Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste attachent une grande importance à l’adoption de ce projet de loi, qui marquera l’histoire de la politique du logement et de l’urbanisme.
Je voudrais, à cet instant, évoquer les mesures qui, sans doute, retiendront le plus l’attention du public.
En premier lieu, nous allons ouvrir la voie à une véritable politique de régulation des marchés de l’immobilier et du logement, notamment en ce qui concerne les loyers. Il s’agit d’une question majeure, tant il est vrai que, depuis l’abandon de l’encadrement rigide, dans les années soixante-dix, la France ne s’est dotée d’aucun outil de régulation des loyers permettant de prévenir un dérapage majeur de ceux-ci par rapport aux revenus de nos concitoyens.
Pour assurer cette régulation, nous avons retenu deux principes : observer partout, encadrer dans certains cas.
La création d’observatoires nous permettra de mieux connaître les marchés dans leur diversité ; de fait, il est essentiel d’adapter l’action publique aux différentes situations. La mise en place de mesures d’encadrement était urgente dans les zones tendues : il ne s’agit pas de restaurer un encadrement rigide, mais d’éviter les dérives et les hausses inconsidérées.
En deuxième lieu, le projet de loi instaure de nouveaux outils publics pour lutter contre l’habitat insalubre et améliorer la qualité du logement. À ce propos, je tiens à insister sur le problème des copropriétés dégradées. En effet, depuis plus de vingt-cinq ans, nous sommes collectivement impuissants à prévenir la dérive d’un certain nombre de copropriétés, devenues des lieux où les problèmes sociaux sont souvent bien plus graves que dans les quartiers les plus difficiles !
Alors que, jusqu’à présent, nous n’étions souvent pas en mesure d’agir pour rénover ces copropriétés, nous allons mettre en place des outils publics, notamment législatifs, qui permettront de prévenir et de guérir.
En troisième lieu, nous nous félicitons de la création de la garantie universelle des loyers, qui représente à nos yeux une avancée considérable. À cet égard, je voudrais tordre le cou au pessimisme ambiant. Certains prétendent qu’il ne s’agirait que d’une demi-mesure, après nous avoir annoncé qu’elle serait enterrée. Eh bien non : la garantie universelle des loyers triomphera de la caution et protégera les locataires en garantissant les propriétaires. Elle améliorera la prévention des expulsions et l’accompagnement des citoyens et permettra de rééquilibrer, je l’espère, les relations entre les propriétaires et les locataires. Enfin, elle fera reculer la ségrégation dans l’accès au logement.
En dernier lieu, notre urbanisme va connaître des évolutions importantes ; mon collègue Jean-Jacques Mirassou reviendra sur ce point dans quelques instants. En vérité, dans un monde où, entre autres facteurs, la pression démographique est forte, nous allons conserver à la France, qui a un si beau patrimoine urbain, villageois et naturel, la richesse collective qu’elle tire de ses paysages, de leur équilibre, de leur beauté et de leur pureté.
Dans le monde entier, on nous envie ce patrimoine : nous devons le sauvegarder ! Lutter contre l’étalement urbain, protéger notre environnement, réaliser un équilibre entre la ville et la campagne, entre l’agriculture et les activités urbaines : c’est le grand défi du développement durable.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains avait ouvert une première piste en modifiant notre conception de l’urbanisme. Souvenons-nous, mes chers collègues : que n’a-t-on entendu à l’époque !
M. Claude Dilain, rapporteur. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le projet était complètement loufoque, on n’y arriverait pas… Aujourd’hui, pourtant, personne ne remet en cause les SCOT, les PLU et les PLH, ni même la règle des 20 % en matière de construction de logements sociaux.
Il faut promouvoir le développement durable, car il y va de l’avenir du pays ; il faut promouvoir la mixité sociale, car il y va de notre avenir républicain. À la veille de célébrer le soixantième anniversaire de l’appel de l’abbé Pierre, nous devons être au rendez-vous de l’histoire : il n’est pas possible que l’un des pays les plus riches du monde, celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne franchisse pas une étape significative pour garantir le droit au logement pour tous !
