M. Claude Dilain, rapporteur. Absolument !
M. Marc Daunis. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’espère que nous n’aurons pas à franchir cette deuxième étape et que l’efficacité de la GUL pèsera plus lourd que la question de l’obligation formelle.
Je considère, pour ma part, que la GUL procède d’une dynamique de gauche ; c’est la raison pour laquelle je m’exprime avec quelque passion. Je pense même qu’elle relève, au-delà des principes de la gauche, d’une véritable dynamique républicaine.
La mutualisation du risque fait partie intégrante du modèle français. Nous avons évoqué ce sujet, hier, au sujet de l’assurance emprunteur. La culture républicaine veut en effet que les risques soient mutualisés entre le malade et celui qui ne l’est pas, entre le riche et le pauvre, entre ceux qui subissent les aléas de l’existence et les autres. C’est cette mutualisation que nous voulons étendre.
Il se peut que nous divergions sur la façon de procéder – on peut toujours améliorer l’aspect technique d’un dispositif –, mais il n’en demeure pas moins que nous ouvrons là une nouvelle voie importante. J’espère convaincre mes collègues que la GUL ne procède pas d’une quelconque mollesse politique, mais d’une stratégie consciente, progressive et déterminée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Pour faire suite à ce beau plaidoyer, je souhaite préciser quelques points.
Je rappelle tout d’abord que nous n’avons pas voté l’amendement de M. Lenoir visant à supprimer l’article 8. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Nous voulons faire progresser la GUL – nous approuvons d’ailleurs pleinement cette dénomination de « garantie universelle des loyers » – et nous sommes pour une sécurité sociale du logement. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté, et présenterons encore, des amendements tendant à rétablir l’équilibre entre propriétaires et locataires.
Je précise ensuite que nous ne sommes ni contre les propriétaires ni contre les bailleurs. Nous considérons simplement qu’il existe un léger déséquilibre, dans le droit en vigueur, en faveur des bailleurs. Nous proposons donc, je le répète, des amendements pour y remédier.
J’ai bien entendu les explications de Mme la ministre et de Mme Lienemann. Nous sommes conscients des problèmes qu’elles ont toutes deux soulevés, et nous souhaitons non pas fragiliser le dispositif, mais l’améliorer. Elles nous ont expliqué qu’un grand risque d’inconstitutionnalité pesait sur le texte. Or l’intérêt commun de la gauche est de faire progresser la garantie universelle des loyers. C’est la raison pour laquelle nous acceptons de retirer notre amendement. Mais, j’insiste, nous en présenterons d’autres visant à rétablir l’équilibre entre bailleurs et locataires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 23 est retiré.
L’amendement n° 255 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
et stipule que ce contrat peut faire l’objet de la déclaration prévue au D du II du présent article, ainsi que les droits et obligations qui en découlent
par les mots :
et ne mentionne pas le renoncement au bénéfice de la garantie universelle des loyers
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de conséquence avec l’amendement n° 254 rectifié, qui a été adopté à l’article 1er. Il vise à préciser les conditions permettant de bénéficier de la garantie universelle des loyers : le contrat de location ne doit pas mentionner le renoncement au bénéfice de la garantie.
J’ajoute, pour faire suite au débat qui vient d’avoir lieu, que le risque constitutionnel existe. Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement le sait mieux que quiconque... (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes cruel !
M. Jacques Mézard. Je me souviens que nous l’avions prévenue de ce risque en septembre 2012. Il est donc naturel qu’il ne lui apparaisse pas aujourd’hui comme une vue de l’esprit. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Nous ne pouvons qu’être favorables à cet amendement de cohérence.
Vous vous êtes émue à juste titre, madame Schurch, que l’automaticité ne figure pas dans l’article 8 ; grâce à cet amendement, ce sera chose faite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 313, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
, depuis moins de dix ans, le bailleur a obtenu par fraude le versement de l'aide,
par les mots :
le bailleur a fait l'objet d'une interdiction de bénéficier de la garantie en application du E du II ou
La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification concernant les sanctions encourues en cas de fraude du bailleur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 19 à 25
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Ce que vous proposez de mettre en place, madame la ministre, c’est un nouveau fichier qui stigmatisera encore un peu plus les plus fragiles de nos concitoyens.
