M. Didier Guillaume, rapporteur. … ce qui est aberrant.
Il s’agit donc non pas d’enlever la responsabilité au politique, mais tout simplement de remettre les choses d’aplomb : les experts de l’ANSES, dont tout le monde reconnaît les qualités, devront décider en toute indépendance. Il me semble que cela procède d’une logique imparable.
C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements de suppression. M. le ministre sera le mieux à même de vous apporter, mes chers collègues, les arguments de nature à vous convaincre que le transfert à l’ANSES de la délivrance des AMM est une bonne mesure, pragmatique et réaliste.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce débat est important dans la mesure où cet article vise à modifier les procédures en vigueur.
Trois points divergents ont été avancés par les sénateurs ayant défendu leurs amendements de suppression.
Vous avez parlé, messieurs les sénateurs, de la responsabilité du ministre et de la responsabilité politique en général, puis, à plusieurs reprises, de la responsabilité de la direction générale de l’alimentation. Certains ont même accusé cette direction, représentée ici ce soir et dont je tiens à saluer le travail, d’avoir délivré des autorisations qui n’auraient pas dû l’être. Enfin, vous avez dit que l’ANSES avait besoin de moyens parce que les AMM mettaient trop de temps à être délivrées. Mais je vous signale que tous ces éléments mis bout à bout sont assez contradictoires.
Pour gagner du temps, il faut que les procédures soient simples et claires. De deux choses l’une : si c’est la responsabilité de la DGAL qui est posée, pourquoi mettre en question celle du ministre ? Si c’est celle du ministre, pourquoi mettre alors en question celle de la DGAL ?
La clarification dans le débat procède d’un point que j’ai déjà évoqué tout à l’heure : si l’on veut mettre en jeu la responsabilité d’un ministre et des politiques, il faut le faire sur des choix clairs, sur des choix politiques qui les engagent, et non pas sur tout un tas de choses dont on parle ce soir et qui font de la décision politique une fiction. À cet égard, permettez-moi de rappeler la situation actuelle et de vous dire comment on en est arrivé à la mesure proposée dans cet article.
Générations futures, une association qui surveille toutes les AMM, a accusé le ministre de l’agriculture de refuser de délivrer des autorisations ou de suivre l’ANSES, alors qu’il n’y avait en réalité qu’un seul problème, à savoir l’encombrement dû aux dossiers que l’on ne parvenait pas à traiter. Avec deux ETP et demi, les équivalents temps plein, la DGAL ne peut pas tout régler et tout suivre. Dès lors, l’ANSES et la DGAL se renvoyaient parfois les dossiers importants, ce qui entraînait un allongement de la durée des navettes. Au bout du compte, on accumulait les dossiers sur lesquels aucune décision n’avait été prise. C’est pourquoi on a fini par accuser le ministre, qui a découvert qu’il y avait près de 2 000 dossiers tous les ans à traiter ; je dis bien 2 000 !
Prenons l’exemple d’un insecticide. L’AMM peut être autorisée pour plus de 300 usages dans 70 cultures ou groupes de cultures différents. Je vous laisse effectuer la multiplication pour obtenir le nombre de dossiers à étudier. Et on laisserait croire qu’un ministre pourrait étudier chaque année tous ces dossiers ? Qui peut laisser croire cela ? A-t-on le droit d’entretenir cette fiction chez nos citoyens ? Peut-on dire que le ministre n’assume pas sa responsabilité ? Mais comment pourrait-il l’assumer dans de telles conditions ?
Les propos de M. le rapporteur sont très justes : comment le ministre pourrait-il prendre une décision contraire à celle qui a été émise par un collège de scientifiques ? Même s’il est lui-même scientifique, est-il capable d’avoir un avis systématique sur tous ces dossiers, sauf à considérer que le ministre de l’agriculture doit s’occuper de toutes les AMM et qu’il est ministre des AMM ? Mais alors, il ne faudra pas lui demander d’aller à Bruxelles négocier la réforme de la PAC, ni de venir débattre au Parlement des lois d’avenir ! Il y a quand même un minimum de réalité à ne pas perdre de vue ! On ne peut pas rester dans la fiction.
