M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’ensemble de la classe politique appelle de ses vœux le redressement économique de la France, nous examinons ce jour un projet de loi d’une grande importance.
Dans le secteur des entreprises « de petite taille », comme vous les avez qualifiées à l’instant, monsieur le ministre, la situation est grave, puisque, en 2013, ce sont 42 000 micro-entreprises ou très petites entreprises qui ont déposé le bilan. Pourtant, leur activité représente 27 % de la richesse produite par l’ensemble des entreprises et 6,8 millions d’emplois, soit 38 % des emplois du secteur concurrentiel. Ce n’est pas rien !
Engager la redynamisation de ce secteur est une nécessité non seulement pour développer l’emploi, mais également pour dynamiser nos territoires, centres-villes et centres-bourgs.
Je commencerai par formuler quelques remarques sur la méthode.
Nous contestons, vous le savez, le recours trop fréquent à la procédure accélérée, même si ce projet de loi est moins dense que certains textes que nous avons eu à examiner récemment.
Nous regrettons également de ne pas avoir pu auditionner la ministre chargée de ces questions ; nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
Par ailleurs, le dispositif de ce projet de loi est directement concerné par d’autres réformes en cours, ce qui entache la lisibilité des mesures prévues.
Ainsi, alors que le Gouvernement a lancé le pacte de responsabilité et les assises de la fiscalité, il nous manque clairement des éléments traduisant des perspectives d’avenir pour ce secteur d’activité. En effet, la fiscalité imposée aux entreprises est un élément clef de leur développement. Nous nous interrogeons sur la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, annoncée ici même par M. Valls. Cette contribution permettait le financement du régime social des indépendants.
De plus, aucune mesure n’est prévue, dans ce projet de loi, pour faciliter l’accès au crédit des petites entreprises, notamment au travers de la Banque publique d’investissement. Pourtant, selon l’IFOP, 60 % des dirigeants sont inquiets pour leur activité, 36 % d’entre eux craignent de devoir affronter des problèmes de trésorerie ou de financement dans les prochains mois. Selon la Banque de France, ils sont même 68 % à considérer que l’accès au crédit de trésorerie est extrêmement difficile. Nous aurions dû prendre ces questions à bras-le-corps ; il n’en est rien, et nous le regrettons.
Concernant le contenu même de ce projet de loi, nous approuvons la volonté de réguler la définition des baux commerciaux au regard des abus pratiqués, notamment, dans les centres commerciaux. Nous présenterons ainsi quelques amendements visant à encadrer mieux encore le déplafonnement de ces baux dérogatoires. Il s’agit d’une question importante, puisque le poids du loyer et des charges a sensiblement augmenté ces dernières années, pour atteindre jusqu’à 15 % du chiffre d’affaires.
L’article 7 améliore l’exercice du droit de préemption en permettant aux communes de le déléguer aux intercommunalités. Si nous portons une appréciation positive sur une telle mesure, elle devrait cependant avoir pour corollaire la hausse des dotations des collectivités plutôt que leur diminution, encore confirmée lors du discours de politique générale du Gouvernement. À défaut, demain, les collectivités ne pourront, pas plus qu’hier, voire moins qu’hier, user de cette prérogative.
M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas faux !
M. Philippe Dallier. C’est même vrai !
Mme Mireille Schurch. Concernant les mesures ayant trait aux très petites entreprises, nous avons été étonnés de l’évolution du présent texte à l’Assemblée nationale.
En 2008, nous avions, avec l’actuelle majorité présidentielle, dénoncé la création du statut de l’auto-entrepreneur. Or, aujourd’hui, ce statut n’est pas remis en cause ! Je me permets de rappeler les propos tenus à l’époque par notre collègue Nicole Bricq, qui avait, à juste titre, déploré la création d’un dispositif réduisant l’auto-entrepreneur « au statut d’un individu sans appartenance, dans un monde où la précarité est devenue la règle ».
