M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, l’Union européenne comprend vingt-huit États membres ; nous souhaitons donc avancer à vingt-huit. Cependant, dix-huit États membres ont souhaité partager une même monnaie ; d’une certaine manière, ils forment le cœur du réacteur de l’Union européenne. Il est essentiel d’approfondir l’Union économique et monétaire, afin qu’elle constitue un moteur positif pour tous.
Aujourd'hui, notre priorité – je sais que vous y êtes attentif –, c’est l’union bancaire, avec ses deux piliers : la supervision unique, c'est-à-dire la supervision de l’ensemble des banques, qui est en train de se mettre en place, et la résolution unique, c'est-à-dire un certain nombre de règles du jeu qui permettront de trouver des solutions en cas de banqueroute d’une banque. Des discussions avec le Parlement européen sont en cours.
Nous devons également continuer à renforcer la coordination des politiques économiques, pour assurer la convergence de nos économies et atteindre des niveaux de croissance plus élevés. Les discussions portent aujourd'hui sur les fameux contrats de compétitivité et de croissance. Dans le même temps – ce point est essentiel à mes yeux, car il est totalement nouveau –, nous donnons une dimension sociale à l’Union économique et monétaire.
Le Président de la République a dessiné la perspective d’un gouvernement de la zone euro, dont les objectifs seraient la croissance et l’emploi et qui pourrait, le moment venu, disposer d’un budget propre, donc de nouveaux moyens d’action.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, il nous faudra évidemment améliorer le contrôle démocratique de l’Union économique et monétaire et lui donner une légitimité démocratique. C’est dans cet esprit que, le 30 mai dernier, le Président de la République française et la Chancelière allemande ont appelé à la mise en place, après les élections européennes, de structures dédiées, spécifiques à la zone euro, dans le nouveau Parlement européen. Nous avons demandé au président du Parlement européen de réfléchir à la solution la mieux adaptée.
Nous souhaitons également, toujours dans un souci de démocratie, intensifier le dialogue entre les autorités de la zone euro et les représentants des salariés, rassemblés notamment au sein de la Confédération européenne des syndicats, et des employeurs.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous rappelle que vous disposez seulement de deux minutes pour répondre, la règle qui s’applique aux questions cribles thématiques étant différente de celle qui régit les questions d’actualité au Gouvernement.
La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, j’ai pris note avec intérêt de vos réponses.
J’adhère totalement au projet d’union bancaire. J’observe toutefois une certaine discordance d’analyse entre la position du commissaire Michel Barnier et celle de la France. Pour ma part, je souhaiterais une attitude beaucoup plus coercitive, compte tenu des dégâts que nous avons subis il y a quelques années.
Même si j’en connais les difficultés, je regrette la lenteur de la mise en œuvre de l’union bancaire et, au-delà, d’une véritable union économique et monétaire, à laquelle nous devons tous aspirer. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propos tenus hier par Mme Merkel au Bundestag, et je souhaiterais entendre de nouveau la parole de la France sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de l’inscription à l’ordre du jour de ces questions cribles thématiques, sur l’initiative de notre groupe.
La question du déficit démocratique de l’Union européenne revêt une acuité particulière à l’heure où un sondage place un parti clairement europhobe en tête des intentions de vote pour les élections européennes. La construction européenne étant presque consubstantielle à l’existence de notre famille politique, nous y voyons un signe extrêmement négatif.
Il semblerait que, cinquante-six ans après la signature du traité de Rome – une époque, celle des pères fondateurs, où nos concitoyens savaient que l’Europe était la condition de la paix –, l’Union européenne ne s’impose plus du tout comme une évidence.
On dirait qu’il n’y a jamais de mots assez forts pour critiquer l’Europe, qu’il s’agisse de « l’euro fort », du « diktat » ou encore du « déficit démocratique », qui est le thème de ces questions cribles thématiques. Certains gouvernements aliment eux-mêmes la méfiance : David Cameron a ainsi annoncé qu’il organiserait un référendum sur la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne. Des manifestations contre la Commission européenne se sont déroulées à Athènes, à Madrid et à Lisbonne.