Après le fichier « positif », dont nous avons parlé hier après-midi dans cet hémicycle, vous créez un fichage généralisé de la pauvreté. Nous ne pouvons pas l’accepter. Un tel dispositif ne fera que renforcer les difficultés d’accès au logement des personnes d’ores et déjà en difficulté, en les excluant, de fait, du bénéfice de la GUL. Vous allez en effet permettre à tous les bailleurs, même ceux qui n’optent pas pour cette garantie, de demander à leur futur locataire l’attestation GUL, qui est, en quelque sorte, un extrait de casier judiciaire du logement.
Vous nous demandez de faire preuve de réalisme. Nous vous invitons à faire de même. Au vu des files d’attente devant les logements à visiter et du processus d’hyper-sélection pour accéder à un logement, comment un candidat locataire pourrait-il ne pas se soumettre à cette exigence, quand bien même serait-elle illégale ?
Nous ne pouvons souscrire à la création de ce fichier supplémentaire, qui de plus sera pénalisant, et dont nous ne maîtrisons pas les effets pervers.
M. le président. L’amendement n° 102, présenté par M. Lenoir, Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Supprimer les mots :
contrôle, par le bailleur, du
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame Schurch, au moins tombons-nous d’accord sur la nécessité de supprimer l’alinéa 19, même si nos raisons, j’en conviens, sont tout à fait différentes.
Les conditions posées pour bénéficier de la GUL – ne pas être redevable d’une dette similaire et ne pas avoir effectué de fausses déclarations pour mettre en œuvre cette garantie – doivent être vérifiées par le bailleur. Cela pose une difficulté supplémentaire : on ne voit pas très bien comment, dans la pratique, le propriétaire pourra vérifier que ces conditions sont respectées. C’est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel de supprimer cet alinéa.
M. le président. L’amendement n° 312, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le locataire ne fait pas l'objet d'une interdiction de bénéficier de la garantie en application du E du II.
La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 22 et 102.
M. Claude Dilain, rapporteur. Il s’agit là encore d’un amendement de clarification, qui concerne cette fois-ci les sanctions applicables aux locataires ayant effectué une fausse déclaration.
J’en viens aux avis de la commission.
L’amendement n° 102 est satisfait par la nouvelle rédaction de l’article. Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, la commission a adopté un amendement visant à décharger le bailleur de cette obligation de vérification. Le locataire devra simplement fournir une attestation ne portant aucune autre mention que l’absence d’obstacle à la GUL. Vous avez raison, monsieur Lenoir, il n’était pas possible pour le propriétaire de faire de telles recherches, lesquelles étaient même dangereuses en termes de respect de la vie privée.
L’amendement n° 22 est également satisfait. J’ajoute que cette attestation ne ressemble en aucun cas à un extrait de casier judiciaire. Il s’agit simplement de vérifier si les conditions requises pour que le bailleur ait accès à la GUL sont satisfaites ou pas. On ne peut pas faire plus simple ! Convenez qu’il n’est pas envisageable d’accepter les fausses déclarations.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Si l’amendement n° 102 était adopté, monsieur Lenoir, les propriétaires se trouveraient dans l’incertitude, puisque l’obligation de produire le document reposerait sur un tiers. En l’occurrence, nous avons prévu une solution simple.
C’est la deuxième fois, madame Schurch, que vous employez l’expression « casier judiciaire du logement », qui me fait dresser les cheveux sur la tête. Ce faisant, vous reprenez les mots d’un journal qui se revendique pro-business et libéral, lequel, ayant épuisé les arguments les plus fantasques pour dénoncer la GUL, comme celui de son coût supposé de 2 milliards d’euros, a fini par expliquer que nous allions ficher les locataires.
Je vais être très claire Il ne pourra pas y avoir de nouvelle attribution de la GUL dans deux cas seulement : premièrement, en cas de refus de mettre en place un plan d’apurement, et donc d’absence d’intention de payer sa dette, même dans la perspective de la suppression d’une partie de cette dette ; deuxièmement, en cas de fraude à la déclaration. Cette disposition me semble non seulement équilibrée, mais tout à fait normale : il faut absolument éviter toute prime aux fraudeurs.
Pour ma part, je n’ai aucun problème avec la notion d’aléa moral. La majorité des locataires de ce pays paient leur loyer ; c’est même la première dépense dont ils s’acquittent. L’augmentation du coût du loyer pose d’ailleurs question à cet égard puisque, comme l’indique le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, des locataires se privent aujourd’hui de manger pour payer leur loyer. Dire qu’il y aurait là une prime au non-paiement du loyer est donc non seulement faux, mais également inacceptable.
