Mme Catherine Troendlé. Il faut aller chercher les enfants à quinze heures trente !
M. Vincent Peillon, ministre. Mais quand il fallait aller les chercher à seize heures trente ou s’en occuper le mercredi matin, cela ne vous posait pas de problèmes !
Ce qui est important, c'est que le temps scolaire reste le même et qu’il est assumé par l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Le reste, c’est un peu « couvrez ce sein que je ne saurais voir », autrement dit, cachons ces inégalités que vous ne voulez pas voir, alors même qu’elles nous ont conduits à devenir le pays le plus inégalitaire de l’OCDE. Vous êtes confrontés à ces inégalités : j’attends vos réponses ! L’État, lui, assume ses responsabilités. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je tiens à répondre sur cette question des inégalités, car il y a vraiment entre nous, je l’ai dit, un malentendu.
Dans notre pays, personne ne peut le nier, les inégalités scolaires sont en même temps des inégalités sociales.
M. Claude Dilain. Absolument !
M. Vincent Peillon, ministre. Si l’on donne plus de temps pour apprendre, on utilise l’un des instruments – certes, il ne suffit pas, il en faut d’autres – qui nous permettent de lutter contre les inégalités sociales et scolaires, puisque les deux sont corrélées. Cet aspect des choses relève de l’État : c’est l’école le matin ; c’est mieux lire, écrire et compter.
Ensuite, il y a le périscolaire. Intuitivement, on peut penser que, sur ce point, les inégalités entre collectivités rurales et urbaines pourraient s’accroître. Or le retour d’expériences, l’étude de l’AMF et les conclusions du comité de suivi montrent que ce n’est absolument pas le cas. Vous voulez des suivis et des évaluations ? Ils prouvent le contraire de ce que vous avancez !
En réalité, les petites communes et les regroupements des départements ruraux – je pense à des départements comme l’Ariège, le Gers et à d’autres – passent beaucoup plus facilement aux nouveaux rythmes que certaines métropoles ou grandes collectivités, qui sont confrontées à des problèmes de locaux, entre autres.
Je le répète, il n’y a pas d’accroissement des inégalités.
Mme Catherine Troendlé. Il n’y a pas d’inventaire !
Mme Catherine Troendlé. Pas pour toute la France !
M. Vincent Peillon, ministre. Un inventaire a été fait. Je vous invite à le lire, car cela vous éviterait de dire ce genre de choses…
En matière périscolaire, il y a des inégalités qui posent un réel problème : je l’ai dit selon les chiffres officiels, le rapport est aujourd'hui de 1 à 10. Certains maires – mais ce sont surtout ceux qui ne faisaient rien avant – m’expliquent que ma réforme leur crée des difficultés parce qu’elle a suscité une demande sociale. D’autres, au contraire, me disent que, dans leur commune, la réforme leur coûte non pas 150 euros, mais 10 euros de plus que ce qu’ils consacraient auparavant au périscolaire, parce qu’ils avaient déjà mis en place un plan éducatif local.
Ces inégalités existent et elles sont très dommageables pour notre pays.
M. André Reichardt. Elles vont être accrues !
M. Vincent Peillon, ministre. Pas du tout ! C’est la première fois que l’État donne des moyens aux communes pour organiser des activités périscolaires, tout en assumant le même temps scolaire.
Et nous ne faisons pas que cela ! Je le rappelle, nous avons modifié les financements de la caisse d’allocations familiales. Nous faisons de la péréquation avec la dotation de solidarité urbaine cible et la dotation de solidarité rurale cible. Nous donnons davantage aux communes qui ont le moins : cela devrait tout de même vous intéresser !
Vous qui voulez que les réformes soient mises en place progressivement, regardez ce que nous avons fait depuis un an ! Nous avons été les premiers dans l’histoire de l’école à instituer une réforme du temps scolaire étalée sur deux années, et non brutalement, comme cela s’est toujours fait.
En 2013, des communes parmi les plus pauvres de France, comme Mende, en Lozère, ou Denain, dans le Nord, sont passés aux nouveaux rythmes. Ces villes à potentiel fiscal très faible ont aujourd'hui les moyens – elles nous l’ont dit, et les évaluations le prouvent – de proposer des activités périscolaires.
