Pour cette raison, à titre personnel, je le voterai.
Monsieur le ministre, je tenais à vous remercier de votre attention lors de l’examen de chaque amendement, de vos explications, quelquefois un peu sévères, et aussi de votre bonne humeur.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur. Mon propos sera bref, compte tenu du peu de temps qui nous est encore imparti.
Le présent projet de loi apporte de la simplification, de la transparence et, cela a été fréquemment indiqué, un nécessaire équilibre entre les acteurs, autant d’éléments facilitateurs à la création d’emplois non délocalisables.
Monsieur le ministre, lors de votre intervention au cours de la discussion générale, vous avez insisté sur le fait que nous devions militer en faveur de la croissance. Et nous sommes allés dans le sens que vous souhaitiez.
Voilà quelques mois, les auto-entrepreneurs étaient plutôt inquiets ; ils devraient être rassurés. Les artisans étaient plutôt en colère ; ils devraient être satisfaits, car nous avons vraiment su trouver les voies de l’apaisement.
Pour ce qui concerne les baux commerciaux, le texte garantit une plus grande transparence, un meilleur équilibre des rapports entre bailleurs et locataires.
S’agissant des artisans, le projet de loi assure une meilleure reconnaissance de la profession et une plus grande visibilité en faveur du consommateur. En définitive, le principe est celui du « gagnant-gagnant ».
Quant à l’urbanisme commercial, la procédure sera plus rapide. La prise en compte du SCOT est également très importante. En bref, la démocratie sera gagnante.
Je voudrais maintenant remercier tout d’abord les administrateurs et tous les collaborateurs de cette assemblée qui m’ont secondé. Je tiens à remercier ensuite la majorité de son soutien et l’opposition de son apport tout à fait constructif. Je pense en particulier au travail de Mme Dini, en collaboration avec Philippe Kaltenbach, ainsi que de notre collègue député M. Grandguillaume sur le statut de l’auto-entrepreneur, notamment.
À l’issue des auditions, et avant même l’adoption, entre autres, des quelques amendements techniques par la Haute Assemblée, nous avions pu dresser un premier constat : l’ensemble des acteurs estimaient que nous étions parvenus à un bon équilibre et que nous devions prendre garde à ne pas le remettre en cause. C’est chose faite !
La commission mixte paritaire permettra peut-être de réaliser d’autres avancées.
Je l’ai rappelé, monsieur le ministre, vous souhaitiez que nous soyons des militants de la croissance. Je pense que nous avons aussi été des artisans du bon sens, ce qui est parfois la marque symbolique du Sénat. Je remercie l’ensemble des membres de la Haute Assemblée de leur travail. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je tiens à vous remercier d’avoir participé à ce beau débat, particulièrement M. le rapporteur, Yannick Vaugrenard, dont le travail a permis de rassembler toutes les sensibilités politiques de cette assemblée et de parvenir à un équilibre final.
Le texte qui vient d’être adopté n’est pas tiède : il transforme, rassemble, apaise, régule, intervient, donne le pouvoir aux élus. Dans certains cas, il protège le locataire qui, parfois, subit la violence économique. Bref, le législateur a donné sa mesure.
En outre, ce texte n’abandonne aucune des valeurs soutenues par les uns et les autres.
Au cours des débats, j’ai relevé des points de convergence importants sur la petite entreprise. Je sais d’ailleurs à quel point le petit entrepreneur est le symbole de cette France qui résiste à la crise : il subit, mais, parallèlement, il protège, donne l’emploi, fait vivre le territoire urbain comme rural.
L’examen de ce projet de loi fut un beau symbole : la cause servie a transcendé toutes les oppositions entre les protagonistes, dont les points de vue sont au demeurant fort justifiés. Ce fut un bel exercice de démocratie. Je voulais vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, car ayant été député pendant dix-sept ans, alors que c’était la première fois que je me présentais comme membre du Gouvernement devant la Haute Assemblée, j’y ai parfois trouvé des leçons à donner à d’autres !
J’y ai aussi trouvé non seulement l’écoute, le respect, le désaccord – ce n’est pas une honte – mais également la capacité à échanger les opinions et à en tirer profit.
Avant la réunion de la commission mixte paritaire – cette étape inquiète M. le président de la commission en raison de tout le travail restant à accomplir –, j’espère que ce que nous avons écrit ensemble sur les auto-entrepreneurs, les baux commerciaux, l’urbanisme commercial, entre autres, servira la cause de tous ces praticiens dans la vie quotidienne. C’est en effet d’abord pour la société que nous construisons politiquement son organisation. Il revient au Gouvernement, au travers des décrets d’application, dans sa pratique politique, de veiller à ce que les textes qu’il a rédigés avec les parlementaires soient à l’origine, non pas de nouvelles difficultés, mais bien de facilités.