Vous pourriez convenir avec moi, madame la sénatrice, qu’il n’est pas illogique que les locataires de mauvaise foi, qui cherchent à utiliser le dispositif, à y échapper, puis à en bénéficier de nouveau au travers de la fraude, fassent l’objet d’une identification. Ne pas le prévoir reviendrait à tuer le dispositif ; on a déjà vu le cas se présenter. Cette identification est nécessaire pour maintenir l’équilibre et le principe du dispositif. Contrairement à ce que vous dites, cela ne concerne absolument pas les locataires qui seraient redevables à l’égard de la GUL, mais uniquement ceux qui seraient de mauvaise foi ou qui auraient fraudé.
Les locataires engagés dans une démarche d’apurement de leur dette ne seront en aucune manière concernés. Je le dis très clairement, car ces propos relèvent d’une mauvaise polémique, lancée par des personnes qui ne s’intéressent en rien à la dimension sociale de l’accroissement des droits des locataires ou à la défense de la GUL.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements, en espérant vous avoir apporté une réponse précise. En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 312 de la commission.
M. le président. Madame Schurch, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
Mme Mireille Schurch. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 22 est retiré.
Monsieur Lenoir, l’amendement n° 102 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Lenoir. Je souhaitais qu’une réponse fût apportée à la question que j’avais posée. Je l’ai obtenue ; elle est claire et nette. Dans ces conditions, je retire également mon amendement.
M. Claude Dilain, rapporteur. Merci !
M. le président. L’amendement n° 102 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 312.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 274 rectifié bis, présenté par MM. Dallier, P. André, Beaumont, Bécot et Bizet, Mme Bruguière, MM. Cardoux et Dassault, Mmes Debré et Deroche, MM. Delattre, Doligé et Grignon, Mme Giudicelli, M. Houel, Mme Farreyrol, MM. Ferrand, B. Fournier et Laménie, Mme Lamure et MM. Laufoaulu, Leleux, Mayet, Milon, Pillet, Trillard et Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéas 36 et 37
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Les alinéas 36 et 37 déterminent les cas de figure dans lesquels le montant de l’aide pourra être diminué ou supprimé : la déclaration tardive par le bailleur des impayés de loyer et la négligence éventuelle du bailleur.
Une question se pose concernant les conditions précises de l’application de cette diminution. La rédaction est en effet relativement floue, mais j’imagine que les décrets d’application préciseront le dispositif. Il peut y avoir des cas de figure dans lesquels le propriétaire, parce qu’il connaît bien le locataire et a des raisons d’espérer une reprise du paiement des loyers au troisième ou au quatrième mois, ne saisit pas immédiatement l’agence de la GUL. Qui jugera de sa bonne foi ou de sa négligence ?
J’ai bien compris qu’il fallait que les conditions soient définies précisément, mais je préfère qu’elles figurent dans la loi et non que l’on nous renvoie à des décrets dont on ignore encore la teneur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Nous pouvons tous nous accorder sur le fait que l’un des effets bénéfiques de la garantie universelle des loyers – Mme la ministre l’a indiqué à plusieurs reprises – est la prévention des expulsions. Je le répète à l’intention de mes collègues situés de l’autre côté de l’hémicycle.
Le dispositif ne sera efficace que si la déclaration d’impayés se fait le plus tôt possible.
M. Philippe Dallier. On est d’accord !
M. Claude Dilain, rapporteur. Je n’en doute pas ! Vous le savez par les citoyens que vous recevez dans votre permanence de la mairie des Pavillons-sous-Bois. Il est donc fondamental de prévoir un dispositif qui incite, voire qui oblige à établir des déclarations précoces. Après, il sera trop tard et on ne pourra plus rien faire.
Néanmoins, je vous rejoins sur un point : il faut de la souplesse et une marge d’appréciation. Reste que les situations sont trop hétérogènes pour que cela relève de la loi. Il vaut donc mieux privilégier le décret, ainsi que Mme la ministre nous le confirmera certainement. C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Un certain nombre de dispositions ont vocation à être précisées par décret ; cette question en fait partie. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Dallier, l'amendement n° 274 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. La situation m’inquiète un peu : soit le décret encadrera la mesure en termes de délais,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y a aussi des propriétaires négligents !
M. Philippe Dallier. … soit un fonctionnaire de l’agence aura la main et décidera. Selon l’agent en charge du dossier, des décisions différentes pourront donc être prises. C’est sur ce problème que je souhaitais insister.