M. André Reichardt. Ces villes seront plus pauvres dans deux ans !
M. Vincent Peillon, ministre. À l’inverse, d’autres communes très riches, dont certaines sont gérées par des socialistes, ne sont pas encore passées aux nouveaux rythmes. C'est une question non pas d’argent, mais d’organisation. Certes, il faut régler des questions bien réelles, comme trouver des animateurs ou organiser les transitions…
M. André Reichardt. C’est vous qui arrêtez le fonds d’amorçage en 2015 !
M. Vincent Peillon, ministre. Bien sûr que l’intérêt des enfants est un élément majeur. Mais la question première est celle de l’allocation des moyens.
M. André Reichardt. Alors dites-nous que le fonds sera pérennisé !
M. Vincent Peillon, ministre. Et elle se pose dans les mêmes termes pour les communes et pour l’État : si vous pensez qu’il ne faut pas investir dans l’école, vous obtiendrez le résultat que nous observons depuis des années. Si, au contraire, vous estimez que l’école doit être une priorité de votre budget, on constatera le résultat inverse dans les années qui viennent.
Je reviens sur l’intérêt des élèves. Que devons-nous faire pour lutter contre les difficultés scolaires et, plus largement, éducatives ? Donner du meilleur temps scolaire et davantage de temps éducatif de qualité aux enfants de France : ce sont les objectifs portés par cette réforme !
Cela, nous devons le faire ensemble, en associant les parents, les collectivités, les associations et, bien entendu, les pouvoirs publics – pas seulement le ministère de l’éducation nationale, mais aussi celui de la jeunesse et des sports, ainsi que celui de la famille. C’est ce que nous faisons. Nous devons nous concerter et discuter. Vous parlez de concertation, mais jamais dans notre pays les consultations n’ont duré aussi longtemps que celles que Luc Chatel puis moi-même avons engagées.
Les contradictions que vous avez soulevées sont nées de la concertation, de la confrontation des intérêts des uns et des autres, et des difficultés rencontrées par les conseils généraux, que nous avons très souvent évoquées avec Jean-Claude Carle.
S’il y a des traitements différenciés dans un département, cela relève non pas du DASEN, mais du conseil général, qui gère les transports scolaires. Je pense notamment à la situation des enfants qui vivent dans des petites communes de montagne.
Nous avons cherché une voie qui permette à chacun d’adapter le dispositif à sa situation locale. Telle est la réalité de cette réforme. Aujourd’hui, pour la première fois, le temps scolaire n’est pas réparti de la même façon partout. Dans certaines communes, les enfants travaillent le mercredi ; ailleurs, le samedi. Certains font trois quarts d’heure, d’autres une heure et demie, d’autres encore ont la pause méridienne. Nous laissons la place à la liberté de choix et à la « co-construction ».
J’ai confiance dans les uns et les autres. Je sais très bien comment tout cela marche, mais je vois aussi que les choses avancent. Les grandes réformes supposent du temps et des ajustements ; elles engendrent des conflits et nécessitent de la concertation. Les quatre jours et demi, qui sont dans l’intérêt des enfants, vaudront pour tous et seront néanmoins adaptés aux situations locales.
Cette mesure aura finalement permis – plus que les réformes de la formation des enseignants et du service public du numérique, dont on ne parle finalement que très peu et qui avancent bien, plus que les distributions de postes – que, pour la première fois, on débatte ensemble, associations, mairies, conseils d’école, de l’intérêt des élèves dans toutes les communes de France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sera un talisman pour le progrès et le redressement éducatif dans les années qui viennent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas adopté de texte, nous passons, en application de l’article 42, alinéa premier, de la Constitution, à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.
Article 1er
L’article L. 521-3 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 521-3 – Les maires ont le libre choix de l’organisation du temps scolaire des écoles maternelles et élémentaires publiques dans le respect des programmes scolaires, sous réserve des dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-2. Avant toute modification des rythmes scolaires, les maires sont tenus de consulter les conseils d’écoles concernés, les professeurs des écoles de premier degré, les représentants des parents d’élèves ainsi que le directeur académique des services de l’éducation nationale et les inspecteurs de l’Éducation nationale. Le maire peut, après avis de l’autorité scolaire responsable, modifier les heures d’entrée et de sortie des établissements d’enseignement en raison des circonstances locales.
