M. Jean Desessard. Dans quelques années, on se demandera comment nous avons pu voter un pareil dispositif !
M. le rapporteur fait valoir que le socle de connaissances et de compétences défini par les partenaires sociaux est distinct du socle en vigueur dans l’éducation nationale. Soit, mais allez expliquer aux citoyens qu’il y a deux socles, dont les noms sont quasiment les mêmes : le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, prévu à l’article L. 121-1-1 du code de l’éducation, et le socle de connaissances et de compétences, prévu ici, à l’alinéa 30.
Je sens que, pour comprendre en quoi consiste exactement la différence, il va falloir suivre une formation et entamer sensiblement le petit capital de son compte personnel ! (Sourires.)
Il y a quelques instants, monsieur le ministre, à propos d’un amendement de M. Cardoux, vous avez admis que le législateur pouvait ne pas s’en tenir strictement à ce que prévoit l’ANI. Il est vrai que le rôle du législateur est de dépasser la lettre pour s’attacher à l’esprit de l’accord.
Que les partenaires sociaux définissent un socle de connaissances et de compétences distinct de celui fixé par l’éducation nationale, et qui comporte des savoir-faire particuliers, fort bien ; mais le législateur peut parfaitement prévoir que ce socle inclut celui de l’éducation nationale.
Il serait tout de même plus simple de reprendre le socle de l’éducation nationale et de l’élargir par décret à des connaissances et des compétences qui correspondent au monde du travail. Ainsi, une personne qui a besoin d’acquérir des compétences élémentaires pourrait le faire. Au demeurant, je suis d’accord pour qu’on accorde un plus grand nombre d’heures à ceux dont la formation initiale est la plus faible.
Au lieu de cela, on s’apprête à établir une distinction entre deux socles dont les contenus sont très voisins, de surcroît en leur donnant des noms presque identiques : un socle culturel et un socle social. Dans quelques années, je le redis, on se demandera comment une telle aberration législative a pu être possible !
J’insiste : pourquoi ne pas reprendre le socle de l’éducation nationale et l’élargir aux compétences différentes qui sont nécessaires dans le monde du travail ? Toutes les formations seraient ainsi éligibles au compte personnel de formation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Desessard, je tiens à dissiper tout malentendu, car l’enjeu est important : ce débat n’est pas théologique, et il ne s’agit pas seulement de savoir si nous sommes fidèles aux stipulations de l’ANI.
Dans la discussion générale, notre collègue Jean-Claude Carle a rappelé que 150 000 jeunes sortent chaque année de l’appareil scolaire sans diplôme ni qualification. En d’autres termes, une part importante de ceux qui arrivent sur le marché du travail ont été en situation d’échec scolaire. Voulez-vous vraiment, ceux-là, les replonger dans cette situation en les soumettant à nouveau au processus d’acquisition du socle de connaissances de l’éducation nationale ?
M. Jean Desessard. Je n’ai pas dit cela !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les partenaires sociaux souhaitent, au contraire, un socle qui soit en relation avec la pratique professionnelle que ces jeunes commencent d’acquérir. C’est pourquoi ce socle inclut notamment le travail en équipe, les connaissances bureautiques et la maîtrise d’une langue étrangère.
Ainsi défini, le processus de formation ne rappellera pas aux intéressés le cadre scolaire dans lequel ils ont été en échec. (M. Jean-Claude Carle acquiesce.) Il est important que ces jeunes passent à autre chose, et qu’ils aient une nouvelle chance dans un cadre différent de la scolarité traditionnelle !
M. Jean Desessard. Je suis bien d’accord !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Telle est, mon cher collègue, la raison du dispositif prévu par le projet de loi.
M. Jean Desessard. J’ai contesté les appellations des socles, qui sont presque les mêmes !
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par les mots :
ou par des licences ou certifications européennes
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 80 rectifié est présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet.
L'amendement n° 160 est présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par les mots :
ou une partie de cette certification, sous réserve qu’elle soit clairement identifiée sur la fiche du répertoire correspondante
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.
M. Jean-Noël Cardoux. L’amendement n° 80 rectifié, qui s’inscrit dans un objectif de simplification, tend à assurer aux bénéficiaires du compte personnel de formation un accès plus large aux formations qualifiantes. Il s’agit de leur permettre d’obtenir une certification en plusieurs séquences, un peu comme les étudiants de l’université acquièrent chaque année un degré supplémentaire d’une formation à tiroirs.
