Mme Maryvonne Blondin. Exact !
Mme Françoise Laborde. Ils regrettent notamment une absence d’évaluation de la réforme, alors qu’un comité de suivi a été installé.
À ce titre, comment pourrait-on évaluer prématurément ce qui n’a été mis en place que partiellement ? Il faut attendre l’année scolaire 2014-2015 pour voir tous les élèves passer aux rythmes scolaires indiqués. Toutefois, d’ores et déjà, 83 % des communes qui appliquent la réforme seraient satisfaites.
Ainsi, nous ne pourrions approuver que les remarques qui se réfèrent à l’absence de pérennisation du financement, pérennisation dont dépend la faisabilité de la réforme sur le long terme, notamment pour les communes rurales.
Mes chers collègues, la proposition de loi que vous soumettez à notre examen aujourd’hui ne permet pas de répondre à ce problème, ni d’assurer la réussite et l’épanouissement des élèves.
Le Gouvernement a donné de nouvelles orientations pour réformer l’école. Il y consacre un effort budgétaire important, avec une préoccupation centrale : que l’enfant demeure au centre du système éducatif.
Ainsi, nous croyons que notre pays dispose de la capacité d’adaptation nécessaire pour améliorer les performances des élèves, réduire les inégalités sociales et les fractures territoriales.
À l’exception de quelques réticences ponctuelles et minoritaires, les communes savent faire preuve de volonté lorsque le changement va dans le bon sens. Tel est le cas de cette réforme des rythmes scolaires, qui n’est que l’un des piliers d’une vaste refondation, qui doit poursuivre son cours.
Par conséquent, le RDSE n’apportera pas son soutien à un texte d’affichage qui, au lieu de proposer une solution, engendrerait de nouveaux désordres et porterait ainsi préjudice à l’école et aux enfants de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Claude Gaudin au nom du groupe UMP vise à donner aux maires la compétence d’organiser le temps scolaire des écoles élémentaires situées sur le territoire de leurs communes.
Avant d’en venir au sujet de la réforme des rythmes scolaires à proprement parler, permettez-moi de m’arrêter un moment sur une interrogation préalable d’ordre juridique, mes chers collègues.
Selon le code de l’éducation, « l’éducation est un service public national dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’État », conformément aux principes affirmés par le préambule de la Constitution, qui déclare que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
Convenons ensemble que cette proposition de loi, en disposant que le temps scolaire ne relèverait plus de l’éducation nationale, s’inscrit dans une logique tout autre. Sous couvert « d’assouplissement législatif », c’est d’une sérieuse dérogation au caractère national du service public de l’éducation qu’il s’agit. Il est légitime d’en débattre dans notre hémicycle, mais comprenez aussi que cette orientation puisse interpeller les parlementaires que nous sommes.
L’école de la République, c’est d’abord offrir à chaque citoyen la même qualité d’enseignement, sans distinction sociale ou géographique, dans un souci d’égalité des droits. Proposer un règlement à la carte, c’est fragiliser un service public essentiel et prendre le risque d’une école à plusieurs vitesses.
Il n’est pas question ici de nier le rôle des communes et de leurs maires dans l’éducation. Leurs prérogatives et leurs responsabilités sont d’ailleurs reconnues dans le code de l’éducation en ce qui concerne les heures d’entrée et de sortie des élèves, la charge des écoles publiques ou l’organisation des modalités d’accueil pendant le temps périscolaire.
L’article 2 du décret du 24 janvier 2013 précise d’ailleurs que les maires sont consultés par le directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, pour l’organisation de la semaine scolaire de chaque école du département dont il a la charge.
Plus important encore, le nouvel outil que constituent les projets éducatifs de territoire, adoptés dans le cadre de la loi de refondation de l’école du 9 juillet 2013, ouvre la possibilité aux maires, en lien avec les équipes pédagogiques, les associations et les parents, de co-élaborer les politiques éducatives au plus près des territoires et dans l’intérêt des enfants. Ils peuvent notamment définir ensemble le rythme le plus approprié pour mener les activités choisies et adaptées à chaque école. Les maires ont donc une certaine latitude pour administrer leurs territoires dans le champ éducatif.
