Mme Laurence Cohen, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. René-Paul Savary. À cet égard, la question se pose du numerus clausus ; nous en avons déjà débattu et vous savez qu’elle me tient à cœur. De fait, s’il y a reconnaissance dans les diplômes, il n’y a pas de justice d’accès à la médecine.
Pendant trop longtemps, les gouvernements successifs sont partis du principe que plus les médecins seraient nombreux, plus les coûts pour la sécurité sociale seraient élevés ; aujourd’hui, l’échec de cette idée technocratique est patent.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. René-Paul Savary. Nombre de facteurs à prendre en compte auraient dû nous alerter, sur lesquels il faut insister pour faire progresser les choses. C’est pourquoi je les rappelle ici : la féminisation de la profession ; la réduction du temps de travail ; l’évolution des mentalités ; la conciliation réclamée entre vie professionnelle et vie familiale ; l’évolution du secteur médico-social ; la protection maternelle et infantile, ou PMI ; les spécialités, notamment la pédopsychiatrie ; la codification des actes dans les hôpitaux ; l’hyperspécialisation des médecins ; la reconnaissance du handicap ; l’alourdissement des tâches administratives ; la récupération obligatoire des gardes de nuit... et j’en oublie sûrement !
Ce sont autant de facteurs qui auraient dû nous faire réfléchir à ce problème de numerus clausus et nous inciter à prendre davantage nos responsabilités. Il faut former différemment les étudiants et, surtout, leur laisser la liberté d’installation pour que leur vocation, si elle existe, puisse s’exprimer en fonction de l’expérience acquise lors de leurs études.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. René-Paul Savary. Quelques mots, enfin, sur l’offre de soins.
Si nous suspendons les fermetures de services ou d’établissements, mes chers collègues, nous bloquons également toute la restructuration de l’offre de soins, ce qui ne va pas dans le bon sens !
L’offre de soins a effectivement besoin de s’adapter à l’évolution des attentes des patients et à celle des modes de prise en charge. L’ambulatoire, par exemple, est un bien pour les patients, et il est démontré qu’à l’échéance de dix ans presque toutes les activités de rhumatologie, notamment, seront réalisées en ambulatoire. Cela signifie que nous ferons des économies, tout en proposant une bonne prise en charge.
Ce qui est important, me semble-t-il, c’est que les services soient adaptés aux besoins – évolutifs – de la population.
En conclusion, cette proposition de loi est trop générique et ne prend pas suffisamment en compte la qualité de la prise en charge.
Ce n’est pas forcément une bonne pratique de « sur-hospitaliser » comme le fait la France. Puisque à l’horizon de 2020 il est prévu une baisse du recours à l’hospitalisation de plus de 10 %, nous ne pourrons pas garder l’intégralité des services. Si nous procédions de la sorte, nous risquerions d’aggraver, encore et toujours, les dépenses de santé, qui, ne l’oublions jamais dans notre réflexion, sont en grande partie payées à crédit. Enfin – faut-il le souligner ? –, la volonté de réduction drastique de la dépense publique – une réduction annoncée de plus de 50 milliards d’euros pour les années à venir – ne semble pas intégrer cette proposition de loi.
Soyons clairs sur un point, c’est bien la qualité des soins qui doit primer, et ce à un coût supportable pour notre société, ce qui implique des fonctions supports partagées, y compris dans les zones périphériques.
Les groupements hospitaliers sont une réponse parmi d’autres, mais, dans les secteurs périphériques notamment, ils sont un gage de stabilité des services sanitaires, ainsi que des services médico-sociaux qui leur sont généralement associés. Je l’ai personnellement expérimenté dans mon département : le regroupement de différentes activités hospitalières au sein d’une structure interdépartementale, ce qui leur permet de partager un certain nombre de fonctions, donne tout à fait satisfaction aux usagers et garantit une stabilité des services offerts à la population.
Cette proposition de loi apporte donc une réponse partielle à une question bien compliquée !