Je l’ai souligné tout à l’heure, le politique assume des décisions, à condition que ce soit des choix clairs, qui l’engagent politiquement ! Mais on ne saurait laisser persister l’idée selon laquelle le ministre a la responsabilité de délivrer tous les ans 2 000 AMM. Ce n’est pas vrai ! Que ce soit moi, mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, ou mes successeurs, ce n’est pas vrai !
Ce soir, je veux parler clair, parler vrai sur cette question. L’ANSES est composée d’un collège de scientifiques qui émettent des avis, qu’ils doivent assumer, comme c’est le cas pour l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Qui oserait dire aujourd’hui que même l’affaire du Mediator est due à une mauvaise gestion de l’ANSM ? Ce n’est pas vrai ! Qui oserait dire aujourd’hui que le système fonctionne bien ? Vous êtes les premiers à dire qu’on perd du temps, qu’il y a des retards, que certaines autorisations ne sont pas délivrées alors qu’on en a besoin. C’est la vérité ou pas ?...
Dès lors, que faut-il faire ? Simplifier ? Tout le monde en parle. Eh bien, l’occasion nous est offerte de simplifier et de clarifier les choses, tout en posant des garde-fous, comme cela a été très bien souligné. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. En l’espèce, le ministre aura la possibilité de refuser la délivrance d’AMM eu égard à certaines réalités politiques ; il assumera sa décision. C’est cela qui paraît logique, et c’est politique. Voilà la responsabilité du ministre, ce sont de tels choix qu’il doit assumer.
On est là dans un débat de clarification. Concernant l’ANSES, la question du plafonnement des emplois sera posée. Oui, le codicille, c’est de donner à l’ANSES les moyens d’assumer jusqu’au bout l’ensemble de ses missions, en l’occurrence de conduire des études et des évaluations. On l’a dit, in fine, ce sera le conseil scientifique qui décidera de l’AMM.
Soyons clairs et n’ayons pas de faux débats ! Ne laissons pas penser que la situation actuelle est imputable à une responsabilité politique, ce n’est pas vrai ! Mon expérience le prouve, et mes prédécesseurs le savent aussi très bien, même s’ils n’en ont pas parlé.
Il faut donc que nous soyons honnêtes entre nous : nous visons tous le même objectif, faire en sorte que ces AMM respectent tous les engagements qui doivent être pris, sachant que, en plus, les substances elles-mêmes relèvent d’une décision européenne et politique : aucune molécule ne peut être mise sur le marché sans autorisation à l’échelle européenne. En revanche, les AMM au niveau national dépendent des décisions de l’agence. Les débats politiques sur toutes les molécules se font à l’échelle européenne et relèvent, je le répète, d’une décision politique, assumée.
Je veux donc que les choses soient claires dans ce débat. Je ne veux pas qu’on cherche à biaiser, en imputant des responsabilités à qui n’en a pas. Cela vaut pour l’agence comme pour le ministre.
Aussi, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement veut retirer une responsabilité, non ! Je le répète, nous sommes là pour clarifier, simplifier et faire en sorte que tout marche, tant pour le fonctionnement général de l’agriculture que dans notre rapport avec les citoyens et l’opinion publique. Il faut donner de la clarté aux décisions ; on le doit aux citoyens et aux agriculteurs. Tel est l’enjeu ! Il n’y en a pas d’autre, le Gouvernement n’a pas la volonté de faire autre chose.
C’est pourquoi je demande sincèrement aux auteurs des amendements de suppression, qui ont avancé des arguments contradictoires, de bien vouloir les retirer, en considération du travail réalisé par la commission et au bénéfice des précisions apportées par Pierre Camani : des garde-fous très clairs sont prévus, afin que les véritables décisions politiques soient prises. On ne saurait laisser penser que le ministre peut prendre la responsabilité de se prononcer sur les milliers de dossiers d’AMM concernant des sujets extrêmement techniques – le chou pommé, le chou vert, tel insecticide sur telle fleur, tel légume, tel fruit –, car ce n’est pas vrai. Cette décision doit être assumée par ceux qui ont la connaissance, ceux qui évaluent. En revanche, il doit y avoir des décisions politiques si elles sont nécessaires, ainsi que l’a relevé le rapporteur. Sur ce point, je suis prêt à assumer.