Ce cadre réglementaire national nous paraît compatible avec un minimum de souplesse de mise en œuvre au niveau local. Cet élément est important, car c’est au plus près des spécificités territoriales que nous construirons l’école de demain, ouverte aux innovations et à la diversité des parcours.
Plus généralement, le groupe écologiste considère que le retour à la semaine de quatre jours et demi constitue une avancée positive pour faire reculer l’échec scolaire et améliorer le bien-être des enfants.
Depuis septembre 2013, quelque 1,3 million d’élèves, soit 22 % des effectifs, bénéficient désormais de la nouvelle organisation du temps scolaire. Nous ne nions pas les difficultés qui peuvent se faire jour : journée supplémentaire de ramassage scolaire, difficulté de trouver un personnel qualifié, notamment dans certaines zones rurales, définition délicate des activités adaptées dans des classes multi-niveaux.
Néanmoins, dans ce cas, prenons le temps d’évaluer les résultats de cette première tranche pour définir les ajustements nécessaires, en écoutant les retours de l’ensemble de la communauté éducative. Cette évaluation partagée sera déterminante pour réussir une réforme juste, qui permette de faire réellement reculer les inégalités.
L’inégalité des territoires et l’inégalité des citoyens face au service public sont des sujets sérieux, qui ne doivent pas être bradés. Cela suppose que nous soyons à l’écoute des difficultés financières de certaines communes, que nous soyons vigilants sur la pérennisation des fonds d’amorçage et offensifs sur les possibilités de péréquation.
Votre texte, chers collègues de l’opposition, manque à la fois de cohérence et d’ambition. Il est aussi précipité, alors qu’une mission commune d’information a été mise en place, à votre demande, et qu’elle doit permettre au Sénat de définir, sur la base des expériences des municipalités, des experts, du corps enseignant et des parents d’élèves, les améliorations nécessaires.
Le calendrier rapide choisi par le groupe UMP pour présenter cette proposition de loi court-circuite ce travail en cours de la mission commune d’information. Nous regrettons vivement ce télescopage.
Mme Françoise Cartron. Oui, qu’on nous laisse travailler !
M. André Gattolin. Si l’opposition voulait être véritablement constructive, pourquoi n’a-t-elle pas attendu le bilan de cette mission commune qu’elle a lancée ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Parce que nous sommes pressés !
M. Jean-François Husson. Parce que les maires le demandent !
Mme Sophie Primas. À la fin du mois d’avril prochain, tout doit être bouclé !
M. André Gattolin. Nous pourrions ainsi jeter les bases d’une réflexion beaucoup plus ambitieuse en repensant, comme le groupe écologiste le souhaite, l’ensemble des rythmes, non seulement sur la journée et la semaine, mais également sur l’année et sur les cycles scolaires.
Nous sommes le seul pays en Europe à avoir des programmes aussi denses et huit semaines de vacances l’été ! Cette situation s’explique par des raisons aussi bien politiques que socio-économiques, qui ont été très bien remises en perspective par M. Fotinos, ancien inspecteur général de l’éducation nationale, à l’occasion d’une audition que nous avons organisée la semaine passée dans le cadre de nos travaux de commission.
Mes chers collègues, l’école est un bien commun, qui mérite que nous rassemblions nos énergies et notre volonté au service de la réussite et du bien-être de nos enfants, mais aussi des bonnes conditions de travail des enseignants.
Mmes Sophie Primas et Catherine Troendlé. Nous sommes d’accord !
M. André Gattolin. Encore une fois, il s'agit non pas de nier la légitimité du Sénat à légiférer sur ces questions importantes, mais de remettre l’intérêt général au cœur des débats.
Le groupe écologiste votera donc contre cette proposition de loi, dans l’attente des résultats de nos travaux et des évaluations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de nombreux mois, la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, imposée par décret, est l’une des grandes préoccupations des élus locaux, des parents et des enseignants.