Néanmoins, je retire l’amendement et je fais confiance à ceux qui rédigeront le décret.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est risqué ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 274 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans tous les cas, l'agence dispose de la faculté de ne pas exercer ses droits à l'encontre du locataire, si celui–ci apporte la preuve que l'existence d'impayés de loyers est liée à des difficultés particulières économiques ou sociales.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Par cet amendement, nous souhaitons apporter des garanties réelles aux locataires dans le cadre de la GUL. En effet, le dispositif actuel prévoit que cette agence d’État couvrira une garantie socle pour les bailleurs en cas d’impayés, libres à eux de prévoir en complément une autre assurance. Quant aux locataires, ils resteront redevables de leurs impayés.
Outre qu’il semble assez étonnant de permettre au Trésor public de poursuivre des particuliers pour des dettes privées, nous estimons qu’un maillon manque dans ce dispositif. En effet, si un tel mécanisme peut se comprendre pour les locataires en situation d’impayés qui manifestent une mauvaise foi évidente – c’est d’ailleurs pour cette raison que je viens de retirer l’amendement n° 22 –, il convient de prendre en compte les locataires n’ayant pas d’autre choix que celui d’être en impayés, afin de caractériser réellement ce « droit nouveau », pour reprendre vos propres mots, madame la ministre.
Par conséquent, nous souhaitons que l’agence dispose d’une véritable faculté d’appréciation en lui permettant de procéder à l’effacement des dettes des locataires après avoir entendu ces derniers. En effet, la GUL doit atteindre un point d’équilibre entre les assurances qu’elle apporte aux bailleurs et aux locataires. Elle doit donc pouvoir assurer des locataires qui seraient en situation d’impayés à la suite de ce que nous appelons des « accidents de la vie ». Nous visons ici de manière limitative et à la suite du débat que nous venons d’avoir toute rupture de vie qui ampute brutalement les ressources du locataire.
Grâce à cette souplesse, le mécanisme de la GUL verrait sa légitimité renforcée. Une telle disposition viendrait en complément de l’accompagnement social lié au signalement des impayés. Elle permettrait ainsi d’aider les populations fragiles à poursuivre leur parcours locatif.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, il s’agit pour nous d’un amendement fondamental, qui vise à établir un meilleur équilibre entre les droits des bailleurs et ceux des locataires au sein de la GUL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Lors des travaux de la commission, bien que l’immense majorité des membres de la commission aient été d’accord sur le fond avec votre proposition, j’ai été contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement que la forme rendait irrecevable. Préciser que l’agence « pouvait ne pas » supposait que, dans tous les autres cas, elle « devait ». Une telle formulation paraissait dangereuse.
Vous avez tenu compte de ces remarques et vous avez corrigé votre rédaction. Par conséquent, même s’il n’y a pas eu de discussion au fond, je pense ne pas trahir la commission en émettant en son nom un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Madame la sénatrice, je suis tentée de vous dire que votre amendement est satisfait depuis très longtemps. Il n’est qu’à se reporter au livre des procédures fiscales, qui dispose que des remises gracieuses peuvent être faites aux personnes dans la gêne et l’indigence. Ce vocabulaire daté témoigne bien qu’il s’agit d’une tradition ancienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a choisi de recourir au Trésor public. Cet organisme d’État est celui qui a le plus de latitude pour élaborer des dispositifs d’étalement, voire accorder des remises gracieuses. Cette disposition est donc d’ores et déjà prévue par le recours même au Trésor public, qui peut faire preuve d’une grande humanité dans son approche des gens en difficulté. Les textes qui fondent notre République le précisent.
Même si le principe est fondé, je comprends la volonté de le préciser pour mettre en lumière la dimension sociale de la garantie universelle des loyers. Sa mission n’est pas d’accabler des locataires dans la difficulté, elle est au contraire de les aider à franchir un cap difficile.
Comme le rapporteur, je pense que la version rectifiée de votre amendement est beaucoup plus pertinente. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement y est favorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Au moment de la conclusion de ses travaux, le groupe de travail a insisté sur le fait que le Trésor public, en tant que partie prenante du dispositif, était à la fois dissuasif et protecteur. D’ailleurs, Mme la ministre a parlé de l’humanité qui l’imprègne.
Lorsque l’on est un sénateur de province et que l’on se rend à Paris en train, celui-ci devient le lieu idéal pour avoir des contacts avec nos concitoyens. Ainsi, lundi dernier, dans le TGV venant de Bretagne, j’ai rencontré un agent du Trésor public, professionnel consciencieux à l’instar de tous ses collègues qui font preuve d’une grande humanité dans leur approche.