Nous n’avons pas la naïveté de croire que le nouveau cadre législatif élaboré par le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat permettra, à lui seul, d’atteindre cet objectif, mais il donnera un élan nouveau, lèvera des blocages, ouvrira des possibilités. Il revient maintenant au pays de s’en saisir.
À l’approche des élections municipales, je forme le vœu que tous les candidats de l’ensemble des sensibilités du camp républicain embrassent cette cause majeure : comme le disait l’abbé Pierre, la mobilisation de tous, des citoyens, des élus, de la nation, est nécessaire. (Mme la ministre acquiesce.)
Le Sénat a pris une part considérable dans l’élaboration de ce texte, en contribuant de façon décisive à la recherche d’un équilibre sur la GUL et le PLUI. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce travail, dont nous pouvons être collectivement fiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai toujours pensé que c’est en construisant des logements, et non en faisant des lois, que l’on pouvait espérer résoudre le problème du logement… Il s’agit d’une question humanitaire, mais aussi économique : si l’on lançait un grand plan de construction de logements, peut-être enregistrerait-on un début d’infléchissement de la courbe du chômage !
Cela étant, madame la ministre, personne n’ignore les contraintes qui s’imposent à vous. On peut vous savoir gré de vous être attaquée de front à quelques-uns des problèmes essentiels que nous rencontrons ; le projet de loi pourra contribuer à les résoudre. En particulier, la garantie universelle des loyers, en réalisant une forme de socialisation du risque locatif, devrait rendre possible la mobilisation du parc privé.
En matière d’urbanisme, vous avez eu le courage d’aborder des questions majeures, afin de tenter de lever certains obstacles à la création de logements et de débloquer des situations insupportables en termes d’habitat dégradé. De fait, des ensembles urbains se dégradent à vitesse accélérée, alors que nous étions jusqu’à présent relativement démunis sur le plan législatif pour traiter ce problème ; je pense que, dans ce domaine, nous avons fait du bon travail.
La question du PLUI nous a beaucoup occupés. Pour ma part, je trouve qu’il aurait mieux valu éviter de créer un faux problème… Quoi qu’il en soit, nous nous en sommes sortis, me semble-t-il, plus qu’élégamment.
La conception communautaire de l’urbanisme s’impose progressivement : pourquoi brusquer les choses ? Pourquoi vouloir faire passer en force ce que la nécessité et la conviction imposeront naturellement ?
À quelques exceptions, les membres du RDSE voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce marathon législatif, posons-nous la seule question qui vaille : ce projet de loi permettra-t-il de répondre à la grave crise du logement que traverse notre pays ?
La réponse reste mitigée. Le mal-logement, qui touche 10 millions de nos concitoyens, trouve racine dans quarante années de marchandisation de ce secteur d’activité où la puissance publique s’est progressivement désengagée et où l’initiative privée a été, seule, encouragée, au travers de différentes niches fiscales.
Avec ce texte, vous avez voulu rompre, madame la ministre, avec l’esprit libéral qui animait le précédent gouvernement, en affichant la volonté de réengager une maîtrise publique de ce secteur. Pour ce faire, vous avez identifié comme levier d’action principal l’encadrement des loyers. Nous partageons cet objectif de régulation, mais en l’appliquant au marché actuel, devenu fou, vous bloquez ce dernier à un niveau de prix très élevé : c’est notre seul regret. L’urgence reste bien de faire baisser les loyers. Demain, se loger restera malheureusement encore un défi pour la majorité de nos concitoyens. Cela le restera tant que la relance de la construction ne sera pas au rendez-vous.
Dans ce cadre, comment comprendre que les aides à la pierre soient à un niveau dramatiquement faible ? Comment admettre que la Caisse des dépôts et consignations redonne une partie du produit de la collecte du livret A aux banques ? Aux termes de l’engagement pris par le Président de la République, 150 000 logements sociaux doivent sortir de terre chaque année. Nous sommes encore loin de cet objectif.
Le Gouvernement envoie des signaux contradictoires à nos concitoyens : il présente un projet de loi aux objectifs volontaristes, mais continue de placer son action, à notre grand regret, dans un contexte d’austérité budgétaire. Nous craignons que la portée de votre texte ne s’en ressente durement.