Personne ne nie la pertinence d’une réflexion sur le temps de l’enfant et de nécessaires aménagements, mais ce sont la méthode et la traduction concrète de cette réforme, dans ses modalités pratiques et financières, qui heurtent.
Tout d’abord, il n’est pas démontré que l’enfant s’y retrouve en termes de fatigue ou de qualité d’apprentissage. Surtout, sont en train de s’installer des inégalités criantes entre, grosso modo, les écoles dont les communes ont les moyens logistiques, humains et financiers et celles qui ne les ont pas, entre les écoles des villes et les écoles des campagnes. Des questions lourdes se posent en termes de responsabilité, d’encadrement, de contenu des activités et de coûts induits pour les familles.
Depuis des mois, pas une semaine ne passe sans que nous soyons interpellés par les élus de nos départements sur ce sujet.
Depuis des mois, nous nous efforçons d’alerter les services décentralisés de l’État, monsieur le ministre, mais ils ne prennent même pas la peine de nous répondre. J’ai pour ma part écrit deux fois au préfet de ma région, en vain.
Depuis des mois, nous tentons de vous alerter, monsieur le ministre, mais vous ne jugez pas nécessaire de nous écouter. En Seine-Maritime, ce sont seulement 77 communes sur 589 disposant d’une école qui ont accepté de se lancer en 2013.
Le 16 novembre dernier, une vaste majorité de maires ont profité de leur dernière assemblée générale pour interpeller le recteur sur des problèmes très concrets. Alors qu’ils posaient la question des moyens nécessaires pour mettre en œuvre les activités périscolaires, car les maires ont des ambitions élevées, on leur a répondu – je ne plaisante pas – « d’organiser, par exemple, des activités de pêche à la ligne » !
M. André Reichardt. Une activité hautement pédagogique ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Chiron. C’est une école de la patience !
Mme Catherine Morin-Desailly. C’est dire la grande improvisation, le défaut de concertation et d’évaluation préalables qui ont présidé au lancement des opérations.
Là où la réforme fonctionne, je le note, c’est là où, depuis des années, un immense travail préalable a été effectué dans le cadre de l’aménagement du temps de l’enfant, qu’il soit scolaire, périscolaire ou postscolaire, avec de vraies activités culturelles et sportives, ainsi que des personnels formés et dédiés. On trouve, il est vrai, quelques exemples de cette nature.
C’est la raison pour laquelle, lors des débats sur la loi de refondation de l’école, nous avions, ma collègue Françoise Férat et moi-même, évoqué, puisque le coup était parti, un temps nécessaire d’expérimentation, d’observation et d’ajustement avant toute généralisation.
M. Bruno Retailleau. Cela aurait été la sagesse.
Mme Catherine Morin-Desailly. Aujourd’hui, c’est le souhait, très largement partagé, de nombreux élus locaux dans mon département, qui ont cosigné une motion en ce sens, adressée au préfet.
C’est le cas aussi dans le département voisin de l’Eure, représenté ici par mon collègue Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je dispose d’une liste très importante d’élus locaux ayant signé ce texte afin de vous sensibiliser à la problématique qui est la leur.
Pourquoi, dans ce cadre-là, ne pas accorder le choix aux communes ou aux groupements scolaires de s’organiser progressivement ? Pourquoi ne pas leur laisser la latitude de choisir le samedi ou le mercredi pour le retour de la semaine de quatre jours et demi ? Au contraire, en faisant preuve d’une totale absence de bon sens, on n’attend même pas d’avoir tiré la leçon de la première année scolaire 2013-2014 !
Vous allez répliquer, monsieur le ministre, qu’il y a urgence, et évoquer encore une fois les résultats de l’enquête PISA. Toutefois, ce n’est pas une réponse. Les causes de l’échec sont sans nul doute plus subtiles et plus graves que la seule question des rythmes.
Mme Catherine Morin-Desailly. C’est justement parce que l’enjeu est très important qu’il ne faut pas traiter l’enfant comme un cobaye et qu’il convient de garantir les conditions de la réussite d’une réforme des rythmes scolaires pour tous, qui ne se résume pas à l’organisation d’un goûter scolaire, comme c’est le cas dans ma ville, à Rouen.