Ainsi, nous aurions légitimement pu penser que la gauche au pouvoir ne pérenniserait pas ce statut particulier en l’état. Chacun le sait, il facilite le travail salarié dissimulé, contre lequel l’inspection du travail ne peut efficacement lutter aujourd’hui, faute de moyens. Ce corps a, en effet, été saigné ces dernières années : il ne compte plus que 2 250 fonctionnaires, pour 18 millions de salariés. À ce titre, nous défendrons un amendement tendant à supprimer la présomption de non-salariat pour les auto-entrepreneurs.
En outre, monsieur le ministre, nous vous demandons de proposer, par voie d’amendement, que le secteur du bâtiment soit exclu du périmètre des activités pouvant être exercées par des auto-entrepreneurs. Il s’agit là d’une demande forte de la profession, qui souffre particulièrement en cette période de crise.
Même si le niveau d’ambition du texte a été abaissé au cours de son examen par l’Assemblée nationale, nous approuvons la volonté de fusionner les régimes micro-social et micro-fiscal. Pour autant, ce dont les artisans et les TPE ont le plus besoin, c’est d’un carnet de commandes bien rempli, et donc de clients. D’ailleurs, nous divergeons clairement, monsieur le ministre, dans l’analyse de la situation de l’économie française. À nos yeux, celle-ci souffre évidemment plus d’une crise de la demande que d’une crise de l’offre.
Mme Mireille Schurch. Le Gouvernement a du mal à l’entendre, puisqu’il confirme le pacte de responsabilité. Baisser le coût du travail pénalisera pourtant directement le pouvoir d’achat des salariés et fera peser de lourds risques sur la croissance que vous appelez de vos vœux. En outre, la dernière loi de finances a porté un coup terrible au commerce et à l’artisanat en relevant à 20 % le taux de TVA applicable à ces secteurs.
Enfin, nous avons engagé le débat sur l’urbanisme commercial lors de l’examen du projet de loi ALUR. À cette occasion, les zones d’aménagement commercial au sein des SCOT ont été supprimées, pour introduire la notion de localisations préférentielles, prenant mieux en compte l’enjeu de rapprochement de l’habitat, des commerces et des équipements publics.
Nous partageons cette volonté. À nos yeux, le SCOT localise et le plan local d’urbanisme, le PLU, détermine : cela correspond à notre vision du SCOT comme un document d’orientation, et non comme un « super PLU ».
Concernant le présent texte, nous avons toujours dit partager la volonté d’opérer une mise en cohérence entre l’urbanisme commercial et l’urbanisme de droit commun. Nous approuvons donc les articles qui vont dans ce sens.
Cependant, dans les faits, ces dispositions ne permettront pas de lutter réellement contre l’essor des grandes surfaces commerciales, véritables « temples de la consommation » qui constituent des non-sens écologiques participant à l’artificialisation des sols et qui provoquent souvent des ravages, en tuant le petit commerce de centre-ville. Nous estimons que les autorisations commerciales portant sur ce type de développement commercial doivent être demain l’exception, et non la règle.
Pour aller plus loin dans cette direction et permettre une meilleure maîtrise de l’aménagement commercial, nous prônons l’abaissement à 300 mètres carrés du seuil au-delà duquel une autorisation d’exploitation commerciale est requise, pour le ramener à son niveau d’avant 2008. Il s’agit, ce faisant, d’assurer un rééquilibrage entre grande distribution et petit commerce.
Je tiens à dire un mot sur le FISAC. Nous déplorons que la logique prévalant soit celle de l’accompagnement de l’austérité, étant donné la baisse dramatique des moyens alloués à ce fonds. Nous contestons toujours que l’on délie le FISAC de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, ce qui revient à rompre le lien entre fiscalité et territoires et à noyer de facto le FISAC dans le budget de l’État.
Toutes les questions abordées dans ce projet de loi doivent au fond s’insérer dans une réflexion globale liant les politiques institutionnelles et les enjeux d’aménagement.
La réforme des collectivités territoriales, engagée en 2010 et poursuivie par ce gouvernement, induit un aménagement du territoire qui contredit les principes du Grenelle de l’environnement. La spécialisation des territoires, la métropolisation de l’espace et le déclassement d’un certain nombre de territoires périphériques entraînent des déplacements toujours plus longs et l’éloignement des populations des centres urbains et des centres-bourgs.