À l’évidence, les espoirs sont déçus. On oublie cependant de rappeler que nombre d’initiatives très positives sont le fait des organes les plus fédéralistes de l’Union européenne, qui sont aussi les plus critiqués. Ainsi, c’est la Commission européenne qui a été à l’origine du projet d’union bancaire et c’est la Banque centrale européenne qui a restauré la confiance sur les marchés.
Vous le savez, mon collègue Jean Arthuis regrette beaucoup ce manque de confiance lié à ce qu’il estime être un déficit de démocratie. Comme vous venez d’évoquer la question de la gouvernance économique européenne, je rappelle qu’il souhaiterait également que les parlements nationaux soient bien plus impliqués sur ces thèmes, notamment à l’occasion des débats préalables aux conseils européens, ce qui nous semble effectivement un point important.
Aussi, monsieur le ministre, puisque vous vous êtes exprimé en faveur d’un gouvernement de la zone euro, ce dont je me réjouis, j’aimerais savoir jusqu’où vous seriez prêt à pousser l’idée d’une convergence vers une véritable politique énergétique européenne, prenant en compte la dimension des ressources. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Les prochaines élections européennes, vous le savez, madame la sénatrice, revêtent une importance majeure pour notre pays et pour l’Union, dans un contexte économique difficile, où s’expriment au mieux des tentations abstentionnistes, au pire des mouvements populistes en pleine progression, qui prennent l’Europe comme bouc émissaire de tous nos maux.
Hélas, j’observe ce phénomène dans beaucoup trop de pays de l’Union, et les sondages nous montrent que la menace est réelle. Néanmoins, je tiens à dire que ce n’est pas une fatalité. Nous pouvons, les uns et les autres, faire notre part de pédagogie : pour ma part, je m’y emploie chaque semaine dans une région différente de France, afin de répondre aux inquiétudes et de montrer de manière concrète et tangible comment l’Europe est dans nos vies quotidiennes, sans que nous en ayons conscience.
Je tire aussi de ces déplacements la conclusion que, contrairement à ce que l’on dit, les Français ne sont pas forcément eurosceptiques ; pour beaucoup, ils sont euro-ignorants, parce qu’on ne leur a pas suffisamment parlé de l’Europe au quotidien ces dernières années.
Si cela avait été le cas, ils auraient appris que la politique de la ville, c’est le Fonds social européen, que les grands aménagements en France sont réalisés grâce au Fonds européen de développement régional, le FEDER, mais aussi que le Fonds européen d’aide aux plus démunis permet au Secours catholique ou aux Restos du cœur d’accompagner nos concitoyens les plus déshérités. Telle est la réalité de l’Europe dans la vie quotidienne des gens, et l’occasion m’est donnée de la rappeler ici aujourd’hui.
Il faut aussi répéter que l’Europe a l’emploi pour priorité. À titre d’exemple, nous avons, au cours des derniers mois, augmenté le capital de la Banque européenne d’investissement de 10 milliards d’euros au bénéfice des PME et des grands investissements sur nos territoires.
Par ailleurs, la politique agricole commune va nous permettre d’avoir une agriculture plus juste, plus proche, plus verte.
Enfin, madame la sénatrice, puisque vous m’avez interrogé sur la dimension énergétique, vous n’êtes pas sans savoir qu’un grand rendez-vous se profile : le Conseil européen de mars prochain sera consacré aux problèmes énergétiques, avec, je l’espère, l’affirmation d’une grande ambition partagée par tous les pays de l’Union européenne, à savoir la baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’objectif de 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. C’est en tout cas la position que compte défendre la France, en espérant qu’elle permette un débat sur ce thème dans la perspective des prochaines élections européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour la réplique.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Espérons que vous serez bien entendu, mieux entendu et plus entendu, puisque, sur le fond, nous partageons une vision très fédéraliste de l’Europe. Nous souhaitons également que les gouvernements, qui négocient au Conseil, associent beaucoup mieux les parlements nationaux dans le cadre des débats préalables.