Tel est l’esprit dans lequel je m’engage à œuvrer avec Valérie Fourneyron, secrétaire d’État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, qui a suivi nos débats avec application en dépit de son état de santé, qui heureusement s’améliore.
Pour nous, un texte législatif est une matière vivante appelée à suivre son cours et à prendre en considération le destin de tous ceux qu’il concerne. Son adoption n’est pas une fin en soi.
En conclusion, je vous remercie une nouvelle fois, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre soutien. Nous sommes tous, à notre niveau, des militants de la croissance. Chaque Français a une responsabilité pour contribuer à la sortie de crise de notre pays. Nous avons pris la nôtre. Vive le redressement productif, vive la République, vive la France ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, vous avez pu être déconcerté par les règles relatives à l’examen des amendements faisant l’objet d’une discussion commune. Elles permettent aux différents auteurs de présenter successivement leurs amendements, à la suite de quoi le Gouvernement est sollicité pour donner son avis sur tous ces amendements.
J’espère néanmoins que vous garderez un très bon souvenir de votre baptême du feu au Sénat.
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Dépôt d’une question orale avec débat
Mme la présidente. J’informe le Sénat que j’ai été saisie de la question orale avec débat suivante :
« n° 8 – Le 24 avril 2014 – M. Jean Boyer demande à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires de dresser une évaluation des "pôles d’excellence rurale".
« Le principal objectif du premier appel à projets "pôles d’excellence rurale", lancé en décembre 2005, était de soutenir des projets innovants, créateurs d’emplois directs et indirects en milieu rural. L’intérêt de cette démarche est d’associer des partenaires publics et privés s’inscrivant dans une perspective de développement durable. Les pôles d’excellence rurale ont apporté une réponse, non à une politique de guichet, mais à des projets locaux, qui n’auraient jamais pu voir le jour sans cette initiative.
« Au final, les appels à projets lancés en 2006 et 2009 ont entraîné 642 pôles d’excellence rurale dont 346 sont terminés, 263 en cours de réalisation et 33 abandonnés. À la suite de la première sélection par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 12 juillet 2005 et alors que d’autres candidatures à la labellisation ont été renouvelées, il souhaite savoir quels sont les enseignements qui ont pu en être tirés. De plus, il souhaite obtenir des précisions sur la procédure mise en œuvre pour l’évaluation de ce dispositif.
« Concernant, par ailleurs, les pôles d’excellence rurale, il s’interroge sur le caractère suffisant des crédits de paiement qui leur sont destinés, au regard du nombre de pôles labellisés en cours de finalisation et du renouvellement souhaitable de ce dispositif. Il souhaite également connaître les modalités envisagées pour leur mise en réseau et leur évaluation. Il aimerait savoir si le Gouvernement entend prolonger cette mesure qui a permis à de nombreux territoires de porter de vrais projets d’aménagement en dehors des simples frontières communales ou intercommunales, tout en apportant une réflexion plus large. Il souhaiterait savoir s’il est prévu de lancer une troisième génération de pôles d’excellence rurale, ayant la conviction qu’il y a d’autres projets en attente.
« Pour toutes ces raisons, ces initiatives doivent être soutenues et accompagnées dans leur développement afin de prendre en compte l’espace à gérer de notre pays. En effet, personne ne réclame d’"oasis rurales". Il s’agit simplement de donner les moyens à l’ensemble de nos territoires de vivre comme ils le méritent. Personne ne demande de privilèges spécifiques. On demande simplement une parité afin de compenser les nombreux handicaps : altitude, climat, enclavement, espace, topographie… La France rurale ne peut pas se contenter d’être une spectatrice passive de son déclin, au contraire, elle veut être une actrice de son renouveau, de sa renaissance. Elle attend d’être mieux comprise.
« Il lui demande comment le Gouvernement entend répondre à cette attente déterminante pour l’avenir de tous les territoires et surtout de ceux qui sont situés en zone de montagne. »
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
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Questions cribles thématiques
Accès au financement bancaire des petites, moyennes et très petites entreprises
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’accès au financement bancaire des petites, moyennes et très petites entreprises, thème choisi par le groupe socialiste.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, si le financement bancaire est essentiel au fonctionnement de notre économie, il est crucial pour les PME – les petites et moyennes entreprises –, ainsi que pour les TPE – les très petites entreprises. En effet, celles-ci recourent très souvent au crédit bancaire pour financer leurs investissements sur le long et moyen terme, pour des crédits à court terme, ou encore plus fréquemment peut-être pour répondre à leurs besoins de trésorerie.