M. Dominique Watrin, auteur de la proposition de loi. Ce n’est déjà pas mal !
M. René-Paul Savary. Preuve en est, l’article 1er vise à instaurer une solution générique – le moratoire – et, dès l’article 2, des exceptions à la règle sont proposées.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi de généralisation des moratoires. Nous estimons qu’un moratoire ne peut s’imposer que de façon très spécifique, dans des cas bien particuliers. Comme tous ici, nous avons bien entendu le souci de défendre le secteur hospitalier, mais il faut le faire sans figer les situations délicates. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme son intitulé l’indique, l’objet de cette proposition de loi de nos collègues du groupe CRC est d’imposer un moratoire à toute fermeture de service ou d’établissement de santé.
J’ai trop de respect pour nos collègues pour ne pas penser que la démarche les ayant amenés à présenter ce texte répond à un état d’esprit généreux, sincère, à la recherche d’une justice sociale, que celle-ci soit verticale – indépendante, donc, de la condition sociale des citoyens – ou horizontale – c’est-à-dire sans lien avec la situation des territoires. Mais je pense franchement que cette proposition de loi ne correspond pas à ce que nos concitoyens sont en droit d’attendre aujourd’hui de l’offre de soins.
Mme Éliane Assassi. Forcément, on ne leur demande rien !
M. Jean Desessard. C’est bien parti ! (Sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas. Laissez parler l’orateur !
M. Gérard Roche. Face à cette proposition, une seule question doit nous guider : quel est l’intérêt du patient ? Son intérêt, de toute évidence, est de bénéficier de la meilleure prise en charge possible.
Cela signifie-t-il une prise en charge au plus près du domicile ou une prise en charge de la meilleure qualité médicale possible ? La réponse s’impose d’elle-même : c’est bien sûr la sûreté et la qualité des soins qui doivent primer.
Mais pourquoi opposer proximité et qualité ? Parce que l’évolution de la médecine peut l’imposer dans un certain nombre de cas. Or cette évolution est de grande ampleur : en cas d’infarctus du myocarde, par exemple, il est maintenant préconisé une coronarographie dans les deux premières heures après l’accident cardiaque. Comment ne pas également prendre en compte les avancées diagnostiques et thérapeutiques de l’imagerie médicale, de l’endoscopie, de la cœlioscopie et de bien d’autres techniques ?
Une bonne prise en charge médicale de première intention nécessite donc la constitution de solides plateaux techniques, ce qui implique des regroupements de moyens.
Mais cela suppose aussi une certaine concentration d’activité. Pourquoi ? La qualité des soins dépend aussi, et surtout, de la qualité et de l’expérience des praticiens. Il faut un médecin aguerri et très compétent pour exploiter la coronarographie que j’évoquais à l’instant et il est bien évident qu’un chirurgien réalisant dix opérations de la hanche par semaine sera toujours plus fiable et efficace que celui qui n’en pratique qu’une par mois, parfois moins. C’est pourquoi il est dangereux de maintenir des services qui sont en sous-activité ou même parfois, hélas, ne réalisent pratiquement aucun acte.
Dès lors, il devient impossible de cumuler proximité pour tous et qualité des soins pour tous, ce qui explique la fermeture de certains services ou établissements. Je me suis battu personnellement pour la fermeture de maternités que d’autres élus défendaient par pure démagogie, pétition à l’appui, alors qu’eux-mêmes n’y auraient jamais eu recours pour un membre de leur famille.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Gérard Roche. Pour cette raison, le moratoire ne peut être une solution adaptée.
D’ailleurs, à son appui, sont invoquées des questions qui, pour importantes qu’elles soient, n’ont pas de lien direct avec la véritable problématique. Ainsi en est-il de la T2A, de l’évolution de l’ONDAM hospitalier et de la situation budgétaire des établissements. Cela témoigne du soupçon avoué selon lequel la véritable raison des fermetures serait purement comptable. Ce serait bien sûr condamnable… Mais, en toute sincérité, je ne le crois pas !
En toute objectivité, on peut constater que lorsqu’il est question de fermer un service ou un établissement, c’est le plus souvent parce que la faiblesse de son activité n’apporte pas au patient la meilleure qualité de soins qu’il est en droit d’attendre.
Le seul véritable enjeu est donc la nécessaire adaptation de l’offre hospitalière à l’évolution de la médecine. Par définition, un moratoire imposant un gel global, une solution générale là où, au contraire, s’impose une approche au cas par cas, ne le permet pas.