Ne nous trompons pas de débat ! Ne faisons pas semblant de croire que le système actuel fonctionne et que c’est le politique qui décide ! C’est faux ! En tant que ministre, on ne peut pas, je le répète, traiter tous les ans 2 000 dossiers sur des sujets particulièrement techniques concernant l’usage de tel ou tel insecticide ou pesticide dans telles ou telles conditions pour telle et telle production dans tel et tel jardin. Ce n’est pas vrai !
L’association Générations futures m’a accusé de retarder la délivrance d’AMM au motif que je ne voulais pas suivre les avis de l’ANSES, alors que je n’y étais pour rien. Je le répète, ces retards sont dus à toutes les navettes entre l’ANSES et la DGAL. Essayons de faire simple, de faire efficace et, en même temps, assumons chacun nos responsabilités ! Pour ma part, je suis prêt à assumer les miennes, celles du politique.
Concernant cette question du transfert de responsabilité à l’ANSES, il n’est absolument pas question de remettre en cause l’expertise scientifique ni les engagements qui doivent être pris envers les citoyens et les utilisateurs. La seule volonté du Gouvernement est de clarifier et de simplifier – c’est absolument nécessaire ! – pour répondre aux exigences de sécurité et de protection et pour que les choses fonctionnent parfaitement.
Tel est l’enjeu : il est simple, il est clair. Je souhaite vivement que le Sénat se rallie aux propositions de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’ai écouté toutes les explications qui nous ont été données et, à l’instant, M. le ministre a fait part de son avis avec beaucoup de conviction et, je crois, de sincérité.
Toutefois, en ce qui me concerne, je ne partage pas la doctrine qu’il a énoncée s’agissant de la responsabilité du ministre. Il me semble qu’il y a une différence de nature entre la prise de décision au sein d’un ministère – où de nombreux responsables d’administration exercent leurs attributions sous l’autorité du ministre, prennent des décisions en son nom, dans une organisation qu’il définit lui-même, avec des moyens de fonctionnement qu’il leur attribue – et celle au sein d’un établissement public qui lui est extérieur.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Bas. Il me semble que la responsabilité ministérielle ne se divise pas. En effet, le ministre est engagé par les décisions qui sont prises en son nom et sous son autorité. Il y a donc bien une différence de nature entre un système en vertu duquel il revient au ministre ou, par délégation, aux fonctionnaires de son ministère de prendre les décisions et un système où l’autorisation est délivrée par une institution indépendante de l’État, même si son directeur général est nommé par décret en conseil des ministres.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Philippe Bas. Ayant dit cela, je reconnais, pour autant, que la question du transfert de la responsabilité de la décision en matière d’AMM pour les pesticides se pose, et on peut l’examiner sous un autre aspect, en laissant de côté ces questions de doctrine sur lesquelles je suis en désaccord, absolu et irréductible, avec vous.
En ce qui concerne l’ANSES, il est vrai que sa création a reposé sur l’idée qu’il fallait distinguer l’évaluation et l’expertise scientifique de la décision et de la gestion du risque. Bonne ou mauvaise, cette idée de séparation est bien à la racine de la création de l’institution. Ne déroge à cette règle que la délivrance des AMM des médicaments vétérinaires, qui constitue, à vrai dire, un précédent, qui va dans le sens du dispositif que vous souhaitez voir adopter pour les produits phytosanitaires.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un pas très important concernant la délégation de la responsabilité de l’État à un établissement public. Aussi est-on en droit d’hésiter avant de le franchir.
En fait, c’est la réalité des moyens de fonctionnement qui seraient confiés à l’ANSES pour assurer cette nouvelle responsabilité qui doit nous décider. Qu’est-ce qui nous permettrait de vérifier qu’il y a réellement une restructuration derrière ce changement juridique ? C’est très simple : s’il y a bien restructuration, il y aura transfert de services entiers du ministère de l’agriculture à l’ANSES, afin de lui permettre d’assumer la nouvelle responsabilité qui sera la sienne.