« Toute modification des rythmes scolaires par voie réglementaire donne lieu à compensation intégrale par l’État des charges supportées à ce titre par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. »
M. le président. La parole est à Mme Danielle Michel, sur l'article.
Mme Danielle Michel. L’article 1er réécrit l’article L. 521-3 du code de l’éducation pour laisser toute latitude aux maires de fixer librement le temps scolaire dans leur commune.
Telle qu’elle est définie, cette liberté d’organisation du temps scolaire voulue pour les maires consisterait, au final, à laisser le choix à chaque commune entre la semaine de quatre jours et celle de quatre jours et demi.
Pourquoi, d’ailleurs, ne pas prévoir, au nom des intérêts locaux, une concentration du temps scolaire encore plus forte, par exemple sur trois jours et demi ? Est-ce cela la liberté ?
C'est ce que vous souhaitez rendre possible ! Nous ne l’acceptons pas. Nous estimons en effet que cette disposition contrevient, comme l’a souligné M. le ministre, à un principe constitutionnel. En effet, le préambule de la Constitution dispose qu’il revient à l’État d’assurer la scolarité obligatoire, et cela est fort heureux.
En vérité, j’ai quelque mal à comprendre le sens de votre démarche.
Vous le savez, dans notre pays, les rythmes d’apprentissage sont insoutenables. Vous le savez d’autant mieux que la consultation lancée par M. Luc Chatel lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale a conclu, elle aussi, à la nécessité de revenir à la semaine de neuf demi-journées.
Nous l’avons dit et redit : notre journée scolaire est la plus longue et notre année, la plus courte. Il y a consensus pour considérer que ces deux anomalies sont préjudiciables, particulièrement pour les enfants les plus fragiles socialement, qui ont besoin de temps d’apprentissage adaptés, et ce dès le plus jeune âge.
Il nous faut donc impérativement alléger les rythmes. Pourquoi alors vouloir, par cet article, permettre que rien ne bouge, ce qui, au final, ne ferait qu’accroître un peu plus les inégalités déjà criantes entre les territoires ? Pourquoi jeter encore de l’huile sur ce feu que vous aviez largement contribué à allumer lorsque vous étiez au pouvoir ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je ne reviendrai pas sur vos errances en la matière. Les derniers résultats de l’enquête PISA, qui sont catastrophiques pour notre pays, les attestent.
Mes chers collègues, nous aurions pu faire l’économie de ce débat, car nous pouvons à la fois nous accorder sur la nécessité de prolonger le temps scolaire hebdomadaire et admettre qu’il existe des difficultés de mise en œuvre, en particulier pour les communes qui n’avaient, jusque-là, pas de véritable politique éducative.
Ces difficultés, il n’est pas question pour nous de les nier, mais bien d’y apporter des solutions.
De nombreuses dispositions ont été prises par le Gouvernement depuis la publication du décret du 26 janvier 2013 pour répondre aux inquiétudes légitimes des élus locaux.
C’est aussi l’objectif des travaux de la mission sénatoriale d’information, à laquelle je participe, que de mettre à jour des solutions adéquates pour répondre aux problématiques locales. Chers collègues du groupe UMP, vous avez été à l’initiative de cette mission d’information et, maintenant, vous en préemptez les conclusions, pourtant prévues pour le mois de juin prochain !
En vérité, cette réforme est nécessaire. Si elle n’est qu’une partie de la refondation de l’école que nous défendons, elle en est une partie essentielle.
La vérité exige aussi de dire que, oui, cette réforme est difficile, notamment parce qu’elle oblige les acteurs de la communauté éducative à travailler ensemble, alors même que, à certains moments, c’est vrai, leurs intérêts peuvent être divergents.
Contrairement à ce qui est sous-entendu dans la proposition de loi, les élus locaux sont pleinement associés à cette démarche, plus d’ailleurs qu’ils ne l’avaient jamais été auparavant ! (M. Jean-François Husson s’exclame.)
Dans mon département aussi, l’équation est parfois difficile, notamment pour les territoires ruraux. Mais je salue l’engagement des communes, du conseil général et de l’association des maires des Landes, qui ont œuvré pour accompagner la mise en œuvre de la réforme, et ce toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Au final, ce sont trois écoles sur quatre qui sont passées aux nouveaux rythmes scolaires en 2013.