Ces phénomènes de ségrégation territoriale et sociale ouvrent la voie aux votes les plus extrêmes, comme les récentes élections municipales l’ont démontré. Cette situation devrait nous interpeller, notamment quant au rôle primordial des communes. Ce dernier doit être conforté car ce sont les communes qui créent, par l’aménagement et la maîtrise de leur espace, les meilleures conditions d’une cohésion sociale et urbaine sur leur territoire.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous abordons ces débats avec une attitude bienveillante, mais vigilante quant au sort qui sera réservé à nos amendements. Nous avons bien la volonté de participer à une co-construction ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Les artisans et les commerçants constituent le poumon de la vie économique et sociale de nos territoires. C’est pourquoi je suis heureux de m’exprimer au sujet de cet excellent projet de loi, préparé par Sylvia Pinel et aujourd’hui défendu par vous, monsieur le ministre. J’adresse mes vœux de prompt rétablissement à Mme la secrétaire d’État Valérie Fourneyron.
M. Jean-Claude Requier. Ce texte répond à quatre ambitions : rééquilibrer les relations entre bailleurs et locataires de baux commerciaux, encadrer plus strictement l’augmentation des loyers, poser les bases d’une unification des régimes d’entreprise individuelle et simplifier les règles de l’urbanisme commercial. Il constituera indéniablement une grande avancée pour les millions de travailleurs indépendants et de très petites entreprises que compte notre pays.
Nous constatons la désertification des zones rurales et la progression de la mono-activité dans les centres-villes, où beaucoup de commerces de proximité – je pense notamment aux commerces de bouche, qui sont, ne l’oublions pas, le fleuron de l’excellence française – sont remplacés par des agences bancaires, des fast-foods, des enseignes de prêt-à-porter, quand leurs locaux ne restent pas tout simplement inoccupés. Qu’y a-t-il de plus triste que de voir fermer un café ou un restaurant, lieux de vie et de convivialité, pour laisser la place à une succursale de banque ou de compagnie d’assurances, fermée durant tout le week-end ? (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Jacques Mézard. Excellent !
M. Jean-Claude Requier. Il est urgent d’agir. Ce projet de loi nous en donne les moyens, en renforçant le rôle des collectivités territoriales et les outils mis à leur disposition. Je pense par exemple à l’article 7, qui élargit le droit de préemption des communes et, bientôt, des communautés de communes, ou à la création, par l’article 7 bis B, des « contrats de revitalisation commerciale », qui seront des outils très puissants pour redynamiser certains territoires délaissés par les commerces de proximité.
Nulle part dans le monde on ne retrouve le charme et la diversité de nos petits commerces : boulangeries, pâtisseries, boucheries, charcuteries,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ah, le boudin de Mortagne ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Requier. … mais aussi librairies indépendantes, artisans-fleuristes, et tant d’autres commerces qui animent nos centres-villes et nos quartiers, pour le plaisir des yeux et des papilles. Nous devons préserver cette spécificité. C’est une part de notre richesse nationale, de notre mode de vie et de notre culture.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Malheureusement, à cause de la hausse insoutenable des loyers des locaux commerciaux dans certaines zones, beaucoup de commerçants et d’artisans ont dû mettre la clef sous la porte.
Ce projet de loi a le mérite de s’attaquer à ce problème, en déclinant différentes mesures pour limiter et encadrer la hausse des loyers lors du renouvellement du bail ou de la révision triennale, mais aussi pour rééquilibrer les relations entre bailleurs et locataires.
Ce texte n’est pas seulement porteur d’avancées pour les artisans et les commerçants. Il renforce également les droits des consommateurs. Je pense en particulier aux consommateurs ultramarins : grâce à l’adoption de l’article 30 A, ils ne seront désormais plus pris en otage par le blocage récurrent des stations-service, qui constitue un handicap majeur pour les citoyens et les entreprises de ces territoires.
Autre point fondamental à nos yeux, ce projet de loi procède à un rééquilibrage, devenu indispensable, entre auto-entrepreneurs et artisans.