Au conservatisme du moratoire, il faut opposer une conception de l’offre hospitalière articulée entre prise en charge de premier recours et prise en charge de soins. Comme je l’expliquais, le premier recours doit être organisé autour de plateaux techniques évolués dans des pôles d’activité concentrée, tandis que l’offre de proximité doit être assurée par des hôpitaux de soins, de post-cure et de rééducation.
Une telle évolution est nécessaire pour que la médecine française reste l’une des meilleures du monde.
Pour toutes ces raisons, notre groupe, dans sa très grande majorité, votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Vincent Capo-Canellas et Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai souligné en commission des affaires sociales, cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe CRC tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de services et d’établissements de santé ou leur regroupement est, pour notre groupe, une réponse inadaptée à une vraie question, une vraie problématique, celle de la prise en charge des besoins de santé de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national. Cette prise en charge ne peut du reste, tout le monde en convient, se limiter aux seules structures hospitalières.
Le Gouvernement, depuis l’élection du Président de la République, François Hollande, travaille dans cette direction. Le chantier est très vaste du fait, notamment, des défis d’adaptation auxquels notre système de santé doit sérieusement faire face. Je rappelle, à ce niveau, que l’adaptabilité est un principe fondamental du service public. Le service public hospitalier ne saurait y échapper, et c’est tant mieux ! L’offre hospitalière doit s’adapter en permanence car c’est aussi la demande des patients.
Parmi ces défis, soulignons ceux qui sont liés au vieillissement de la population et à la perte d’autonomie, ainsi qu’aux maladies chroniques pour lesquelles la branche maladie de la sécurité sociale consacre environ 65 % de son budget. Ces maladies relèvent, pour reprendre les propos récents des professeurs Bernard Granger et André Grimaldi, d’une « médecine intégrée – biomédicale, pédagogique, psychologique et sociale – et coordonnée entre les professionnels et entre la médecine de ville et l’hôpital ».
Mais il faut aussi tenir compte des progrès scientifiques et des innovations technologiques entraînant des mutations en termes de réponses thérapeutiques à de nombreuses pathologies, ce qui induit des remodelages de services hospitaliers. Je pense, par exemple, aux services de chirurgie vasculaire avec le développement de l’angioplastie. De même, d’une manière générale, la diminution des techniques invasives n’est pas sans incidence sur la structuration et l’organisation de services de soins comme des plateaux techniques.
Enfin, les défis sont liés au rattrapage du retard de notre pays en matière de chirurgie ambulatoire et d’hospitalisation à domicile, et, bien sûr, à la recherche du maximum de sécurité pour les patients et les parturientes.
Comme notre collègue Gérard Roche, par ailleurs médecin aguerri, le disait la semaine dernière en commission – il vient d’ailleurs de le répéter –, ce qui compte en médecine, c’est la qualité, la qualité des actes étant étroitement liée à celle des acteurs les effectuant. J’ajouterai à cela les moyens techniques mis en place, ainsi que la formation initiale et continue de ces acteurs. Ce qui compte enfin, mais cela va de pair, c’est la pertinence des actes exécutés.
Mes chers collègues, on sent bien que, pour répondre à la complexité de ces défis, il ne suffit pas de décréter, de manière brutale, d’ailleurs, un moratoire sur la fermeture de lits d’hospitalisation.
C’est notamment pour faire face à cette complexité, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, que vous avez annoncé, en présentant « la stratégie nationale de santé » poursuivie par le Gouvernement, la nécessité de « refonder notre système de santé ». Certaines mesures de préfiguration de cette refondation ont déjà été adoptées dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et d’autres prendront place dans la future loi de santé publique annoncée.
En matière de politique de santé publique, on ne peut pas se contenter d’avoir une vision en silo, terme que j’emprunte volontiers à notre collègue Jean-Claude Lenoir, lui-même l’ayant emprunté à Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, à propos d’une autre politique tout aussi compliquée à mettre en œuvre.
La vision doit être globale, ce qui accroît les difficultés lorsqu’il s’agit de la transcrire en phases opérationnelles.