Très honnêtement, aujourd’hui, il nous faut mener une œuvre collective. Tous les partis représentés dans cet hémicycle sont plutôt convaincus par l’Europe. Pour notre part, nous sommes persuadés que c’est grâce à plus d’Europe et à une Union européenne plus fédéraliste que nous parviendrons à sortir notre pays de sa situation économique actuelle, qui est caractérisée par un faible taux de croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. J’écoutais à l’instant Mme Jouanno en me disant : « Espérons que son plaidoyer fédéraliste puisse être entendu ! » En effet, de nos jours, exprimer une telle position revient à porter une croix, en tout cas pour ceux qui sont chrétiens. (Sourires.)
M. Jean Bizet. Les grandes douleurs sont muettes !
M. Richard Yung. Pour revenir à notre débat, je tiens à aborder un point plus spécifique du déficit démocratique : la troïka. Vous le savez, il s’agit d’une mission composée d’un représentant de la Commission européenne, d’un représentant de la Banque centrale européenne et d’un représentant du FMI, le Fonds monétaire international, qui se rend dans un pays en difficulté budgétaire et financière pour y analyser la situation et formuler des recommandations, voire un peu plus, sur les politiques que le pays en question doit suivre.
Or il y a autour de ce mécanisme un débat laissant poindre un certain nombre de critiques justifiées. En effet, les troïkas, qui ont beaucoup de pouvoir, proposent des politiques qui sont parfois contradictoires, avec, d’un côté, la Commission, qui souhaite voir les déficits se réduire, et, de l’autre, le FMI, qui milite pour la réduction des salaires et du niveau les dépenses. Surtout, cette procédure ne fait l’objet d’aucun contrôle démocratique, ni même d’aucun contrôle tout court par les différentes instances européennes.
Il y a donc un vrai malaise autour de ces troïkas, d’autant que l’on se demande pourquoi le FMI en est membre, la Commission et la BCE étant déjà parties prenantes, à telle enseigne que, comme vous le savez, la Commission européenne a mis en place un groupe de travail sur cette question.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur l’avenir et le contrôle des troïkas ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur Yung, vous n’avez pas pu aller au bout de votre question, mais j’avais compris quel était le sens de votre interpellation.
À mon sens, il faut effectivement revenir précisément sur les responsabilités et la légitimité de chacune des institutions que vous avez citées. La troïka qui réunit, comme vous l’avez dit, la BCE, la Commission et le FMI est l’objet de critiques, qui me semblent parfois justifiées.
En effet, ses programmes d’aide se sont souvent révélés très exigeants, parfois beaucoup trop. La troïka a souvent tâtonné pour les élaborer, alors que ceux-ci avaient un impact réel et majeur pour les citoyens européens. Nous avons tous à l’esprit, notamment, l’exemple grec.
Force est de constater que cette institution renvoie une image négative de l’Europe, à l’heure où celle-ci doit apparaître non pas comme un problème, mais comme une solution, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Je me dois néanmoins de rappeler quelques éléments. Tout d’abord, la troïka élabore des programmes d’aide en pleine concertation avec les gouvernements concernés. Ensuite, ses décisions sont avalisées par les ministres des finances des gouvernements de la zone euro, qui en informent leurs parlements nationaux par la suite, puisque toutes ces mesures engagent les finances publiques de tous.
Il n’empêche que je vous rejoins, monsieur le sénateur, pour dire que nous devons faire mieux ; du moins est-ce notre souhait. C’est pourquoi, depuis mai 2013, un certain nombre de textes ont eu pour objet d’institutionnaliser le rôle de la troïka tout en renforçant les dispositifs de contrôle de ses programmes au moyen d’auditions parlementaires.
C’est aussi la raison pour laquelle la France et l’Allemagne, dans leur contribution commune du 30 mai dernier, ont évoqué la possibilité de créer, après les élections européennes, des structures dédiées à la zone euro au sein du Parlement européen, pour garantir enfin un contrôle démocratique et une légitimité appropriée du processus décisionnel européen, ce que vous appelez de vos vœux.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.