Si nous souscrivons à l’un des objectifs qui ont guidé la création du régime de l’auto-entrepreneur en 2008 – favoriser l’esprit d’entreprendre en facilitant la création d’entreprise –, nous nous sommes toujours inquiétés des distorsions de concurrence qu’un tel régime implique dans certains secteurs. Ces distorsions et leurs effets néfastes sur l’économie et sur l’emploi sont aujourd’hui flagrants. C’est pourquoi il était urgent de procéder à des adaptations.
Dans des professions réglementées, comme celles du bâtiment, le non-respect par un grand nombre d’auto-entrepreneurs des obligations d’assurance, notamment en matière de garantie décennale, était un véritable problème, qui mettait parfois en danger la santé et la sécurité des consommateurs.
L’article 12 du présent projet de loi prévoyait initialement la « sortie » du régime de l’auto-entrepreneur et le basculement vers le régime de droit commun au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires. Entièrement récrit par l’Assemblée nationale, cet article vise aujourd’hui à fusionner les régimes micro-social et micro-fiscal. De fait, le statut d’auto-entrepreneur et les nombreuses exceptions dont il était assorti vont disparaître pour donner le jour à un nouveau régime unifié de la micro-entreprise, toujours aussi simple mais plus juste, qui concernera plus de 150 000 entrepreneurs individuels.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ces mesures, qui vont dans le sens d’une unification des régimes et d’une simplification des démarches pour tous les micro-entrepreneurs.
De plus, le présent texte vise à mettre fin, à juste titre, à certaines dispenses incompréhensibles dont bénéficiaient les auto-entrepreneurs. Ainsi, l’immatriculation au répertoire des métiers devient obligatoire pour les entrepreneurs exerçant une profession artisanale, de même que l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour les commerçants. Le stage de préparation à l’installation devient également obligatoire pour tous.
Enfin, je me réjouis de l’adoption, à l’article 9, de l’amendement de la commission tendant à obliger toute entreprise du secteur de la construction à fournir la preuve de sa couverture par la garantie décennale. C’est là un complément essentiel.
Cependant, la rédaction actuelle du projet de loi pose encore certains problèmes, que nos amendements tendent à résoudre. Je pense notamment à la question des cotisations sociales minimales. Celles-ci doivent nécessairement être payées par tous, sauf à mettre en danger certains entrepreneurs et à pousser au développement d’une sécurité sociale à deux vitesses.
Avant de conclure, je dirai quelques mots du FISAC.
Nous ne pouvons que déplorer la logique politique destructrice suivie de 2007 à 2012 à l’égard de ce fonds. Faut-il rappeler que ses crédits ont été divisés par deux au cours de ce quinquennat, alors que ses missions s’élargissaient ?
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Gérard Cornu. Là, ils vont être divisés par quatre !
M. Jean-Claude Requier. Aujourd’hui, les financements issus du FISAC ne sont plus que résiduels. Ils n’en demeurent pas moins importants, et même vitaux, pour nombre d’artisans et de petits commerçants, dans les territoires ruraux notamment. C’est pourquoi je salue la réforme courageuse du FISAC…
M. Jean-Claude Lenoir. Qu’a annoncé M. Valls ?
M. Jean-Claude Requier. … inscrite à l’article 25 de ce projet de loi, qui adaptera les missions de ce fonds aux moyens contraints qui sont désormais les siens.
M. Roland Courteau. M. Requier a raison !
M. Jean-Claude Requier. En conclusion, je le répète, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées à même de donner une bouffée d’oxygène à des millions de petits commerçants et d’artisans.
Dans le prolongement de cette logique, les sénateurs du RDSE défendront plusieurs amendements visant à renforcer encore la protection des commerçants et des artisans, notamment au moment de la cession de leur bail. Nous espérons que ces propositions seront soutenues par une majorité de nos collègues, ce qui ne fera que conforter l’unanimité des membres du RDSE pour voter le présent texte ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président., La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’adresse moi aussi mes vœux de prompt rétablissement à Mme Valérie Fourneyron.