Parmi ces conditions, reste un point qu’il faudra régler, je veux parler de la question financière. En effet, cette réforme aura un coût très important pour les communes, dans un contexte où non seulement les dotations diminuent, mais où le Président de la République annonce que les collectivités devront dépenser moins. De qui se moque-t-on ?
J’ajouterai, monsieur le ministre, que le report de la réforme de la carte scolaire contribue également à aggraver les difficultés pour la future rentrée scolaire. « Étant donné la capacité financière de nos communes, cette réforme engendre l’inégalité devant l’éducation des enfants et ce seront de nouvelles inégalités territoriales qui vont se creuser. »
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
Mme Catherine Morin-Desailly. « L’impact trop important de cette réforme sur les finances communales à court, moyen et long terme est incompatible avec les directives du Gouvernement demandant aux communes de baisser leurs dépenses publiques. »
C’est par cet extrait de la toute dernière lettre qui m’a été adressée, il y a à peine quinze jours, par la commune d’Auzouville-sur-Ry que je souhaitais conclure mon intervention, pour vous alerter une nouvelle fois, monsieur le ministre, sur la nécessité de prendre en considération les remarques d’élus qui ne cherchent que le bien-être des enfants et la réussite de l’école. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, poser la question des rythmes scolaires, c’est s’interroger sur les visées que l’on souhaite donner à l’école, c’est questionner l’origine et les mécanismes de l’échec scolaire, pour que l’organisation du temps d’enseignement puisse contribuer à l’objectif si indispensable de démocratisation scolaire.
Question pertinente donc que celle des rythmes, mais qui n’a de sens que si elle s’inscrit dans une réflexion plus globale sur le rôle de l’école.
Cette école doit, selon nous, être fondée sur le principe que tous les élèves sont capables d’apprendre et de réussir. La réforme des rythmes n’a donc de sens que si elle s’inscrit dans cet objectif.
Il est nécessaire de fonder l’école sur le modèle de l’enfant qui n’a que l’école pour apprendre, ce qui doit s’accompagner d’une réforme ambitieuse de la formation initiale et continue des enseignants, permettant à ces derniers d’appréhender la lutte contre l’échec scolaire et d’œuvrer en faveur de la réussite des élèves.
Si un large consensus existait pour revenir sur la semaine de quatre jours imposée sans concertation par le précédent gouvernement, la réforme des rythmes scolaires, telle qu’elle a été mise en place, a souffert d’une approche trop partielle, paraissant déconnectée de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
La question des rythmes scolaires soulève donc des interrogations et des inquiétudes. Cependant, la proposition de loi déposée par nos collègues de l’UMP semble davantage relever de l’opportunisme, à la veille d’échéances électorales, que d’une réelle volonté d’apporter des solutions. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Troendlé. C’est petit et mesquin !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est pourtant la triste réalité, chère collègue !
Malgré les interrogations qui sont les nôtres à l’égard de la réforme des rythmes scolaires, la proposition de loi que nous examinons ce soir est loin de recueillir notre assentiment. En réalité, elle n’aborde pas le sujet des rythmes scolaires, mais elle évoque la question de la liberté de choix des maires. Elle entend inscrire dans le code de l’éducation le libre choix des maires en ce qui concerne l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et primaires.
Cette proposition de loi vise à ériger l’inégalité en principe et porte atteinte au caractère national de l’éducation, ignorant que le code de l’éducation et le décret l’accompagnant accordent des marges de manœuvre aux maires, qui peuvent, dans une certaine mesure, tenir compte des réalités locales.
Si la concertation avec les communes chargées de mettre en œuvre la réforme est évidemment nécessaire, ce que la droite a su oublier lorsqu’elle a mis en place la semaine de quatre jours, les grands préceptes régissant l’organisation du temps scolaire doivent relever de la responsabilité de l’État, au nom du principe d’égalité et d’unicité du territoire.