Le financement bancaire est donc la pierre angulaire du financement de nos PME et TPE, qui, employant plus de la moitié des effectifs salariés, sont fortement pourvoyeuses d’emplois et d’activités sur nos territoires. Les entreprises artisanales représentent 30 % des entreprises, leur personnel correspond à 14 % de l’emploi salarié et elles créent 10 % de la valeur ajoutée de notre pays. Or leurs dirigeants se plaignent, de manière récurrente, des difficultés qu’ils rencontrent en matière d’accessibilité au crédit bancaire.
Paradoxalement, les enquêtes trimestrielles de la Banque de France semblent démentir cela. Elles montrent que la demande de crédit des PME et TPE est majoritairement satisfaite : le taux d’obtention s’est globalement maintenu et demeure élevé pour les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, puisque plus de huit entreprises sur dix verraient totalement ou en grande partie satisfaite leur demande.
Pour autant, je suis convaincu que la perception des chefs d’entreprise est fondée. Je pense, notamment, aux problèmes de trésorerie qui précarisent nos petites entreprises.
Comme l’a souligné Mme Prost, médiatrice du crédit, lors de son audition par la commission des affaires économiques au mois de février dernier, les banques commerciales doivent financer les petites entreprises. « Il faut que le système bancaire finance l’économie réelle. Nous devons veiller à ce que les banquiers ne s’égarent pas dans des activités spéculatives », précisait-elle.
Nous savons que le Gouvernement a mis en place de nombreux soutiens aux entreprises, notamment par le biais de la Banque publique d’investissement, ou BPI, mais les banques privées doivent aussi se mobiliser pour consolider la croissance, qui peut repartir.
C’est la raison pour laquelle nous aimerions connaître, monsieur le ministre, les actions que le Gouvernement compte mener dans cette direction.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le sénateur, vous faites état des écarts entre le ressenti de terrain des dirigeants d’entreprise et les statistiques sur les encours et les octrois de crédit par le système bancaire.
Lorsque l’on ne se contente pas d’une analyse générale mais que l’on entre dans le détail, on réconcilie très vite ce ressenti et la réalité des statistiques. Je dispose du rapport de Mme Jeanne-Marie Prost, la médiatrice du crédit, destiné à son ministre de tutelle. Elle a énoncé une vérité assez claire : aujourd’hui, les taux d’obtention de crédits demandés par les dirigeants de PME ou de TPE pour leur trésorerie sont équivalents de ceux qui existent en Italie, voire en Espagne, pays dans lesquels le secteur bancaire n’est quasiment plus en état de fonctionner normalement. Ainsi, 68 % des PME obtiennent en partie ou en totalité les crédits de trésorerie qu’elles réclament, contre 74 % le trimestre précédent. On assiste donc à des phénomènes de tension pour ce qui concerne la distribution du crédit au sein du secteur bancaire.
Que fait le Gouvernement face à cette situation ? Lorsque le canal n’arrive plus, par irrigation naturelle, à desservir l’économie réelle, nous en creusons d’autres, à l’instar de la BPI. Cette banque, je l’ai toujours dit, a pour objet de concurrencer le secteur privé bancaire, qui s’est éloigné de l’économie réelle et ne fait pas son travail de façon satisfaisante.
À cet égard, un phénomène ne trompe guère : les personnels émérites des agences de terrain ne sont plus capables d’établir les diagnostics cliniques. Imaginez des médecins qui ne sauraient plus diagnostiquer et renverraient en permanence à de lointains laboratoires d’analyse médicale. Or aujourd’hui dans les banques plus personne ne diagnostique, n’accompagne, ne couvre le risque pour le compte de l’établissement bancaire. C’est cet éloignement du terrain des banques qui s’engagent dans des activités de marché purement spéculatives dans tous les domaines, laissant l’économie réelle à l’abandon, qui est dénoncé par la médiatrice du crédit ! La BPI a pour objet de suppléer cette carence.
Ce n’est pas le seul canal que nous souhaitons favoriser, mais il est important.