En conclusion, je rappellerai cette formule de Sénèque selon laquelle ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous ne devons pas oser, mais c'est parce que nous n’osons pas qu’elles peuvent être encore plus difficiles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais apporter mon témoignage à l’appui de notre proposition de loi et, tout particulièrement, de l’alinéa 3 de l’article 1er, qui prévoit notamment une contribution intégrale de l’État.
Indépendamment de la problématique du rythme scolaire à mettre en place, se pose une autre vraie question qui préoccupe au moins autant les maires que les intercommunalités concernées : c’est celle du financement de la réforme.
Telle qu’elle est décidée, la réforme pose problème sur ce point, principalement en raison de l’absence d’évaluation initiale des frais qu’elle engendrera.
Pour bon nombre de maires consultés – on l’a vu tout particulièrement à l’occasion de l’enquête à laquelle vous avez, mes chers collègues, contribué –, le fonds mis en place pour la rentrée de 2013 n’assure qu’une prise en charge partielle des nouvelles charges.
Pour environ 50 % des communes, le coût de la réforme est supérieur aux 150 euros accordés par le Gouvernement et la caisse d’allocations familiales. Pour 10 % d’entre elles, il est même supérieur à 300 euros ! En Alsace – je peux en témoigner –, certains chiffrages s’élèvent à 450 euros, comme l’a indiqué le rapport de Jean-Claude Carle.
De plus, si le fonds d’amorçage a finalement été prolongé d’une année, en réponse aux protestations des maires, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ce qu’il adviendra pour la suite. Au-delà de 2014, ces moyens seront-ils ou non – ce point est évidemment fondamental ! – pérennisés ? Que se passera-t-il en 2015 si ce n’est pas le cas ? Les collectivités devront « passer à la caisse », alors même que les dotations de l’État aux collectivités, vous le savez, seront réduites de 1,5 milliard d’euros en 2014, dont 880 millions pour les seules communes, et encore de 3 milliards d’euros en 2015.
Monsieur le ministre, vous rejetez le principe de la liberté du choix des maires au nom de l’égalité territoriale mais, comme nous avons essayé de vous le dire tout à l'heure, les territoires ne sont pas justement égaux face à cette réforme !
Comment les petites communes rurales pourraient-elles proposer les mêmes activités que les grandes villes ? Vont-elles seulement pouvoir recruter des animateurs, quand certaines ne savent même pas ce que c’est ? (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je peux vous en citer ! Au reste, chers collègues, votre méconnaissance de la ruralité…
Mme Françoise Cartron. C’est faux !
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. André Reichardt. … montre clairement la nécessité de cumuler le mandat parlementaire avec un exécutif local…
Les maires se sentent piégés, car ils sont mis devant le fait accompli. Leur sens des responsabilités les empêche de laisser à la rue les élèves dont les parents travaillent et qui seront libérés à quinze heures ou quinze heures trente ! Ils vont donc assurer cet encadrement…
Mme Françoise Cartron. C’est bien !
M. André Reichardt. … même s’ils n’en ont pas l’obligation et même s’ils n’en ont pas les moyens.
Aussi sont-ils contraints ou de demander aux parents une participation financière ou d’augmenter les impôts locaux. Et je ne reviens pas sur le contexte budgétaire : vous savez qu’il est difficile. Or, mes chers collègues, quelle que soit leur situation financière et quel que soit leur niveau d’endettement, aucune de ces communes n’a tenu compte de ces nouvelles dépenses de fonctionnement dans ses prévisions de financement pluriannuel ; aucune n’a tenu compte de la réforme dans les projets d’investissement qu’elle a engagés. Aucune ! Demain, les communes seront encore plus en difficulté. Est-ce cela votre conception de l’égalité territoriale ? Allons, que l’on ne nous raconte pas d’histoires !
Monsieur le ministre, cette situation n’est ni normale ni juste. Elle est même franchement inacceptable !
Il faut donc laisser les maires décider eux-mêmes de cette organisation. Il faut, ici comme ailleurs, appliquer ce postulat simple : qui commande paie ! C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention lors la discussion générale et j’ai été une fois de plus assez étonné parce que, à vous écouter, tout est parfait, tout se passe bien, tout le monde est content, les élus sont ravis, les parents sont enchantés, les enfants s’épanouissent… Bref, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes !
D'ailleurs, cette autosatisfaction ne vous est pas propre, monsieur le ministre : ce sont tous les membres de ce Gouvernement qui, quel que soit le sujet, sont contents d’eux. On a même le sentiment que plus leurs échecs sont manifestes, plus leur suffisance est totale !