M. Richard Yung. Cette fois, je vais surveiller le chronomètre, monsieur le président !
Monsieur le ministre, tout en vous remerciant de votre réponse, je souhaite élargir le débat en attirant l’attention de mes collègues sur deux mécanismes également très importants qui sont en train d’être mis en place dans la zone euro : la supervision bancaire et la résolution bancaire.
S’agissant de la première procédure, il y a un contrôle et un débat organisés par le Parlement européen, mais les parlements nationaux restent en quelque sorte à la porte. Je rejoins donc M. le ministre quand il estime nécessaire une structure parlementaire de l’Eurogroupe susceptible d’intervenir dans ce processus.
Pis encore, dans les propositions de résolution, qui concernent ceux qui paieront, les parlements nationaux sont absents. Or je vous fais remarquer que, pendant dix ans, ce sont quand même les budgets nationaux qui vont payer en cas de résolution. Il est donc essentiel de prévoir un contrôle parlementaire national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’emblée saluer l’excellent choix de nos collègues du groupe UDI-UC pour le thème de ce débat.
La très grande majorité des citoyens européens a effectivement l’impression que l’Union européenne est une gigantesque machine administrative très éloignée de leurs préoccupations. Et ce n’est malheureusement pas complètement faux...
De plus, quand l’avis des peuples est sollicité, l’Europe n’en tient pas toujours compte. Le référendum français de 2005 en est un des exemples les plus flagrants, puisque le peuple a majoritairement rejeté le traité établissant une constitution pour l’Europe, ce qui n’a pas empêché la ratification par le Parlement du traité de Lisbonne, qui, sur le fond, est exactement le même que celui qui avait été rejeté.
Le recours au référendum doit être non pas un exercice à géométrie variable, mais une pratique régulière. Je ne dis pas que le problème de l’adhésion de la Turquie, dont il a été question récemment, n’est pas important, mais l’utilisation d’une telle procédure en l’espèce peut aussi servir à masquer les véritables enjeux.
Le manque de démocratie est également flagrant en ce qui concerne les documents et les questions budgétaires. Désormais, le budget national est présenté à Bruxelles avant même qu’il ne soit discuté par le parlement français. C’est là un véritable déni de la souveraineté des peuples !
Le dogme de la concurrence libre et non faussée est, lui aussi, d’une certaine manière, un frein démocratique. Toutes les législations que l’on pourrait prendre pour protéger les citoyens ou l’environnement sont la plupart du temps abandonnées afin de respecter le mantra de la concurrence, ce qui se traduit par un affaiblissement du pouvoir législatif. A-t-on demandé l’avis des citoyens européens sur la directive des travailleurs détachés, par exemple, alors même que cette dernière remet en question le droit du travail et n’a jamais été adoptée par le parlement français ?
Pour notre part, nous croyons à une Europe des coopérations et des solidarités.
Monsieur le ministre, quelles initiatives précises le Gouvernement entend-il adopter pour rendre le processus de la construction européenne plus démocratique et plus proche des peuples ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il faut renouer le lien entre les citoyens et l’Europe. Seulement, à mon sens, ce n’est pas par le mécano institutionnel que nous y parviendrons, mais en donnant la preuve que l’Europe peut aussi apporter des réponses, au quotidien, aux préoccupations des citoyens, des acteurs économiques ou des défenseurs de l’environnement, pour reprendre quelques-unes des thématiques que vous avez abordées.
C’est d’ailleurs cette démarche que, sous l’égide de François Hollande, nous mettons en place : il s’agit de manifester du respect, à la fois envers les États membres, quels qu’ils soient, et les institutions, avec le souci constant d’apporter des réponses concrètes. Permettez-moi de vous en citer quelques-unes, apparues au cours des derniers mois.
S’agissant du détachement des travailleurs, que vous avez évoqué, si nous n’avons pas consulté nos concitoyens directement, nous avons néanmoins saisi leurs représentants de la question, puisque, souvenez-vous, le Sénat a adopté à une grande majorité une résolution européenne, dont vous étiez d’ailleurs l’un des auteurs, contre le dumping social.