Je tiens tout d’abord à exprimer ma satisfaction devant l’orientation de ce projet de loi, qui vise à préserver une économie locale de proximité en agissant en faveur des très petites entreprises, et plus particulièrement des artisans, des petits commerçants et des entrepreneurs individuels.
Ces petites entreprises sont importantes à bien des titres. En effet, elles ne représentent pas seulement une contribution au PIB français : elles sont aussi un facteur de lien social, elles sont sources d’emplois non délocalisables et elles participent d’une économie à taille humaine.
Il est donc important d’agir pour ces secteurs qui font vivre les territoires : la fermeture du dernier commerce dans les communes rurales, l’apparition de quartiers mono-fonctionnels déserts ou encore l’absence de commerces dans les zones urbaines sensibles sont des phénomènes que nous pouvons tous constater et déplorer.
Malheureusement, le corollaire de ces évolutions est la multiplication des zones commerciales périphériques, qui défigurent les entrées de ville. Le diagnostic est, en effet, pour le moins inquiétant : 62 % du chiffre d’affaires du commerce et 80 % de la croissance des zones commerciales se réalisent en périphérie, alors que les locaux vacants sont de plus en plus nombreux dans les centres urbains. Je développerai ce point ultérieurement si j’en ai le temps.
Il est par conséquent grand temps d’agir.
Cette volonté de maintenir des territoires vivants et une égalité dans l’accès à des services répondant aux besoins quotidiens des populations doit être aujourd’hui d’autant plus affirmée que la situation pourrait fortement s’aggraver : les défis du réchauffement climatique, du pic pétrolier, du vieillissement de la population font du maintien de services de proximité un enjeu capital au regard de la résilience et de l’égalité des territoires.
En effet, on peut se demander ce que vont devenir ces zones commerciales périphériques conçues pour la voiture, à l’heure où nos ressources énergétiques se raréfient. Ajoutons à cela la pollution issue des déplacements liés au commerce de périphérie, qui génère 2,6 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le commerce de proximité. On mesure l’absurdité du développement de ces temples de la consommation qui s’étalent en périphérie de nos villes.
Cette absurdité apparaît d’autant plus criante que le développement des zones commerciales périphériques est complètement déconnecté des besoins de nos concitoyens. Depuis une quinzaine d’années, les surfaces commerciales s’accroissent à un rythme de 3,5 % par an, tandis que la consommation des ménages augmente de moins de 1 %. Des friches nouvelles risquent d’apparaître sur nos territoires, tendance que les enjeux environnementaux ne pourront qu’accélérer !
On peut donc parler d’un véritable gaspillage des ressources énergétiques, mais aussi d’une ressource tout aussi précieuse : la terre nourricière.
D’après les estimations du ministère de l’agriculture, les infrastructures routières et les espaces dévolus à l’activité, notamment commerciale, consommeraient plus de 35 000 hectares de terres par an. Quel gâchis !
Les terres agricoles situées en périphérie des villes, qui pourraient, via des circuits courts, nourrir les citadins, sont aujourd’hui avalées par la construction de centres commerciaux s’approvisionnant aux quatre coins du monde. Pour adapter dès maintenant notre territoire aux enjeux de la fin de l’ère du pétrole et du réchauffement climatique, le maintien de secteurs économiques de proximité est essentiel.
Dans cette perspective, ce texte apporte des débuts de réponses.
Le volet relatif aux baux commerciaux constitue à ce titre une avancée : le prix des loyers commerciaux étant une source de difficultés pour les commerçants et artisans de centre-ville, le rééquilibrage des relations entre locataires et bailleurs est bienvenu.
La simplification du droit s’appliquant aux micro-entrepreneurs et la valorisation des qualifications des artisans seront également utiles pour le développement de ces secteurs de l’économie, et donc pour le maintien d’emplois locaux.
Nous sommes également satisfaits des mesures visant à encadrer les grands projets commerciaux en donnant à la CNAC la possibilité de s’autosaisir, ce qui permettra d’envisager ceux-ci dans une perspective nationale. Nous souhaiterions toutefois que la saisine de cette instance soit automatique, dans la mesure où ces projets affectent les territoires bien au-delà du ou des départements directement concernés.