M. Jean-Claude Lenoir. Ils sont comme le Président de la République !
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, sortez du déni ! Ouvrez les yeux ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Comme cela a été dit au cours de la discussion générale et comme chacun a pu le constater dans son département, vous avez décidé seul, sans aucune concertation, quoi que vous en disiez, ni avec les élus, ni avec les parents, ni avec les enseignants, d’une réforme que vous avez imposée avec une brutalité extrême ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Et aujourd'hui, après plus de deux heures de débat, vous ne nous expliquez toujours pas comment les communes financeront cette réforme qui coûte très cher : 250 ou 300 euros par enfant et par an, voire plus,…
Mme Françoise Cartron. Et pourquoi pas 500 ?
M. Jean-François Husson. Cela peut aller jusqu’à 800 euros, chère collègue !
M. Hervé Maurey. … alors que les dotations diminuent en 2014 et qu’elles baisseront encore en 2015, au moment même où le fonds d’amorçage s’arrêtera ! Que se passera-t-il alors ? Comment les communes feront-elles en 2014 et a fortiori en 2015 ? Vous ne nous le dites toujours pas, malgré les débats qui se succèdent et malgré nos demandes répétées.
Vous ne nous dites toujours pas comment organiser les activités périscolaires dans une petite commune où il n’y a pas d’autres locaux que la salle de classe.
M. David Assouline. On ne peut pas prendre chaque maire par la main !
M. Hervé Maurey. Vous ne nous dites toujours pas comment une petite commune peut trouver des animateurs quarante-cinq minutes par jour.
Tout cela, vous ne nous le dites pas ! Mais peut-être nous le direz-vous enfin dans les heures qui viennent…
Voilà des mois que nous vous interrogeons, que ce soit à la faveur de l’examen de la loi pour la refondation de l’école de la République, lors de séances de questions au Gouvernement ou de questions orales, mais nous n’avons jamais de réponse !
Dans nos départements, l’inquiétude se manifeste. Ainsi, dans le département où je suis élu, l’assemblée générale des maires a adopté une motion, à l’unanimité moins neuf voix. Contrairement à ce que vous dites, il n’y a donc pas que des maires ou des conseillers communautaires de droite qui s’opposent à votre réforme !
Mme Françoise Cartron. Nous n’avons pas dit ça !
M. Hervé Maurey. Nous avons organisé devant la préfecture une manifestation qui a rassemblé 600 élus : ils n’étaient pas tous de droite ! Les délibérations des conseils municipaux et des conseils communautaires reportant l’application de la réforme se multiplient, quelle que soit leur couleur politique.
Monsieur le ministre, je vous le demande une nouvelle fois et je vous le redemanderai encore si c’est nécessaire, car je suis assez tenace : écoutez enfin les élus ! Considérez enfin cette année comme une année d’expérimentation, au terme de laquelle nous pourrons faire le point sur les problèmes qui se posent, notamment dans les maternelles ! Je ne vous ai pas entendu parler des maternelles ce soir, alors que, on le sait bien, c’est dans ces classes-là que les problèmes sont le plus aigus !
Pour ce qui est de l’école élémentaire, que fait-on des enfants qui sortent à quinze heures quinze, dont les parents travaillent et ne peuvent pas payer de système de garde ?
Toutes ces questions méritent qu’on prenne un peu de temps.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous le demande une nouvelle fois : si vous attachez vraiment de l’importance à cette réforme,…
M. Hervé Maurey. … si vous voulez ne pas la compromettre, écartez toute précipitation, renoncez à l’urgence, défaites-vous de votre entêtement, sortez du déni et prévoyez une année d’expérimentation ! Elle permettra que l’on mette en place une réforme sur des bases solides et sérieuses à l’horizon de la rentrée 2015. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, comme mon ami Hervé Maurey, j’ai trouvé que le début de votre propos témoignait d’une grande satisfaction. Vous sembliez effectivement très content.
L’intérêt de l’enfant ayant toujours rassemblé les membres de cet hémicycle, nous vous avons écouté avec attention, jusqu’au moment où vous n’avez pas résisté à la tentation de verser dans la polémique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Au demeurant, je n’en ai guère été étonné, monsieur le ministre : je sais que c’est une habitude chez vous !