À cet égard, je souhaite vous communiquer un chiffre intéressant…
M. le président. Je vous prie d’être concis, monsieur le ministre, votre temps de parole étant épuisé.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Les progressions d’encours sont de 6 % en 2013. L’objectif fixé par le directeur général de la Banque publique d’investissement est de 30 % en 2014. Nous disposons là d’un outil qui permet de progresser.
Il en est d’autres, dont je dirai un mot lors d’une prochaine réponse.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, même si elle est partielle pour ce qui concerne la Banque publique d’investissement. Malheureusement, j’ai le sentiment que, aujourd’hui, ce sont les banques privées qui n’agissent pas, ce qui suscite une interrogation de ma part.
Comme vous le souligniez fort justement, les centres de décision sont de plus en plus éloignés des responsables des petites et moyennes entreprises ou des très petites entreprises. La plupart d’entre eux sont installés à Paris ou sont centralisés. Ce n’est plus le directeur d’agence qui délivre le crédit, notamment pour faire face aux besoins de trésorerie. La relation de confiance qui existait auparavant a disparu. C’est fort dommageable.
Je souhaite donc que des interventions soient faites au plus haut niveau auprès des grands établissements bancaires afin que cela cesse.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la séparation des activités bancaires pour financer l’activité économique et la création de la Banque publique d’investissement figuraient parmi les mesures fortes de la campagne présidentielle de 2012. Alors que les difficultés d’accès au crédit des PME et TPE demeurent une réalité, il est difficile de comprendre que ce débat financier ait été absent de la discussion sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises adopté ce matin.
En effet, les trésoreries des entreprises restent très tendues. Ainsi, en Auvergne, plus d’une entreprise sur deux voit sa trésorerie se réduire, et ce depuis trop longtemps. De nombreuses entreprises ne peuvent plus faire face sans le soutien du secteur bancaire. La séparation des activités bancaires n’a pas été à la hauteur des enjeux. Les banques ne sont pas éloignées des logiques de rentabilité, logiques qui poussent à accroître les taux d’intérêt imposés aux petites entreprises.
De plus, la BPI, du fait des faibles montants engagés par cet établissement – 7 milliards d’euros, soit environ 1 % de la demande annuelle de crédit –, n’a pas réellement répondu aux attentes suscitées par sa création. La croissance demeure bridée par des coûts et surcoûts bancaires qui affectent sérieusement les PME et TPE et constituent aujourd’hui la moitié des cotisations sociales dites « patronales ». Il est donc urgent que la BPI puisse jouer pleinement son rôle et dispose de ressources suffisantes pour aider ces entreprises, certes petites, mais qui sont le premier employeur de France.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas lui confier une partie des éventuels « excédents » du fonds d’épargne, alimenté par la collecte du livret A et du livret de développement durable ?
Ne doit-on pas lui permettre d’obtenir des ressources de crédit auprès de la Banque centrale européenne, comme le ferait n’importe quel autre établissement de crédit ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Madame la sénatrice, la BPI est en forte croissance. Les banques privées, quant à elles, connaissent d’autres formes de croissance : l’envolée des bonus, la progression, dans des proportions absolument indécentes, des rémunérations de leurs dirigeants. (Approbations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Mireille Schurch. Lamentable !
M. Alain Fouché. Scandaleux !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Ainsi, les rémunérations des PDG du Crédit agricole, de Natixis et du groupe BPCE ont connu respectivement une hausse de 38 %, de 14 %, et de 29 %.
Il va falloir aborder cette question avec la place bancaire. Je fixerai un rendez-vous afin d’en discuter, comme le Premier ministre me l’a demandé. Car le système bancaire ne peut pas être défaillant alors que les rémunérations de ses dirigeants et les profits s’envolent de façon disproportionnée.
Quant à la BPI, les chiffres sont bien plus intéressants. Les prêts pour faire face aux besoins de trésorerie – sujet de tension pour les PME et TPE que vous avez signalé à juste titre – ont progressé de 11 % en 2013, les garanties des prêts bancaires de l’ordre de 20 %. Les activités d’investissement devraient croître de 50 % en 2014 et passer de 121 millions d’euros investis en fonds propres l’an dernier à 170 millions d’euros cette année. Des milliers d’entreprises sont concernées par l’activité de la BPI : 3 000 par des prêts de développement, 3 600 par des prêts pour l’innovation. Le travail se poursuit.
Je pourrais également citer le préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, qui a permis de renforcer la trésorerie des entreprises par anticipation sur le dispositif. Ce sont là des progrès appréciables.