M. Marc Daunis. En règle générale ! (Sourires.)
M. Joël Labbé. Madame la ministre, je souhaite interpeller le Gouvernement et, à travers vous, Bercy. Désormais, les agents du Trésor – on les appelle aujourd'hui des agents des finances – se voient transmettre des instructions comportant des objectifs de taux de recouvrement de plus en plus importants, sans tenir compte des conséquences sur les plus vulnérables.
Obéissant à ces instructions, les agents des finances enclenchent des procédures de poursuite à l’encontre des personnes qui ne peuvent payer leurs dettes, par le biais d’avis à tiers détenteur, c’est-à-dire les banques. Si le compte n’est pas suffisamment provisionné, la banque autorise systématiquement un découvert supplémentaire de l’ordre de 100 euros, et ce pour une simple raison : se payer ses propres frais ! Un tel procédé est absolument scandaleux ! Pour une agence moyenne comme celle de Vannes, cela représente entre 300 et 400 cas par mois.
Je souhaite profiter de l’examen de cet amendement qui va dans le bon sens et que mon groupe votera pour mettre l’accent sur cette situation.
M. Marc Daunis. Cela relativise l’humanité…
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Nous ne voterons pas cet amendement. Nous considérons en effet que l’agence n’est pas un tribunal et qu’elle n’a pas à faire un choix arbitraire entre les bons et les mauvais payeurs.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces actions ne peuvent être introduites pendant toute la durée du bénéfice de la garantie universelle des loyers.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous proposons que les actions contentieuses liées au bail ne puissent être introduites pendant toute la durée du bénéfice de la garantie universelle des loyers. En effet, nous estimons qu’il serait particulièrement contre-performant que la mise en œuvre de la GUL ne protège pas les locataires, et ce alors même que l’objectif affiché de la GUL consiste notamment dans la prévention des expulsions. Ainsi, en l’état actuel, alors même que les loyers seraient garantis aux bailleurs, ces derniers pourraient à tout moment entamer une procédure d’expulsion.
La garantie du maintien dans les lieux nous semble indispensable, au moins pendant le temps où le bailleur est indemnisé. À nos yeux, faciliter l’accès au logement commence par garantir le maintien dans les lieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Mon cher collègue, tout est affaire d’équilibre et de pragmatisme. Je comprends votre préoccupation, et je pense d’ailleurs qu’elle sera satisfaite. C’est justement en faisant de la prévention, en déclarant très vite les impayés, en mettant en route beaucoup plus rapidement qu’actuellement des procédures sociales, de type FSL, que nous atteindrons l’objectif que vous affichez.
Cependant, l’adoption de cet amendement dans sa rédaction actuelle signifierait qu’il faut maintenir dans les lieux tous les locataires, y compris ceux qui sont de mauvaise foi. Cela nous paraît difficilement envisageable et contraire aux conclusions du groupe de travail. La garantie universelle des loyers permet d’améliorer déjà considérablement la situation, mais nous ne pouvons pas favoriser l’aléa moral, car on nous le reprocherait, même dans cet hémicycle.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Si votre amendement était adopté, la couverture serait enclenchée pendant dix-huit mois et ce serait seulement à l’issue de ce délai que les procédures contentieuses – qui peuvent durer jusqu’à deux ans – pourraient être lancées. En d’autres termes, on accumulerait encore de l’impayé pendant cette période, sans possibilité de résoudre la difficulté.
Il faut aussi que le bailleur fasse diligence afin que les procédures judiciaires puissent avoir lieu. Les locataires ne s’en trouveront pas plus fragilisés, puisqu’ils auront toujours la faculté de se défendre. Au moins, durant cette période, les impayés ne s’accumuleront-ils pas.
Je pense que, notamment pour des raisons d’équilibre, il faut dissocier les procédures judiciaires de l’indemnisation par la garantie universelle des loyers. Celle-ci est une couverture des loyers qui n’intervient pas dans le litige entre propriétaires et locataires.
Prenons des exemples concrets. Si un locataire refuse de payer son loyer parce que le chauffe-eau ne fonctionne pas correctement ou parce qu’il juge son logement indécent, la GUL intervient, mais la procédure suit son cours, et le juge donnera raison au propriétaire ou au locataire. À l’inverse, si un locataire de mauvaise foi décide de ne plus payer son loyer – de tels cas sont marginaux, mais ils existent –, il ne faut pas interdire la possibilité de recourir à l’expulsion.
Voilà pourquoi le Gouvernement demande le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.