Le compte personnel de formation vise à permettre aux personnes de se former pour obtenir une qualification professionnelle reconnue, inscrite au répertoire national des certifications professionnelles.
Or les formations qualifiantes sont pour la plupart longues – elles durent environ 400 heures –, alors que le compte personnel de formation comprend 150 heures. Afin de prendre en compte cette contrainte pour le salarié, mais aussi les problèmes d’organisation des entreprises, nous proposons que, grâce à la procédure d’abondement, la certification puisse être acquise par séquences.
C’est pourquoi nous prévoyons de rendre éligibles au CPF les formations sanctionnées par une partie de certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles. Bien sûr, cette partie de certification devrait être décrite sur la fiche relative à celle-ci telle qu’elle est enregistrée au répertoire.
Avec un étalement dans le temps des formations, la mise en œuvre du CPF se trouverait facilitée, sans que soit dénaturé son objectif qualifiant, la vie des entreprises ne serait pas déséquilibrée et le salarié pourrait suivre une formation en plusieurs étapes.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 160.
Mme Chantal Jouanno. Je fais mien l’argumentaire de M. Cardoux, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 290, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par les mots :
ou permettant d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire, visant à l’acquisition d’un bloc de compétences
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement vise à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements identiques nos 80 rectifié et 160, préoccupations qui sont d’ailleurs partagées par le député Gérard Cherpion, que j’ai aperçu tout à l’heure dans les tribunes.
Ces deux amendements identiques tendent à ouvrir le CPF à des certifications partielles. S’il s’agit d’une excellente initiative, la rédaction proposée ne me paraît pas suffisamment ajustée pour être acceptée. C’est pourquoi le Gouvernement présente l’amendement n° 290, dont l’objectif est identique, mais qui permet d’encadrer la notion de certification partielle, évitant ainsi le risque de dérive qui aurait pu tuer cette bonne idée.
Ainsi, le compte personnel pourra favoriser l’accès à des certifications partielles, capitalisables dans le temps, ce qui permettra d’accéder progressivement à une qualification complète.
À mes yeux, cet amendement répond très exactement et peut-être plus précisément aux préoccupations qui sont les vôtres, madame Jouanno, monsieur Cardoux. Je ne peux donc que vous demander de bien vouloir retirer vos amendements au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces trois amendements prévoient l’obtention, grâce au CPF, d’une partie de certification enregistrée au RNCP. C’est une idée intéressante, que je partage.
Mme Chantal Jouanno. Génial ! (Sourires.)
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous avons eu l’occasion de nous en expliquer, madame Jouanno.
Toutefois, la rédaction retenue par le Gouvernement me semble plus aboutie. Je vous propose donc de retirer vos amendements, madame Jouanno, monsieur Cardoux, de façon à permettre l’adoption de l’amendement n° 290, qui répond pleinement, me semble-t-il, à vos souhaits.
Mme Chantal Jouanno. Je retire l’amendement n° 160, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 160 est retiré.
En est-il de même s’agissant de l’amendement n° 80 rectifié, monsieur Cardoux ?
M. Jean-Noël Cardoux. Je salue l’esprit d’ouverture de M. le ministre et de M. le rapporteur, conforme à ce qu’ils ont affirmé à la fin de la discussion générale. Comme Mme Jouanno, je me range à la formulation proposée par M. le ministre et je retire également mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 80 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 290.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 293, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Supprimer les mots :
au 3° de l'article L. 6314-1 et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à supprimer une référence redondante.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Compléter cet alinéa par les mots :
à l’exclusion des habilitations mentionnées au même alinéa
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. J’ai déjà évoqué cet amendement dans le cadre de l’examen de l’amendement n° 157, défendu par Mme Jouanno.
L’amendement n° 195 a pour objet d’exclure de la mobilisation du compte personnel de formation les habilitations mentionnées à l’article L. 335-6 du code de l’éducation.
En effet, ledit article fait simultanément référence aux certifications et aux habilitations. Si les certifications, du moins certaines d’entre elles, ont un caractère diplômant, ce n’est évidemment pas le cas des habilitations, lesquelles, par principe, ont une portée bien plus réduite. Avec les habilitations, il s’agit tout au plus de permettre aux salariés d’être plus performants sur leur poste de travail, de s’adapter à de nouvelles situations professionnelles et, parfois même, d’accéder à des formations en matière de sécurité.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, rien ne justifie que les salariés soient de fait contraints de mobiliser des droits personnels pour assurer une formation qui relève logiquement de la responsabilité de l’employeur, et de lui seul.