Monsieur le ministre, la direction générale compétente en matière d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires va-t-elle restructurer son organisation et transférer des services entiers ainsi que les agents nécessaires à l’ANSES, afin que celle-ci puisse assumer une responsabilité nouvelle ? Si la réponse est négative, il ne faut pas faire ce transfert. Si elle est positive, on peut y réfléchir.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, sur ce sujet délicat, vous avez répondu, comme d’habitude, avec beaucoup de sincérité et de conviction, mais aussi avec un grand pragmatisme.
Comme M. le rapporteur, je me suis laissé convaincre par les arguments que vous avez avancés. Toutefois, si nous choisissons la voie que vous nous proposez, il faut que les organismes chargés de cette très lourde responsabilité aient les moyens de leur politique. Je partage moi aussi cette préoccupation. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous répondre en la matière ? Prenez-vous l’engagement de donner des moyens à cet organisme pour assumer cette responsabilité nouvelle ? Si tel était le cas, nous serions prêts à retirer l’amendement n° 378 rectifié auquel nous tenions.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. La question me paraît grave.
M. Charles Revet. Très grave !
M. Bruno Sido. J’ai bien écouté M. le rapporteur et, surtout, le plaidoyer de M. le ministre.
Au fond, M. le rapporteur nous explique que si l’ANSES accorde l’AMM, le ministre peut malgré tout la refuser. En revanche, si l’ANSES refuse l’AMM, le ministre ne peut que se rallier à sa décision. Voilà qui peut se comprendre.
Monsieur le ministre, je le répète, je vous ai écouté très attentivement. Finalement, il y va du fonctionnement de notre République.
J’ai eu la désagréable impression d’entendre le plaidoyer que vous tiendrez demain lorsque vous serez attaqué par je ne sais qui : vous vous défendrez en arguant du fait que la responsabilité relève non pas de vous, mais de l’ANSES, et que vous n’y pouvez rien, car il vous est impossible d’assumer 2 000 décisions par an.
Certes, mais, en attendant, la grandeur de la politique, c’est de prendre ses responsabilités et de ne pas se cacher derrière des arguments qui sont peut-être valables, mais qui ne sont pas à la hauteur de la responsabilité politique d’un gouvernement responsable de l’autorisation.
D’ailleurs, comme l’a souligné mon collègue Philippe Bas, vous avez des services extrêmement compétents et, à mon sens, suffisamment nombreux pour traiter toutes ces questions. Si vous voulez vous décharger de cette responsabilité, alors il vous faut transférer ces services à l’ANSES, qui aura besoin de personnels.
Depuis un certain nombre d’années, on relève la création d’autorités indépendantes ; cela a d’ailleurs été critiqué dans de nombreux domaines. Ce sont donc elles qui, au bout du compte, prennent les décisions, et le Gouvernement s’incline.
Vous avez même dit vous-même, monsieur le ministre, que la France ne pouvait pas décider une autorisation de mise sur le marché sans avoir eu l’aval de Bruxelles. (M. le président de la commission fait un signe de protestation.) C’est pourtant bien ce qu’a souligné le ministre, monsieur le président de la commission !
Je ne vois d’ailleurs pas ce qui justifie une double procédure : pourquoi recommencer en France ce qui a été fait à Bruxelles ? En matière de simplification et d’économie, on peut s’interroger !
Avec la proposition qui nous est faite, on va multiplier les autorités indépendantes.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mais non !
M. Bruno Sido Vous pouvez ne pas être d’accord, monsieur le président de la commission, mais je suis désolé de vous dire que, oui, on va les multiplier de fait ou en droit ! C’est dommage parce que le politique, aujourd’hui, n’ose plus prendre ses responsabilités. Or nos concitoyens n’acceptent plus ou, en tout cas, de moins en moins, cet état de fait.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que les écologistes, très chatouilleux sur l’expertise, ainsi que sur ses méthodes, n’ont néanmoins pas déposé d’amendement de suppression.
Nous pouvons entendre le plaidoyer du ministre selon lequel il est hypocrite de dire que le ministère a les moyens d’assumer cette responsabilité. Mais ce n’est pas aujourd’hui, selon moi, le point le plus important.