Une déclinaison doit effectivement s’opérer au niveau des parcours de soins – du médecin de ville jusqu’à la prise en charge en post-hospitalisation –, de la territorialisation du service public hospitalier, du renforcement des structures existantes et de la création de structures nouvelles au bénéfice de la médecine de premier recours – centres de santé, maisons de santé, etc. – et pour lutter contre les déserts médicaux ruraux, périurbains et, souvent, urbains.
Par ailleurs, l’organisation territoriale des urgences doit tenir compte des spécificités géographiques de notre pays et des habitudes – ou habitus, pour reprendre un terme cher à Bourdieu – culturelles de nos concitoyens : modes de déplacement, lieux d’habitation éloignés des lieux de travail induisant l’accroissement du trafic routier, avec risques d’accidents graves, eux-mêmes également liés à la consommation excessive d’alcool ou à la prise de produits toxiques tels que les drogues, lieux de vacances à la montagne l’hiver, sur le littoral l’été, conduisant à des concentrations fortes de population pendant des périodes de plus en plus fractionnées…
En outre, il convient d’adapter les structures d’hospitalisation, d’hébergement, de soins de cure et de réadaptation et de prendre en considération les réseaux de soins et les spécificités en matière de soins psychiatriques, ainsi que l’évolution des équipements et des plateaux techniques et, souvent, leur implantation voire leur mode de gestion.
Enfin, il est nécessaire de se pencher sur la pénibilité des conditions de travail des personnels non seulement soignants et non soignants, mais aussi médicaux, des structures de soins.
La multiplicité des acteurs concernés et souvent les « conservatismes » à faire bouger signent l’énormité du travail à accomplir. Notre gouvernement et, en premier lieu, vous-même, madame la ministre, vous êtes attaqués avec courage et détermination à cette lourde tâche. (Mme Catherine Deroche et M. René-Paul Savary sourient.)
J’insiste sur le fait que le Gouvernement ne conduit pas de politique de fermeture des hôpitaux. Quand, pour des raisons que j’ai rappelées assez longuement, une recomposition de l’offre hospitalière s’impose, elle prend avant tout la forme de coopérations à objectifs qualificatifs entre établissements, vous venez de le rappeler à l’instant, madame la ministre, et, le cas échéant, de regroupements juridiques sous la forme d’une direction commune ou d’une fusion. Par ailleurs, les instances des établissements publics de santé sont nécessairement consultées sur les projets de remodelage et de restructuration.
Pour revenir plus particulièrement à votre proposition de loi, madame la rapporteur, je souhaite formuler quelques observations supplémentaires.
Premièrement, il m’apparaît surprenant que ce soit surtout au travers du prisme de l’emploi, dont il n’est pas question pour moi de réfuter l’importance, que votre proposition de loi se positionne en priorité pour ce qui concerne la défense de l’hôpital public. On pourrait penser que, justement, parce que l’hôpital n’est pas une entreprise et que la santé n’est pas une marchandise, ce qui est également notre conviction, il ne faut pas se contenter de répondre par une « défense pied à pied de l’existant » aux questions posées par l’obligation de prendre en charge, d’une manière adaptée, les besoins en matière d’hospitalisation de nos concitoyens, lorsque cela est nécessaire.
Ce type de défense conduit trop souvent à nier la nécessité de construire des projets alternatifs, pertinents et cohérents sur le triple plan médical, territorial et financier, cette dernière dimension ne devant pas être occultée si l’on est attaché à la sauvegarde de notre système social, qu’il faut bien continuer de financer nonobstant la sévérité de la crise économique qui frappe notre pays.
Ainsi, votre type de défense, madame la rapporteur, nous paraît décalé.
Deuxièmement, s’agissant de votre critique de la loi HPST, nous en partageons de nombreux volets, ce qui nous avait conduits à l’époque de son examen par le Sénat à déposer plus de 450 amendements, pour en gommer les aspects les plus critiquables, voire les plus dangereux.
La loi de santé publique en préparation aura bien évidemment à connaître de ces aspects et à y apporter des réponses, que, je l’espère, nous adopterons ensemble. En prenant certains décrets, le Gouvernement s’est déjà attelé à cette tâche, vous venez de le souligner, madame la ministre.