Or il nous semble que l’alinéa 34 de l’article 1er crée une ambiguïté en la matière puisque, s’il ne fait référence qu’aux certifications, l’article du code de l’éducation auquel il renvoie mentionne également les habilitations.
Afin de lever toute incertitude en la matière, nous proposons d’exclure explicitement les habilitations des formations finançables par le biais du compte personnel de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’observation présentée par notre collègue Dominique Watrin m’a conduit à réfléchir, car elle pose une vraie question.
Il est vrai que l’habilitation n’est pas stricto sensu un processus qualifiant, comme c’est le cas, en particulier, du CPF. Néanmoins, elle peut permettre à quelqu’un de sortir d’une situation de chômage et de progresser dans sa vie professionnelle en effectuant une transition professionnelle, voire une reconversion. Il me semble donc difficile d’exclure l’habilitation du champ du CPF.
À mes yeux, nous ne pouvons guère avoir, sur cette question, de véritables certitudes et il y a sans doute là matière à débat. Toutefois, à ce stade, il me semblerait dommage d’interdire une telle possibilité. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Compléter cet alinéa par les mots :
ou engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
L'amendement n° 28, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les formations concourant à acquérir un socle de connaissances et de compétences dans les filières métiers de la transition écologique et énergétique, définies par décret après consultation du Conseil national de la transition écologique.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rendre éligibles au compte personnel de formation les formations dans les filières d’avenir de la transition écologique et énergétique. Ces « nouveaux métiers » peuvent être à la source de milliers d’emplois non délocalisables.
Afin d’engager la transition écologique de l’économie, il est nécessaire de favoriser un accès à la formation professionnelle dans ces filières. La liste des formations éligibles serait définie par décret, après consultation du Conseil national de la transition écologique, qui détient une forte expertise dans ce domaine.
Monsieur le rapporteur, afin d’éviter tout malentendu entre nous, je précise que je perçois parfaitement la différence entre le socle de l’éducation nationale, qui s’inscrit dans le cadre de la formation initiale, et le socle correspondant à des apprentissages plus pratiques, tournés vers l’entreprise. Je ne nie pas cette distinction, que je vous remercie d’ailleurs d’avoir rappelée.
Malgré tout, j’estime que l’utilisation quasiment des mêmes termes dans l’un et l’autre cas est source de confusion. C’est pourquoi il me semblerait préférable d’avoir recours à des termes nettement différents et explicites, tels que « socle de la formation professionnelle », pour bien marquer le distinguo avec le socle relevant de la formation initiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je partage le sentiment de notre collègue Jean Desessard pour ce qui concerne l’enjeu que représente la transition écologique et énergétique. Bien sûr, il s’agit d’une problématique capitale pour notre économie, mais c’est aussi le cas de nombreux autres domaines. Vouloir s’engager dans un listage, qui serait nécessairement limitatif, ne me paraît pas opportun.
Pour toutes ces raisons, et sans nier la pertinence d’une telle proposition, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je comprends bien la logique que vous venez de développer, monsieur le rapporteur. Je comprends également la logique qui est la vôtre, monsieur le ministre, en vous ralliant à l’avis de M. le rapporteur. (Sourires.)
Pour autant, le compte personnel de formation – M. le ministre me démentira le cas échéant –, c’est 1 milliard d’euros sur un total de 32 milliards d’euros… On me fait comprendre que c’est un peu plus, mais la différence doit être marginale. En considérant que l’ordre de grandeur est bien celui-là, il reste tout de même 31 milliards d’euros !
Or, au cours de la discussion générale, vous nous avez rappelé que notre pays souffrait d’une inadéquation de la formation aux enjeux de demain. Il convient en effet de rendre les salariés aptes à travailler, compétitifs et qualifiés, ne serait-ce que pour qu’ils puissent trouver un emploi. Il s’agit donc de déterminer quelles filières sont porteuses d’avenir et créatrices d’emplois. Eh bien, c’est notamment le cas de la filière écologique !
Certes, on peut très bien ne pas partager ce point de vue. Mais je sais que vous le partagez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je sais que les socialistes embrassent également l’idée que la transition énergétique et écologique est une nécessité, qui devra s’imposer. Du reste, des écologistes ne sont-ils pas, avec des socialistes, au Gouvernement ? (Sourires.)