M. David Assouline. Arrêtez avec les figures obligées, de grâce !
M. Jean-Claude Lenoir. En effet, je suis bien obligé de constater que vous ne pouvez pas tenir un discours, même bref, sans vous faire polémiste.
Il n’empêche qu’un élève qui aurait écouté le discours du ministre de l’éducation nationale aurait été particulièrement édifié de voir avez quelle suffisance vous traitiez de ces questions ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Bailly. Assez de vos leçons !
M. David Assouline. Et vous, vous faites quoi, en ce moment ?
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, permettez-moi trois observations.
Premièrement, vous avez parlé de concertation. Vous avez déclaré que cette réforme avait été longuement discutée.
Puisque nous célébrerons, dans quelques jours, les cinquante ans de l’établissement de relations diplomatiques entre la France et la Chine, je veux vous citer un proverbe chinois auquel votre goût pour la philosophie devrait vous rendre sensible, monsieur le ministre : « L’homme honorable commence par appliquer ce qu’il veut enseigner ; ensuite il enseigne. »
Permettez-moi de rappeler comment les choses se sont passées voilà environ un an et demi. Vous n’étiez pas encore installé rue de Grenelle – il était huit heures du matin et la passation des pouvoirs devait se dérouler à dix heures – quand vous avez annoncé cette réforme des rythmes scolaires,…
M. Jean-François Husson. Oui !
M. Jean-Claude Lenoir. … si tôt que le Premier ministre vous l’a reproché. Mais peut-être réveillé-je des souvenirs douloureux…
Mme Dominique Gillot. Vous êtes vraiment dans la polémique !
M. Jean-Claude Lenoir. Et, aujourd'hui, vous venez nous dire que cette réforme a fait l’objet d’une concertation ! C’est une jolie plaisanterie !
Mme Françoise Cartron. Et M. Chatel ?
M. Jean-Claude Lenoir. Deuxièmement, à l’instar d’autres parlementaires aujourd'hui dans l’opposition, je n’étais pas favorable au passage à la semaine des quatre jours. Je trouvais que c’était une erreur. À l’époque, nous avons été un certain nombre à le dire, mais nous n’avons pas été écoutés.
Cela dit, monsieur le ministre, dois-je rappeler que les quatre jours et demi étaient alors payés par l’État ?
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. David Assouline. Et alors ?
M. Jean-Claude Lenoir. C’est l’éducation nationale qui assumait pleinement la charge de ces quatre jours et demi !
Or, aujourd'hui, vous nous expliquez que cette réforme est excellente. Certes, elle l’est pour les finances de l’État, lequel continuera de supporter quatre jours et mettra la demi-journée supplémentaire à la charge des collectivités ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Françoise Cartron. Mais non !
M. David Assouline. N’importe quoi ! Travaillez vos dossiers !
Mme Catherine Troendlé. M. Lenoir a raison !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, vous avez même été jusqu’à avancer, ce qui est particulièrement choquant, que les maires pouvaient abandonner les enfants dès trois heures et demie s’ils le voulaient ! Pensez-vous qu’il existe des maires suffisamment irresponsables pour prendre une telle initiative ?
M. Jacques Chiron. Et qu’ont-ils fait quand le mercredi matin a été supprimé ?
M. Jean-Claude Lenoir. Troisièmement, monsieur le ministre, je dois quand même vous rappeler que, dans le monde rural, où nous avons pleinement conscience de nos responsabilités et les assumons complètement, nous rencontrons les plus grandes difficultés pour trouver des animateurs (Non ! sur les travées du groupe socialiste. ) susceptibles de s’occuper des élèves par séquence de quarante, quarante-cinq ou cinquante minutes, de surcroît à un moment de la journée qui n’est pas forcément le plus facile pour ces animateurs !
Monsieur le ministre, tout cela conduit aujourd'hui à une grande colère chez les maires, chez beaucoup d’enseignants et chez beaucoup de parents.
Lorsque vous êtes arrivé rue de Grenelle, vous aviez annoncé que la réforme des rythmes scolaires ferait l’objet d’une loi. Finalement, c’est par décret, et donc par une décision purement administrative, que vous avez procédé à cette réforme, sans porter aucune considération à ce que nous pouvions connaître, ressentir et apporter. C’est dommage car, sur une telle réforme, vous auriez pu compter sur le concours de beaucoup d’entre nous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)