Je voudrais maintenant formuler une remarque, qui est aussi un élément de réponse à la question de M. Vaugrenard : le Gouvernement a mis en place pour les entreprises en difficulté un fonds de résistance économique, qui est la remise en marche de l’ancien FDES, fonds de développement économique et social, à hauteur de 380 millions d’euros.
C’est grâce à la banque d’État qui travaille aux conditions du marché, toujours de façon minoritaire, en sollicitant la place, qui est au rendez-vous, que nous avons pu sauver Kem One, Mory Ducros, au prix d’énormes sacrifices malheureusement, FagorBrandt, et que nous allons sauver Ascométal. On peut donc déjà inscrire à l’actif de ce fonds de résistance économique la préservation de 50 000 emplois directs ou indirects.
Les banques ne sont pas au rendez-vous. La banque, c’est nous, madame la sénatrice ! Nous allons devoir faire progresser le secteur bancaire dans la voie d’un meilleur patriotisme économique.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour la réplique.
Mme Mireille Schurch. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Mais, à mon avis, ce serait fourvoyer la BPI de la cantonner au financement de l’action publique générale du Gouvernement, qu’il s’agisse du CICE ou du pacte de responsabilité.
Outre le fait que le président de la banque et sa première vice-présidente viennent d’être appelés à d’autres fonctions – cela témoigne d’une certaine légèreté pour l’action menée par la BPI – au moment où certains nous assènent tous les jours un discours consternant sur la baisse des taux de marge, il me semble plus que nécessaire que nous facilitions l’existence d’un crédit bancaire moins cher et moins prédateur pour les PME et TPE.
Dans ma région, l’Auvergne, les engagements pris par la BPI sont d’un montant trop faible, alors que 66 % des entreprises ont saisi le médiateur du crédit. J’ai bien noté, monsieur le ministre, les progrès appréciables réalisés par la BPI. J’ai envie de vous dire : « Peut mieux faire » !
Le simple fait que je viens de citer mérite, pour le moins, que nous cherchions à réduire le poids de la finance dans l’économie et que soient soutenus l’économie réelle et l’emploi non délocalisable de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le ministre, les données relatives au financement bancaire des PME sont contradictoires. Un certain nombre d’enquêtes avancent que le manque croissant de financement est la première difficulté à laquelle font face les dirigeants de PME. Je pense, par exemple, à l’étude publiée par la Banque centrale européenne au mois de mars 2013, ou encore au baromètre trimestriel de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, et du cabinet KPMG. A contrario, la Banque de France publie régulièrement des chiffres décrivant, depuis un an, une légère progression de l’encours des crédits aux PME et un fort taux de satisfaction de la demande.
Quoi qu’il en soit, il convient de mobiliser tous les outils à notre disposition en faveur de l’investissement, qu’il soit public ou privé et qui, s’il est employé de manière stratégique, tirera toute notre économie vers le haut.
À cet égard, on ne peut que regretter que cette belle initiative qu’est la BPI serve aujourd’hui essentiellement à sauver les apparences du déficit public en assurant le préfinancement du CICE en lieu et place de l’État. Tel n’est pas son rôle, et aucun motif ne justifie cette situation. C’est même l’inverse d’un investissement stratégique !
Par ailleurs, nous disposons, en matière d’investissement, d’une ressource encore inexploitée : les assurances vie, que nous avons évoquées l’automne dernier, dans le cadre des débats budgétaires. Ces produits bénéficient d’un régime fiscal très avantageux, sans pour autant être affectés à un financement d’intérêt général.
Pourquoi ne flècherait-on pas vers la BPI quelques points de l’énorme encours des assurances vie qui atteignait l’année dernière près de 1 400 milliards d’euros ?
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Alain Fouché. Drôle d’analyse !
M. Jean-Vincent Placé. Cette mesure donnerait enfin à cette institution les moyens de piloter l’investissement dans les filières d’avenir écologiques et sociales. Notre pays en a grandement besoin, alors qu’il s’apprête – enfin également ! – à engager sa transition écologique, tant attendue des écologistes et surtout de l’ensemble de la population française.
Pour conclure, je souligne qu’il y aurait, outre la BPI, beaucoup à dire des banques privées. Ces dernières ont récupéré cet été 30 milliards d’euros supplémentaires issus de la collecte du livret A et du livret de développement durable. Or il ne semble pas que cette somme ait réellement bénéficié au financement de l’économie, notamment des PME, contrairement aux engagements pris... Monsieur le ministre, comptez-vous lancer une évaluation de la récente attribution aux banques de cette manne publique supplémentaire ? (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.