Ainsi, avec cet amendement, nous nous contentons de traduire ce que vous-mêmes avez dit. Nous croyons en l’avenir et nous sommes ensemble au Gouvernement pour le réussir. Nous proposons donc d’adapter la formation professionnelle et de faire en sorte que les salariés puissent occuper les postes de demain, ceux de la transition écologique. Et on nous répond que ce n’est pas possible… Cela pose tout de même un problème !
Comment réussirons-nous à réaliser cette adéquation entre la formation professionnelle et les métiers de demain que vous appelez vous-mêmes de vos vœux ? Vous nous dites qu’on ne peut pas le préciser ici parce qu’il serait vain de dresser une liste.
Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous m’avez indiqué très rapidement, ce dont je vous remercie, le nombre de personnes travaillant dans la formation professionnelle : 80 000. Puisque celle-ci mobilise au total 32 milliards d’euros, cela fait, en gros 400 000 euros par personne, même s’il faut aussi, évidemment, prévoir des locaux, etc.
Vous m’expliquez qu’il est n’est pas question de flécher le milliard d’euros du CPF vers la transition écologique et énergétique, par exemple. Mais quand pourrons-nous, au Parlement, discuter du fléchage de tout cet argent vers les formations qualifiantes pour ces métiers d’avenir ?
Vous me dites que, dans le cas présent, pour le CPF, ce n’est pas possible parce que la liste serait trop longue et nécessairement incomplète. Soit ! Pourtant, il ne s’agit que de 1 milliard d’euros ! Comment fera-t-on pour les 31 milliards d’euros restants ? Pourquoi discutons-nous de cette question aujourd'hui si nous n’avons pas de réponse, si nous ne fixons pas les axes permettant de tracer le devenir de la formation professionnelle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Le risque, quand on ne répond pas précisément sur un amendement, c’est d’être interrogé de nouveau. Mais le risque que je prends maintenant en vous répondant, monsieur Desessard, c’est de vous relancer ! (Sourires.)
Je n’ironiserai pas sur le fait que vous voulez créer un troisième socle, le socle écologique…
M. Jean Desessard. Je suis assez d’accord… (Nouveaux sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. Comme si deux socles ne suffisaient pas à la complexité du sujet !
Votre préoccupation quant à la valorisation des métiers et, donc, des formations dans les domaines écologique et énergétique, nous la partageons, et pas seulement parce que nous sommes ensemble au Gouvernement : nous la partageons par conviction. Nous l’avons d’ailleurs prouvé à l’Assemblée nationale, en acceptant, sur ce sujet, une série d’amendements déposés par M. Baupin sur différents articles du texte.
Simplement, il faut faire très attention. Nous traitons ici de la vocation généraliste et interprofessionnelle de la formation, ce qui n’empêchera pas, bien entendu, d’introduire par la suite des définitions plus précises, y compris pour évoquer les filières des métiers de la transition écologique et énergétique.
C’est la raison pour laquelle cet amendement ne paraît pas nécessaire, en particulier à cet endroit du texte. D’autres articles devraient vous permettre, monsieur Desessard, d’affirmer votre préoccupation d’une formation aux métiers de la transition écologique et énergétique.
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Carle et Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les formations visant à acquérir un socle de connaissances et de compétences défini par des branches professionnelles et donnant accès à une certification.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la formation professionnelle ne bénéficie pas à celles et ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les moins diplômés, en particulier ceux qui ne maîtrisent pas même les fondamentaux et sont en situation d’illettrisme, voire d’analphabétisme, tels certains de ces salariés que vous avez rencontrés en Bretagne, monsieur le ministre. On observe de semblables situations dans de nombreux secteurs, notamment celui de la propreté.
Il se trouve que j’ai visité un centre de formation de Veolia, ce qui m’a permis de constater le travail remarquable qui est fait pour permettre à des gens qui sont très éloignés de l’emploi d’acquérir ces fondamentaux.
Certaines branches ont construit des référentiels des compétences clés en situation professionnelle, sur la base de celui qui est proposé par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme et la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.
Le présent amendement vise à ce que les entreprises et les OPCA – organismes paritaires collecteurs agréés – puissent financer ces parcours par les dispositifs de périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation. Il s’agit de faire en sorte que la formation professionnelle profite à ceux qui en ont le plus besoin et qui sont souvent les plus éloignés de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Voilà un amendement dont je crains qu’il ne vienne brouiller un peu plus le débat concernant la définition des socles... (Sourires.)