Nous avons mentionné, au cours des débats, d’autres leviers dont la mise en jeu aurait permis d’engager ce secteur dans la voie de la démarchandisation. Il nous restera donc, après l’adoption de ce projet de loi, beaucoup à faire pour que le droit au logement devienne une réalité.
Pour autant, le travail parlementaire aura été très utile. Le texte issu de la première lecture au Sénat comportait des avancées par rapport au projet de loi initial. Celui-ci se trouve encore amélioré au terme de la deuxième lecture, ce qui démontre l’importance de la procédure parlementaire dite « normale », trop souvent contournée par le recours à la procédure accélérée.
Ce texte comporte des avancées, mais reconnaissons que ce sont de petits pas. Le contenu du droit au logement a été étoffé, en première lecture, par l’élargissement du champ de la trêve hivernale ou la pénalisation des expulsions manu militari. En deuxième lecture, nous avons inscrit des droits nouveaux pour les personnes prioritaires au titre du droit opposable au logement, qui ne pourront être expulsées. Nous avons renforcé les sanctions contre les congés pour reprise frauduleux, ainsi que l’obligation, pour les professionnels, de communiquer la totalité des informations relatives à la conclusion d’un contrat de location aux observatoires locaux des loyers. Cependant, nous aurions pu aller encore plus loin, notamment en remettant en cause la loi Molle.
Votre volonté d’aller vers une sécurité sociale du logement, à travers la garantie universelle des loyers, vise un objectif que nous partageons, mais, là encore, nous restons au milieu du gué. La réussite de ce dispositif est aujourd’hui dans les mains des seuls bailleurs. Nous regrettons que, au cours de la navette, sa force ait été amoindrie, du fait de la suppression de son caractère obligatoire. Le maintien de la caution nous fait craindre que les bailleurs ne préfèrent recourir à l’assurance. Cela étant, nous espérons nous tromper, et je souhaite, madame la ministre, madame Lienemann, que vous ayez raison dans votre enthousiasme !
Nous pensons également que ce mécanisme induira implicitement la constitution d’un fichier, qui permettra de recenser les locataires en situation d’impayés de loyer depuis deux années. Pour ceux-là, il n’y aurait donc pas de sécurité sociale du logement, alors même que ce sont eux qui en ont le plus besoin.
Cependant, nos amendements ont permis de rééquilibrer ce dispositif, en améliorant sa structure. Permettre à l’agence de la GUL d’effacer les dettes de loyers contractées par les locataires tout en assurant leur remboursement aux propriétaires est une avancée majeure, à laquelle les associations de locataires seront sensibles.
Je conclurai en évoquant l’urbanisme. Sur cette question particulière, nous voulons, avec l’ensemble de nos collègues, affirmer le rôle du Sénat, représentant des collectivités territoriales. En aboutissant à un compromis sur le PLUI, le Sénat s’est fait le garant du respect de l’échelon communal et de la construction d’intercommunalités de projet.
Il en est d’ailleurs de même pour les amendements que nous avons présentés et qui ont été adoptés visant à la suppression du rattachement obligatoire des offices publics de l’habitat aux intercommunalités ou au rétablissement du coefficient d’occupation des sols, garantissant aux maires le maintien d’un outil d’aménagement pertinent.
Nous défendrons ces avancées jusqu’en commission mixte paritaire. Nous espérons pouvoir convaincre nos collègues députés que le respect de la démocratie n’est pas une question annexe, mais, bien au contraire, que la liberté communale reste au cœur de notre modèle républicain. Pour ces raisons, nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous voici parvenus au terme d’un débat qui a été long, passionnant, souvent passionné. Ce projet de loi constitue en quelque sorte le troisième étage d’une fusée que vous avez mise sur orbite voilà maintenant un an, madame la ministre, chaque texte étant venu compléter celui qui l’avait précédé, selon un enchaînement logique.
Je qualifierai ce projet de loi de véritablement citoyen. La méthode adoptée pour son élaboration témoigne de votre respect du travail du Sénat, de la capacité de celui-ci à innover et à améliorer le texte, madame la ministre. À ce propos, le groupe de travail mis en place sur l’initiative du président Raoul a fait la démonstration de son utilité.