Troisièmement, j’en viens, madame la rapporteur, à votre opposition radicale au financement des hôpitaux par la tarification à l’activité, la T2A, dont vous avez fait état en commission des affaires sociales, et qui justifie aussi, m’a-t-il semblé, votre proposition de loi.
Je vous rappelle que la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de la commission des affaires sociales du Sénat a rédigé l’année dernière un rapport d’information intitulé Refonder la tarification hospitalière au service du patient. Ce rapport a été adopté à l’unanimité des groupes politiques du Sénat. Il contient 38 propositions, qui peuvent permettre d’apporter des réponses adaptées à la nécessité d’un financement diversifié de l’activité hospitalière pour chacune de ses facettes. Il n’a pas préconisé de supprimer la T2A – ce serait une erreur – ni de la « fétichiser », ce qui en serait une autre. Elle doit rester un outil à utiliser prioritairement pour le financement d’activités programmées, standardisées, connaissant peu de variabilité de coût, comme mon collègue Alain Milon et moi-même l’écrivions dans ce rapport.
Nous avancions également d’autres propositions concernant ces questions de financement, y compris celles qui ont trait aux investissements immobiliers, l’une des causes principales des lourds déficits relevés par la Cour des comptes pour les CHU et les grands hôpitaux.
Certaines propositions ont déjà été reprises par le Gouvernement. Par exemple, la convergence tarifaire en MCO, médecine chirurgie obstétrique, entre les hôpitaux et les cliniques privées a été supprimée, conformément à ce que nous proposions. D’autres mesures suivront, j’en suis persuadé. Bien évidemment, ce n’est pas le moratoire que vous nous proposez qui résoudra le problème complexe que pose le financement des hôpitaux publics.
En guise de conclusion, je reprendrai quelques observations pertinentes formulées par le nouveau directeur général de l’AP-HP, que nous avons auditionné ensemble, madame la rapporteur : « L’hôpital doit être vivant, il doit pouvoir bouger » ; « l’inertie joue contre l’hôpital » ; « il faut pouvoir fermer des sites, en ouvrir d’autres, rapprocher les équipes » ; et enfin « la vitesse d’adaptation est fondamentale pour le service public hospitalier ».
Pour toutes ces raisons, et parce que le Gouvernement est engagé dans une politique visant à garantir à chaque Français des soins de proximité de qualité sur l’ensemble du territoire, mon groupe votera contre la proposition de loi qui nous est présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, les membres du groupe CRC proposent de décréter un moratoire sur les fermetures d’établissements de santé, le temps de repenser notre modèle hospitalier.
On serait tenté de leur donner raison. Refonder l’hôpital est en effet une nécessité ; encore faut-il poser les bonnes questions et apporter les bonnes réponses !
Or cette proposition de loi évoque, pêle-mêle, l’impact négatif des restructurations sur l’accès aux soins, le sous-financement chronique des hôpitaux, la pression intenable de la T2A, l’arbitraire de la convergence tarifaire, le renoncement au service public et, bien sûr, mère de tous les maux, la loi HPST et sa logique libérale…
Vous vous doutez que je ne partage pas une telle vision, pour le moins idéologique, pas plus que la réponse qui est proposée, à mon sens un peu caricaturale.
D’ailleurs, madame la rapporteur, j’ai une autre lecture du rapport de l’IGAS sur les restructurations hospitalières, que vous avez cité. Certes, il pointe les limites de la trop grande taille de l’hôpital, tout en reconnaissant que l’effet positif d’une augmentation de la taille est particulièrement établi en matière de qualité des soins et d’économies d’échelle pour les plus petits établissements.
Il ne vous aura sans doute pas échappé non plus que, loin de préconiser l’arrêt des fermetures de services, ce même rapport propose de relancer la politique des seuils en chirurgie et en obstétrique, laquelle « à côté des enjeux de qualité, doit aussi mettre en exergue les enjeux d’optimisation des coûts ». Vous l’avez dit, on ne peut guère soupçonner l’IGAS d’extrémisme.