Les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences définies par les partenaires sociaux sont déjà, par principe, éligibles au compte. Certaines branches, comme celle de la propreté, que vous avez citée, ont défini leur propre socle. Le présent article ne fait pas disparaître les socles propres à ces branches et celles-ci pourront continuer à les financer.
À titre personnel, je ne suis pas convaincu que le compte personnel de formation, qui, comme cela a été rappelé tout à l’heure, doit relever de l’initiative du salarié, en soit le financeur approprié. Un tel socle me paraît ressortir à l’adaptation au poste de travail et donc sans doute davantage au plan de formation.
Reconnaissons que ce point fait débat puisque, en commission, on a enregistré une égalité de voix. C’est ce qui me conduit à m’en remettre, en son nom, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. N’étant pas confronté à ce problème d’égalité des voix, je peux, moi, dire que le Gouvernement dans son ensemble est défavorable à cette mesure. (Sourires.)
D’emblée, quand il a été question de deux socles, certains ont trouvé que c’était déjà beaucoup. Néanmoins, il a ensuite été proposé d’en créer un troisième : le socle écologique. Maintenant ce sont potentiellement 700 socles supplémentaires qui sont envisagés, puisqu’il existe 700 branches professionnelles. Bien sûr, monsieur Carle, ce n’est pas ce que vous proposez. Vous avez d’ailleurs cité les bons exemples, ceux des branches où le travail entre les partenaires sociaux a d’ores et déjà permis de définir un certain nombre d’éléments de base nécessaires à l’exercice d’une profession.
Comme je le disais tout à l'heure à M. Desessard, je préfère que l’on maintienne ce qu’ont prévu les partenaires sociaux, c’est-à-dire un socle généraliste. Il appartiendra ensuite à chaque branche de le préciser en proposant l’inscription des formations en question dans les listes qui sont prévues à cet effet et dont nous parlerons dans quelques instants.
C’est donc au nom du « choc de simplicité » que je demande au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Je n’entrerai pas dans la guerre des socles, entre celui de l’éducation nationale, celui du CPF, celui des branches. Ce qui compte, c’est que ces salariés qui éprouvent des difficultés à trouver un emploi parce qu’ils ne maîtrisent pas les fondamentaux puisent en trouver un. Cet amendement va dans ce sens.
Alors, c’est vrai, il faudra ensuite simplifier. Je rappelais tout à l’heure que le système de formation professionnelle devait compenser les insuffisances de l’éducation nationale. Il faut bien reconnaître que le socle de connaissances n’est peut-être pas parfaitement adapté aux besoins des entreprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. J’avoue que l’argumentation de M. le rapporteur et de M. le ministre me laisse assez perplexe si je compare leurs propos à ceux qui ont été tenus précédemment en réponse à M. Desessard.
Monsieur le rapporteur, vous avez notamment expliqué qu’intégrer dans le compte personnel de formation les mêmes enseignements que ceux qui ont été dispensés quelques années auparavant par l’éducation nationale, au risque de reproduire in fine les mêmes échecs, n’était pas souhaitable. Ce que propose Jean-Claude Carle est tout à fait différent : il propose précisément de remettre à niveau des gens qui étaient en situation d’échec scolaire, mais parallèlement à une formation qualifiante, afin de leur permettre d’acquérir le minimum de connaissances nécessaire pour entrer dans la vie active, de choisir un métier que les branches auront choisi de développer.
Monsieur le rapporteur, je vous opposerai un contre-argument. Vous nous dites que ces jeunes seraient été dégoûtés de vivre un second échec ; a contrario, les formateurs auront réussi à motiver ceux à qui ils auront démontré la corrélation qui existe entre une formation qualifiante débouchant sur une activité rémunératrice et permettant de rentrer dans la vie active après une nécessaire remise à niveau de leurs connaissances de base en orthographe, en lecture et en compréhension. Voilà la vérité !
Il nous est arrivé à tous – à moi le premier –, lorsque nous étions encore sur les bancs de l’école, de nous demander pourquoi on nous enseignait telle ou telle matière, à quoi telle compétence pourrait bien nous servir par la suite. C’est là que le décrochage peut survenir. En revanche, si l’intéressé se rend compte que l’amélioration de ces savoirs de base qu’il n’a pu acquérir suffisamment au cours du premier cycle peut déboucher sur une formation qualifiante qui assurera son entrée dans la vie active, alors, ce compte personnel de formation s’avérera utile.