Ce texte, très volumineux, va intéresser l’ensemble des acteurs des secteurs du logement ou de l’urbanisme. Je partage l’optimisme de Marie-Noëlle Lienemann quant à l’efficacité de l’outil que nous sommes collectivement en train de forger. La collectivité citoyenne, au sens large du terme, des particuliers jusqu’à l’État et aux organismes dépendant de lui, en passant par les élus et les bailleurs sociaux, devra s’emparer de cet outil.
La garantie universelle des loyers représente un dispositif puissamment novateur, qui permettra de faire évoluer les relations, par trop figées, entre locataires et propriétaires.
Un constat s’impose à tous : dans notre pays, 3,5 millions de personnes sont mal logées ou pas logées du tout. La GUL viendra compléter l’arsenal déjà existant : il convient de refuser la fatalité, le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, ayant à cœur de relever ce grand défi du logement.
Je suis très fier d’avoir participé à l’élaboration de ce texte. Nous avons la conviction que son adoption permettra de franchir un palier à la fois quantitatif et qualitatif dans un domaine crucial.
Il ne faut plus opposer le rural, marqué par une vision passéiste, et l’urbain : la vocation de ce texte est d’atteindre un équilibre, d’instaurer un échange.
Nous voterons bien sûr ce projet de loi avec enthousiasme. Il nous restera ensuite, pour le court terme, dans le cadre de l’engagement citoyen que j’évoquais, à faire vivre le très bon compromis que nous avons trouvé sur le PLUI, sous l’égide de M. le rapporteur. À plus long terme, il nous reviendra à tous de traduire dans les faits les objectifs républicains qui sous-tendent le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen en deuxième lecture de ce texte laissera un goût amer à notre groupe, dont les amendements ont été implacablement rejetés.
Mais que dire de la déception éprouvée par tous ces propriétaires de biens immobiliers de France qui ont eu le mauvais goût d’accéder à la propriété et de s’assurer ainsi un complément de revenu ? Qu’il s’agisse de la réforme des rapports locatifs, marquée par une profonde asymétrie entre bailleurs et locataires, ou de l’encadrement des loyers, ce projet de loi constitue une forme de négation du droit de propriété. Chacun, dans ce pays, a le droit de louer son bien immobilier au prix qui lui semble le plus juste, mais vous refusez la loi de l’offre et de la demande, parce que vous considérez que les loyers sont trop élevés. Sur ce point, vous avez raison.
Cependant, l’encadrement des loyers ne sera, dans le meilleur des cas, qu’un simple pansement. Les phénomènes de spéculation n’expliquent pas à eux seuls la hausse des prix : ce qui l’explique avant tout, c’est l’insuffisance de la construction. Ainsi, 330 000 logements neufs ont été construits en 2013 ; ce n’est pas suffisant pour un pays qui gagne 1 million d’habitants tous les trois ans. Alors, plutôt que de prendre le taureau par les cornes, vous faites le choix de l’encadrement des loyers.
Mais le pire est que ce projet de loi est aussi dangereux pour les locataires. La mise en œuvre de ses dispositions ne fera que scléroser le marché en limitant la mobilité et en faisant fuir les investisseurs. La diminution de l’offre de logements ne sera pas favorable aux locataires, soyez-en certaine, madame la ministre.
Je le dis sans intention polémique : je ne vois pas non plus quelle plus-value apportera le dispositif de la garantie universelle des loyers par rapport à la garantie des loyers impayés, à la garantie des risques locatifs et aux systèmes de cautionnement.
En ce qui concerne le plan local d’urbanisme intercommunal, j’aurais souhaité que la majorité sénatoriale s’attache un peu moins à décrypter la stratégie du groupe UMP et un peu plus à défendre les maires. Le groupe UMP a défendu une position claire tout au long de l’examen du texte, sans jamais se perdre dans des nuances inutiles : nous sommes opposés au caractère automatique du transfert de compétence ; nous l’étions en première lecture, nous le sommes restés en deuxième lecture.
Que les choses soit bien claires, ce n’est pas notre faute si la majorité sénatoriale ne parvient pas à se faire entendre du Gouvernement ou si le Gouvernement est dépourvu de toute autorité sur les députés de la majorité.