La fusion du permis de construire et de l’autorisation d’exploitation commerciale permettra, nous l’espérons, de mieux contrôler des projets commerciaux qui sont parfois exemplaires lors de leur présentation devant les CDAC, avant d’être considérablement modifiés au moment du dépôt de la demande de permis de construire.
Enfin, nous sommes favorables au renforcement du droit de préemption commerciale et saluons la mise en place de l’expérimentation des contrats de revitalisation commerciale. Les pouvoirs publics ont besoin d’outils efficaces pour intervenir en faveur du commerce de proximité.
Cependant, au regard des enjeux sociaux et environnementaux que j’évoquais précédemment, nous regrettons que le texte n’aille pas plus loin.
Nous sommes certes satisfaits de l’adoption en commission de l’un de nos amendements, qui garantira plus de transparence dans la procédure permettant aux maires des communes de moins de 20 000 habitants de soumettre les projets d’implantation de commerces de plus de 300 mètres carrés à l’examen des CDAC. Toutefois, nous regrettons que les contraintes européennes empêchent d’abaisser ce seuil d’examen pour l’autorisation d’exploitation : l’intérêt général ne justifierait-il pas ici de limiter la liberté d’entreprendre ?
Aussi, pour favoriser le commerce de centre-ville, nous formulerons des propositions visant à faire du plan local d’urbanisme un véritable outil au service de la mixité fonctionnelle et de la préservation du commerce de proximité.
Nous proposerons également de soumettre les drives à la taxe sur les surfaces commerciales, pour enrayer leur prolifération en mettant fin à la situation de concurrence déloyale dont ils bénéficient.
Par ailleurs, nous souhaitons l’intégration des parkings au bâti commercial, pour limiter l’emprise au sol des grandes surfaces commerciales.
Ces mesures me paraissent tout à fait essentielles : j’ai défendu, lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, la nécessité de préserver la terre nourricière. Il est important de prendre acte de l’intrication des différents enjeux, et je poursuis donc mon action pour limiter la consommation des surfaces agricoles ; je sais d’ailleurs qu’il s’agit là d’une préoccupation partagée.
Enfin, nous souhaitons renforcer le FISAC, outil essentiel pour le maintien du petit commerce de proximité. Pour cela, nous proposerons de rétablir son lien à la TASCOM et de réserver ses aides aux territoires les plus en difficulté.
MM. Gérard Cornu et Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Joël Labbé. Au nom du groupe écologiste, je voterai ce texte, tout en considérant qu’il ne constitue qu’une étape. Une réforme d’ampleur de l’urbanisme commercial est nécessaire, ainsi qu’une réflexion plus globale sur l’adaptation du commerce, de l’artisanat et des petites entreprises aux enjeux environnementaux. J’aurais aimé aborder encore d’autres points, mais je vois que mon temps de parole est écoulé : ce sera pour une prochaine fois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la vocation de ce projet de loi est de regrouper la politique publique menée par le Gouvernement en matière de promotion de l’artisanat, du commerce et des très petites entreprises, permettez-moi de manifester une certaine déception.
Certes, le texte identifie les enjeux, et donc les leviers du développement de ces agents économiques : l’équilibre dans l’offre commerciale, à travers la réforme des baux commerciaux et de l’urbanisme commercial, et la rationalisation des formes juridiques que peuvent prendre les très petites entreprises.
Au-delà de ses conditions d’élaboration et d’examen, qui n’ont pour l’instant pas forcément été satisfaisantes – recours à la procédure accélérée, dépôt d’amendements gouvernementaux décisifs –, ce projet de loi est, sur le fond, une compilation d’initiatives législatives plus ou moins heureuses, et surtout trop frileuses.
L’enjeu est pourtant de taille.
En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, ceux-ci représentent 51 % des créations d’entreprise et environ 40 % des créations d’entreprise artisanale. Aujourd’hui, 900 000 personnes sont affiliées à ce régime.
Il est vrai que le chiffre d’affaires trimestriel moyen est tombé à un peu plus de 3 000 euros, mais personne ne peut contester la réussite de ce statut, même si, je le reconnais, des corrections doivent y être apportées.