Nous avons aussi, au cours des derniers mois, adopté au niveau européen une ligne budgétaire de 6 milliards d’euros pour aider toutes les régions où le taux de chômage des jeunes est trop important, afin d’accompagner ces dernières sur des plans de formation et le développement de l’apprentissage.
Sachez également que nous irons jusqu’au bout du combat que nous avons engagé contre la fraude et l’évasion fiscales, car il est anormal que nous soyons obligés d’augmenter les impôts, alors que certains, qui devraient en payer, n’en paient pas, parce qu’ils passent à travers les mailles d’un filet institutionnel trop lâche.
Nous avons aussi adopté un budget pour la période 2014-2020 de 1 024 milliards d’euros, qui seront investis dans l’Union européenne sur de grands chantiers pourvoyeurs d’emplois.
Enfin, des discussions sont menées actuellement pour nous assurer que, dans quelques années, il sera interdit de diffuser des OGM en plein champ, car cela comporte des risques pour la santé et l’environnement.
En conclusion, je dirai que nous devons toujours avoir en tête, quelle que soit notre place, le souci de nos concitoyens. Les gouvernements doivent toujours dialoguer avec les parlements nationaux et tenir compte de leurs positions. D'ailleurs, nous avons tenu compte du « carton jaune » que vous aviez brandi ici, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque le droit de grève était menacé au niveau européen : ce texte n’a jamais abouti. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Permettez-moi de formuler, au nom du groupe CRC, trois propositions précises.
Dans un premier temps, afin que les citoyens se sentent réellement impliqués dans le processus de construction européenne, il me semble indispensable de rendre systématique la consultation des peuples sur les traités essentiels.
Ensuite, il nous paraît également indispensable d’accroître les pouvoirs du Parlement européen par rapport à ceux de la Commission, car, actuellement, ceux qui prennent les décisions, c’est-à-dire les commissaires européens, n’ont aucune légitimité démocratique, puisqu’ils ne sont élus par personne.
Enfin, notre troisième proposition est liée à un sujet que vous avez évoqué, à savoir l’évasion fiscale : nous pensons qu’il est urgent d’avancer sur l’harmonisation, fiscale notamment. Combien de temps encore allons-nous accepter qu’un seul pays de l’Union européenne puisse bloquer les avancées en matière de transparence et de transmission automatique des informations ?
Pour conclure, j’espère sincèrement que les élections au Parlement européen du 25 mai prochain seront l’occasion d’amener ces sujets au centre du débat. Pour notre part, nous avons bien l’intention d’y contribuer très activement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fonctionnement démocratique de l’Union européenne laisse encore très fortement à désirer, c’est un fait indéniable.
Ce déficit démocratique est généralement imputé aux institutions européennes ; mes collègues qui m’ont précédé n’ont d’ailleurs pas manqué de le rappeler, et ils n’ont pas tort ! Cependant, la responsabilité de cette situation incombe aussi à nos États, à nos gouvernements successifs et à la grande majorité des responsables nationaux, parlementaires inclus.
Qu’on l’aime ou qu’on l’abhorre, qu’on la rejoigne ou qu’on la quitte, l’Europe est désormais au cœur de tous nos enjeux politiques, économiques ou environnementaux. Or comment considère-t-on les élections européennes ? Comme un scrutin de seconde zone qui ne mérite pas qu’on s’y intéresse vraiment. En effet, les discours de façade lardés de belles intentions sont contredits de manière flagrante par nos pratiques.
Je ne prendrai ici qu’un seul exemple, mais il est assez emblématique. À la fin du mois prochain, le Sénat et l’Assemblée nationale suspendront leurs travaux durant cinq semaines à l’occasion de la tenue des élections municipales.
Alors que le Parlement vient enfin d’adopter une loi contre le cumul des mandats, nous persistons à cumuler les semaines de suspension à l’occasion de ces élections… Le scrutin municipal est un scrutin très important pour notre vie démocratique, je n’en disconviens évidemment pas, mais, dans un calendrier parlementaire de plus en plus démentiel, cette interruption est sans commune mesure avec celle qui précédera les prochaines élections européennes.