Le Sénat, dans son ensemble, aurait dû, dès la première lecture, faire front commun sur le transfert de compétence en matière de PLU. Aujourd’hui, à la suite de mauvais calculs, nous en sommes réduits à marchander l’instauration d’une minorité de blocage dont la réunion ne soit pas trop contraignante, afin que les communes puissent s’opposer à ce transfert de compétence. Nous n’avons pas mis en valeur le bicamérisme dans cette affaire…
En conclusion, ce texte est censé masquer la réalité des arbitrages budgétaires du Gouvernement, dont les résultats, en termes de logement, sont déjà très décevants. En outre, il est tout simplement irrespectueux des libertés fondamentales, notamment du droit de propriété. Par conséquent, mon groupe votera contre ce projet de loi.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est un scoop !
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons mené l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dans des délais aussi brefs que celui qui a séparé la deuxième lecture à l’Assemblée nationale de la deuxième lecture au Sénat. Cela ne nous a pas forcément permis d’approfondir tous les sujets : je le regrette. Je crains aussi pour la santé du président de notre commission, qui s’est beaucoup investi et a dû travailler à marche forcée !
Je déplore également que ce texte soit trop volumineux et aborde un trop grand nombre de sujets. Il aurait pu, sinon, recueillir un large soutien sur nos travées. Certains thèmes, comme la lutte contre l’habitat indigne ou les copropriétés dégradées, auraient pu faire l’objet d’un consensus. Cela étant, il faut reconnaître que le projet de loi comporte des aspects très positifs.
Néanmoins, sur le fond, nous regrettons une certaine politisation, quelque peu dogmatique, des questions relatives au logement, tel l’encadrement des loyers. Votre acharnement à vouloir tout encadrer, tout administrer n’a qu’un effet très négatif. Ce n’est pas d’encadrement et de règles toujours plus strictes dont nous avons besoin, c’est d’assouplissements et d’oxygène pour un secteur qui ne demande qu’à se développer.
D’ailleurs, je tiens à signaler que, depuis la présentation de ce texte en conseil des ministres, les positions économiques du Gouvernement ont largement évolué ; en conséquence, ce projet de loi paraît déjà quelque peu daté, voire incongru dans cette nouvelle étape du quinquennat…
Après sa conférence de presse de janvier dernier, François Hollande a lancé son pacte de responsabilité, qui devrait redonner de l’air aux entreprises en les libérant de certaines contraintes. Dans le même esprit, ce texte aurait pu être un pacte de responsabilité passé avec les propriétaires et les investisseurs, de manière à mieux louer et à construire davantage. Ce n’est pas le cas, et nous le regrettons. Nous nous trouvons devant une contradiction gouvernementale qui ne s’explique pas.
Concernant la garantie universelle des loyers, en première lecture, notre groupe était plein d’allant ; nous avions salué la proposition du président Raoul de créer un groupe de travail. Par contre, nous critiquons la manière dont l’Assemblée nationale et le Gouvernement se sont tout bonnement approprié les idées qui s'en étaient dégagées. Ce n’est pas très courtois à l’égard de nos collègues…
En outre, sur le fond, nous estimons que la GUL manquera son effet et sera inapplicable. Sa mise en œuvre n’entraîne pas la suppression du cautionnement, qui était la condition sine qua non d'un démarrage réussi, car la caution est le point de blocage pour l’accès à un logement. L’argument de l’inconstitutionnalité de sa suppression me semble léger : tout le monde l’invoque, mais personne ne l’a démontrée…
Enfin, sur la question du PLUI, le texte élaboré par le Sénat ne nous convient pas. Nous avons fait du caractère obligatoire du transfert de compétence un point de blocage. Je pense que la solution trouvée n’est pas satisfaisante et ne marque guère de confiance à l’égard des élus.
En conclusion, la très grande majorité du groupe UDI-UC votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais dire toute la satisfaction du groupe écologiste.
L’encadrement des loyers, l’harmonisation des relations entre bailleurs et locataires, la lutte contre la vente à la découpe et contre l’habitat indigne, la prévention des expulsions et de la dégradation des copropriétés, la réforme des procédures pour l’attribution des logements sociaux, l’interdiction de la vente des « logements passoires » des organismes d’HLM et, bien sûr, la mise en place effective de la garantie universelle des loyers : ce sont là autant de dispositions aussi concrètes qu’indispensables pour prendre enfin à bras-le-corps le problème du logement dans notre pays.