Un élève doit disposer du même temps d’apprentissage des savoirs dispensés par l’éducation nationale partout en France, quel que soit son lieu de résidence.
Nous dénonçons donc avec vigueur cette proposition de loi dangereuse qui, loin d’apporter des solutions, porte en elle les nouveaux germes d’une déstabilisation de l’éducation nationale.
Pour autant, si la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la réforme des rythmes ou de l’éducation prioritaire ont identifié des problèmes et ouvert des chantiers, nous ne sommes pas quittes des réformes à mettre en œuvre pour construire un service public qui relance la démocratisation scolaire.
La seule modification du temps scolaire ne suffit pas à l’élaboration d’une pédagogie déconstruisant l’échec scolaire et conduisant chaque élève au plus haut niveau de connaissance.
Dès lors, on peut comprendre les inquiétudes et les incompréhensions que provoque cette réforme aux écueils multiples. Ces écueils, rencontrés dans la mise en œuvre, sont bien connus : le financement, qui a été précédemment évoqué par d’autres intervenants ; la place et le rôle du temps périscolaire, ainsi que sa complémentarité avec le temps scolaire ; le recrutement des intervenants, leur statut et leur formation ; les locaux susceptibles d’accueillir les nouvelles activités, etc.
Sur le plan financier, l’État ne compense qu’une partie des coûts supportés par les collectivités, grâce à un fonds d’amorçage. Non seulement le faible montant de ce dernier ne permet pas de compenser la totalité des frais de mise en œuvre, mais, de surcroît, il n’est, par définition, pas pérenne. Ce qui fait reposer, in fine, le financement de cette réforme sur les communes, lesquelles connaissent une forte et durable dégradation de leurs dotations budgétaires.
En transférant aux communes la charge de la mise en œuvre de la réforme sans compensation des coûts, l’État entérine une inégalité de traitement face au temps scolaire et périscolaire. Cet état de fait ne pourra que renforcer la fracture sociale et mettre en péril la réussite d’une réforme égalitaire des rythmes.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On l’a vu, l’attention s’est principalement focalisée sur l’aspect financier de cette nouvelle organisation, faisant perdre de vue le véritable enjeu du débat, à savoir la visée éducative. Ajoutée à une insuffisante concertation avec les enseignants, les parents, les collectivités, et à des délais de mise en œuvre courts, cette réforme pourrait créer une nouvelle onde de déstabilisation de l’école.
En conclusion, nous voterons contre cette proposition de loi qui ne résout rien ; elle aggraverait même les inégalités que la réforme des rythmes risque d’alimenter.
Nous profitons néanmoins de l’occasion qui nous est offerte ici pour demander la réouverture d’un débat afin d’analyser les mécanismes de la difficulté et de l’échec scolaires. Il convient de penser une école et un système public faisant refluer les inégalités scolaires et émerger une culture d’accès aux savoirs, à l’éducation et aux loisirs pour tous. Je forme le vœu que la mission d’information qui est créée réponde pleinement à cette ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, dans tous les pays d’Europe, l’éducation et la formation sont des objectifs prioritaires des politiques éducatives, non seulement pour élever la performance économique nationale, mais aussi pour assurer la cohésion sociale, sans laquelle rien n’est possible.
La situation médiocre de la France au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et les inégalités scolaires dans le paysage européen, ainsi que le révèle le programme international PISA, méritent réflexion.
La France possède l’année scolaire la plus courte d’Europe, alors que son volume horaire annuel la place au-dessus des autres pays européens. Là où certains pays permettent à 15 % d’une classe d’âge d’accéder au meilleur niveau scolaire, la France se contente d’y conduire à peine 5 % de ses élèves. Chaque année, 150 000 élèves sortent de notre système scolaire sans diplôme ni formation.
Avec un tel handicap, notre pays doit redoubler d’efforts et mener des politiques ambitieuses en vue de se hisser à la hauteur des objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne pour bâtir une économie et une société de la connaissance.
Même si la réforme des rythmes scolaires est loin de permettre à notre pays de renouer avec la réussite scolaire, cette question constitue un véritable débat de société depuis de nombreuses années.