Car quelle durée est-elle prévue pour la suspension nos travaux en amont de celles-ci ? Rien, nada, nichts, nothing, niente, tipota, et même ništa si l’on veut parler croate ! Pas une seule semaine, pas même un misérable jour pour nous permettre, à nous, membres de la représentation nationale – et, de fait, citoyens européens – de nous impliquer pleinement dans cet enjeu capital pour l’Europe et pour notre pays.
Monsieur le ministre, ma question est simple. Quand va-t-on remédier à cette aberration de notre agenda ? À défaut de changer ce calendrier injuste, ne pourrions-nous pas, en avril ou en mai, décider de consacrer au moins une semaine entière de nos travaux à l’Europe et à la dimension européenne, aujourd’hui partout présentes dans nos choix et dans notre législation ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison : nous nous accordons tous pour reconnaître que les élections européennes sont vraiment un moment déterminant de la vie démocratique européenne, en raison du poids de plus en plus important du Parlement européen dans la prise des décisions européennes, mais également de l’impulsion législative ainsi donnée aux textes débattus au Sénat et à l’Assemblée nationale.
C’est d’autant plus vrai que, pour la première fois cette année, en application du traité de Lisbonne, les parlementaires européens éliront le prochain président de la Commission européenne. Ils le feront, vous le savez, sur la base d’une proposition du Conseil européen, mais les chefs d’État et de gouvernement devront tenir compte, justement, des équilibres politiques issus de ce scrutin.
C’est la raison pour laquelle un certain nombre de partis politiques ont d’ores et déjà choisi leurs chefs de file pour cette campagne, ce qui permettra aux électeurs de mieux comprendre les différences entre les programmes soumis à leur vote.
La responsabilité du déficit démocratique, monsieur le sénateur, ne revient pas aux seuls gouvernements. Chaque partie prenante – institutions européennes, partis politiques – doit agir à son niveau. Pour ce qui nous concerne, nous avons évidemment pris les dispositions nécessaires afin de garantir un excellent déroulement du vote, avec une campagne d’information sur les enjeux de ce scrutin.
Vous avez évoqué la suspension des travaux parlementaires qui précède certaines échéances électorales. Vous savez que celle-ci est non pas une règle, mais une tradition. Il appartient à chaque chambre du Parlement de décider de la manière dont elle veut aborder le scrutin.
Plusieurs parlementaires peuvent prendre l’initiative de répondre à cette question, en demandant, par exemple, que le Sénat ou l’Assemblée nationale consacrent des débats spécifiques à l’Europe, ce qui aura aussi une vertu pédagogique pour nos concitoyens.
J’invite donc celles et ceux d’entre vous qui ont le pouvoir d’intervenir sur la fixation de l’ordre du jour à y inscrire, pendant quelques semaines, des débats sur la dimension européenne, afin d’éclairer ceux qui iront voter – en nombre, je l’espère –, le 25 mai prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.
M. André Gattolin. Monsieur le ministre, puisque M. le président du Sénat préside cette séance, je pense qu’il aura entendu le message !
Plus généralement, il me semble qu’il faudrait, sur l’initiative des parlementaires, mais aussi du Gouvernement, consacrer chaque année une semaine de débats parlementaires, au minimum, aux questions européennes.
Les membres de la commission des affaires européennes sont trente-six officiellement – en réalité, une petite douzaine travaillent vraiment.
M. Alain Gournac. Ah !
M. André Gattolin. Ils participent aux travaux de deux commissions – une commission permanente et la commission des affaires européennes – et servent de relais.
Toutefois, lors des débats européens, ils rencontrent parfois de véritables problèmes de compréhension et de communication avec leurs autres collègues ; si nous sommes particulièrement nombreux aujourd’hui dans cet hémicycle, c’est en partie en raison de la retransmission télévisée de cette séance de questions ! Or si les parlementaires nationaux ne peuvent pas être les relais, non pas du discours des institutions européennes, mais d’un discours sur l’Europe, il ne faut pas s’étonner que les citoyens participent de moins en moins aux élections européennes.