Je reconnais que la politique de restructuration, telle qu’elle a été conduite ces deux dernières décennies, ne s’est pas toujours faite dans la concertation et a manqué de lisibilité pour les usagers. Les élus ont d’ailleurs une part de responsabilité dans ce manque de lisibilité, en confondant enjeux de territoire et d’emploi et enjeux de santé.
Il n’est évidemment pas question de restructurer dans le but unique de fermer des lits à tout prix, mais il importe de prendre en compte l’évolution considérable de la manière de soigner depuis trente ans : la progression des techniques, la réduction des durées de séjour, les modalités de prise en charge, l’hospitalisation à domicile. Vous ne pouvez pas ignorer toute cette révolution bénéfique, avant tout, au patient.
Peut-on aussi vouloir, d’un côté, des équipements de pointe et des équipes médicales entraînées et, de l’autre, un maillage fin d’établissements sur le territoire, quitte à maintenir artificiellement des services ou hôpitaux de petite taille ayant une très faible activité, évoquée par les orateurs précédents ? Il faut sortir de cette contradiction ! Autant la proximité est un impératif s’agissant de l’accès à un médecin traitant et à une réponse sanitaire de première intention, y compris médico-sociale et quelquefois sociale, autant, pour l’accès à un plateau technique, la seule exigence qui vaille est celle de la qualité et de la sécurité.
Soyons pragmatiques, sortir du territoire de proximité pour une hospitalisation spécialisée ne menace en rien l’accès aux soins ! D’ailleurs, en dépit du coût, nos concitoyens – comment les en blâmer ? – souhaitent avant tout pouvoir bénéficier des soins des meilleurs spécialistes de leur pathologie et n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour se faire soigner dans les meilleures conditions.
Peut-on enfin ignorer l’évolution de l’exercice médical, davantage spécialisé, et les graves difficultés de recrutement que rencontrent les structures hospitalières de petite taille ? Aujourd’hui, les jeunes professionnels privilégient dans leur choix la possibilité d’exercer en équipes pluridisciplinaires au sein d’un même établissement.
La loi HPST avait bien des défauts, mais elle a facilité les coopérations intéressantes entre établissements, en rénovant les GCS, les groupements de coopération sanitaire, et en créant les communautés hospitalières de territoire. Ces CHT permettent à des établissements publics, principalement de taille moyenne, de développer une stratégie territoriale commune, largement évoquée précédemment, sur la base d’un projet médical partagé avec d’autres établissements, tout en conservant leur indépendance fonctionnelle. Ces communautés fonctionnent et ont parfois permis de maintenir de hautes compétences sur certains territoires.
En réalité, vous l’avez dit, madame la ministre, la véritable question qui nous est posée aujourd’hui est celle de la place et du rôle de l’hôpital dans notre système de soins. À l’image du monde dans lequel il évolue, l’hôpital public, souvent présenté comme le miroir d’une société, se trouve aujourd’hui écartelé entre des exigences contradictoires. D’un côté, les urgences hospitalières accueillent de plus en plus de personnes âgées ou démunies, nécessitant une prise en charge globale qui dépasse les soins purement médicaux. De l’autre, la médecine hospitalière, pour les soins dits programmés, devient de plus en plus technique, spécialisée et coûteuse.
Alors que faire ? Décréter un moratoire, comme vous le proposez, et réfléchir ? Je crois, mes chers collègues, que nous avons déjà suffisamment réfléchi. Le diagnostic a été posé par de trop nombreux rapports et les pistes ne manquent pas. Il faut maintenant agir !
Vous avez présenté, madame la ministre, la stratégie nationale de santé, par laquelle vous entendez réaffirmer la place du service public hospitalier et inscrire celui-ci dans le parcours de soins. Les lignes sont encore assez floues, et nous attendons avec impatience leur traduction concrète dans cette grande loi de santé publique que vous nous aviez promise pour l’an dernier.
J’aimerais rappeler que l’hôpital n’a pas vocation à être le lieu où convergeraient, par défaut, tous les problèmes qui ne peuvent trouver de réponse organisée en amont ou en aval. L’hôpital est là pour fournir, au bon moment, un apport puissant de compétences cliniques et techniques.