En ce qui concerne le commerce, l’importance de ce secteur, en termes d’emploi, n’est plus à démontrer, puisqu’il regroupe plus de 3 millions d’actifs. Jusqu’à 2007, ce secteur connaissait une croissance significative, mais on observe, depuis lors, un tassement du nombre de salariés, qui s’établit autour de 3 millions.
Cependant, ces chiffres ne pourront cacher très longtemps la situation de certains segments : je pense au commerce de détail, où les défaillances d’entreprises continuent de progresser, pour atteindre le chiffre inquiétant de 63 000 en 2013.
En ce qui concerne l’artisanat, ce secteur est le principal pourvoyeur d’entreprises en France, avec notamment une progression de 30 % du nombre d’actifs depuis quinze ans. Autre élément à prendre en compte, un tiers des entreprises artisanales embauchent dès la première année d’existence.
Tout cela témoigne que le vivier d’emplois que cherche le Gouvernement se trouve sous ses yeux.
Malheureusement, le débat public est aujourd’hui accaparé par le pacte de responsabilité, digne héritier du choc de simplification, dont la durée de vie aura été inversement proportionnelle à la somme de nouvelles contraintes législatives que le Gouvernement soumet à notre examen depuis la rentrée.
Je rappelle au passage que le grand nombre de textes soumis à la commission des affaires économiques depuis le début de l’année ne nous permet pas d’approfondir notre examen, et donc d’exercer pleinement notre rôle de législateur. Ce texte ne déroge pas à la règle.
Enfin, ce projet de loi témoigne d’une chronologie pour le moins surprenante.
Ainsi, l’article 16 bis prévoit la remise d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle : c’est une bonne initiative, mais il aurait été préférable de la mettre en œuvre avant que nous n’examinions le présent texte. Je pensais que ce sujet devait être au cœur de ce dernier ; visiblement, ce ne sera pas le cas.
Sur le fond, notre jugement sur ce projet de loi est très partagé.
Nous sommes à la fois rassurés par la volonté du Gouvernement d’inscrire dans la durée un statut aménagé pour la micro-entreprise et inquiets de cette intention nouvelle d’encadrer trop lourdement les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale, même à titre secondaire, ou de les faire rentrer dans le droit commun fiscal.
Bien sûr, nous n’ignorons pas que ce statut d’auto-entrepreneur a donné parfois lieu à des détournements. Oui, le salariat déguisé représente une part non négligeable des effectifs, même s’il est délicat d’avancer des évaluations sur ce point. Oui, on constate une réelle distorsion de concurrence par rapport aux autres artisans et commerçants.
Le groupe UMP n’a jamais contesté qu’il faille trouver un point d’équilibre entre la facilité d’accès au régime de l’auto-entrepreneur et la lutte contre la concurrence déloyale pouvant s’exercer au détriment des artisans ou des personnes exerçant des activités commerciales, mais, avec ce projet de loi, nous craignons que vous ne soyez allé trop loin, monsieur le ministre.
Tâchons de ne pas envoyer de mauvais signaux en accablant brutalement les auto-entrepreneurs ou ceux qui relèvent du régime micro-social de nouvelles obligations.
Tâchons, pour une fois, de mettre en pratique le choc de simplification que le Président de la République appelait de ses vœux.
Une chose est sûre, ce n’est pas en bridant l’accès au statut d’auto-entrepreneur que nous susciterons une dynamique de création de richesse.
Le statut d’auto-entrepreneur est un moyen de rendre attractif le monde de l’entreprise, de familiariser les Français avec ce dernier, qui leur semble souvent trop lointain.
Pour ces raisons, nous comprenons l’intérêt de l’article 13, qui vise à supprimer les dispositions exonérant les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire et les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale d’immatriculation au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés.
De la même manière, nous souscrivons à l’article 9, qui prévoit que toute personne relevant du statut d’« artisan » ou d’« auto-entrepreneur » doit souscrire une assurance professionnelle, dans le cas où elle est obligatoire à l’exercice de son métier.