Les rythmes scolaires retentissent sur la vie des familles et, par voie de conséquence, sur celle des communes. Leur modification constitue un bouleversement difficile à appréhender sans provoquer les foudres ou les crispations des chronobiologistes, de la communauté éducative, des fédérations de parents d’élèves, des collectivités locales, sans oublier certains acteurs économiques, en particulier ceux du tourisme.
Dans mon département de Seine-et-Marne, sur 514 communes, 33 seulement ont appliqué la réforme dès la rentrée 2013, soit 7,3 % des communes, 15,7 % des écoles et 19,22 % des élèves.
Mme Françoise Cartron. Ils seront bientôt 100 % !
Mme Colette Mélot. Ces nouveaux rythmes, qui concernent 20 % des élèves, ont été mal préparés, dans la précipitation. Tout cela s’est fait au détriment de l’intérêt et du bien-être des enfants, bien souvent sans les enseignants et les parents.
Cependant, cette réforme a le mérite de susciter un débat, notamment auprès des maires, qui sont nombreux à s’interroger sur la question de son financement et de son impact sur les budgets des collectivités locales.
Aujourd’hui, les collectivités concernées sont en effet dans des situations inégales, ce que vous n’ignorez pas, monsieur le ministre. Le fonds d’amorçage destiné aux collectivités ne couvre pas toutes les dépenses, puisque le coût réel de la réforme est estimé à environ 150 euros par élève.
Ce constat ne fait qu’attiser l’inquiétude des élus locaux, dans la perspective de la prochaine rentrée, à l’occasion de laquelle 100 % des établissements devront passer aux nouveaux rythmes.
Sauf à faire payer les parents ou à augmenter les impôts locaux, les communes rencontreront beaucoup de difficultés pour financer cette mesure, à moins, comme le prévoit la proposition de loi que nous défendons, que l’État ne compense intégralement les charges supportées à ce titre par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, notamment grâce à une majoration de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
Qu’il me soit permis de donner un exemple concret. Dans la commune où je suis élue, Melun, qui compte vingt-six écoles et plus de 4 000 élèves, nous avons préféré la concertation à la précipitation. Nous n’avons donc pas fait le choix d’appliquer les nouveaux rythmes scolaires pour la rentrée de 2013.
Dans le cadre de cette concertation, nous avons interrogé les enseignants et les parents d’élèves : une très grande majorité s’est alors dégagée en faveur d’une demi-journée supplémentaire, le mercredi matin. Les services municipaux – services culturels, services des sports, centres de loisirs – ont travaillé pour faire des propositions.
Très vite, il est apparu que les activités ne pouvaient pas s’organiser sur des créneaux de quarante-cinq minutes, surtout lorsqu’il fallait déplacer les enfants vers des équipements spécifiques. Le directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, ayant refusé que les activités périscolaires se déroulent sur une demi-journée,…
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. C’est la loi !
Mme Colette Mélot. … la décision a été prise de disposer de créneaux d’une heure et demie.
La question de la gratuité s’est ensuite posée. Or si nous voulons que tous les enfants puissent bénéficier d’une sensibilisation à la culture – musique, arts plastiques, archéologie, etc. – et d’une initiation à des pratiques sportives, il n’est pas envisageable, selon moi, de demander une participation financière aux parents.
Si l’école publique est gratuite, toutes les activités qu’elle propose doivent l’être également. Les nouveaux rythmes scolaires pourront donc être mis en place à la rentrée 2014, mais à quel prix pour les collectivités et pour quel profit en ce qui concerne les élèves ?
Sans liberté pour les communes et faute d’une aide financière importante de la part de l’État, les journées seront toujours aussi longues et les activités proposées seront très inégales au regard de la qualité. Certains maires ruraux, faute de trouver une solution satisfaisante, proposeront une légère modification des horaires, avec un allongement du temps de garderie. Quel en sera le bénéfice pour les enfants ?
Les inégalités risquent alors de s’accroître entre les communes urbaines, qui ont davantage de moyens, notamment sur le plan humain, et les communes rurales,…