Le point essentiel, c’est le codicille du transfert de l’AMM et de la gestion du risque à l’ANSES, à savoir la garantie que cet organisme sortira du plafond d’emplois contraint qui impacte habituellement les agences. En effet, l’ANSES n’a pas besoin des agents de la DGAL, ni de ses moyens : elle a des ressources propres, qui proviennent des redevances tirées de l’analyse des molécules et qui augmentent à mesure que des dossiers lui sont confiés.
Toutefois, malgré ce trésor, Bercy ne l’autorise pas à recruter les chercheurs pour réaliser soit l’expertise, soit l’évaluation risque-bénéfice. Point n’est besoin de lui octroyer des moyens supplémentaires. Ce dont elle a besoin, c’est de sortir de ce cadre.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Vous avez raison !
Mme Marie-Christine Blandin. Cela nous donnera d’ailleurs un véritable outil pour lutter contre les conflits d’intérêts.
En effet, qui peut être plus manipulables par les groupes porteurs de la demande d’AMM que les chercheurs employés en CDD qui intègrent l’ANSES pour réaliser une analyse et la quittent une fois le travail terminé ? Le risque de manipulation n’est pas le même avec des personnels sous contrat de travail pérenne, car ils ont des fichiers. L’un des décrets d’application de la loi sur les lanceurs d’alerte qui vient d’être publié est consacré à l’importance de la bonne tenue des fichiers et des liens d’intérêt.
Si le ministre transforme son codicille en un véritable engagement, je ne voterai en aucun cas ces amendements de suppression. Toutefois, je resterai, bien sûr, vigilante sur l’avenir de l’ANSES.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Sur ce sujet comme sur d’autres, la grandeur de la politique, c’est de ne pas raconter d’histoires, ni de mentir à nos concitoyens : il faut être capable de porter des convictions, de faire des choix et de les assumer.
L’Europe n’autorise que les molécules. Vous avez confondu l’autorisation de mise sur le marché avec l’autorisation des molécules.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est quand même là un véritable sujet.
Premièrement, l’autorisation des molécules est décidée à l’échelle européenne ; elle est politique, avec toutes les conséquences que cela peut avoir. L’autorisation de mise sur le marché suppose une analyse de l’utilisation qu’on peut en faire dans tous les secteurs. À cet égard, j’ai indiqué qu’un insecticide peut avoir 300 ou 400 usages différents, ce qui nécessite 300 ou 400 autorisations de mise sur le marché différentes. Si vous multipliez cela par les 70 secteurs ou cultures ou groupes de cultures différents, vous avez la multiplicité des autorisations de mise sur le marché !
L’autorisation d’une molécule reste politique : après l’évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, la décision politique est prise. La molécule est autorisée à l’échelle européenne.
Ensuite, il reste à savoir comment on la met sur le marché et, surtout, à décliner toutes les conditions d’utilisation. Certaines molécules sont utilisées avec des réflecteurs, par exemple, lorsque les jardiniers du dimanche utilisent tel ou tel produit. Toutes ces spécificités sont gérées par des techniciens. Cela ne devient pas un enjeu politique, ce n’est pas vrai ! L’enjeu se pose en termes d’utilisation.
Deuxièmement – c’est le point le plus important –, pour répondre à la question posée par Mme Blandin, une mission a été demandée et une évaluation a été faite. Cette mission comprenait cinq corps d’inspection représentant les cinq tutelles de l’ANSES : agriculture, Bercy, santé, travail, environnement.
Par les recommandations qui sont actuellement comprises dans l’avis du directeur général de l’ANSES, cette agence se comporte plus en conseiller du ministre, en l’aidant à préparer sa décision. Dans ce cadre, le rôle de l’ANSES se situe déjà dans la délivrance des autorisations.
Si le ministre prenait une décision contraire à un choix fait par l’ANSES et les scientifiques, vous seriez vous-mêmes les premiers à me mettre en garde contre la gravité de mon choix. Cette situation existe déjà dans les faits. Quand la DGAL renvoyait, en partie, la décision, on a parfois demandé des précisions, mais jamais on n’a jamais remis en cause les décisions de l’ANSES. Il faut donc assumer complètement cette situation, et ce de manière sereine.
Troisièmement, cinq recommandations ont été émises.