Par contre, madame la ministre, il reste beaucoup de territoires où le marché du logement peine à reprendre. De ce fait, ils ne pourront pas satisfaire à leur devoir d'offrir des logements sociaux, même avec la meilleure volonté. Souhaitons que ce texte permette de donner une nouvelle impulsion au marché du logement.
En matière d'urbanisme, je voudrais exprimer une nouvelle fois ma position personnelle, qui n’engage pas mon groupe, sur la question du coefficient d'occupation des sols. Tout à l'heure, j'ai simplement voulu dire que cet outil, dans certains territoires, est utile pour obtenir une densification qui ne soit pas excessive.
Ma satisfaction, concernant le volet de l’urbanisme, s’est trouvée redoublée par l'adoption de l'amendement tendant à intégrer l’agriculture dans le diagnostic des SCOT : désormais, l’agriculture ne sera plus considérée comme un domaine accessoire, mais fera partie intégrante de la réflexion. C'est un point bien plus important qu’il n’y paraît ! La réappropriation par l'ensemble de la population des territoires urbains, périurbains et ruraux pour l'alimentation est essentielle. Le lien direct existant entre territoire et alimentation est ainsi reconnu. Je ne doute pas que la future loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ira encore plus loin en ce sens !
Le groupe écologiste votera le présent texte avec enthousiasme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dans le texte de la commission, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 136 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 164 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Au terme de ce marathon d'une semaine, entre l’examen du projet de loi relatif à la consommation et celui du projet de loi ALUR, je tiens à remercier les rapporteurs de la commission des affaires économiques, Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, ainsi que nos collaborateurs. Un travail très important a été accompli par les membres de la commission, dans des délais très contraints.
Je tiens à remercier aussi Jacques Mézard de sa contribution en tant que rapporteur du groupe de travail. Ce texte, comme je l’ai déjà dit, comportait deux passages à niveau : celui de la GUL et celui du PLUI !
La constitution d’un tel groupe de travail devrait permettre d’avancer mieux et plus vite dans l’examen d'autres textes. J’espère que nous aurons d’autres occasions de mettre cette idée en œuvre.
Enfin, je vous remercie de votre écoute, madame la ministre, et de celle des membres de votre cabinet. C'est un plaisir de travailler dans ces conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Élisabeth Lamure. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Je voudrais d'abord dire le plaisir et la fierté que j’ai eus de rapporter les titres Ier et II de ce projet de loi. Ils ont été encore renforcés par la qualité du débat, qui a également déjà été saluée, je puis en témoigner, par des observateurs de nos travaux. Je suis de ceux qui pensent que la meilleure façon d'être respecté, c’est d'être respectable, même si cela ne suffit pas toujours !
Sur le fond, nos travaux ont permis d'améliorer et de préciser le texte. Je ne reviendrai pas sur la GUL, sauf pour remercier vivement le président Raoul, qui s'est impliqué très personnellement et très largement sur ce sujet, ainsi que M. Mézard, dont la contribution a été fort précieuse.
Je voudrais évoquer les copropriétés privées, sujet qui ne fait pas les gros titres du journal de 20 heures, hélas ! Je pense pourtant que le travail que nous avons accompli fera date : la loi de 2014 marquera une nouvelle étape après celle de1965, sachant qu’il ne se sera pratiquement rien passé entre les deux…
Je crois que la société française sous-estime la catastrophe qui se prépare. En effet, il apparaît clairement que les difficultés des copropriétés s’aggravent rapidement. Il était donc essentiel de donner aux pouvoirs publics, au sens large du terme, des outils pour intervenir dans le secteur privé, en matière tant de prévention que de traitement des copropriétés dégradées, lesquelles risquent de devenir la honte de la République.
Je voudrais vous remercier à mon tour, madame la ministre, ainsi que les membres de votre cabinet. Travailler avec vous a été un véritable plaisir. Si vous nous présentez un autre projet de loi, je suis prêt à le rapporter ! (Mme la ministre rit.)
J’exprime aussi ma gratitude à nos collaborateurs de la commission, qui ont fourni un travail considérable, ainsi qu’à la présidence. À tous, merci pour cette belle loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, rapporteur.