Il faut redéfinir les rôles, les compétences et les responsabilités de l’ensemble des ministères de tutelle, agriculture comprise. Il faut être capable de définir les grandes lignes, les grandes orientations. Ce sont des choix politiques. Il convient de définir l’ANSES comme une autorité compétente ; c’est tout le débat de ce soir. Il est nécessaire de réaliser une étude complémentaire pour la construction de la phytopharmacovigilance. Le cadre général de la phytopharmacovigilance est de la responsabilité politique. Il faut également maîtriser le système d’information et financer ces changements, essentiellement par voie fiscale ; on en revient à ce que disait Mme Blandin.
En termes d’ETP, la mission confiée aux cinq corps d’inspection arrive à la conclusion qu’il faut augmenter le nombre d’ETP pour assumer la charge de travail.
Je vais donc plaider auprès de Bercy que nous faisons là œuvre de simplification. Lorsque j’ai pris mes fonctions, la DGAL employait 2,5 ETP sur ces questions. Il en faut pratiquement 20 à l’ANSES – vous voyez le rapport ! Parallèlement, la DGAL a des responsabilités qu’il importe de renforcer, en particulier sur les contrôles vétérinaires, un sujet évoqué quand on a parlé des abattoirs.
Il faut mettre les priorités là où l’État doit assumer ses missions et s’organiser pour aller jusqu’au terme de cette clarification : cette agence ne doit pas être remise en cause, à l’instar de ce qui existe déjà pour le médicament et les soins vétérinaires.
En même temps, je le dis ici, ce soir, au Sénat, il faut aussi en tirer les conclusions en termes de moyens et, surtout, de personnels. Toutes ces autorisations sont payées : c’est le plafond d’emplois qui interdit tout dépassement. Ce n’est pas un problème de dépenses budgétaires supplémentaires, puisque la mission a mis en évidence la capacité de financement, ce qui laisse une marge nécessaire de discussion. Il faut qu’on soit capable de la mettre raisonnablement en œuvre.
En tout cas, j’ai d’ores et déjà tiré les conséquences de cette situation, et je plaiderai pour qu’on fasse en sorte de donner à l’ANSES les moyens d’assumer ses missions.
En agissant ainsi, nous clarifierons les choses, sans nous cacher derrière des faux-semblants. Nous contribuerons ainsi à améliorer le fonctionnement de l’ensemble du dispositif.
Pour répondre à Pierre Camani, ce sera aussi un gage d’efficacité et de rapidité. On ne manquerait pas de venir demander au ministère de régler les problèmes si on ne se donnait pas les moyens de les régler rapidement. Telle est la proposition qui vous est faite. Ce n’est que cela ! Il n’y a pas ici de volonté de ne pas assumer une responsabilité politique.
La proposition du rapporteur permet, de toute façon, au ministre, au vu d’une situation, d’une actualité, de décider de refuser une AMM, et c’est très bien ! C’est parfaitement cohérent avec l’ensemble du dispositif.
M. le président. Monsieur Collin, l'amendement n° 378 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 378 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 422 rectifié, 478, 526 et 627.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Charles Revet. Ce n’est pas normal ! L’enjeu est trop important !
M. le président. L'amendement n° 706, présenté par Mmes Bonnefoy, Bourzai et Nicoux, M. Camani, Mme Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
pour les produits phytopharmaceutiques
insérer les mots :
et les adjuvants
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. L’article 22 du projet de loi transfère la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires et des matières fertilisantes à l’ANSES.
Cet amendement vise à préciser que ce transfert concerne également les adjuvants, lesquels peuvent jouer un rôle non négligeable dans la toxicité du produit final, outre la substance active à laquelle ils s’ajoutent. Il a pour objet de corriger la rédaction proposée, qui les écarte du champ du transfert à l’ANSES.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 219 rectifié, présenté par M. Savary, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux, Cointat et Doligé, Mme Férat, MM. Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet et Mme Masson-Maret, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L'article L. 1313-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise de quelle façon les ministres en charge de l’agriculture, de l’environnement et de la santé valident conjointement les décisions proposées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail en matière de délivrance, de modification ou de retrait des différents types d’autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation des produits phytopharmaceutiques mentionnés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. » ;
La parole est à Mme Françoise Férat.